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30/06/2022 | FRANCE | N°19/01042

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 2ème chambre civile, 30 juin 2022, 19/01042


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

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ARRÊT DU : 30 JUIN 2022







F N° RG 19/01042 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-K4LV









SCI LES SOLSTICES





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SELARL EXAEDRE ARCHITECTES

SAS ARCAS

Mutuelle MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS



























Nature de la décision : AU FOND






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Grosse délivrée le :



aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 15 janvier 2019 (R.G. 17/10163) par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 25 février 2019



APPELANTE :



SCI LES SOLSTICES

[Adresse 3]



Représentée p...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 30 JUIN 2022

F N° RG 19/01042 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-K4LV

SCI LES SOLSTICES

c/

SELARL EXAEDRE ARCHITECTES

SAS ARCAS

Mutuelle MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 15 janvier 2019 (R.G. 17/10163) par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 25 février 2019

APPELANTE :

SCI LES SOLSTICES

[Adresse 3]

Représentée par Me David BERGEON, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉES :

SELARL EXAEDRE ARCHITECTES agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés de droit audit siège

Architecte, demeurant [Adresse 4]

Représentée par Me Stéphane MILON de la SCP LATOURNERIE - MILON - CZAMANSKI - MAZILLE, avocat au barreau de BORDEAUX

SAS ARCAS

[Adresse 2]

Représentée par Me Jean CORONAT de la SCP AVOCAGIR, avocat au barreau de BORDEAUX

Mutuelle MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés de droit audit siège

Assureur, demeurant [Adresse 1]

Représentée par Me Stéphane MILON de la SCP LATOURNERIE - MILON - CZAMANSKI - MAZILLE, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 16 mai 2022 en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Paule POIREL, Président,

Madame Catherine LEQUES, Conseiller,

Madame Isabelle LOUWERSE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Annie BLAZEVIC

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

Au cours de l'année 2010, la société civile immobilière Les Solstices (la SCI Les Solstices) a fait procéder à la construction d'un ensemble immobilier comprenant cinq surfaces commerciales, [Adresse 3] (33).

La société d'exercice libéral à responsabilité Exaedre Architectes (la société Exaedre), assurée auprès de la Mutuelle des Architectes Français (la MAF) a, selon contrat du 27 janvier 2010, été en charge de la maîtrise d''uvre, le lot gros-'uvre étant dévolu à la société par actions simplifiées Arcas et le lot menuiseries extérieures à la société par actions simplifiées unipersonnelle Saint Gobain Glass Solutions Sud-Ouest (la société Saint Gobain).

La réception a été prononcée par procès-verbal le 3 mai 2011, avec réserves sans relation avec le présent litige.

Se plaignant de l'apparition de désordres et malfaçons, à savoir de nombreuses tâches et défauts sur les sols liés à des erreurs de réservation concernant les réseaux, de multiples fissurations sur l'ensemble des sols ainsi que sur certains murs, l'absence d'enduit et des défauts sur les enduits réalisés, un défaut d'isolation dans le local poubelle, des défauts affectant les menuiseries métalliques extérieures, une erreur de calcul concernant la hauteur sous plafond du bâtiment compromettant l'aménagement de mezzanines dans ce volume, des infiltrations d'eau dans le local commercial n°4 et des défauts affectant le bardage et la charpente, la SCI Les Solstices a obtenu, par ordonnance de référé du 30 avril 2012, la désignation d'un expert en la personne de M. [K] [J] qui a déposé son rapport le 24 novembre 2015 après que, par ordonnances de référé des 30 avril 2012 et 25 février 2013, ses opérations aient été étendues aux sociétés Eurochap, Revob Façades Enduits, SEEA et la MAF, assureur de la société Exaedre Architectes.

Par actes des 9 et 10 novembre 2017, la SCI Les Solstices a saisi le tribunal de grande instance de Bordeaux d'une action indemnitaire dirigée contre la société Exaedre Architectes, la société Arcas et la société Saint Gobain.

Par acte du 30 août 2018, la société Arcas a appelé en intervention forcée aux fins de garantie la MAF, en sa qualité d'assureur de la société Exaedre Architectes

Les instances ont été jointes.

