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22/06/2022 | FRANCE | N°18/06787

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 22 juin 2022, 18/06787


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 22 JUIN 2022







PRUD'HOMMES



N° RG 18/06787 - N° Portalis DBVJ-V-B7C-KY4Z













Société USCA FRANCE TABAC



S.E.L.A.R.L. HART DE KEATING prise en la personne de Me Christian Hart de Keating es qualté de mandataire liquidateur de l'Union des Sociétés Coopératives Agricoles France Tabac



c/



Monsieur [E] [B]





UNEDIC Délégation AGS-CGEA de BORDEAUX

















Nature de la décision : AU FOND

















Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 novembre 2018 (R.G. n°F 18/000...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 22 JUIN 2022

PRUD'HOMMES

N° RG 18/06787 - N° Portalis DBVJ-V-B7C-KY4Z

Société USCA FRANCE TABAC

S.E.L.A.R.L. HART DE KEATING prise en la personne de Me Christian Hart de Keating es qualté de mandataire liquidateur de l'Union des Sociétés Coopératives Agricoles France Tabac

c/

Monsieur [E] [B]

UNEDIC Délégation AGS-CGEA de BORDEAUX

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 novembre 2018 (R.G. n°F 18/00009) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BERGERAC, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 19 décembre 2018,

APPELANTE :

USCA France Tabac Union de Sociétés Coopératives Agricoles, placée en

liquidation judiciaire par jugement du 11 octobre 2021 par le tribunal judiciaire de Bergerac

N° SIRET : 315 856 252 00012

S.E.L.A.R.L. HART DE KEATING prise en la personne de Me Christian Hart de Keating es qualité de mandataire liquidateur de l'Union des Sociétés Coopératives Agricoles France Tabac, désignée par jugement du Tribunal Judiciaire de PERIGUEUX du 11/10/2021, demeurant [Adresse 1] - [Localité 2]

représentée et assistée de Me Emilie MONTEYROL, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉS :

Monsieur [E] [B]

né le 09 Octobre 1955 à CASABLANCA (MAROC) (20000)

de nationalité Française, demeurant [Adresse 5] - [Localité 3]

représenté et assisté de Me Frédérique POHU PANIER, avocat au barreau de PERIGUEUX

UNEDIC Délégation AGS-CGEA de BORDEAUX, prise en la personne de son directeur domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 6] - [Localité 4]

représentée et assistée de Me Philippe DUPRAT de la SCP DAGG, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 mai 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie Hylaire, présidente chargée d'instruire l'affaire et Madame Sophie Masson, conseillère

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sophie Masson, conseillère

Greffier lors des débats : Evelyne Gombaud

Greffier lors du prononcé: A.-Marie Lacour-Rivière

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

L'Union des Sociétés Coopératives Agricoles des Producteurs France Tabac (ci-après dénommée l'USCA France Tabac) avait pour activité la collecte, la transformation, le conditionnement, la conservation, le stockage et la commercialisation de tabacs bruts produits par les producteurs français auprès des fabricants de cigarettes pour le marché français et l'exportation.

En 2015, elle réunissait 6 coopératives agricoles représentant 910 producteurs de tabac implantés sur le territoire national.

En accord avec les coopératives associées, l'USCA France Tabac coordonnait l'activité de la filière tabacole française ; son niveau d'activité dépendait des volumes de production de chacune des coopératives et de la demande finale des cigarettiers en matière de volume et de qualité de tabac attendue.

Elle achetait la récolte annuelle de tabac à chaque coopérative associée puis, après transformation au sein d'une usine située à Sarlat en Dordogne, vendait la production transformée aux cigarettiers.

Le processus de production était conduit autour de trois opérations principales :

- la logistique approvisionnement avec l'achat, la réception et le stockage de la matière

première brute ;

- la valorisation des tabacs conformément aux cahiers de charge des clients ;

- la logistique de produits finis pour préparer et assurer les expéditions des mélanges envoyés aux clients.

L'usine de Sarlat comptait, avant la mise en oeuvre du plan de sauvegarde de l'emploi de 2016 (ci-après PSE), un effectif de 57 salariés permanents affectés aux activités de transformation et de valorisation du tabac. Des saisonniers complétaient ces effectifs en période de transformation des récoltes.

L'USCA France Tabac employait également 1 salarié dans son établissement parisien.

***

Le 24 juin 2016, l'USCA France Tabac a engagé les procédures d'information et de consultation des instances représentatives du personnel (ci-après IRP) sur un projet de licenciement collectif pour motif économique concernant plus de 10 salariés.

Par décision en date du 6 octobre 2016, la DIRECCTE a homologué le document unilatéral fixant le contenu du PSE établi par l'USCA France Tabac.

Ce document prévoyait la suppression de 20 postes sur les 56 existants sur le site de Sarlat (un salarié étant décédé au cours de la procédure) :

- 3 contrats de travail à durée indéterminée en lien avec l'externalisation des activités de nettoyage des locaux sociaux et RH ;

- 5 contrats de travail à durée indéterminée en lien avec la modification des modalités de valorisation des tabacs aux coopératives ;

- 2 contrats de travail à durée indéterminée en lien avec une réorganisation des activités (chef d'atelier, maintenance) ;

- le changement de statut de 10 contrats de travail à durée indéterminée en contrats saisonniers.

