La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/06/2022 | FRANCE | N°19/02047

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 2ème chambre civile, 30 juin 2022, 19/02047


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------







ARRÊT DU : 30 JUIN 2022







F N° RG 19/02047 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-K66I









Madame [V] [P]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/008164 du 02/05/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)





c/



Monsieur [N] [U]

SARL PLANTIFLOR EXERCANT SOUS L'ENSEIGNE COMMERCIALE BA KKER FRANCE



























Nature de la décision : AU FOND



















Grosse délivrée le :



aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 21 mars 2019 (R.G. 16/06070) par le Tribunal de Grande Ins...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 30 JUIN 2022

F N° RG 19/02047 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-K66I

Madame [V] [P]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/008164 du 02/05/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)

c/

Monsieur [N] [U]

SARL PLANTIFLOR EXERCANT SOUS L'ENSEIGNE COMMERCIALE BA KKER FRANCE

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 21 mars 2019 (R.G. 16/06070) par le Tribunal de Grande Instance de Bordeaux suivant déclaration d'appel du 11 avril 2019

APPELANTE :

[V] [P]

née le 05 Novembre 1960 à [Localité 3]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 2] / FRANCE

Représentée par Me Bérengère PAGEOT de la SARL ATHENAIS ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉS :

[N] [U] Es qualité de « Mandataire liquidateur » de la « SARL PLANTIFLOR »

de nationalité Française

Mandataire liquidateur, demeurant [Adresse 1]/FRANCE

SARL PLANTIFLOR EXERCANT SOUS L'ENSEIGNE COMMERCIALE BA KKER FRANCE Société placée en liquidation judiciaire par jugement du 3 avril 2018 du Tribunal de commerce de Lille

[Adresse 4]/France

non représentés mais régulièrement assignés

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 16 mai 2022 en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Paule POIREL, Président,

Madame Catherine LEQUES, Conseiller,

Madame Isabelle LOUWERSE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Annie BLAZEVIC

ARRÊT :

- par défaut

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

Par acte du 30 mai 2016, Mme [V] [P] a fait assigner la Sarl Plantiflor exerçant sous l'enseigne Bakker France, spécialisée dans la vente par correspondance, devant le tribunal de grande instance de Bordeaux aux fins de la voir principalement condamner au paiement de la somme de 50 699 euros à titre de dommages et intérêts correspondant au gain qu'elle estimait promis par courrier du 12 septembre 2014 l'informant qu'elle était la gagnante de 12 chèques de 4 166,67 euros et d'un robot ménager d'une valeur de 699 euros.

Par ordonnance du 11 avril 2017, le juge de la mise en état a rejeté l'exception d'incompétence territoriale soulevée par la Sarl Plantiflor.

Celle-ci ayant été placée en liquidation judiciaire par le jugement du tribunal de commerce de Lille du 3 avril 2018, Mme [P] a appelé en intervention forcée Maître [N] [U], en sa qualité de liquidateur de la Sarl Plantiflor, par acte du 18 avril 2018.

Les dossiers ont été joints le 27 juin 2018.

Mme [P] a déclaré sa créance par courrier du 13 avril 2018.

Par jugement rendu le 21 mars 2019, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :

- fixé à la somme de 14 euros la créance de Mme [P] à l'égard de la Sarl Plantiflor, prise en la personne de son liquidateur Maître [U],

- débouté les parties pour le surplus,

-ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure collective de la Sarl Plantiflor,

- dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision.

Par déclaration en date du 11 avril 2019, Mme [P] a relevé appel de l'ensemble du jugement sauf en ce qu'il a dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la décision.

Par acte remis le 9 juillet 2019, Mme [P] a assigné devant la cour d'appel de Bordeaux Me [U] ès qualité de liquidateur judiciaire et lui a signifié ses conclusions et ses pièces.