Par jugement rendu le 15 janvier 2019, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :

- écarté des débats le constat d'huissier du 30 novembre 2011,

- condamné la société Exaedre Architectes à payer à la SCI Les Solstices la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamné la société Arcas à payer à la SCI Les Solstices la somme de 7 940 euros HT à titre de dommages et intérêts,

- condamné la société Saint Gobain à remplacer, dans un délai de trois mois à compter de la signification à parties du présent jugement, les seuils des magasins,

- débouté la SCI Les Solstices du surplus de ses demandes,

- débouté la société Exaedre Architectes et la société Arcas de leurs recours en garantie,

- ordonné, pour le tout, l'exécution provisoire du présent jugement,

- condamné in solidum la société Exaedre Architectes et la société Arcas à payer à la SCI Les Solstices la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles,

-débouté les autres parties de leurs demandes en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum la société Exaedre Architectes et la société Arcas aux dépens, en ce compris les frais de référé et d'expertise,

- condamné in solidum la MAF et la société Exaedre Architectes à garantir la société Arcas à hauteur de 70 % des condamnations prononcées au titre des frais irrépétibles et des dépens,

- dit que le recouvrement des dépens s'effectuera ainsi qu'il est dit à l'article 699 du code de procédure civile.

Par déclaration en date du 25 février 2019, la SCI Les Solstices a relevé appel de l'ensemble du jugement, sauf en ce qu'il a condamné la société Arcas à lui payer à la somme de 7 940 euros HT à titre de dommages et intérêts.

Par ordonnance du 26 septembre 2019, le magistrat chargé de la mise en état a constaté la caducité partielle de la déclaration d'appel à l'égard de la SASU Saint Gobain.

La SCI Les Solstices, dans ses dernières conclusions d'appelante en date du 4 mars 2021, demande à la cour, au visa des articles 1147 (ancien) 1221, 1231, 1240 (nouveau) et suivants du code civil, de :

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel.

- réformer partiellement le jugement du 15 janvier 2019.

- condamner in solidum la Selarl Exaedre Architectes et la société Arcas à lui payer la somme de 100 000 euros au titre du préjudice causé par les malfaçons et le défaut de conformité du bâtiment en cause situé [Adresse 3] (33).

- les condamner in solidum à payer à la SCI Les Solstices la somme de 307 500 euros pour la perte de revenus locatifs liée à l'impossibilité d'aménager les mezzanines dans l'immeuble en cause.

- condamner la société Exaedre à la somme de 30 000 euros pour les défauts d'étanchéité affectant les seuils des magasins.

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Arcas seule au paiement de la somme de 7 940 euros HT pour les fautes d'exécution retenues contre elle.

- condamner la MAF à garantir les condamnations qui seront prononcées contre la société Exaedre.

- condamner les mêmes au paiement d'une indemnité de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens qui comprendront les frais d'expertise.

Subsidiairement,

- désigner tel expert judiciaire qu'il plaira afin d'évaluer le préjudice lié à la non conformité du bâtiment et à la perte de revenus locatifs liés à l'impossibilité d'aménager les mezzanines.

La société Arcas, dans ses dernières conclusions d'intimée en date du 9 juillet 2021, demande à la cour, de :

A titre principal,

- ordonner la jonction des instances n° RG 19/01402 et 19/00995.

- confirmer le jugement rendu en première instance.

- débouter la SCI Les Solstices, la société Exaedre Architectes et la MAF de leurs demandes formulées à l'égard de la société Arcas.

Subsidiairement, et en cas de réformation,

- déclarer irrecevable la demande formée par la SCI Les Solstices s'agissant de l'indemnité relative à l'absence de conformité.

Par conséquent,

- débouter la SCI Les Solstices de cette demande.

- juger que les autres demandes formulées à son égard sont infondées tant dans leur principe et dans leur quantum.

Par conséquent,

- débouter la SCI Les Solstices de ses autres demandes.

- condamner la société Exaedre Architectes et la MAF à la relever et garantir des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.

- condamner la SCI Les Solstices à lui verser une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP Avocagir, sur le fondement des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

- ordonner l'exécution provisoire de l'arrêt à intervenir.

