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29/06/2022 | FRANCE | N°19/00689

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 29 juin 2022, 19/00689


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 29 JUIN 2022







PRUD'HOMMES



N° RG 19/00689 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-K3IW

















Madame [I] [J]



c/



Association Union départementale de la consommation, du logement et du cadre de vie de la Gironde

















Nature de la décision : AU FOND

















Grosse délivrée le :



à :









Décision déférée à la cour : jugement rendu le 11 janvier 2019 (RG n° F 18/00692) par le conseil de prud'hommes - formation paritaire de BORDEAUX, section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 06 février 2019...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 29 JUIN 2022

PRUD'HOMMES

N° RG 19/00689 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-K3IW

Madame [I] [J]

c/

Association Union départementale de la consommation, du logement et du cadre de vie de la Gironde

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 11 janvier 2019 (RG n° F 18/00692) par le conseil de prud'hommes - formation paritaire de BORDEAUX, section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 06 février 2019,

APPELANTE :

Madame [I] [J], née le 19 mars 1988 à [Localité 3], de nationalité française, demeurant [Adresse 1],

représentée par Maître Laëtitia GARNAUD de la SELARL SOL - GARNAUD, avocats au barreau de BORDEAUX,

INTIMÉE :

Association Union Départementale de la Consommation, du Logement et du Cadre de Vie de la Gironde, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social, [Adresse 2],

représentée par Maître Myriam SEBBAN, avocate au barreau de BORDEAUX,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 mai 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et Monsieur Rémi Figerou, conseiller chargé d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sophie Masson, conseillère

Monsieur Rémi Figerou, conseiller

Greffière lors des débats : Anne-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme [I] [J], née en 1988, a été engagée par l'association Union Départementale de la Consommation, du Logement et du Cadre de Vie de la Gironde (ci-après dénommée l'association CLCV) par contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel à compter du 3 novembre 2011, en qualité de secrétaire comptable, puis à temps complet à compter du 8 juin 2016 en qualité d'assistante de direction.

En dernier lieu, la rémunération mensuelle brute moyenne de Mme [J] s'élevait à la somme de 1.854,92 euros.

Par lettre datée du 17 février 2017, Mme [J] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 3 mars 2017.

Mme [J] a ensuite été licenciée pour cause réelle et sérieuse, par lettre datée du 15 mars 2017.

Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, Mme [J] a saisi le 13 juillet 2017 le conseil de prud'hommes de Bordeaux qui, par jugement rendu le 11 janvier 2019, a :

- dit bien fondé le licenciement prononcé à l'encontre de Mme [J] pour cause réelle et sérieuse,

- débouté Mme [J] de l'ensemble de ses demandes,

- débouté l'association CLCV de se demande de condamnation en paiement de la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles,

- laissé les éventuels dépens à la charge de Mme [J].

Par déclaration du 6 février 2019, Mme [J] a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 25 avril 2019, Mme [J] demande à la cour de la dire recevable et bien fondée en son appel, ce faisant réformer en toutes ses dispositions le jugement entrepris et de :

- dire qu'elle a fait l'objet d'un licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

- condamner l'association de l'Union Départementale de la Consommation, du Logement et du Cadre de Vie de la Gironde à lui verser la somme de 25.000 euros à titre de dommages et intérêts en vertu de l'ancien article L. 1235-5 du code du travail,

- condamner l'association à lui verser la somme de 598,35 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

- condamner l'association à lui verser la somme de 38,50 euros nets à titre d'indemnité de transport,

- condamner la même au paiement de la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner l'association en tous les dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 10 septembre 2019, l'association CLCV demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le conseil des prud'hommes de Bordeaux le 11 janvier 2019 en ce qu'il a débouté Mme [J] de l'intégralité de ses demandes,

En conséquence :

- débouter Mme [J] de sa demande formulée à titre de dommages et intérêts,

- débouter Mme [J] de sa demande d'indemnité compensatrice de congés payés,

- débouter Mme [J] de sa demande au titre de l'indemnité de transport,

- condamner Mme [J] aux dépens de l'instance,

Sur l'appel incident,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté l'association CLCV de sa demande de condamnation formulée au titre des frais irrépétibles,

- condamner Mme [J] à régler à lui payer la somme de 2.500 euros au titre des frais irrépétibles qui ont été réglés dans le cadre de l'instance pendante devant le conseil des prud'hommes de bordeaux, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Et, statuant à nouveau :

-condamner Mme [J] à lui verser la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 avril 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 9 mai 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le licenciement

La lettre de licenciement adressée à Mme [J] est ainsi rédigée :

'(...)

