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29/06/2022 | FRANCE | N°19/00063

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 29 juin 2022, 19/00063


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 29 JUIN 2022







PRUD'HOMMES



N° RG 19/00063 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-KZQ5



















SA LE VIEUX LOGIS



c/



Madame [C] [F]

















Nature de la décision : AU FOND















Grosse délivrée

le :



à :





Décision déférée à la cour : jugement rendu le 17 décembre 2018 (RG n° F 18/00031) par le conseil de prud'hommes - formation paritaire de BERGERAC, section Commerce, suivant déclaration d'appel du 07 janvier 2019,





APPELANTE :

SA Le Vieux Logis, siret n° 378 720 577 00014, prise en la personne de so...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 29 JUIN 2022

PRUD'HOMMES

N° RG 19/00063 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-KZQ5

SA LE VIEUX LOGIS

c/

Madame [C] [F]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 17 décembre 2018 (RG n° F 18/00031) par le conseil de prud'hommes - formation paritaire de BERGERAC, section Commerce, suivant déclaration d'appel du 07 janvier 2019,

APPELANTE :

SA Le Vieux Logis, siret n° 378 720 577 00014, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social, [Adresse 3],

représentée par Maître Laurène D'AMIENS de la SCP CLAIRE LE BARAZER & LAURÈNE D'AMIENS, avocates au barreau de BORDEAUX,

assistée de Maître Lucie ROZENBERG, avocate au barreau de BERGERAC,

INTIMÉE :

Madame [C] [F], née le 12 avril 1986 à [Localité 4], de nationalité française, demeurant [Adresse 1],

représentée par Maître Aurélie GIRAUDIER de la SELARL JURIS AQUITAINE, avocate au barreau de BERGERAC,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 avril 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie Hylaire, présidente, et Monsieur Rémi Figerou, conseiller chargé d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvie Hylaire, présidenteMadame Sophie Masson, conseillère

Monsieur Rémi Figerou, conseiller

Greffière lors des débats : Anne-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

Délibéré prorogé au 29 juin 2022 en raison de la charge de travail de la cour.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [C] [F], née en 1986, a été engagée en qualité d'employée polyvalente par contrat de travail à durée déterminée du 19 mai 2014 au 31 octobre 2014 puis par contrat à durée indéterminée, à compter du 1er novembre 2014 par la SA Le Vieux Logis qui exploite un fonds de commerce d'hôtel-restaurant.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des hôtels, cafés restaurants

Mme [F] exerçait en dernier lieu l'emploi de gouvernante qui lui avait été proposée à l'occasion du départ en congé maternité de la titulaire du poste, Mme [A].

Mme [F] a été placée en arrêt de travail du 31 mai 2017 au 10 juillet 2017, souffrant d'une tendinite à l'épaule.

Par courriel du 19 août 2017, elle a sollicité un rendez-vous à sa direction pour aborder 'les agissements de M. [H]' à son égard, indiquant avoir déjà évoqué le comportement de celui-ci en janvier 2017. M. [H] était le directeur de salle de l'établissement avec lequel Mme [F] avait eu une relation intime qui avait pris fin.

Il lui a alors été proposé un entretien avec le président du conseil de surveillance de la société, M. [J], la salariée ayant décliné la première invitation le 28 août puis le 30 août sollicité à nouveau cette rencontre qui s'est déroulée dans la matinée du 4 septembre 2017.

Le même jour, M. [H] a déposé plainte à l'encontre du compagnon de Mme [F] qui s'était rendu à l'établissement vers midi et l'aurait frappé.

A la suite de l'entretien, par courriel du même jour, M. [J] a invité Mme [F] à lui adresser les justificatifs des griefs formulés à l'encontre de M. [H] (l'envoi de messages incessants par textos, des gestes déplacés, des changements d'emploi du temps pour que la salariée soit avec lui), des passages non justifiés à la lingerie et le suivi de la salariée dans l'établissement).

A réception des éléments invoqués par Mme [F], par lettre du 8 septembre, la société a invité celle-ci à présenter ses observations devant une commission d'enquête réunie le 19 septembre 2017.

Par lettre du 15 septembre, le conseil de Mme [F] a décliné l'invitation, estimant que la commission dont elle ne connaissait que partiellement la composition semblait prendre l'allure d'un tribunal.