Il emportait la suppression :

- de deux postes d'acheteurs regradeurs sur les 5 existant,

- des deux postes d'agents administratifs RH,

- d'un poste d'agent administratif sur les 3 existant,

- des quatre postes d'agents de contrôle,

- des deux postes de caristes,

- d'un poste de chef d'atelier sur les 4 existant,

- d'un poste d'encadrement sur les 6 existant,

- des 5 postes de manutention/nettoyage et locaux sociaux,

- d'un poste de responsable d'équipe sur les 6 existant,

- d'un poste de technicien de maintenance sur les 6 existant.

Au titre des critères d'ordre des licenciements, le document unilatéral accordait une priorité à celui des qualités professionnelles décliné sous le terme de 'compétences clé' Le document précisait que « ces éléments ne prennent pas en compte les conditions d'exercice des missions, FRANCE TABAC ne disposant pas de dispositif objectif d'évaluation permettant de jauger de la qualité de réalisation des opérations. Seules leurs réalisations, sous un angle quantitatif, sont prises en compte, et peuvent être vérifiées au travers du pointage analytique des heures et de la planification hebdomadaire.

La répartition des compétences ventilées dans chacune des catégories professionnelles est établie sur la base des constats depuis le dernier PSE, à savoir les récoltes 2014 et 2015 (...) ».

Enfin, les points attribués en fonction de ces compétences clé étaient fixés à :

- 10 pour le salarié assurant une compétence clé,

- 20 pour 2 de ces compétences,

- 30 pour 3 ou plus de celles-ci.

Par ailleurs, le PSE prévoyait une première phase de départ volontaire, dans le cadre de candidatures examinées par une commission idoine, avec possibilité pour le salarié candidat à une rupture d'un commun accord pour motif économique d'adhérer au contrat de sécurisation professionnelle (ci-après CSP) ainsi que des aides au reclassement externe, avec notamment la mise en place d'une cellule de reclassement.

***

Monsieur [E] [B], né en 1955, avait été engagé par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 27 janvier 1986, au sein de l'usine de Sarlat en qualité de chef d'atelier de production.

Depuis 2008, il exerçait en outre les fonctions d'acheteur.

Son salaire moyen des douze derniers mois précédant la rupture de son contrat s'élevait à 4.213,73 euros.

Par courrier du 10 août 2016, M. [B] a présenté sa candidature pour un départ volontaire, candidature qui a été retenue le 14 octobre 2016 comme ayant fait l'objet d'un avis favorable émis par la commission ad hoc prévue par le PSE.

Par lettre du 14 octobre 2016, l'USCA France Tabac a adressé à M. [B] la convention de rupture amiable ainsi que le contrat de sécurisation professionnelle.

M. [B] a signé la convention de rupture amiable le 14 octobre 2016 et a adhéré au dispositif du CSP à une date non précisée, la rupture du contrat prenant effet le 4 novembre 2016.

M. [B] a perçu au titre des indemnités de rupture une somme nette de cotisations sociales s'élevant à 77.232 euros (indemnité de licenciement) et une somme soumise à cotisations s'élevant à 8.000 euros (indemnité d'accompagnement au départ volontaire).

Par lettre du 20 février 2017, M. [B] a sollicité la communication des points qui lui avaient été attribués dans le cadre des critères d'ordre des licenciements.

En retour, l'USCA France Tabac lui a répondu qu'il avait bénéficié de 45 points (13 pour ancienneté, 1 pour handicap, 11 pour l'âge et 20 pour les compétences clé).

M. [B] a fait valoir ses droits à la retraite en décembre 2017.

Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, M [B] a, ainsi que d'autres salariés ayant subi la rupture de leur contrat, saisi le 28 avril 2017 le conseil de prud'hommes de Bergerac qui, par jugement rendu le 20 novembre 2018, a :

- déclaré recevables les demandes de M. [B] au titre de la contestation de la rupture pour motif économique de son contrat de travail,

- constaté que l'USCA France Tabac n'appartient à aucun groupe, que le motif économique invoqué est réel et sérieux et que l'obligation de tentative préalable de recherche sérieuse de reclassement n'a pas été respectée,

- requalifié le licenciement pour motif économique de M. [B] en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné l'USCA France Tabac à verser à M. [B] les sommes suivantes :

* 50.564,76 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 8.427,46 euros bruts à titre d'indemnité de préavis,

* 842,46 euros bruts à titre de congés payés sur préavis,

* 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné l'USCA France Tabac à remettre à M. [B] une attestation Pôle Emploi conforme à la décision sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à compter du 15ème jour suivant la notification de la décision et dans la limite de 30 jours, se réservant la compétence pour liquider ladite astreinte,

- ordonné le remboursement par l'USCA France Tabac, aux organismes intéressés, de 6 mois d'indemnités de chômage versés à M. [B], conformément à l'article L. 1235-4 du code du travail,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire, hormis en ce qui concerne l'exécution provisoire de droit telle que définie à l'article R.1454-28 du code du travail,

- fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire de M. [B] à la somme de 4.213,73 euros bruts,

- débouté M. [B] du surplus de ses demandes et l'USCA France Tabac de ses demandes reconventionnelles,

- condamné l'USCA France Tabac aux dépens de l'instance et aux éventuels frais d'exécution.