Contrairement à vos engagements du mois d'octobre 2016, nous déplorons toujours de nombreux manquements constitutifs d'une insuffisance professionnelle caractérisée, en tant qu'assistante de direction.

Ainsi, les pièces et justificatifs ne sont pas classés dans les dossiers, tout est mélangé, ce qui rend impossible le traitement et le suivi des dossiers en votre absence et complique certainement votre tâche pour un travail sérieux.

La saisie des écritures comptables comporte régulièrement des erreurs, ce qui nécessite des rectifications et des contrôles, alors même qu'il s'agit de simples opérations de saisies.

Nous avons également dû déplorer le retard de règlement de certains des organismes sociaux, URSSAF, HUMANIS, alors même qu'aucune des lettres de relance adressées ne nous avaient été remises.

En outre, à la suite de notre réclamation, le Crédit Mutuel vient de nous informer le 24 février 2017 que le mandat de prélèvement SEPA pour l'URSSAF signé le 13 juin 2016 avait été rejeté par notre banque, non pas consécutivement à une erreur de la banque comme vous l'aviez soutenu, mais uniquement car vous n'aviez pas adressé en temps utile ledit mandat de paiement, qui n'a donc pas pu être enregistré.

C'est donc bien votre négligence qui est à l'origine du commandement aux fins de saisie-vente dénoncé par les services de l'URSSAF pour une dette non payée en temps utile.

Il en est de même s'agissant de la résiliation de notre contrat professionnel « Multirisques » qui n'a été résilié qu'au mois de janvier 2017, pour des lieux que nous avions pourtant quittés en avril 2016 de même encore que s'agissant de certains droits de place, pour lesquels une lettre de rappel vient de nous être adressée le 24 février 2017.

A cet effet d'ailleurs, nous avons déploré le passage d'un huissier au siège de l'Association sans qu'aucune relance préalable ne nous ait été transmise.

En outre, il est acquis que vous avez omis de déduire les indemnités journalières des fiches de salaire de Madame [P] [T] pour les mois de novembre 2016, décembre 2016 et janvier 2017, ce qui a entraîné une majoration des cotisations sociales sur l'intégralité des salaires, soit un surcoût pour l'Association de 6.977 euros et une régularisation subséquente induite avec les salariés concernés.

De la même manière, vous persistez à refuser de présenter une carte d'identité valide auprès de notre agence bancaire ce qui outre le fait que cela ne permet pas la consultation des comptes de l'Association, nous contraint à solliciter, de manière répétée, des relevés de comptes bancaires payants et induisant donc des frais bancaires non négligeables.

Vous ne cessez par ailleurs de contester les décisions prises et les directives qui vous sont données, en refusant notamment de taper de nombreux courriers ou bien en les adressant sans vérifier les adresses.

En tant qu'assistante de direction, vous êtes pourtant et de manière incontestable, tenue d'assurer les tâches de secrétariat, la gestion organisationnelle de l'Association, la comptabilité (en lien, naturellement, avec notre expert-comptable), ou encore la gestion des activités du personnel.

Pourtant, sur ces trois missions principales qui vous sont confiées, nous ne pouvons que déplorer la persistance et l'importance de vos insuffisances professionnelles.

En outre, à celles-ci s'ajoutent un certain nombre de fautes, lesquelles sont peu propices à une ambiance saine de travail et à un climat social serein, de sorte que compte tenu de leur caractère inacceptable, nous ne saurions les laisser perdurer plus longtemps.

Ainsi, il sera rappelé qu'à la fin du mois de janvier 2017, vous n'avez pas hésité à divulguer les difficultés internes de l'Association CLCV à une Union locale indépendante ainsi qu'à un bénévole avant même qu'aucune décision ne soit valablement prise par notre entité, en violation de la clause de confidentialité qui nous lie.

Vous persistez à contester les décisions prises par la Direction, allant parfois même jusqu'à refuser de les appliquer.

Tel a ainsi été le cas s'agissant de la demande de subvention sur réserve parlementaire, dont vous avez raillé l'inutilité et refusé, en second lieu, de la mettre en 'uvre.