Les sociétés Exaedre Architectes et la MAF, dans leurs dernières conclusions d'intimées en date du 27 avril 2022, demandent à la cour, au visa des articles 1221, 1240 et 1241 du code civil, de :

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- condamné la société d'architectes Exaedre à payer à la SCI Les Solstices la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamné la société d'architectes Exaedre à verser in solidum avec la société Arcas la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles,

- condamné la MAF et la société d'architectes Exaedre à garantir la société Arcas à hauteur de 70% de condamnations prononcées au titre des frais irrépétibles et des dépens,

- rejeter les demandes présentées par la SCI Les Solstices en cause d'appel,

Statuant à nouveau sur ces points,

A titre principal,

- déclarer la SCI Les Solstices irrecevable en ses demandes faute d'avoir saisi préalablement à l'introduction de la présente procédure le Conseil de l'Ordre des Architectes de Bordeaux,

A titre subsidiaire,

- débouter la SCI Les Solstices et toutes autres parties de l'intégralité de leurs demandes en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre de la société Exaedre,

A titre infiniment subsidiaire,

- faire application de la clause de limitation de responsabilité prévue par le contrat de maîtrise d''uvre,

En conséquence,

- débouter la SCI Les Solstices de ses demandes en ce qu'elles excèdent la part de responsabilité susceptible d'être retenue à l'encontre de la société Exaedre laquelle ne saurait qu'être marginale si ce n'est nulle,

- condamner la société Arcas à les garantir et relever indemnes de toutes condamnations en principal frais et accessoires susceptibles d'être prononcées à leur encontre,

- rejter les demandes présentées par la SCI Les Solstices au titre des préjudices qu'elle invoque, lesquels ne sont fondés ni dans leur principe ni dans leur quantum,

En tout état de cause,

- dire et juger opposable à toutes les parties la franchise contractuelle de la police d'assurance souscrite par la société Exaedre,

- condamner toutes parties succombantes à verser à la société Exaedre la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner toutes parties succombantes aux entiers dépens de l'instance avec distraction auprofit de la SCP Latournerie Milon Czamanski Mazille par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 mai 2022.

Pour une plus ample connaissance du litige et des prétentions et moyens des parties, il est fait expressément référence aux dernières conclusions et pièces régulièrement communiquées par les parties.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la fin de non recevoir tirée de l'absence de saisine préalable du conseil régional de l'ordre des architectes

Le tribunal a rejeté la fin de non recevoir soulevée par la société Exaedre tirée de l'absence de saisine préalable du conseil régional de l'ordre des architectes au motif qu'il n'était pas démontré que la clause invoquée était entrée dans le champs contractuel, en l'absence de signature apposée sur le cahier des clauses générales ou de toute mention ou paragraphe en ce sens .

La société Exaedre , qui conclut à l'infirmation du jugement de ce chef, expose que :

- le contrat d'architecte en date du 8 juillet 2010 passé avec la SCI Les Solstices contient un article P2 intitulé documents contractuels qui prévoit que : ' le contrat qui lie le maître d'ouvrage et l'architecte est constitué par le présent cahier des clauses particulières ( CCP) et par le cahier des clauses générales( CCG) de l'ordre des architectes du 25 octobre 2001 annexé'

- le cahier des clauses générales contient en son article G10 une clause imposant aux parties de saisir pour avis le conseil régional de l'ordre des architectes avant toute procédure judiciaire

- cette clause est applicable lorsque comme en l'espèce la responsabilité de l'architecte est recherchée sur un fondement contractuel

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le fait que les conditions générales soient visées dans les conditions particulières suffit à leur conférer un caractère contractuel, dès lors que les conditions particulières précisent clairement : ' le contrat qui lie le maître d'ouvrage et l'architecte est constitué par le présent cahier des clauses particulières et par le cahier des clauses générales annexé'.

La SCI Les Solstices demande la confirmation du jugement sur ce point.

****************************************

C'est par des motifs pertinents et non remis en cause par les débats en appel que le premier juge après avoir constaté que la clause P2 du contrat d'architecte n'avait pas été remplie ni complétée par aucune mention permettant d'établir que le maître d'ouvrage ait reçu un exemplaire du cahier des clauses générales a jugé qu'il n'était pas démontré que la clause limitative de responsabilité était entrée dans la champ contractuel et a rejeté cette fin de non recevoir.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur le fond

Le tribunal a estimé engagée la responsabilité contractuelle de la société Exaedre pour n'avoir pas conseillé à la SCI Les Solstices d'apposer sur le procès-verbal de réception des réserves quant à l'erreur de dimensionnement de la hauteur sous plafond, alors que ce défaut de conformité apparent était purgé par une réception sans réserve et que la responsabilité de la société Arcas ne pouvait donc être recherchée.

