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29/06/2022 | FRANCE | N°19/02139

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 29 juin 2022, 19/02139


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 29 JUIN 2022







PRUD'HOMMES



N° RG 19/02139 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-K7GR















Monsieur [Z] [X] exerçant sous le nom commercial Eco-Bat-33



c/



Monsieur [W] [L]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/014285 du 15/10/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)
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Nature de la décision : AU FOND















Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 mars 2019 (R.G. n°F18/00725) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritair...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 29 JUIN 2022

PRUD'HOMMES

N° RG 19/02139 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-K7GR

Monsieur [Z] [X] exerçant sous le nom commercial Eco-Bat-33

c/

Monsieur [W] [L]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/014285 du 15/10/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 mars 2019 (R.G. n°F18/00725) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Industrie, suivant déclaration d'appel du 16 avril 2019,

APPELANT :

Monsieur [Z] [X], exerçant sous le nom commercial de Eco Bat 33, né le 12 Septembre 1980 à [Localité 3] de nationalité Française, Profession : Artisan électricien, demeurant [Adresse 1]

N° SIRET : 503 105 645

représenté par Me GAUDIN substituant Me Carole MORET de la SELAS BARTHELEMY AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉ :

Monsieur [W] [L]

né le 28 Août 1976 à [Localité 5] (BULGARIE) Profession : Jointeur, demeurant [Adresse 2]

assisté de Me Jason BARGIS, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 juin 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie Hylaire, présidente et Monsieur Rémi Figerou, conseiller chargé d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Madame Sophie Masson, conseillère

Monsieur Rémi Figerou, conseiller

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [W] [L], né en 1976 en Bulgarie, prétend avoir travaillé à compter du mois d'octobre 2016 en qualité de jointeur pour le compte de M. [Z] [X] qui exploite en son nom personnel, sous le nom commercial Eco-Bat-33, une entreprise de travaux d'installations électriques.

Les conditions de la relation contractuelle sont discutées entre les parties :

- M. [X] soutient avoir proposé à M. [L] un contrat de travail à durée déterminée pour la période du 17 novembre au 6 décembre 2016 mais expose que le salarié aurait souhaité que le contrat soit établi au nom de son fils, ce qu'il a refusé, et indique que M. [L] ne lui a pas fourni, malgré ses demandes, les documents nécessaires à l'établissement du contrat de travail ; il a été néanmoins rémunéré à hauteur du temps de travail réalisé, ayant reçu deux chèques de 600 et 360 euros émis sur un compte personnel de M. [X] ainsi que 200 euros remis en liquide ;

- M. [L] prétend avoir en réalité commencé à travailler pour le compte de M. [X] dès le mois d'octobre 2016, avoir reçu un chèque de 360 euros le 22 novembre 2016 puis un chèque de 600 euros le 22 décembre 2016 et enfin 200 euros en espèces ; c'est seulement après qu'il a saisi l'URSSAF et la DIRECCTE en février 2017 que M. [X] a tenté de régulariser la situation en établissant un contrat antidaté, en procédant aux déclarations nécessaires et en lui adressant le 24 mars 2017 deux bulletins de salaire ne correspondant pas à la réalité des heures travaillées ainsi que des documents de fin de contrat datés du 6 décembre 2016.

Le 16 mai 2018, M. [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux d'une demande tendant à la requalification de son contrat de travail en contrat de travail à durée indéterminée ainsi qu'au paiement de l'indemnité de requalification, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour travail dissimulé, outre les frais irrépétibles.