Par courrier transmis au greffe le 31 mars 2021, Me [U] a indiqué qu'il ne serait pas représenté dans le cadre de la procédure devant la cour d'appel.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 4 juillet 2019, Mme [P] demande à la cour, au visa des articles 1101, 1103, 1134, 1142, 1247, 1371, 1382 du code civil, et 122-11-1 du code de la consommation, de :

A titre principal,

- la dire et juger recevable et bien fondée,

-réformer le jugement dont appel,

Statuant à nouveau,

- dire et juger que la Sarl Plantiflor a manqué à ses obligations contractuelles,

- condamner la Sarl Plantiflor exerçant sous l'enseigne commerciale Bakker France à lui verser la somme de 50 000 euros à titre de dommage et intérêts correspondant au gain promis outre la somme de 699 euros correspondant au robot ménagé promis,

- dire et juger que ces sommes porteront intérêt au taux légal depuis la lettre de mise en demeure du 25 septembre 2015,

A titre subsidiaire

- la dire et juger recevable et bien fondée,

- réformer le jugement dont appel,

Statuant à nouveau,

- dire et juger que la Sarl Plantiflor exerçant sous l'enseigne Bakker France a manqué à ses obligations,

- condamner la Sarl Plantiflor exerçant sous l'enseigne commerciale Bakker France à lui verser la somme de 50 000 euros à titre de dommage et intérêts correspondant au gain promis outre la somme de 699 euros correspondant au robot ménagé promis,

- dire et juger que ces sommes porteront intérêt au taux légal depuis la lettre de mise en demeure du 25 septembre 2015,

A titre infiniment subsidiaire

-la dire et juger recevable et bien fondée,

-réformer le jugement dont appel,

Statuant à nouveau,

- dire et juger que la Sarl Plantiflor exerçant sous l'enseigne commerciale Bakker France a commis une faute délictuelle à son encontre en ce qu'elle lui a fait croire à une espérance de gain.

- condamner la Sarl Plantiflor exerçant sous l'enseigne Bakker France à lui verserla somme de 50 699 euros à titre de dommage et intérêts en réparation du préjudice moral,

- dire et juger que ces sommes porteront intérêt au taux légal depuis la lettre de mise en demeure du 25 septembre 2015,

En tout état de cause,

- condamner la Sarl Plantiflor exerçant sous l'enseigne commerciale Bakker France au paiement de la somme de 3 500euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 directement entre les mains de Me [G] [L], si elle renonce à se prévaloir de l'aide juridictionnelle

- condamner la Sarl Plantiflor exerçant sous l'enseigne Bakker France au paiement des entiers frais et dépens

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 mai 2022.

Pour une plus ample connaissance du litige et des prétentions et moyens des parties, il est fait expressément référence aux dernières conclusions et pièces régulièrement communiquées par les parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION.

A titre liminaire, il sera rappelé qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour n'est tenue de statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Par ailleurs, de même que l'a fait le tribunal, il sera précisé à titre liminaire que la Sarl Plantiflor ayant été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Lille du 3 avril 2018, Mme [P] ayant appelé en la cause le liquidateur et déclaré sa créance par courrier du 13 avril 2018, l'instance ne peut tendre, par application de l'article L.622-22 du code de commerce, qu'à la fixation de la créance de Mme [P] et non au prononcé de condamnations à l'encontre de la Sarl Plantiflor.

Sur les demandes de Mme [P].

Le tribunal a considéré, s'agissant de la loterie relative à l'envoi de chèques, que la simple lecture normalement attentive de l'ensemb1e des documents adressés à Mme [P], et non des seuls gros caractères y figurant, ne pouvaient que la convaincre qu'ils n'annonçaient pas un gain certain de la somme de 50 000 euros mais ménageaient l'existence d'un aléa lié au tirage au sort du gagnant du premier prix d'une valeur totale de 50 000 euros parmi l'ensemble des gagnants du jeu qui, sous réserve de leur participation, pourront obtenir un lot constitué de chèques d'un montant total minimum de 4 euros et maximum de 50 000 euros et que la Sarl Plantiflor devait exécuter son engagement en délivrant à Mme [P] le lot qu'elle lui avait finalement attribué d'un montant de 4 euros et a fixé à ce montant la créance de Mme [P] au passif de la Sarl Plantiflor.