Il sera néanmoins rappelé qu'il ne vous appartient pas de porter des jugements de valeur sur les mesures prises, mais seulement d'assurer leur mise en 'uvre par tous les moyens mis à votre disposition.

Par ailleurs, vous ne cessez de dénigrer les nouveaux dirigeants de l'Association, de même que certains bénévoles allant jusqu'à proférer des insultes à l'encontre de ces derniers.

Ces fautes répétées sont d'autant plus graves qu'à la suite d'un l'entretien en date du 18 octobre 2016, vous aviez reconnu ne pas avoir les compétences pour assumer vos fonctions raison pour laquelle vous aviez légitimement sollicité une formation qui a été mise en place dès le mois de novembre 2016, et que pourtant vous avez refusé de suivre.

Aussi, la persistance de ces comportements fautifs ne peut aujourd'hui perdurer dans la mesure où elle nuit gravement à nos intérêts.

Qu'ils s'agissent d'étourderies à répétitions ou d'une volonté délibérée d'entraver la mise en 'uvre des décisions de l'Association, ces fautes préjudicient gravement le bon fonctionnement de notre entité.

Plus encore, votre comportement nous laisse à penser que loin de vous amender et de tout faire pour vous adapter à ce poste d'assistante de direction que vous aviez sollicité, votre intention s'inscrit de plus en plus dans une volonté de nuire à l'association.

Lors de notre entretien du 3 mars 2017, vous avez reconnu les griefs que nous vous reprochions sans toutefois fournir d'explications, lesquelles auraient pu nous amener à reconsidérer la décision que nous projetions de prendre.

Vous avez d'ailleurs indiqué que vous souhaitiez chercher un autre emploi.

Par conséquent, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, nous sommes contraints de vous notifier votre licenciement pour insuffisance professionnelle et pour faute.'

Mme [J] rappelle qu'elle a été engagée en qualité de secrétaire comptable par l'association ALCV et qu'elle a donné toute satisfaction dans son travail, si bien qu'en avril 2014, à la suite du décès de l'expert-comptable de l'association, son employeur lui a demandé d'assumer les tâches dépendant de la mission de celui-ci, outre les fonctions qui lui étaient d'ores et déjà confiées ; un avenant a alors été ne prévoyant une

une revalorisation de son salaire que de moins de de 100 euros bruts par mois.

Un nouveau contrat de travail a été régularisé le 8 juin 2016, précisant que Mme [J] était chargée : 'd'assister le Président de l'Association ou son représentant désigné, dans la gestion administrative de l'Association tant en ce qui concerne l'enregistrement des opérations comptables, la réalisation du suivi des comptes et des bilans que le suivi et la gestion du personnel ou encore la tenue et le suivi du tableau de bord etc...'.

Une fiche de poste a été rédigée par l'employeur qu'elle a refusé de signer car les missions qui étaient décrites ne correspondaient ni à ses prérogatives, ni à sa formation et aucune formation ne lui était proposée.

Par ailleurs, c'est au retour d'un arrêt maladie, à la suite d'une intervention chirurgicale, en janvier 2016, que le nouveau président, M. [U], s'est montrée hostile à sa personne, et ce, dans une ambiance délétère au sein des dirigeants de l'association.

Elle soutient avoir subi des brimades comme le fait pour son employeur de lui retirer son abonnement mensuel de stationnemen qui lui avait étét consenti en contrepartie des nouvelles fonctions de comptabilité qui lui avaient été confiées.

Par la suite, par lettre du 14 octobre 2016, l'employeur l'a convoquée à un entretien fixé au 18 octobre 2016, aux termes duquel, il a été trouvé un accord lequel prévoyait une redéfinition de sa fiche de poste avec la collaboration de la salariée, une réunion hebdomadaire pour faire le point, la mise en place d'un plan de formation et la proposition de venir au Conseil d'Administration du 7 novembre 2016 pour lui permettre de s'exprimer.

Toutefois, elle a appris par inadvertance au début du mois de novembre 2016 que son employeur envisageait de la licencier.

Alors qu'elle se trouvait en arrêt maladie, à la suite du choc de l'information de sa prochaine éviction, l'association feignait de mettre en place une formation au cours de cet arrêt maladie.