Par déclaration du 19 décembre 2018, l'USCA France Tabac a relevé appel de cette décision.

Par jugement rendu le 11 octobre 2021 par le tribunal de commerce de Bergerac, l'USCA France Tabac a été placée en liquidation judiciaire, la date de cessation des paiements étant fixée au 12 juillet 2021 et la SELARL de Keating étant désignée en qualité de liquidateur.

Par acte d'huissier délivré le 10 décembre 2021 à la requête de Mme [B], la SELARL de Keating a été assignée ès qualités en intervention forcée, l'UNEDIC Délégation AGS CGEA de Bordeaux étant également attraite dans la procédure par acte d'huissier délivré le 17 décembre 2021.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 12 avril 2022, la SELARL de Keating, agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de l'USCA France Tabac, demande à la cour de :

In limine litis, infirmer partiellement le jugement déféré en ce qu'il a déclaré recevables les demandes de M. [B],

A titre subsidiaire, infirmer partiellement le jugement en ce qu'il a constaté que l'obligation de reclassement n'avait pas été respectée, en ce qu'il a condamné l'USCA France Tabac à des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à l'indemnité de préavis, outre les congés payés y afférents, en ce qu'il a ordonné le remboursement des indemnités de chômage et, en tout état de cause, déduire de cette condamnation la somme de 8.427,46 euros,

En toute hypothèse,

- déclarer irrecevable toute demande à l'encontre de l'USCA France Tabac comme suite à sa mise en liquidation judiciaire,

- débouter M. [B] de toutes ses demandes à son encontre et de toutes ses demandes de fixation au passif de l'USCA France Tabac,

- débouter M. [B] de toutes ses demandes,

- condamner M. [B] à payer à la SELARL De Keating, en sa qualité de liquidateur de l'USCA France Tabac, la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des

avocats le 23 mars 2022, M. [B] demande à la cour de':

- se déclarer compétente pour connaître de ses demandes,

- déclarer recevables ses demandes,

- confirmer le jugement en ce qu'il a requalifié la rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- fixer sa créance à la liquidation judiciaire de l'USCA France Tabac à la somme de 170.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'USCA France Tabac au titre de l'indemnité de préavis dont il a été privé à hauteur de 8.427,46 euros bruts outre les congés payés afférents à hauteur de 842,76 euros bruts réglés dans le cadre de l'exécution provisoire,

- ordonner la remise sous astreinte de 150 euros par jour de retard d'une attestation Pôle Emploi rectifiée sur le motif du licenciement,

- liquider l'astreinte à la somme de 4.500 euros,

- fixer sa créance à la liquidation judiciaire de l'USCA France Tabac à la somme de 4.500 euros au titre de cette astreinte,

- fixer sa créance à la liquidation judiciaire de l'USCA France Tabac à la somme de 320,95 euros au titre de ses frais d'exécution,

- fixer sa créance à la liquidation judiciaire de l'USCA France Tabac à la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire que les sommes allouées porteront intérêts au taux légal à compter de la date de saisine et que les intérêts seront capitalisés à son profit conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil,

- mettre à la charge de la liquidation judiciaire de l'USCA France Tabac tous les dépens, en ce compris les éventuels frais d'exécution de la décision à intervenir,

- déclarer l'arrêt à intervenir commun et opposable à l'AGS-CGEA,

- débouter l'USCA France Tabac, le liquidateur et l'AGS CGEA de l'intégralité de leurs demandes.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 6 avril 2022, l'UNEDIC Délégation AGS CGEA de Bordeaux demande à la cour de':

Sur l'appel principal et l'appel incident,

- se déclarer incompétente pour statuer sur la réalité du motif économique et de la suppression du poste et sur le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi,

- rejeter en conséquence les moyens et les demandes de M. [B] fondés sur le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, sur la suppression de postes ou encore sur le vice de son consentement,

- déclarer irrecevable et mal fondée la contestation de M. [B] de la cause réelle et sérieuse de la rupture de son contrat,

- déclarer mal fondée la contestation de M. [B] sur l'obligation de reclassement,

- réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- débouter M. [B] de l'intégralité de ses demandes,

A titre très infiniment subsidiaire,

- débouter en toute hypothèse M. [B] de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents et de ses demandes de liquidation de l'astreinte et de fixation d'une nouvelle astreinte,

En cas extraordinaire de non-respect de recherche de reclassement retenu par la cour,

- fixer la créance de M. [B] au passif de l'USCA France Tabac à la somme de 23.523 euros au visa de l'article L.1235-3 du code du travail,

- débouter M. [B] du surplus de sa demande,

Sur la garantie de l'AGS,

- déclarer opposable l'arrêt à intervenir à l'AGS CGEA de Bordeaux dans la limite légale de sa garantie, laquelle est limitée à six fois le plafond mentionné à l'article D. 3253-5 du code du travail en vigueur en 2016 et exclut l'astreinte et l'indemnité allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 avril 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 3 mai 2022.