Cette composition était précisée par le conseil de l'employeur par lettre du 27 septembre qui faisait reproche à Mme [F] de faire pression sur les salariés pour obtenir des attestations en sa faveur.

Le 6 octobre, le conseil de Mme [F] mettait en doute la neutralité de la commission dans la mesure où la salariée était accusée avant même d'être entendue et adressait une attestation de Mme [F] ainsi que les témoignages de trois salariées, Mesdames [T], [E] et [G], cette dernière s'étant plaint du comportement de M. [H] et ayant pris acte de la rupture de son contrat le 2 août 2017.

Par lettre du 24 octobre 2017, M. [J], n'ayant pas reçu les nouveaux éléments annoncés dans le courrier du 6 octobre, annonçait à Mme [F] que la commission allait clore l'enquête.

Par lettre du 27 octobre, il l'invitait à cesser les rumeurs malsaines causant des troubles dans l'entreprise.

Par lettre datée du 15 novembre 2017, Mme [F] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 27 novembre 2017, avec mise à pied à titre conservatoire.

Mme [F] a ensuite été licenciée pour faute grave par lettre datée du 4 décembre 2017.

A la date du licenciement, Mme [F] avait une ancienneté de 3 ans et demi et la société Le Vieux Logis occupait à titre habituel plus de 10 salariés.

Contestant la validité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, Mme [F] a saisi le 9 mars 2018 le conseil de prud'hommes de Bergerac qui, par jugement rendu le 17 décembre 2018, a :

- requalifié le licenciement de Mme [F] en un licenciement nul et irrégulier,

- fixé le salaire de référence de Mme [F] la somme de 1.976,57 euros bruts,

- condamné la société Le Vieux Logis à régler à Mme [F] les sommes de :

* 11.859,42 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul,

* 1.976,57 euros à titre d'indemnité pour licenciement irrégulier,

* 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

* 3.953,14 euros bruts à titre d'indemnité de préavis,

* 395,31 euros bruts à titre de conges payes sur préavis,

* 1.729,50 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

* 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Le Vieux Logis à remettre à Mme [F] une attestation Pôle Emploi conforme au jugement sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à compter du 15ème jour de la notification de celui-ci, l'a limitée à 30 jours et s'est réservé la compétence pour liquider ladite astreinte,

- ordonné le remboursement par la société Le Vieux Logis aux organismes intéressés, de 6 mois d'indemnités de chômage versées à Mme [F], conformément aux dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire, hormis en ce qui concerne l'exécution provisoire de droit telle que définie à l'article R. l454-28 du code du travail,

- débouté la société Le Vieux Logis de ses demandes reconventionnelles,

- condamné la société Le Vieux Logis aux dépens de l'instance et aux éventuels frais d'exécution.

Par déclaration du 7 janvier 2019, la société Le Vieux Logis a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 24 janvier 2022, la société Le Vieux Logis demande à la cour d' infirmer le jugement déféré et, statuant à nouveau, de :

- déclarer valable, bien fondé et régulier le licenciement pour faute grave de Mme [F],

- débouter Mme [F] de prétentions plus amples ou contraires,

- condamner Mme [F] à rembourser à la société Le Vieux Logis la somme de 3.460,28 euros,

- condamner Mme [F] à verser à la société la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 10 mars 2022, Mme [F] demande à la cour de :

- débouter la société Le Vieux Logis de l'intégralité de ses demandes,

- confirmer partiellement le jugement du conseil des prud'hommes en ce qu'il a :

* requalifié son licenciement en un licenciement nul et irrégulier,

* fixé son salaire de référence à 1.976,57 euros,

* condamné la société Le Vieux Logis à lui régler les sommes de :

- indemnité pour licenciement irrégulier : 1.976,57 euros,

- dommages et intérêts au titre du préjudice moral : 5.000 euros,

- indemnité compensatrice de préavis (2 mois) : 3 953,14 euros,

- indemnité compensatrice de congés payés sur préavis : 395,31 euros,

- indemnité légale de licenciement : 1.729,50 euros,

- article 700 du code de procédure civile : 1.500 euros,

- ordonné la remise sous astreinte de 150 euros par jour de retard d'une attestation Pôle Emploi rectifiée sur le motif du licenciement,

- infirmer le jugement du conseil des prud'hommes en ce qu'il a condamné la société Le Vieux Logis à lui régler la somme de 11.859,42 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, et statuant à nouveau, condamner la société Le Vieux Logis à lui régler la somme de 24.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