La SCI Les Solstices rappelle que le volume du bâtiment souffre d'une non conformité qualifiée de vice grave par l'expert, puisque les hauteurs sous plafond réalisées sont inférieures à celles prévues au projet, ce qui réduit le volume du bâtiment d'une hauteur de 0,70 m et rend impossible l'aménagement de mezzanines dans les magasins et entraîne une contrainte pour l'implantation des rideaux métalliques.

Elle soutient que la société Exaedre a manqué aux obligations que lui imposait sa mission de direction de l'exécution des travaux et d'assistance aux opérations d'expertise.

En effet d'une part alors qu'elle avait constaté en cours de travaux l'erreur de hauteur mentionnée dans tous les procès-verbaux de chantier, l'architecte aurait dû étudier avec la société Arcas une solution réparatoire, et d'autre part elle n'a pas conseillé à son client d'apposer des réserves dans le procès-verbal de réception, ce qui la prive d'un recours contre la société Arcas sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil.

La SCI Les Solstices conteste avoir , comme le soutient la société Exaedre , renoncé à faire entreprendre des travaux correctifs après avoir accepté une compensation de la part de la société Arcas ; elle affirme que M [C] , son gérant, gère un patrimoine immobilier familial mais n'a aucune compétence dans le domaine de la construction et ne peut donc être considéré, comme le soutient la société Exaedre, comme un professionnel de la construction.

Elle expose qu'au delà du préjudice entraîné par le refus de certificat de conformité de travaux qui lui a été opposé, la hauteur insuffisante du bâtiment entraîne l'impossibilité d'aménagement de mezzanines dans les sous plafonds des magasins pour permettre aux locataires commerçants d'y stocker leurs marchandises, prévu dans les premiers plans du dossier de permis de construire et notamment le plan du 9 juin 2010.

La société Exaedre affirme, à l'appui de ses affirmations selon lesquelles aucun manquement ne peut lui être reproché dans le cadre de sa mission de direction de travaux , que la SCI Les Solstices dûment informée en cours de chantier de l'erreur de dimension , rappelée dans les comptes rendus de chantier, a passé un accord avec la société Arcas en acceptant la non facturation de certains travaux par la société Arcas en compensation de la différence de hauteur conformément à la proposition contenue dans le courrier adressé par l'architecte à la société Arcas du 13 avril 2011, ce qui explique l'absence de mention de l'erreur de hauteur dans les comptes rendus à partir du compte rendu 18.

Elle n'était donc selon elle nullement tenue d'informer sa cliente des conséquences d'une réception sans réserve sur un point qui avait donné lieu à un accord avec l'entreprise en cours de chantier, alors au surplus que le client est un professionnel averti dans le domaine de l'immobilier et de la construction puisque son gérant dirige onze entreprises exerçant dans le secteur immobilier, et que l'obligation de conseil qui pèse sur un architecte ne s'étend pas aux faits qui sont à la connaissance de tous et à la connaissance personnelle du maître d'ouvrage.

Elle ajoute que la SCI Les Solstices n'a pas fait connaître à l'expert le préjudice que lui aurait causé l'erreur de dimension de la construction et que, comme l'a jugé le tribunal, la réalisation de mezzanines n'avait pas été prévue contractuellement , puisque le seul plan sur lequel elles figurent est un simple plan de faisabilité qui n'a aucun caractère contractuel.

I Sur les demandes dirigées contre la société Arcas par la SCI Les Solstices

Aucune des parties n'a fait appel du jugement en ce qu'il a condamné la société Arcas à payer à la SCI Les Solstices la somme de 7 940 euros HT à titre de dommages et intérêts.

La SCI Les Solstices demande la condamnation in solidum de la société Arcas avec la société Exaedre au paiement des sommes supplémentaires de 10 000 € et 307 500 € au motif que la responsabilité de la société Arcas est engagée à la fois pour son défaut de réalisation concernant la hauteur du bâtiment et pour son manquement à son devoir de conseil , car elle n'a pas informé le maître d'ouvrage qu'il était impossible envisager une solution réparatoire et que le certificat de non -conformité ne pourrait pas être obtenu.

****************************************

Comme l'a retenu le tribunal, l'erreur de dimensionnement de la hauteur sous plafond, apparente lors de la réception, n'a fait l'objet d'aucune réserve dans le procès-verbal de réception des travaux confiés à la société Arcas en date du 3 mai 2011 et cette absence de réserve purge irrévocablement ce désordre de sorte que ni la garantie décennale ni la responsabilité contractuelle de la société Arcas, y compris au titre de son devoir de conseil , ne peuvent être recherchées.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de la SCI Les Solstices dirigées contre la société Arcas au titre de ce désordre.