A cette audience, la cour a informé les parties qu'elle entendait relever d'office son incompétence sur les questions relevant de la compétence de la juridiction administrative, les invitant, en tant que de besoin, à adresser une note en délibéré sur ces questions.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'au jugement déféré.

*

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité des demandes de M. [B] tendant à contester la cause de la rupture amiable de son contrat de travail et la compétence de la juridiction prud'homale

Le liquidateur ès qualités et l'UNEDIC sollicitent l'infirmation partielle du jugement déféré en ce qu'il a déclaré recevables les demandes de M. [B], la conclusion d'une convention de rupture amiable pour motif économique excluant toute contestation de la cause réelle et sérieuse de la rupture, sauf fraude ou vice du consentement non caractérisés en l'espèce.

M. [B] conclut à la compétence de la juridiction prud'homale pour statuer sur ses demandes et à la recevabilité de celles-ci.

*

Ainsi que le fait valoir M. [B], la convention de rupture amiable qu'il verse aux débats n'est pas revêtue de sa signature.

Ni le liquidateur, ni l'UNEDIC n'ont fait valoir d'observations quant à ce défaut de signature et n'ont pas non plus produit un exemplaire signé par le salarié.

Cette convention ne lui est dès lors pas opposable et il sera en conséquence retenu que le contrat de travail de M. [B] a pris fin en conséquence de son acceptation du CSP.

Sa contestation du caractère réel et sérieux de son licenciement est dés lors recevable.

***

L'Unedic demande à titre principal à la cour de se déclarer incompétente pour statuer sur la réalité du motif économique et de la suppression de poste ainsi que sur le contenu du PSE, définitivement validé par la DIRECCTE.

M. [B] fait valoir que le juge judiciaire demeure compétent pour statuer sur sa demande individuelle en contestation de son licenciement ainsi que sur ses demandes portant sur la mise en oeuvre du PSE, son application aux salariés et sur les événements survenus postérieurement à l'homologation du document unilatéral soumis par l'employeur à l'autorité administrative.

*

Lorsque la rupture du contrat de travail intervient dans le cadre d'une procédure de licenciement collectif pour motif économique, mise en oeuvre à la suite d'un document unilatéral portant PSE homologué par l'autorité administrative, le juge judiciaire demeure compétent pour apprécier :

- la cause économique de la rupture à la fois dans son élément originel (réalité du motif) et dans son élément matériel (suppression de l'emploi) ;

- le respect par l'employeur de l'obligation individuelle de reclassement mais d'une part, cette appréciation ne peut méconnaître l'autorité de la chose décidée par l'autorité administrative ayant homologué le document élaboré par l'employeur par lequel a été fixé le contenu du plan de reclassement intégré au plan de sauvegarde de l'emploi et ne peut donc emporter contrôle du y figurant dans ce plan ; d'autre part, le juge judiciaire ne peut, sous couvert de manquement à l'obligation individuelle de reclassement, examiner les demandes des salariés ne tendant qu'à contester les recherches de postes de reclassement dans l'élaboration du plan de sauvegarde de l'emploi ;

- la mise en oeuvre des critères d'ordre des licenciements mais non leur validité.

C'est donc sous ces réserves que seront examinées les demandes de M. [B].

Sur la demande de M. [B] au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement

M. [B] conteste la réalité du motif économique invoqué par l'USCA France Tabac

mais aussi le non-respect de l'obligation de reclassement incombant à celle-ci.

Sur le motif économique

M. [B] fait valoir les éléments suivants :

- l'USCA France Tabac ne démontre pas la menace sur sa compétitivité ni au niveau de l'entreprise elle-même, M. [B] exposant que la récolte de l'année 2014 ainsi que la production étaient supérieures à celle de 2013, que la récolte 2014 était également supérieure à la capacité de traitement de l'usine, que si la récolte 2015 était inférieure, elle restait proche de la capacité de production de l'usine et que les résultats dégagés étaient constants ;

- la trésorerie était 'en amélioration', la menace sur la compétitivité du secteur d'activité ne pouvant résulter du seul fait d'un emprunt financier souscrit à hauteur de 7 millions d'euros en 2012 ;

- la réalité de cette menace telle que décrite dans le document unilatéral n'est pas corroborée par les résultats comptables ;

- la réorganisation reposait seulement sur la volonté de l'employeur de rentabiliser l'activité et de réduire la masse salariale en réduisant les coûts à travers le remplacement des salariés permanents ayant une grande ancienneté par des saisonniers ;

- les différents rapports d'expertise (audit Triesse, cabinet SynCéa) conforteraient cette analyse en soulignant ainsi que le relevaient les IRP que les suppressions d'emploi envisagées dans le cadre de la réorganisation pouvaient entraîner le risque de pertes de compétences au profit d'une plus grande flexibilité avec une importante précarisation des emplois, tous éléments qui ont conduit le comité d'entreprise à émettre à l'unanimité un avis défavorable au projet lors de la réunion du 23 septembre 2016.

M. [B] soutient en second lieu que le motif économique doit être apprécié sur le périmètre de l'unité économique et sociale (ci-après UES) dont faisait partie l'USCA France Tabac, contrairement aux dénégations des intimés à ce sujet.