Y ajoutant,

- dire que toutes les sommes alloués porteront intérêts au taux légal à compter de la demande en justice,

- ordonner la capitalisation des intérêts,

- condamner la société Le Vieux Logis au paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 17 mars 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 11 avril 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nullité du licenciement en raison des faits de harcèlement dénoncés par Mme [F]

La lettre de licenciement adressée à Mme [F] qui fixe les limites du litige et des griefs reprochés par l'employeur est ainsi rédigée :

'(')

Nous ne nous sommes pas contentés d'impressions et n'avons pas porté un jugement subjectif. Une commission d'enquête complétant de nombreux témoignages écrits spontanés, dont certains produits par vos soins, nous ont convaincus que votre présence dans l'établissement n'était plus possible compte tenu :

- de mensonges énoncés dans certains de vos témoignages contredits par les personnes citées,

- de propos infamants concernant des cadres de l'entreprise et notamment portant discrédit sur leur vie privée,

- des propos malveillants et nuisibles à l'égard de certains de vos collègues attestés par écrits et par ces collaborateurs,

- de violence exercée sur le site de l'exploitation par votre ex-compagnon ayant entraîné

une plainte par M [H] à la gendarmerie de [Localité 2],

- d'aménagements de planning à votre seule convenance et sans avertir la direction.

Compte tenu de la gravité des faits qui vous sont reprochés, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible, y compris pendant la période de votre préavis.

(...).'

Mme [F] soutient qu'elle a été licenciée pour avoir dénoncé les faits de harcèlement commis par M. [H] dont le comportement de M. [H] était connu de tous, et notamment de la direction, puisqu'il était à l'origine de la prise d'acte de la rupture de Mme [G], réceptionniste, au mois d'août 2017. Elle verse aux débats des attestations qui rapporteraient la preuve de ces faits de harcèlement.

Elle précise qu'elle pensait que son employeur avait pris la mesure de la gravité des faits qu'elle avait rapportés, puisque celui-ci avait décidé de créer une commission d'enquête. Toutefois, cette commission était partiale et n'avait eu pour seule mission que de la décrédibiliser et la pousser à démissionner. Notamment, le rapport de cette commission ne relate que l'interrogatoire du salarié accusé de faits de harcèlements à l'exclusion de tout autre salarié. Ne parvenant pas à obtenir sa démission, l'employeur l'a licenciée.

La société Le Vieux Logis rappelle que Mme [F] a adressé un courriel sur la boîte mail collective de l'entreprise, ainsi accessible par tous les salariés, afin de demander un rendez-vous officiel avec sa direction pour aborder les agissements de M. [H] à son égard ajoutant qu'elle envisageait de porter ces agissements à la connaissance des autorités compétentes. Elle précise que quelques jours auparavant, Mme [G], également salariée, avait agi de même, rendant publique sa prise d'acte de rupture de son contrat de travail en raison des agissements de ce même M. [H]. Elle ajoute qu'elle a répondu aux faits allégués par Mme [F] en la recevant et en mettant en place une commission d'enquête.

Elle fait aussi valoir que le jour même de l'entretien, le compagnon de Mme [F] s'était rendu dans l'entreprise de celle-ci et avait frappé M. [H].

Elle ajoute encore que Mme [F] n'a pas voulu être entendue par la commission d'enquête, contestant sa composition. En définitive il est apparu par les témoignages recueillis dans le cadre de l'enquête que Mme [F] avait adopté un comportement tout à fait inapproprié, menaçant, et désorganisant la société.

***

Dans la lettre adressée à l'employeur le 6 octobre 2017, le conseil de Mme [F] a adressé l'attestation de celle-ci dans laquellesont dénoncés des faits de harcèlement la concernant mais dont d'autres salariées auraient été également victimes.

Or, la lettre de licenciement fait expressément reproche à Mme [F] du caractère mensonger de son témoignange er des propos infamants, malveillants et nuisibles tenus par elle à l'agard de collègues et est donc au moins partiellement en lien avec la dénonciation de faits que la salariée qualifiait de harcèlement.

Aux termes de l'article L. 1152-2 du code du travail, aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

Même si l'existence des faits dénoncés n'est pas établie, la nullité est néanmoins encourue sauf pour l'employeur à démontrer la mauvaise foi du salarié.