II Sur les demandes dirigées contre la société Exaedre par la SCI Les Solstices

II 1 sur l'erreur de dimensionnement de la hauteur sous plafond,

L'absence de réserve lors de la réception purge aussi le défaut de conformité de la hauteur de l'ouvrage à l'égard de l'architecte dont la responsabilité pour manquement à sa mission de direction des travaux ne peut pas être recherchée, contrairement à ce que soutient la SCI Les Solstices .

Le tribunal a estimé engagée la responsabilité de l'architecte pour n'avoir pas informé le maître d'ouvrage des conséquences d'une absence de réserves eu égard au caractère apparent de la non conformité de l'ouvrage.

Comme l'a relevé le premier juge, l'erreur de dimensionnement de la hauteur sous plafond était parfaitement connue du maître d'ouvrage en cours de chantier ; elle est en effet clairement mentionnée dans les comptes rendus de chantier n° 13, 14, 15, 16 et 17 établis à la suite de réunions de chantier en date des 22 mars, 29 mars, 5 avril, 12 avril et 19 avril 2011, auxquelles assistait M [C], gérant de la SCI les Solstices , maître d'ouvrage , en ces termes : ' une erreur de hauteur a été constatée à deux endroits différents dans le bâtiment : la première au faîtage ( écart de 35 à 40 cm de moins que sur les plans de l'architecte ) la seconde en façade sur rue ( écart de 15cm de moins que sur les plans architecte) ; ce problème de hauteur a des incidences sur l'intérieur du bâtiment et l'architecte les communiquera à l'entreprise pour qu'elle propose une compensation ; coupes comparatives transmises à l'entreprise le 30 mars 2011.'

La SCI Les Solstices et la société Arcas contestent toutes les deux les affirmations de la société Exaedre selon lesquelles un accord serait intervenu pour qu'en compensation de cette non conformité, la société Arcas renonce à la facturation d'un certain nombre de travaux.

Toutefois, la société Exaedre verse aux débats la copie d'un courrier daté du 13 avril 2011, adressé par M [X] , pour la société Exaedre, à l'entreprise Arcas, ainsi rédigé:

' je fais suite aux réunions des 8 et 12 avril en votre présence ainsi que celle du maître d'ouvrage, et vous confirme qu'il a bien été pris en compte votre proposition de compensation de la différence de hauteur constatée entre les plans du DCE et la réalité construite, à savoir :

- non facturation de l'enduit du mur pignon, prévu initialement en bardage

- remise en état et aplanissement des terres à l'arrière de la construction

- réalisation de poteaux d'ancrage pour portail dans le prolongement de la construction

- réalisation du revêtement de surface ( béton balayé ou enrobé) pour le chemin d'accès à la parcelle arrière.'

Ce courrier est parfaitement circonstancié et concorde avec les énonciations des comptes rendus de chantiers dans lesquels était clairement annoncée la recherche d'un accord sur une compensation au problème de dimension de l'ouvrage.

Or, la mention de l'erreur de hauteur ne figure plus sur les procès-verbaux de chantier postérieurs au 19 avril 2011.

La concordance de la date du courrier par lequel l'architecte énonce par écrit l'existence d'un accord et la disparition définitive de toute mention de l'erreur de hauteur dans les procès-verbaux de chantier corrobore les affirmations de la société Exaedre sur l'existence de cet accord.

Il n'est ni allégué ni démontré par la SCI les Solstices , qui conteste cet accord , que les travaux prévus dans cet accord soit n'ont pas été réalisés, soit ont fait l'objet de facturations.

Les éléments du dossier permettent de retenir que le maître d'ouvrage a renoncé à tout recours au sujet de l'erreur de dimensionnement de l'ouvrage en échange de la réalisation de travaux non facturés, de sorte que cette erreur n'a pas fait l'objet de mention ni aux procès-verbaux de chantier ultérieurs ni au procès-verbal de réception.

L'absence de réserve à ce sujet dans le procès-verbal de réception n'est donc pas la conséquence d'une carence de l'architecte dans l'exercice de son devoir de conseil.

La responsabilité contractuelle de la société Exaedre n'est pas engagée et par infirmation du jugement, les demandes dirigées contre cette société par la SCI Les Solstices en réparation du préjudice résultant de la non conformité de la dimension du bâtiment sont mal fondées et seront rejetées.