Or, cette UES, constituée par convention conclue en mai 1999 et dont l'USCA France Tabac ne s'était pas régulièrement retirée, ainsi qu'il l'avait été jugé par le tribunal d'instance de Paris, dans une décision rendue le 8 octobre 2012, constituait un groupe comprenant la caisse de réassurance mutuelle et agricole des producteurs de tabac, ci-après CRMAPT, la fédération nationale de ces producteurs, ci-après FNPT, et la société de presse et d'édition tabacole, ci-après SPET.

Par ailleurs, M. [B], estimant que l'USCA France Tabac et les coopératives associées constituaient un groupe, souligne que ces coopératives avaient des situations d'exploitation saines et que l'USCA France Tabac supportait seule, malgré ses propres difficultés, la charge de prêts qu'elle leur avait consentis alors qu'elles disposaient pourtant de la trésorerie nécessaire.

M. [B] conteste en troisième lieu la réalité de la suppression de son poste de chef d'atelier dont il souligne qu'il avait été délibérément écarté depuis le précédent PSE, ses fonctions ayant été confiées à M. [M], exposant qu'il n'exerçait plus en réalité que des tâches d'opérateur.

Or, l'examen du registre du personnel démontrerait que sur la chaîne de production, de nombreux contrats de travail à durée déterminée ont été conclus, que certains salariés temporaires sont toujours en poste et qu'en réalité l'USA France Tabac n'a pas mis en oeuvre le plan qu'elle considérait comme indispensable à sa survie.

Il ajoute à ce sujet que contrairement à la réorganisation prévue dans le document unilatéral, la suppression d'un des deux quais de réception n'a pas été effective, les deux quais ayant continué à fonctionner (pièce commune salariés U).

Selon M. [B], pour remplacer les emplois permanents supprimés, l'employeur a eu recours à de la main d'oeuvre prétendument saisonnière alors qu'il s'agissait d'une activité permanente de l'entreprise.

Il précise à ce sujet que l'usine fonctionnait sur dix mois, étant fermée pendant la période d'été durant laquelle les salariés étaient placés en congés et que des saisonniers ont été engagés de septembre à juillet et souligne qu'immédiatement après les licenciements, l'USCA France Tabac a procédé à l'embauche de plus de 34 saisonniers sur tous les services, qui étaient toujours en poste à la fermeture de l'usine et travaillaient a minima durant sept mois par an.

M. [B] ajoute enfin qu'aucune proposition d'aménagement du temps de travail n'a été faite alors que l'employeur aurait pu envisager une réduction des horaires de travail.

*

Le liquidateur fait valoir que la réorganisation mise en oeuvre par l'USCA France Tabac était rendue nécessaire pour la sauvegarde de sa compétitivité au regard des éléments suivants relevés dans le document unilatéral :

- la réduction des surfaces cultivées, amorcée en 2006 avec la fin des aides européennes, s'était accentuée entre 2009 et 2014 avec une diminution de 38,4% et une nouvelle baisse en 2015 de - 13,27%,

- la baisse corrélative des volumes de production passés de 17.799 tonnes en 2009 à 9.405 tonnes en 2014 et réduits à 7.478 tonnes en 2015,

- une situation de trésorerie à court terme fortement négative depuis 2011 et une situation financière au 30 juin 2015 ayant conduit à un emprunt de plus de 6,5 millions d'euros, puis un nouvel emprunt de 4,1 millions d'euros,

- un déficit d'un million d'euros lié aux mauvaises conditions climatiques ayant entraîné une perte de la qualité du tabac et une impossibilité de le vendre à un prix supérieur au coût de la matière première,

- la prévision d'une récolte pour 2016 encore en diminution pour être de 7.735 tonnes,

- l'USCA France Tabac cumulait des pertes considérables depuis 2011 et le résultat net comptable de l'exercice 2016/2017 n'était positif (à hauteur de 215.586 euros) qu'à raison d'une subvention d'exploitation dont elle avait bénéficié à hauteur de 800.000 euros.

Face à cette situation, l'USCA France Tabac se devait de recentrer son activité sur la transformation du tabac avec une externalisation des fonctions non directement nécessaires telles le nettoyage et la RH, l'adoption d'un schéma de production transversal construit autour du flux de matière, la centralisation des décisions, le renforcement de l'approche qualité et l'ajustement des effectifs permanents aux volumes de production.

Le liquidateur souligne que les constats de ces difficultés étaient relevés par l'expert commis par le comité d'entreprise qui concluait à la nécessité d'une réorganisation.

Il fait par ailleurs valoir que l'USCA France Tabac n'appartenait pas à un groupe au sens des dispositions légales, qu'elle ne disposait d'aucun pouvoir sur les entités citées par M. [B], à l'exception de la société Bergerac Seed & Breeding, ci-après BSB, qui, ayant pour activité la sélection variétale et la production et vente de semences, n'opérait pas dans le même secteur d'activité et qu'en outre, compte tenu de la répartition du capital entre les différentes entités associées, elle n'était pas placée sous le contrôle ou l'influence de l'une d'entre elles.