Par jugement rendu le 20 mars 2019, le conseil de prud'hommes de Bordeaux a condamné 'la société ECO BAT 33" au paiement à M. [L] des sommes suivantes :

- 1.466,64 euros au titre de l'indemnité de requalification,

- 1.466,64 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 8.799,84 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

- 800 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par déclaration enregistrée le 16 avril 2019, M. [X] a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières écritures adressées au greffe par voie électronique le 13 décembre 2019, M. [X] demande à la cour de confirmer le jugement du 20 mars 2019 en ce qu'il a débouté M. [L] de sa demande de dommages et intérêts pour irrégularité de procédure, de le réformer pour le surplus et de :

- constater la bonne foi de 'M. [X] Eco-Bat 33' ;

- juger que l'absence de signature du contrat à durée déterminée n'est pas imputable à 'M. [X] Eco-Bat 33' ;

- constater l'absence de travail dissimulé ;

- débouter M. [L] de l'ensemble de ses demandes ;

- à titre reconventionnel, condamner M. [L] au paiement d'une indemnité de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Dans ses dernières écritures adressées au greffe par voie électronique le 9 octobre 2019 contenant appel incident, M. [L] demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour procédure irrégulière, de le confirmer pour le surplus et, statuant à nouveau, de :

- prononcer la requalification de la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée ;

- condamner M. [X] à lui payer les sommes suivantes :

* 1.466,64 euros à titre d'indemnité de requalification,

* 1.466,64 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier,

* 1.466,64 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 8.799,84 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

* 980 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991

- condamner M. [X] à payer à Maître [O], son conseil, la somme de 3.000 euros TTC sous réserve de sa renonciation à la part contributive de l'Etat et, en tant que de besoin, le condamner à payer la même somme à M. [L] ;

- ordonner la prise en charge des éventuels dépens de l'instance par la société défenderesse.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DÉCISION

En l'absence de contrat de travail apparent pour la période antérieure au 17 novembre 2016, l'existence d'une prestation de travail exécutée par M. [L] pour le compte de M. [X] ne peut être retenue au seul vu des attestations qu'il verse aux débats, qui sont particulièrement imprécises quant aux circonstances dans lesquelles leurs auteurs auraient personnellement constaté que M. [L] 'aurait travaillé' pendant les mois d'octobre, novembre et décembre 2016 sur un chantier du golf de [Localité 4], sans plus de précision si ce n'est dans le 'lotissement Augusta' (témoignage de M. [V]). En outre, M. [X] produit les attestations d'un couple de clients résidant dans ce lotissement qui déclarent n'avoir pas vu M. [L] travailler à leur domicile en octobre et novembre 2016.

Il sera en conséquence considéré que M. [L] a travaillé du 17 novembre au 6 décembre 2016.

Sur la demande de requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée

Il est établi qu'aucun contrat n'a été signé entre les parties, en violation des dispositions légales régissant les contrats de travail à durée déterminée et notamment de l'article L. 1242-12 du code du travail.

Si M. [X] impute la responsabilité de cette situation au salarié, les pièces qu'il verse aux débats ne permettent pas de le retenir : les attestations qu'il produit à ce sujet émanant de Messieurs [S] et de M. [F], à l'instar de celles versées aux débats par M. [L], sont particulièrement imprécises quant aux circonstances dans lesquelles leurs auteurs auraient pu personnellement constaté que, d'une part, M. [L] aurait fourni la pièce d'identité de son fils en demandant que le contrat soit établi au nom de celui-ci et que, d'autre part, M. [X] l'aurait relancé à plusieurs reprises pour obtenir les documents nécessaires à l'établissement d'un contrat de travail.

En toute hypothèse, l'absence de contrat n'empêchait pas M. [X] de procéder à la déclaration préalable à l'embauche, qui, ainsi que le soutient M. [L], n'a été adressée à l'URSSAF que le 28 février 2017, après que le salarié a saisi cet organisme ainsi que la DIRECCTE de sa situation par courrier du 1er février 2017.

Par conséquent, il sera retenu que l'employeur a manqué à son obligation de délivrer un contrat de travail écrit au salarié.

En l'absence d'écrit, ce contrat doit être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée et, sur la base d'un salaire de référence de 1.466,65 euros, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a alloué à M. [L] cette somme au titre de l'indemnité de requalification prévue par l'article L. 1245-2 du code du travail.