Sur la dénonciation par la salariée du harcèlement qu'elle aurait subi

personnellement

L'article L. 1154-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige précise que lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et

L. 1153-1 à L. 1153-4, si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il incombe à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, il appartient à Mme [F] d'établir les faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement à son égard.

Elle a communiqué sa propre attestation de 17 pages, dans laquelle elle relate les faits qu'elle a dénoncés (pièce n° 15) ou encore la lettre qu'elle a adressée à sa direction, le 5 septembre 2017 (pièce n° 3).

Toutefois, Mme [F] ne peut apporter seulement son propre témoignage pour établirdes faits contestés qu'elle entend faire reconnaître en justice.

Elle a également communiqué des SMS échangés avec M. [H] (pièce n° 3). Elle fait valoir que ces SMS auraient été échangés alors qu'elle était en jours de repos.

Ces SMS ne sont pas datés, l'un ayant été adressé la nuit à la suite d'une erreur : les échanges y sont cordiaux et ne révèlent pas de harcèlement de la part de M. [H], avec lequel elle avait entretenu une relation amoureuse.

Mme [F] a également versé aux débats l'attestation de Mme [T] (pièce n° 16) laquelle n'évoque toutefois que des faits la concernant.

L'intimée verse aussi aux débats la longue attestation de Mme [G] (pièce n° 20) laquelle n'évoque également que des faits la concernant dans sa relation avec M. [H], et non ceux évoqués par Mme [F].

Mme [F] produit aussi l'attestation de Mme [N] (pièce n° 22) mais celle-ci n'évoque que ses propres difficultés durant sa présence dans l'entreprise.

L'attestation de M. [S] (pièce n° 17) se borne à dresser un portrait de l'intimée et à apporter son jugement de valeur sur les accusations de sa collègue, sans toutefois rapporter un fait précis de harcèlement la concernant.

Mesdames [M] (pièce n° 18) et M. [W] (pièce n° 28) se limitent à considérer que la commission d'enquête n'était pas impartiale.

En conséquence, même pris dans leur ensemble, les éléments invoqués par Mme [F] ne permettent pas de présumer un harcèlement de la part de M. [H] à son encontre.

La mauvaise foi de Mme [F], dans la dénonciation des faits la concernant peut être retenue au regard notamment de la déclaration faite par Mme [Z] qui indique que, suite à la rupture de la relation qu'entretenait Mme [F] avec M. [H], celle-ci lui avait déclaré qu'il allait 'le lui payer'.

Ces déclarations sont confortées par celles de Mme [A] qui atteste de ce que Mme [F] lui a affimé, alors que M. [H] refusait de quitter son épouse pour elle, qu'elle allait le provoquer, le narguer, pour arriver à ses fins, le témoin ajoutant qu'elle lui avait dit qu'il fallait qu'il paye, la cour relevant que l'existence d'une 'concurrence' des deux salariés sur le poste de gouvernante ne repose que sur les déclarations non étayées de Mme [F].

Sur la dénonciation des faits subis par d'autres salariées

Mme [F] a aussi porté à la connaissance de son employeur des agissements commis par M. [H] à l'encontre d'autres salariées, telles Mme [T], Mme [G] ou Mme [E] en lui adressant également les attestations de ces dernières témoignant des faits que celles-ci avaient subis.

Or, aucune des pièces produites par l'employeur ne permet de retenir la mauvaise foi de Mme [F] dans la dénonciation de ces faits alors que celle-ci communique nombre d'attestations de salariées ou d'anciennes salariées s'étant dit également victimes de faits de harcèlement émanant du même salarié incriminé par l'intimée.

Par ailleurs, la cour ne peut que s'interroger sur le sérieux du travail entrepris par la commission d'enquête. En effet, alors qu'au moment des faits, l'entreprise comptait 46 salariés (pièce n° 11 de l'intimée), la commission n'a interrogé que l'épouse de M. [H], également salariée de l'entreprise et ce dernier (pièce n° 20 de l'appelante) pour conclure :

''. M. [H] n'a pas usé de son poste hiérarchique pour imposer des relations sexuelles ou de l'abus moral''.

Enfin, le résultat de cette commission d'enquête ne permet pas à l'employeur de démontrer la mauvaise foi de la salariée dans sa dénonciation des faits subis par ses collègues.

En conséquence, la société Le Vieux Logis ne démontre pas la mauvaise foi de Mme [F] à l'occasion de la révélation des faits qu'elle a dénoncés concernant d'autres salariées.