Le liquidateur expose enfin que le document unilatéral validé par la DIRECCTE prévoyait la suppression d'un poste dans la catégorie professionnelle de chef d'atelier à laquelle appartenait M. [B] et que les allégations de celui-ci quant au fait qu'il n'aurait pas occupé cette fonction mais celle d'opérateur ne sont pas démontrées.

Il ajoute que l'interdiction prévue par l'article L. 1242-5 du code du travail de conclure des contrats temporaires dans les 6 mois suivant un licenciement pour motif économique ne s'applique pas aux contrats saisonniers, soulignant que l'activité de l'USCA France Tabac était soumise au rythme des récoltes.

Le liquidateur relève à ce sujet que l'effectif des saisonniers est resté stable (en ETP) et n'a pas compensé la réduction d'effectifs et, enfin, qu'aucun saisonnier n'a été engagé sur le poste d'acheteur/chef d'atelier qu'occupait M. [B] et qui a effectivement été supprimé.

L'UNEDIC, s'associant aux observations faites par le liquidateur, après avoir évoqué la question de l'incompétence de la juridiction judiciaire, déjà examinée, soutient que la réalité du motif économique ne peut être discutée.

***

Aux termes de l'article L.1233-3 du code du travail, dans sa version applicable au litige, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

Une réorganisation de l'entreprise, lorsqu'elle n'est pas liée à des difficultés économiques ou des mutations technologiques, peut constituer une cause économique de licenciement à condition qu'elle soit effectuée pour sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou du groupe auquel elle appartient.

La sauvegarde de la compétitivité ne se confond pas avec la recherche de l'amélioration des résultats et, dans une économie fondée sur la concurrence, la seule existence de celle-ci ne caractérise pas une cause économique de licenciement et, si le juge prud'homal ne peut arbitrer entre les différentes possibilités de réorganisation d'une entreprise, il doit vérifier le caractère réel et sérieux du motif invoqué et s'assurer que les mesures de réorganisation invoquée ont été décidées dans un but exclusif d'assurer la sauvegarde de la compétitivité du secteur d'activité.

Les pièces produites par le liquidateur ne permettent pas de retenir l'existence d'une menace sur cette compétitivité dès lors notamment d'une part, que ne sont produits aucun document ni explication quant aux propositions de concurrents potentiels plus attractives que celles que pouvait offrir l'USCA France Tabac et que, d'autre part, la sortie de certains clients évoquée en page 15 du document unilatéral n'est pas non plus justifiée et ce, alors que l'USCA France Tabac était la seule usine de transformation du tabac sur le territoire national.

Il convient dès lors d'examiner si les difficultés économiques invoquées dans la lettre de licenciement étaient réelles et sérieuses à la date de l'engagement de la procédure de licenciement collectif pour motif économique, exigeaient la suppression du poste occupé par M. [B] et si cette suppression a été effective.

S'agissant en premier lieu du périmètre d'appréciation de l'existence de difficultés économiques, celles-ci doivent examinées au sein du secteur d'activité du groupe lorsque l'entreprise appartient à un groupe.

Or, en l'état des pièces et explications fournies par les parties, l'USCA France Tabac n'appartient pas à un groupe et, même en retenant l'existence d'une UES, le secteur d'activité de l'USCA était celui de la transformation industrielle des récoltes en tabac commercialisable aux fabricants de cigarettes, secteur distinct à la fois de celui des entités membres de l'Union, qu'il s'agisse des coopératives de producteurs de tabac, qui assuraient la collecte des récoltes des cultivateurs, activité agricole, ou des autres entités la composant (la CRMAPT, organisme d'assurance contre les risques climatiques ou épidémiques de la culture du tabac, la FNPT, syndicat chargé de la défense des planteurs de tabac et la SPET, société de presse), ou encore de celui de la société BSB, qui assurait la production de semences.

L'appréciation des difficultés économiques doit donc être effectuée dans le seul cadre de l'USCA France Tabac.

Le liquidateur ès qualités verse aux débats les comptes de résultat de l'USCA France Tabac clos au 30 juin pour les exercices des années 2014-2015, 2015-2016 et 2016-2017.

Ces documents font apparaître les éléments suivants :

- exercice 2014-2015 : perte de plus de 400.000 euros (- 407.260 euros),

- exercice 2015-2016: perte de plus de 2 millions d'euros (- 2.054.158 euros), le détail de cette perte ne résulte pas du document produit ;

- exercice 2016-2017 : excédent de plus de 200.000 euros (+ 215.586 euros), ce résultat positif étant lié non à une augmentation du résultat d'exploitation (en baisse de près de moitié) mais à l'abondement des comptes de l'entreprise par une subvention de gestion de 800.000 euros.

L'analyse de ces documents fait également ressortir l'impact de la baisse des récoltes, les charges 'achats de produits agricoles' diminuant d'un exercice à l'autre (environ 30 millions en 2014-2015, 28 millions en 2015-2016 et 23 millions en 2016-2017), baisse emportant corrélativement une diminution du chiffre d'affaires passé de 39 millions en 2014-2015, à 37 millions en 2015-2016 et à 30 millions en 2016-2017.