Par ailleurs, son employeur a attendu le 17 février 2017 pour la convoquer à un entretien préalable fixé au 3 mars suivant, puis l'a licenciée le 17 mars 2017 pour des motifs qu'elle conteste.

Elle fait valoir que les griefs contenus dans la lettre ne sont pas datés ou datés postérieurement à la convocation à l'entretien préalable, ou remontent à plus de 5 mois et avaient été évoqués lors de l'entretien du 18 octobre 2016, non suivi de sanction.

Par ailleurs, cette lettre lui rappelle sa mission qui était notamment d'assurer les tâches de secrétariat, la gestion organisationnelle de l'association, la comptabilité 'en lien naturellement' avec son expert-comptable, alors que celui-ci était décédé et n'avait pas été remplacé.

Mme [J] rappelle que si l'insuffisance professionnelle doit être établie par l'employeur, ce qu'il ne fait pas, elle a été licenciée après six ans d'ancienneté d'un parcours professionnel sans aucun reproche, et alors que l'association avait élargi ses champs de compétence à l'occasion du décès de son expert-comptable, sans adaptation ni formation.

En toute hypothèse, l'association connaissait les griefs qu'elle invoque et qualifiés de fautif dans sa lettre de licenciement dès le mois d'octobre 2016, puisque ce fut l'objet de sa convocation à un entretien dit hiérarchique, qui ne donna lieu à aucune sanction disciplinaire.

Par ailleurs, elle conteste les prétendus manquements invoqués constitutifs d'une insuffisance professionnelle, alors qu'on lui a demandé du jour au lendemain d'exercer les fonctions d'un expert-comptable, sans aucune formation, notamment pas celles qu'elle avait demandées à plusieurs reprises.

Elle rappelle qu'avant sa convocation à l'entretien du 18 octobre 2016, aucun reproche dans son travail ne lui avait été adressé, et lors de cet entretien son employeur a convenu de la nécessité de lui octroyer une formation. Malgré cette reconnaissance de ses difficultés légitimes, elle apprenait que son employeur avait décidé de la licencier, ce qui provoqua chez elle une dépression, et ainsi un arrêt de travail. En toute hypothèse, elle fait valoir que les griefs portent en réalité sur une période antérieure à sa prise de fonction d'assistante de direction, le 6 juin 2016.

Elle ajoute que les autres griefs invoqués dans la lettre de licenciement au titre de l'insuffisance professionnelle sont vagues, non datés et non corroborés par les pièces versées aux débats autres que des attestations rédigées exclusivement par des dirigeants membres du conseil d'administration de l'association, soit par l'employeur lui-même, et ainsi irrecevables.

Elle poursuit qu'elle n'a pas été remplacée après son licenciement, le conseil d'administration ayant en définitive décidé de mandater un nouvel expert-comptable pour pallier son départ.

Elle rappelle que l'association lui a encore reproché des griefs constitutifs d'une faute, soit la divulgation d'informations internes à l'association à une union locale indépendante ainsi qu'à un bénévole, la violation d'une clause de confidentialité, et le refus d'appliquer les décisions de la direction, ou encore le dénigrement de nouveaux dirigeants et de certains bénévoles. Elle soutient qu'aucun de ces griefs n'est fondé, et que les seules pièces qui les justifierent sont encore des attestations établies par les membres du conseil d'administration.

L'association ALCV rappelle que l'insuffisance professionnelle constitue une cause légitime de licenciement. Elle considère que Mme [J] n'a pas su assumer et mettre en 'uvre ses obligations.

Notamment, il est apparu qu'elle ne classait pas les pièces et les justificatifs dans les dossiers prévus, à cet effet.

Par ailleurs, il résulte de l'attestation de Mme [X] que des demandes de subventions, pour les années 2015 et 2016 n'avaient jamais été traitées, malgré plusieurs courriers des financeurs, ce qui représentait, au total, une somme non négligeable de près de 2.000 euros.

De même, Mme [J] n'avait pas laissé à la disposition de l'association les codes d'accès aux logiciels protégés par un mot de passe.

En outre, elle a commis des erreurs de saisie des écritures comptables, ainsi qu'en font foi les mails échangés entre Mme [J] et Mme [O], et de nombreuses dépenses ne se retrouvaient pas en comptabilité. Or, il résulte de la fiche de poste rédigée par l'appelante que ces saisies faisaient partie de ses compétences.

Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la salariée, son employeur avait prévu dans son intérêt une formation trois mois après la signature de son nouveau contrat, en juin 2016. Cette formation qui était intitulée : 'L'essentiel de la paie pour un service administratif ou ressources humaines' devait se dérouler du 17 novembre au 25 novembre 2016, avait été demandée dès le 7 septembre 2016 et validée par l'organisme de formation le 18 octobre 2016. Or, Mme [J] n'a été placée en arrêt de travail que postérieurement à la fixation de cette formation.

L'association conteste par ailleurs que Mme [J] ait bénéficié d'un avantage en nature constitué par la prise en charge de son abonnement de stationnement, alors que c'est elle qui a, sans autorisation, fait prendre en charge par son employeur une telle charge.

Par ailleurs, l'association reproche à Mme [J] de multiples erreurs de saisies comptables ou des retards de règlements des organismes Urssaf et Humanis, Mme [J] n'ayant pas adressé en temps utile les mandats de prélèvements. Or contrairement à ce que soutient Mme [J], l'état du compte en banque permettait de payer ces créances.

De même, elle n'a pas résilié en temps utile le contrat multirisques-entreprise de l'association, la résiliation ayant été faite au mois de janvier 2017 alors que l'intimée avait quitté les locaux au mois d'avril 2016.

Mme [J] refusait, lors de ses démarches auprès des établissements bancaires, de présenter une carte d'identité, en cours de validité, ce qui l'obligeait à solliciter des relevés de comptes bancaires payants, à raison de 200 euros par an.

En outre, l'appelante a encore commis des erreurs graves dans l'établissement du bulletin de salaire de Mme [B] puisqu'elle a omis de déduire les indemnités journalières des fiches de salaires, pour les mois de novembre 2016, décembre 2016 et janvier 2017, ce qui a entraîné une majoration des cotisations sociales sur l'intégralité des salaires, pour un surcoût chiffré à 6.977 euros.

Mme [J] a encore refusé de tenir compte des consignes données par ses supérieurs hiérarchiques. Ainsi, à la fin du mois de janvier 2017, elle a divulgué les difficultés internes de l'Association CLCV à une Union locale indépendante ainsi qu'à un bénévole, et ce en violation de sa clause de confidentialité insérée dans son contrat de travail.

***

Mme [J] a été licenciée pour insuffisance professionnelle et pour faute. Il convient d'analyser chacun des chefs de reproches.

En application des articles L. 1232-1, L. 1232-6 et L. 1235-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement fixent les termes du litige, le juge apprécie le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur et forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute persiste, il profite au salarié.

Sur l'insuffisance professionnelle

L'insuffisance professionnelle est une cause réelle et sérieuse de licenciement. Elle ne résulte pas d'un comportement volontaire, contrairement à la faute disciplinaire, mais révèle l'incapacité du salarié à assumer ses fonctions, son incompétence. L'employeur doit se fonder sur des éléments objectifs. Aussi, l'insuffisance professionnelle ne peut être retenue quand le salarié se voit confier des attributions ne correspondant pas à son poste, ou lorsque la nature du travail s'étant modifiée, l'employeur n'a pas proposé une formation à l'intéressé, ou si le salarié ne détient pas les diplômes requis pour occuper son poste de travail. L'insuffisance professionnelle doit également s'apprécier à l'aune de l'expérience professionnelle du salarié.

L'employeur expose qu'un certain nombre de faits illustreraient l'insuffisance professionnelle alléguée de Mme [J].

L'absence de classement des pièces et justificatifs dans les dossiers

Mme [X], secrétaire départementale de l'association, atteste avoir constaté un manque de suivi des dossiers par Mme [J], mais pas réellement une absence de classement des pièces et justificatifs dans le dosier (pièce n° 4 de l'intimée ).

Aussi, ce reproche qui est contesté, et qui n'est corroboré par aucun élément objectif, ne peut être retenu d'autant qu'il ne repose que sur une attestation émanant de l'un des représentants de l'employeur.

Les erreurs dans la saisie des écritures comptables et retards de règlement

L'association communique l'échange de courriels le 20 septembre 2016 entre Mme [O], trésorière de l'association depuis le mois de mai 2016, et Mme [J].

Mme [O] a interrogé l'appelante sur certaines opérations pour lesquelles Mme [J] a répondu. (pièces n° 10 de l'intimée).