S'agissant de l'attribution d'un appareil ménager multifonctions d'une valeur de 699 euros, le tribunal a de même jugé que la lecture intégrale et normalement attentive de l'ensemble des documents faisait apparaître sans aucune ambiguïté que, si l'attribution d'un tel appareil est acquise à chaque participant, seul le plus fidèle le client se verra octroyer un robot d'une valeur de 699 euros, les trois suivants étant également assurés de la livraison gratuite d'appareils précisément décrits au règlement, les autres participants ne pouvant prétendre qu'à une mandoline ménagère multifonctions d'une valeur de 10 euros, n'admettant ainsi pas l'existence d'un aléa et condamnant la société Plantiflor à délivrer à Mme [P] le lot qui lui a été attribué à savoir une mandoline ménagère d'une valeur de 10 euros, sous la forme d'une fixation de créance de ce montant.

Mme [P] invoque en premier lieu le manquement à l'obligation contractuelle de délivrance d'une somme d'argent ainsi que du robot ménager faisant valoir que le courrier adressé ne laissait place à aucun aléa et constituait un engagement unilatéral de la société Plantiflor, demandant la réformation du jugement et la condamnation de la société Plantiflor à lui délivrer le robot ménager d'une valeur de 699 euros et la somme d'argent de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts.

A titre subsidiaire, elle soulève l'inexécution du quasi-contrat et à titre encore plus subsidiaire se prévaut de la faute délictuelle de la Sarl Plantiflor à son encontre en ce qu'elle lui a fait croire à la délivrance d'un gain.

En application de l'article 1371 du code civil dans sa rédaction applicable à la présente espèce selon lequel 'Les quasi-contrats sont les faits purement volontaires de l'homme, dont il résulte un engagement quelconque envers un tiers, et quelquefois un engagement réciproque des deux parties', l'organisateur d'un jeu publicitaire qui annonce un gain à personne dénommée sans mettre en évidence, à première lecture, l'existence d'un aléa, s'oblige par ce fait purement volontaire, à le délivrer.

C'est à juste titre que le tribunal a jugé qu'un contrat n'avait pu se former entre les parties par la seule acceptation par Mme [P] de la proposition d'un gain et le renvoi du bon signé ainsi que celle-ci le soutient et que les événements organisés par la Sarl Plantiflor relatifs, l'un à l'envoi de chèques bancaires, le second à la livraison d'un appareil ménager devaient être qualifiés en application de l'article 1371 du code civil dans sa rédaction applicable à la présente espèce, de quasi-contrat, entraînant pour l'annonceur l'engagement de délivrer le gain si les conditions liés à l'aléa ne sont pas remplies. Il convient en conséquence de rechercher si, à la lecture de l'ensemble des documents adressés par la Sarl Plantiflor, Mme [P] pouvait avoir conscience de l'aléa lié, pour le premier à1'existence d'un tirage au sort, pour le second à la qualité de plus fidèle client.

Selon la jurisprudence établie à cet égard, l'aléa doit être clairement mis en évidence, à première lecture et dès l'annonce du gain faute de quoi l'organisateur d'un jeu publicitaire s'engage par ce fait purement volontaire, à le délivrer. Le tribunal ne peut être suivi en ce qu'il a jugé que le consommateur devait avoir conscience par une lecture normalement diligente et attentive de l'ensemble des documents adressés et non des seuls gros caractères y figurant, de l'existence d'un aléa, ce qui implique de lire l'intégralité des documents envoyés par l'organisateur du jeu publicitaire alors que la jurisprudence établie à cet égard exige que l'aléa soit décelable dès la première lecture et dès l'annonce du gain (Civ.1ère,6février 2013, n° 12-10.251) ce qu'il a d'ailleurs également relevé.

Il convient donc d'examiner pour chaque opération proposée par la Sarl Plantiflor à Mme [P] si celle-ci a pu avoir conscience de l'existence d'un aléa à la première lecture et dès l'annonce du gain.

- l'opération relative à l'envoi de chèques bancaires.