Sur la rupture de la relation contractuelle

La relation contractuelle étant requalifiée en contrat de travail à durée indéterminée, la rupture de ce contrat par la seule survenance du terme, au demeurant non convenu entre les parties, s'analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En vertu des dispositions de l'article L. 1235-5 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, compte tenu de son ancienneté et de l'effectif de l'entreprise (inférieur à 11), M. [L] peut prétendre à une indemnité correspondant au préjudice subi.

Au constat qu'il ne justifie ni même ne précise sa situation à la suite de la rupture du contrat, il lui sera alloué la somme de 300 euros à titre d'indemnité, le jugement déféré étant réformé de ce chef.

La sanction prévue par l'article L. 1235-2 du code du travail, instituant une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire en cas d'inobservation de la procédure, est applicable aux salariés ayant moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise ou ayant été licenciés par un employeur qui occupe habituellement moins de onze salariés, qu'il s'agisse ou non d'un licenciement pour une cause réelle et sérieuse ; lorsque le licenciement est sans cause réelle et sérieuse, ces salariés ont droit, en outre, à la réparation du préjudice en résultant, selon les dispositions de l'article L. 1235-5 du même code.

Il sera alloué à M. [L] la somme de 200 euros à ce titre.

Sur la demande au titre du travail dissimulé

L'article L. 8221-5 du code du travail dans sa version applicable aux faits dispose: "Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales."

L'article L. 8223-1 prévoit qu'en cas de rupture du contrat, le salarié auquel l'employeur a eu recours en commettant les faits prévus au texte susvisé a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

En l'espèce, c'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que l'élément intentionnel de la dissimulation d'emploi était caractérisé au regard des éléments suivants :

- l'absence de contrat de travail et de délivrance de bulletins de paie,

- l'absence des déclarations obligatoires notamment auprès de l'URSSAF,

- le paiement de la rémunération sous la forme de chèques émis sur le compte personnel de l'employeur ainsi qu'en espèces ;

- la régularisation de la situation du salarié intervenue seulement après que le salarié a saisi l'URSSAF et la DIRECCTE.

Le jugement déféré sera en conséquence confirmé de ce chef.

Sur les autres demandes

M. [X], partie perdante à l'instance et en son recours, sera condamné aux dépens.

M. [L], bénéficiaire de l'aide juridictionnelle totale, ne justifie d'aucun frais engagé de nature à commander l'octroi d'une somme au titre de l'article 700. 1° du code de procédure civile et l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 visé par le jugement déféré ne permet d'octroyer une somme au titre des frais irrépétibles exposés qu'à l'avocat de la partie bénéficiaire de l'aide juridictionnelle et non à la partie elle-même.

En revanche, M. [X] sera condamné à payer au conseil de M. [L], bénéficiaire de l'aide juridictionelle, la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700. 2° du code de procédure civile, en contrepartie de sa renonciation à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement déféré sauf quant aux sommes allouées à M. [W] [L] à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991,

Précise que les sommes allouées sont dues non par 'la société ECO BAT 33" mais par M. [Z] [X], exerçant sous le nom commercial Eco-Bat-33,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne M. [Z] [X], exerçant sous le nom commercial Eco-Bat-33, à payer à M. [W] [L] les sommes de :

- 300 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 200 euros à titre d'indemnité pour l'irrégularité de la procédure de licenciement,

Condamne M. [Z] [X], exerçant sous le nom commercial Eco-Bat-33, à payer à Maître Jason Bargis, avocat au Barreau de Bordeaux et conseil constitué pour M. [W] [L], la somme de 2.500 euros sur le fondement des articles 700. 2° du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991, en contrepartie de sa renonciation à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle,

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions,

Condamne M. [Z] [X], exerçant sous le nom commercial Eco-Bat-33, aux dépens.

Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 19/02139
Date de la décision : 29/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-29;19.02139 ?
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