Il ne peut être retenu que ces réponses étaient insuffisantes, le président de l'association prétendant mais n'établissant pas l'existence d'erreurs ou d'oubli de saisies imputables à sa salariée (pièce n° 28 de l'association) pas plus que 'de très nombreuses dépenses ne se retrouvaient pas en comptabilité'.

L'association invoque ensuite des retards de règlement à des organismes sociaux, l'URSSAF et Humanis.

Pour l'URSSAF, il est reproché à la salariée de ne pas avoir adressé en temps utile le mandat de prélèvement destiné à payer l'organisme social, alors que celui-ci avait pourtant été signé le 13 juin 2016.

Mme [J] n'avait pris ses fonctions d'assistante de direction que le 6 juin 2016 et la dette de l'association était bien plus ancienne, puisqu'un commandement de saisie vente lui avait été signifié le 21 juin 2016, lequel visait une contrainte du 18 mai 2016, soit des cotisations dues à une époque à laquelle elle ne détenait aucune délégation de paiement. (pièce n° 12 de l'intimée).

La cour constate que l'employeur n'apporte aucun argument circonstancié à l'encontre de cette chronologie des faits, qui ne permet ainsi pas de retenir la responsabilité de la salariée.

Par ailleurs, l'association communique la lettre de mise en demeure de l'organisme Humanis du 28 octobre 2016, date à laquelle l'appelante se trouvait en arrêt maladie, rappelant les cotisations impayées de 2013 au deuxième trimestre 2016. La cour constate ainsi que pour cette créance également, la dette de l'association était antérieure aux nouvelles attributions de Mme [J] si bien que sa responsabilité ne peut sérieusement être retenue.

Le défaut de résiliation du contrat professionnel Multirisques

Il est reproché à Mme [J] de ne pas avoir résilié ce contrat en avril 2016 relatif à des locaux qui n'étaient plus occupés. Toutefois, à cette date, elle n'était pas encore assistante de de direction, si bien que cette résiliation ne relevait pas davantage de sa responsabilité au jour où le contrat aurait dû être résilié.

Les erreurs commises sur les fiches de paie de Mme [T]

L'association communique l'attestation de Mme [X],qui était membre du conseil d'administration de l'association (pièces n° 4 et 274 de l'intimée).

Or la relation des faits rapportée par le témoin, contestée par Mme [J], n'est corroborée par aucun autre élément objectif.

En outre, Mme [J] avait fait part à son employeur de ses lacunes quant à l'établissement d'un bulletin de salaire.

L'association en avait convenu puisqu'elle avait décidé de lui faire bénéficier d'une formation de 14 heures à l'automne 2016 (pièce n° 14 de l'intimée) En conséquence, on ne saurait retenir une insuffisance professionnelle pour une tâche pour laquelle la salariée n'avait pas les compétences suffisantes pour l'exécuter, sans formation préalable.

Sur l'impossibilité de consulter informatiquement les relevés de comptes, faute pour la salariée d'avoir remis au banquier une carte d'identité valide, et sur les contestations des ordres reçus

Ces griefs présentés au titre d'une insuffisance professionnelle reposent exclusivement sur les dires des représentants légaux de l'association, et ainsi de l'employeur lui-même, et ne sont corroborés par aucun élément objectif, alors que la cour constate qu'aucun avertissement n'a été adressé à Mme [J], avant son licenciement, et qu'en outre celle-ci a bénéficié d'une promotion substantielle en juin 2016, ce qui apparait contradictoire avec ces reproches qui s'apparentent davantage à une prétendue faute de la salariée.

Sur le problème des codes d'accès

Il apparait logique que durant le congé maladie de Mme [J], son employeur ait dû lui demander les codes d'accès à son ordinateur, étant précisé qu'il n'est pas démontré qu'elle se soit opposée à cette requête à la suite de la lettre recommandée qui lui a été adressée le 25 novembre 2016 (pièces 13 et 14 de l'intimée)

En conséquence, ce reproche n'est pas fondé.

Sur l'attitude fautive de Mme [J]

L'accusation de divulgation par Mme [J] de difficultés internes de l'Association CLCV à une Union locale indépendante ainsi qu'à un bénévole, en violation de sa clause de confidentialité, n'est corroborée par aucun élément.