Le recours en garantie dirigé par la société Exaedre contre la société Arcas est dès lors sans objet.

II 2 sur les défauts d'étanchéité affectant les seuils des magasins

Le jugement déféré a condamné la SASU Saint Gobain à remplacer dans un délai de trois mois à compter de la signification de la décision, les seuils des magasins.

Il ressort de l'ordonnance rendue le 26 septembre 2019 par le magistrat chargé de la mise en état que la SCI Les Solstices n'a pas fait signifier la déclaration d'appel à la société Saint Gobain car cette société avait exécuté le jugement.

La déclaration d'appel a donc été déclarée caduque à l'égard de la société Saint Gobain.

Dans son rapport, l'expert judiciaire a imputé le défaut d'étanchéité des seuils des magasins à leur profil plat ne présentant qu'un très faible relief par rapport au sol intérieur fini conçu pour favoriser l'accès aux locaux commerciaux et a préconisé leur remplacement par 'un nouveau profil'.

Il précise dans son rapport : 'la proposition initiale de la société Saint Gobain de modifier les profils bas a été modifiée : celle dont le schéma nous a été communiqué le 3 juillet est désormais compatible avec un accès handicapé aux magasins et l'entreprise engage sa garantie décennale en proposant ce dispositif qui doit impérativement assurer l'étanchéité des locaux et nous a fait parvenir l'estimation de cette réparation qui s'élève à 600 € HT.'

La SCI Les Solstices soutient, constat d'huissier du 11 septembre 2020 à l'appui, que malgré le remplacement de ces seuils par la société Saint Gobain, les joints sont défectueux et que les défauts d'étanchéité persistent.

Elle réclame la condamnation de la société Exaedre à lui payer la somme de 30 000 € de dommages-intérêts, au motif que ce désordre est imputable à une erreur de conception de l'architecte.

Alors que l'expert a préconisé des travaux réparatoires précis de nature à engager la garantie décennale de la société Saint Gobain, sur la base d'un projet transmis par cette société , et que ces travaux ont été effectués, aucune preuve n'est rapportée de ce que l'origine des infiltrations constatées le 11 septembre 2020 soit imputable à la société Exaedre.

Cette demande de dommages-intérêts est mal fondée et sera rejetée.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

La SCI Les Solstices supportera les dépens d'appel.

La responsabilité de la société Exaedre n'étant pas retenue, toutes les demandes formées contre elle seront rejetées tant au titre de l'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile qu'au titre des dépens.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement des chefs déférés en ce qu'il :

- condamne la Selarl d'architectes Exaedre à payer à la SCI Les Solstices la somme de 20 000 € de dommages-intérêts

- condamne la Selarl d'architectes Exaedre à payer à la société Arcas la somme de 3000 € au titre des frais irrépétibles

- condamne la Selarl d'architectes Exaedre aux dépens en ce compris les frais de référé et d'expertise

- condamne la société MAF et la Selarl d'architectes Exaedre à garantir la société Arcas à hauteur de 70% des condamnations prononcées au titre des frais irrépétibles et des dépens

Statuant à nouveau dans cette limite

Rejette les demandes en dommages-intérêts dirigées par la SCI Les Solstices contre la société Exaedre

Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile dirigées contre la Selarl d'architectes Exaedre par la SCI Les Solstices

Déboute la société Arcas , seule condamnée aux dépens de première instance et à verser à la SCI Les Solstices une indemnité au titre des frais irrépétibles, de son appel en garantie dirigé contre la Selarl d'architectes Exaedre

Confirme le jugement pour le surplus des chefs déférés non contraires à la présente décision

Y ajoutant

Rejette la demande de 30 000 € dirigée par la SCI Les Solstices contre la Selarl d'architectes Exaedre pour les défauts d'étanchéité des seuils des magasins

Condamne la SCI Les Solstices à payer à la société Arcas et la Selarl d'architectes Exaedre la somme de 1500 € chacune en application de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne la SCI Les Solstices aux dépens d'appel avec autorisation de recouvrement direct au profit des avocats de la cause en application de l'article 699 du code de procédure civile.

La présente décision a été signée par madame Paule POIREL, présidente, et madame Annie BLAZEVIC, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 19/01042
Date de la décision : 30/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-30;19.01042 ?
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