En conséquence, son licenciement est nul.

Sur les demandes de Mme [F]

Sur l'indemnité légale de licenciement

Mme [F] expose que depuis le 27 septembre 2017, l'indemnité légale de licenciement se calcule à raison d'1/4 de mois de salaire par année d'ancienneté jusqu'à 10 ans si bien qu'il lui est dû la somme de 1.729,50 euros (1.976,57 x ¿ x 3,5 ans).

L'employeur ne discute pas de cette demande.

***

Au regard de l'ancienneté de la salariée et de la rémunération perçue, la demande de Mme [F], fondée en son principe et en son quantum, sera accueillie, le jugement déféré étant confirmé de ce chef.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis et l'indemnité compensatrice de congés

payés sur préavis

Mme [F] expose qu'en application de l'article 30 de la convention collective applicable, elle a droit à une indemnité de préavis de deux mois soit la somme de 3.953,14 euros (1.976,57 x 2) outre l'indemnité compensatrice de congés sur préavis s'élevant à la somme de 395,31 euros.

L'employeur ne discute pas de cette demande.

***

Au regard de l'ancienneté de la salariée et de la rémunération perçue, la demande de Mme [F], fondée en son principe et en son quantum, sera accueillie, le jugement déféré étant confirmé de ce chef.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement nul

Mme [F] sollicite la somme de 24.000 euros à titre de dommages et intérêts.

La société fait valoir qu'elle ne justifie d'aucune recherche d'emploi.

***

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme [F], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, c'est à juste titre que les premiers juges ont évalué le préjudice résultant de la nullité du licenciement subi par Mme [F].

La décision sera donc confirmée de ce chef ainsi qu'en ce qu'elle a ordonné, en application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail,dans sa rédaction applicable à la date du licenciement, le remboursement par l'employeur à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à la salariée depuis son licenciement dans la limite de 6 mois d'indemnités.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement irrégulier

L'irrégularité de procédure alléguée n'étant pas démontrée compte tenu du caractère succinct du compte-rendu d'entretien établi par le conseiller qui assistait Mme [F], dont le contenu est contesté par la société, Mme [F] sera déboutée de sa demande de ce chef.

Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral

Mme [F] sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il lui a alloué la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral.

Cette demande n'est pas motivée dans ses écritures et n'a pas non plus été motivée par le conseil.

Faute de justifier de son fondement juridique, Mme [F] sera déboutée de cette prétention, étant rappelé que la cour a estimé ci-avant que l'existence d'un harcèlement moral commis à l'encontre de la salariée ne pouvait être retenue.

Sur les autres demandes

La décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a ordonné la remise par l'employeur d'une attestation Pôle Emploi rectifiée, tenant compte de l'ancienneté de la salariée, préavis inclus, et ce, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision, la mesure d'astreinte n'étant pas en l'état justifiée.

Il n'y a pas lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil en application desquelles les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1343-2.

La société Le Vieux Logis, partie perdante à l'instance, sera condamnée aux dépens ainsi qu'à verser à Mme [F] la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel, en sus de la somme allouée à ce titre par les premiers juges sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La Cour,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a dit que le licenciement de Mme [C] [F] était nul, a retenu comme salaire de référence de celle-ci la somme mensuelle de l.976,57 euros bruts, condamné la SA Le Vieux Logis à payer à Mme [C] [F] les sommes de 3.953,14 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 395,31 euros bruts au titre des congés payés y afférents, 1.729,50 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement, 11.859,42 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul, 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens et ordonné le remboursement par la SA Le Vieux Logis aux organismes intéressés de 6 mois d'indemnités de chômage versées à Mme [F],

Le réforme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute Mme [C] [F] de ses demandes de dommages et intérêts pour préjudice moral et pour licenciement irrégulier,

Rappelle que les créances salariales produisent intérêts au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes et les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

Ordonne la remise par la SA Vieux Logis à Mme [C] [F] d'une attestation Pôle Emploi rectifiée, tenant compte de l'ancienneté de la salariée, préavis inclus, et ce, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Condamne la SA Le Vieux Logis aux dépens.

Signé par Madame Sylvie Hylaire, présidente et par Anne-Marie Lacour-Rivière, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Anne-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 19/00063
Date de la décision : 29/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-29;19.00063 ?
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