Il s'agit d'une opération consistant dans l'envoi par la Sarl Plantiflor de 12 chèques de 4166,67 € au cours d'une année.

Le tribunal aux termes d'une analyse très minutieuse du contenu des documents envoyés à Mme [P], a retenu que, dès la lecture de l'enveloppe, le destinataire était informé de manière très apparente et dépourvue d'ambiguïté qu'il était gagnant de chèques dont le montant était variable, la liste exhaustive des chèques figurant dans le règlement à l'intérieur de l'enveloppe, et que le premier prix mis en jeu était d'une valeur totale de 50 000 euros dépendait de l'aléa lié au tirage au sort du gagnant de ce prix.

Mme [P] fait valoir que les documents remis ne faisaient absolument pas apparaître de caractère aléatoire, que la distinction faite entre le statut de gagnant confirmé et celui de grand gagnant n'était pas assurément pas accessible pour le consommateur et que le fait de mettre en évidence qu'un huissier a certifié le nom du gagnant, d'apposer sur le courrier le nom ainsi que le cachet de l'huissier avait pour seul objectif de faire croire au consommateur qu'il est le gagnant et que de surcroît, sur le bordereau de gagnant, il est indiqué que ce dernier est strictement réservé à Mme [P], toutes les conditions étaient donc réunies pour qu'elle soit persuadée d'être l'heureuse bénéficiaire des 12 chèques de 4166.67€ ainsi que du robot ménager.

L'enveloppe adressée à Mme [P] mentionne sur son recto en très gros caractères 'notification avant envoi de' suivie de celle également en caractères gras et de police 16, ' 12 chèques de 4166,67 € pendant 1 an soit un gain total de 50.000 euros' et de la mention suivante 'l'huissier vient de désigner le grand gagnant ce vendredi 8 septembre à 11h48", suivie de la mention 'Madame [P]' et de celle 'répondez sous 7 jours pour recevoir votre 1er chèque dès le mois prochain'. Ces mentions qui sont lues en premier, la mention précédant celle relative à l'envoi des douze chèques et précisant '1er prix mis en jeu' étant en police de taille 8 et ne figurant pas en gras. L'effet mis en évidence par cette présentation est incontestablement de nature à faire croire à première lecture que le prix est de douze chèques de 4166,67 euros et que l'huissier vient de tirer au sort le grand gagnant qui est Mme [P], cette lecture étant renforcée par la mention manuscrite figurant sur l'encadrement du numéro de client de Mme [P] 'unique gagnant ici avisé par courrier scellé'.

L'existence de l'aléa ne ressort donc nullement à la première lecture de l'enveloppe, le courrier se trouvant dans l'enveloppe comportant en caractères gras se distinguant nettement du reste du contenu du courrier les mentions suivantes : '12 chèques de 4166,67 € pendant 1 an soit 50.000 €' suivie de 'vous êtes bien gagnante de chèques bancaires bravo madame [P]', suivie de 'vous recevrez votre premier chèque dès le mois prochain' suivie de 'ces douze chèques de 4166,67 € représentent un total de 50.000 €!' suivie de 'un robot ménager Multifonctions Kenwood gratuit valeur 699,00 euros', ces mentions venant immédiatement aux yeux du lecteur lors de la première lecture annonçant le gain de 12 chèques de 4166,67 euros envoyés sur une année, sans faire apparaître à aucun moment l'existence de l'aléa lié au tirage au sort par voie d'huissier dont il n'est fait état qu'au début du premier paragraphe selon lequel 'je tiens cette information de maître [Z] en personne et c'est donc avec une certitude absolue que je peux vous annoncer : le tirage au sort de notre grand jeu prévoyant notamment la remise de - 12 chèques de 4166,67 € pendant 1 an soit 50.000 € - cette mention étant en caractères gras- a eu lieu le 8 septembre et à l'heure où je vous envoie ce courrier je vous confirme que - vous êtes bien gagnante de chèques bancaires bravo madame [P] - (mention en gros caractères). La mention du tirage au sort et de l'existence de plusieurs prix de différente valeur, apposée en caractères fins est ambigue d'autant plus que le tirage au sort a déjà eu lieu et ne peut que laisser croire à première lecture au lecteur qu'il est bien le gagnant de 12 chèques de 4166,67 € soit la somme de 50.000€.