Sur le refus de Mme [J] d'appliquer les décisions de son employeur, et ainsi de la demande de subvention sur réserve parlementaire, et sur le dénigrement par Mme [J] des nouveaux dirigeants, de certains bénévoles, et des insultes proférées contre ces derniers, l'association ne verse aux débats que des attestations émanant des représentants légaux de celle-ci, ou de bénévoles qui ne relatent aucun fait précis, circonstancié, et daté, mais sont de simples jugements de valeurs sur la personne de l'appelante.

Les manquements reprochés à Mme [J] n'étant pas établis, son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et le jugement déféré sera infirmé de ce cehf.

Sur les demandes pécuniaires de Mme [J]

Sur les dommages et intérêts pour licenciement abusif et vexatoire

Mme [J] sollicite la somme de de 25.000 euros à titre de dommages et intérêts en vertu de l'article L. 1235-5 du code du travail. Elle expose qu'elle a fait l'objet d'une attitude déloyale de son employeur ce qui l'a plongée dans un état dépressif réactionnel. L'association a en effet utilisé des motifs vexatoires d'insuffisance professionnelle. Elle justifie de nombreuses recherches d'emploi après son licenciement, est restée un an sans emploi et n'a que récemment retrouvé un emploi précaire.

L'association considère pour sa part que le licenciement dont a fait l'objet Mme [J] était fondé sur cause réelle et sérieuse, et qu'en outre, Mme [J] ne rapporte pas l'existence d'un état dépressif réactionnel, ni des préjudices moraux ou économiques.

***

Aux termes de l'article L. 1235-5 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, le salarié peut prétendre, en cas de licenciement abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi.

Mme [J] justifie être restée au chômage jusqu'en juin 2018, date à laquelle elle a été embauchée en qualité d'adjoint administratif, mais pour une durée déterminée (pièce n° 41 de l'appelante) et pour une rémunération inférieure à celle dont elle bénéficiait au sein de l'association (pièce n° 42 de l'appelante)

Au regard du préjudice subi par Mme [J] du fait de son licenciement, il lui sera alloué la somme de 10.000 euros.

Sur le rappel à titre d'indemnité compensatrice de congés payés

Mme [J] expose que sur les bulletins de salaire des mois de février à mai 2017, les deux jours et demi de congés payés n'ont pas été comptabilisés. Elle ajoute que l'ensemble des collaborateurs de l'Association a toujours bénéficié de leur droit à congés payés au cours de leurs arrêts maladie Elle sollicite ne conséquence la condamnation de l'Association à lui verser la somme de 598,36 euros bruts.

L'association s'y oppose au motif que durant cette période, Mme [J] se trouvait en arrêt maladie.

***

Mme [J] se trouvait en arrêt maladie pendant la période de référence si bien qu'il ne s'agissait pas d'une période de travail effectif .

L'existence de l'usage invoqué différent de la règle posée par l'article L. 3141-5 du code du travail n'est pas démontrée.

Mme [J] sera donc déboutée de sa demande.

Sur l'indemnité de transport

Mme [J] sollicite le paiement de l'indemnité de transport pour les mois d'avril et de mai 2017 soutenant que cette indemnité était payée au cours des arrêts maladie des salariés.

L'association s'oppose à cette demande alors que sa salariée était absente.

***

L'indemnité de transport a vocation à participer aux frais de transport du salarié pour se rendre à son travail. Mme [J] ayant été absente de l'entreprise pendant la période de référence, elle n'a exposé aucun frais pour se rendre à son travail, et ne peut donc solliciter le paiement de cette indemnité, l'existence de l'usage allégué n'étant pas établie.

Sur les autres demandes

L'association, partie perdante à l'instance, sera condamnée aux dépens ainsi qu'à payer à Mme [J] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté Mme [I] [J] de ses demandes au titre d'un rappel de congés payés et d'indemnité de transport,

Statuant à nouveau,

Dit que le licenciement de Mme [I] [J] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Condamne l'association Union Départementale de la Consommation, du Logement et du Cadre de Vie de la Gironde à payer à Mme [I] [J] la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Condamne l'association Union Départementale de la Consommation, du Logement et du Cadre de Vie de la Gironde aux dépens.

Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par Anne-Marie Lacour-Rivière, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Anne-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 19/00689
Date de la décision : 29/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-29;19.00689 ?
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