Par ailleurs, contrairement à ce que fait valoir M. [B], les rapports des cabinets Triesse et SynCéa démontrent que la production de tabac française reculait inexorablement depuis les années 2007, représentant moins de 5% de la production en Europe et moins de 0,2% de la production mondiale, ce recul s'accompagnant d'une augmentation des prix de vente du tabac aux transformateurs, aggravée par la diminution des aides de la PAC aux planteurs de tabac.

Cette évolution générait un alourdissement des charges de l'USCA et s'était traduite au 30 juin 2016, date d'engagement de la procédure de licenciement collectif, par la perte d'exploitation ci-avant chiffrée à plus de deux millions d'euros.

Cette perte, couplée avec des difficultés de trésorerie stigmatisées dans le rapport du cabinet SynCéa, doit conduire à retenir le caractère réel et sérieux des difficultés économiques rencontrées par l'USCA dont la capacité de traitement de 8.000 tonnes ne pouvait plus être atteinte.

S'agissant de la réalité de la suppression du poste de M. [B], ainsi que le fait valoir le liquidateur, il n'est pas établi par les pièces produites que le salarié n'occupait plus son poste et était cantonné à une activité d'opérateur de production.

Dès lors, ses allégations quant au fait que des contrats de travail à durée déterminée ont été conclus après son licenciement ou quant au maintien de deux quais, ce maintien n'étant au demeurant pas établi par la pièce U visée à ce sujet, sont inefficientes dès lors que les postes pourvus dans le cadre de contrats précaires ne correspondent pas à l'emploi qu'il occupait.

Le caractère réel et sérieux du motif économique invoqué est donc établi.

Sur l'obligation de reclassement

Le liquidateur ès qualités fait notamment valoir d'une part, que l'USCA France Tabac ne disposait d'aucun poste de reclassement en interne, soulignant avoir interrogé tous les responsables de services au sein de l'usine de Sarlat (pièce C) ; d'autre part, s'agissant du périmètre de recherche de reclassement, il soutient que l'USCA France Tabac ne faisait partie ni d'un groupe ni d'une UES et que les coeurs de métier des membres la composant ainsi que de la société BSB ne permettaient pas une permutabilité du personnel ; le liquidateur invoque néanmoins les recherches effectuées au sein de certaines de ces entités.

M. [B] fait valoir que, contrairement à ce que prétend le liquidateur, il existait une UES, créée par convention en 1999 (pièce commune BB), dont la composition avait été modifiée en 2012 (pièce commune CC) et que toutes les entités concernées n'ont pas été contactées, telles que la société BSB, la FNPT et la CRMAPT.

Il ajoute que les courriers envoyés aux coopératives le 7 octobre 2016 (Coop de France, CT2F, Coopérative Dauphinoise, Midi Tabac, Périgord Tabac, Poitou Tabac) étaient rigoureusement identiques à ceux adressés lors du précédent PSE de 2014, au point qu'il est mentionné que les profils des salariés seront 'connus dans le courant du mois de juillet 2014" et que si les destinataires le désirent, les CV des personnels concernés pourront leur être alors adressés.

L'UNEDIC, s'associant au liquidateur, quant à l'inexistence d'un groupe et l'absence de permutabilité du personnel, fait également valoir que le juge judiciaire ne peut étendre le périmètre de reclassement au-delà de l'USCA France Tabac dès lors que le document unilatéral a été homologué par l'autorité administrative.

***

Aux termes des dispositions de l'article L. 1233-4 du code du travail, dans sa version applicable à la date de la rupture, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l'entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l'entreprise fait partie.

Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure.

Il appartient à l'employeur de rapporter la preuve d'une recherche effective, sérieuse et loyale de reclassement du salarié.

Lorsque l'entreprise fait partie d'un groupe, les recherches doivent s'étendre aux entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu de travail ou d'exploitation permettent la permutation de tout ou partie du personnel.

Il sera relevé en premier lieu que le document unilatéral validé par la DIRECCTE ne contient aucune précision quant au périmètre de reclassement alors qu'il fait par ailleurs référence aux diverses entités gravitant autour de l'USCA France Tabac proprement dite et notamment aux coopératives associées.

Il a été précédemment retenu qu'il n'était pas établi que l'USCA France Tabac faisait partie d'un groupe.

Mais, en l'état des pièces et explications produites et notamment les pièces communes BB, CC et EE produites par M. [B], il résulte que par convention du 5 mai 1999,

l'USCA France Tabac, la CRMAPT, la FNPT et la SPET ont reconnu l'existence d'une UES entre elles.

Contrairement à ce que soutient M. [B], il ne peut être retenu l'existence d'une permutabilité du personnel avec les entités composant l'UES, compte tenu de l'objet social de celles-ci qui n'a aucun lien avec une activité industrielle.

En revanche, l'existence d'une permutabilité peut être retenue avec le personnel des différentes coopératives membres de l'USCA qui assuraient la collecte des récoltes ainsi qu'avec la société BSB qui avait une activité industrielle.

D'une part, il n'est justifié d'aucune recherche au sein de la société BSB.

D'autre part, les lettres versées aux débats par M. [B], dont au demeurant une des coopératives associées - Tabac Garonne Adour - ne semble pas avoir été destinataire, ne peuvent être considérées comme des recherches sérieuses de reclassement, aucune précision n'étant donnée sur le profil des salariés concernés.