Le rapport de tirage au sort comporte encore en caractères gras la mention 'vous allez recevoir votre 1er chèque dès le mois prochain madame [P]' avec en bas du document un spécimen du chèque d'un montant de 4166,67 € à l'ordre de Mme [P], précédé de la mention, en caractères très fins selon laquelle 'spécimen du 1er chèque que vous recevrez si vous répondez dans les délais et que vous avez été désigné grand gagnant le 09/09/2014 par huissier de justice'. Cette seule mention qui fait état de l'aléa lié à la désignation du grand gagnant par huissier de justice, outre qu'elle est peu voyante par rapport aux autres mentions annonçant le gain, est ambigue dans la mesure où les mentions figurant sur l'enveloppe sont de nature à laisser croire à Mme [P] qu'elle a d'ors et déjà été désignée comme gagnante des 12 chèques de 4166,67 €.

Enfin, le bordereau de gagnant n'était pas de nature à dissiper l'ambiguïté relative à l'existence de l'aléa, Mme [P] étant indiquée comme gagnante sous la mention '12 chèques de 4166,67 € pendant un an' la mention '1er prix mis en jeu' la précédant étant en très petits caractères et aucune référence n'étant faite à un tirage au sort.

Le tribunal ne peut donc être suivi en ce qu'il a retenu que la participation à un jeu à l'issue duquel seul le grand gagnant se voyait attribuer les 12 chèques de 4166,67 € était explicite en se basant sur les mentions figurant en petits caractères sur les documents envoyés à Mme [P], ainsi que sur le règlement du jeu dans lequel figurait la liste complète des chèques constituant les différents prix pouvant être remis aux gagnants, étant précisé que le règlement du jeu n'est pas produit en cause d'appel mais qu'en tout état de cause, la lecture de ce règlement qui ne correspond pas à la première lecture des documents annonçant le gain que l'on peut attendre d'un consommateur moyen, ne peut être retenue comme de nature à éclairer le lecteur sur l'existence de l'aléa.

La preuve n'est ainsi pas rapportée que le bénéficiaire était informé de l'existence de l'aléa tenant à un tirage au sort dès la première lecture et dès l'annonce du gain en sorte que par application de l'article 1371 ancien du code civil, la Sarl Plantiflor est tenue de délivrer le gain annoncé.

La créance de Mme [P] à la liquation judiciaire de la Sarl Plantiflor sera donc fixée à la somme de 50.000 euros.

- l'opération relative à l'envoi d'un appareil ménager multifonctions gratuit.

Le tribunal a jugé que la lecture intégrale et normalement attentive de l'ensemble des documents relatifs au gain d'un appareil ménager multifonctions gratuit faisait apparaître sans aucune ambiguïté que si l'attribution d'un tel appareil était acquise à chaque participant, seul le plus fidèle client se verrait octroyer un robot d'une valeur de 699 €, l'aléa consistant dans la reconnaissance nécessaire de la qualité de plus fidèle client.

Mme [P] fait valoir qu'elle a rempli son obligation consistant à renvoyer le bon signé portant la vignette relative au cadeau gratuit, le document ne mentionnant à aucun moment un quelconque tirage au sort ou même un simple bon de participation, la Sarl Plantiflor n'ayant pas rempli son obligation puisqu'elle ne lui a pas envoyé le robot en cause. Elle conteste que les documents reçus aient mis en évidence que des lots de valeur différente pouvaient être attribués aux participants, estimant que seuls les lecteurs avisés, non influençables et capables d'un discernement suffisant pouvaient comprendre que le lot mis en avant n'était qu'un exemple de gain et que d'autres gains étaient en jeu.