C'est donc à juste titre que le jugement déféré a retenu qu'il n'était pas justifié d'une recherche sérieuse et loyale de reclassement et a jugé que le licenciement de M. [B] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes pécuniaires de M. [B]

En l'absence de motif économique de licenciement, le contrat de sécurisation professionnelle n'a pas de cause et l'employeur est alors tenu au paiement du préavis et des congés payés afférents.

Au vu des bulletins de paie de M. [B], le salaire de référence sera fixé à la somme de 4.213,73 euros bruts.

Compte tenu de l'ancienneté de M. [B], le jugement déféré sera confirmé en ce qui concerne les sommes qui lui ont été allouées au titre de l'indemnité compensatrice de préavis soit 8.427,46 euros bruts, le montant des congés payés afférents étant néanmoins modifié à la somme de 842,75 euros bruts (et non de 842,46 euros bruts), lesdites créances devant être fixées au passif de la liquidation judiciaire de l'USCA France Tabac.

***

M. [B] sollicite le paiement de la somme de 170.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il fait valoir avoir été anéanti par ce quatrième PSE intervenu alors qu'il était âgé de 61 ans et était à un an de la retraite.

Le liquidateur et l'UNEDIC concluent à titre subsidiaire au caractère excessif de la somme sollicitée, soulignant notamment le montant des indemnités de rupture et des indemnités de chômage qu'il a perçues et le fait qu'il a été admis à faire valoir ses droits à la retraite en décembre 2017.

*

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [B] de son âge, de son ancienneté et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour est en mesure de lui allouer la somme de 26.000 euros à

titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application de l'article L.1235-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige.

En application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail, il sera ordonné le remboursement par l'employeur à Pôle Emploi des indemnités de chômage éventuellement versées au salarié depuis son licenciement dans la limite d'un mois d'indemnités, compte tenu de la situation de l'entreprise.

Le cadre de la présente instance à laquelle Pôle Emploi n'est pas partie ne permet pas de faire droit à la demande de déduction présentée par le liquidateur auquel il appartiendra, le cas échéant, de solliciter le remboursement des sommes indûment versées.

Sur les autres demandes

Les intérêts sur les sommes allouées sont dus à compter de la réception par l'USCA France Tabac de sa convocation devant le bureau de jugement pour les créances salariales, à compter de la décision déférée pour les créances indemnitaires, dans la limite de la somme allouée par la cour, jusqu'à l'ouverture de la procédure collective et ne peuvent être capitalisés dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil que jusqu'à cette date.

La décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a ordonné la délivrance d'une attestation Pôle Emploi conforme à la présente décision, tenant compte du préavis, sauf à dire que c'est la SELARL de Keating ès qualités qui sera tenue à cette obligation, sans que la mesure d'astreinte prononcée en première instance soit justifiée, la demande de liquidation à ce titre étant dès lors rejetée.

La décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a mis les dépens à la charge de l'USCA France Tabac et alloué à M. [B] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, sauf à tenir compte de la liquidation judiciaire prononcée depuis.

Les dépens, qui incluent les frais d'exécution, seront ainsi mis à la charge de la liquidation judiciaire et il sera alloué à M. [B] la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel, la cour rappelant que ni les dépens, ni les frais irrépétibles n'entrent dans les créances garanties par l'UNEDIC à laquelle la présente décision est opposable.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a dit que le licenciement de M. [E] [B] est dépourvu de cause réelle et sérieuse, a alloué à celui-ci la somme de 8.427,46 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et mis les dépens à la charge de l'USCA France Tabac, sauf à fixer ces créances au passif de la liquidation judiciaire de celle-ci,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Fixe la créance de M. [E] [B] au passif de la liquidation judiciaire de l'USCA France Tabac, représentée par son liquidateur, la SELARL de Keating, aux sommes suivantes :

- 8.427,46 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 842,75 euros bruts pour les congés payés afférents,

- 26.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance,

- 1.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

Dit que les intérêts sur ces sommes sont dus à compter de la réception par l'USCA France Tabac de sa convocation devant le bureau de jugement pour les créances salariales, à compter de la décision déférée pour les créances indemnitaires, jusqu'à l'ouverture de la procédure collective et ne peuvent être capitalisés dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil que jusqu'à cette date,

Ordonne à la SELARL de Keating ès qualités de délivrer à M. [E] [B] une attestation Pôle Emploi rectifiée en considération du présent arrêt, soit tenant compte du préavis, dans le délai de deux mois à compter de sa signification,

Ordonne le remboursement par le liquidateur ès qualités la SELARL de Keating en sa qualité de liquidateur de l'USCA France Tabac à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à M. [E] [B] depuis son licenciement dans la limite d'un mois d'indemnités,

Déclare le présent arrêt opposable à l'UNEDIC Délégation AGS CGEA de Bordeaux, dans les limites légales et réglementaires de sa garantie, qui exclut les frais irrépétibles et les dépens, et du plafond applicable,

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions,

Dit que les dépens seront supportés par la liquidation judiciaire de l'USCA France Tabac.

Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 18/06787
Date de la décision : 22/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-22;18.06787 ?
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