Il n'en est pas fait état de l'appareil ménager sur le recto de l'enveloppe d'envoi, le verso comportant la mention 'opération spéciale fidélité ! Ce robot ménager multifonctions Kenwood' le prix de 699 € étant rayé étant indiqué 'gratuit' avec une astérisque renvoyant à la phrase en caractères nettement moins visibles 'présentation du plus bel appareil ménager multifonctions à remettre à notre plus fidèle client désigné selon modalités à l'intérieur'.

Le courrier se trouvant à l'intérieur de l'enveloppe comporte un seul paragraphe relatif à l'appareil ménager inséré parmi les mentions relatives à l'envoi des douze chèques de 4166,67 € tel que rappelé ci-dessus, en caractères simples de taille de police environ 10, libellé comme suit :

'Et pour vous remercier de votre fidélité, j'ai le plaisir de vous offrir en plus un cadeau qui vous facilitera la cuisine au quotidien comme lors des grandes occasions : un appareil ménager multifonctions ! Et veuillez noter que pour notre plus fidèle client c'est même un appareil de grande marque :', suivant à la ligne en caractère gras et de taille plus importante 'un robot ménager multifonctions kenwood gratuit valeur 699,00 euros' suivant après la description du robot, la précision en caractère gras 'mais à ce stade, collez vite votre vignette 'Cadeau gratuit' pour le recevoir !' sans aucune précision des modalités de désignation du 'plus fidèle client' étant seulement fait référence à l'envoi du bon avec la vignette relative au cadeau gratuit ce qui n'appelle nullement l'attention du consommateur sur l'existence d'un aléa.

Le bon de commande comporte en début de tableau destiné à indiquer la liste des produits commandés une case à cocher concernant l'appareil ménager multifonctions, dont il n'a pas été contesté en première instance que Mme [P] l'avait cochée avant de renvoyer ledit bon de commande.

Il ne ressort nullement de ces documents appréhendés en premier lieu par un consommateur moyen, que l'existence d'un aléa tenant à la désignation du plus fidèle client était révélée au lecteur à première lecture et dès l'annonce du gain d'autant que l'annonce des deux gains, celle de la somme de 50.000 € et celle de l'appareil ménager, était faite simultanément et que la désignation de Mme [P] comme gagnante des douze chèques de 4166,67 € était de nature à lui faire croire qu'elle était également désignée comme le plus fidèle client et que l'illusion du gain ne pouvait être dissipée que par la lecture attentive du règlement du jeu figurant à l'intérieur de l'enveloppe ce qui ne répond pas aux conditions permettant à l'organisateur du jeu de s'affranchir de l'envoi du gain annoncé.

Ainsi, n'étant pas contesté que la Sarl Plantiflor n'a pas envoyé à Mme [P] le gain annoncé à savoir l'appareil ménager d'une valeur de 699 €, la demande de délivrance du gain sur le fondement de l'article 1371 du code civil dans sa rédaction applicable à la présente espèce est bien fondée. La créance de Mme [P] sera donc fixée en application de l'article L622-22 du code de commerce à la somme de 699 euros.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a fixé à 14 euros la créance de Mme [P] au passif de la liquidation judiciaire de la Sarl Plantiflor , cette créance devant être fixée à la somme totale de 50.699 euros.

Ainsi que jugé à bon droit par le tribunal, la demande relative aux intérêts sera rejetée par application de l'article L.622-28 du code de commerce.

Sur les mesures accessoires.

Partie perdante, Me [N] [U] ès qualité sera condamné aux dépens.

L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de Mme [P].

Par ces motifs,

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a fixé à 14 euros la créance de Mme [V] [P] au passif de la liquidation judiciaire de la Sarl Plantiflor,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Fixe à 50.699 euros la créance de Mme [V] [P] au passif de la liquidation judiciaire de la Sarl Plantiflor,

Rejette les autres demandes de Mme [V] [P],

Condamne M. [N] [U] es qualité de liquidateur de la Sarl Plantiflor aux dépens.

La présente décision a été signée par madame Paule POIREL, présidente, et madame Annie BLAZEVIC, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 19/02047
Date de la décision : 30/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-30;19.02047 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award