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22/06/2022 | FRANCE | N°18/04903

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 22 juin 2022, 18/04903


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 22 JUIN 2022







PRUD'HOMMES



N° RG 18/04903 - N° Portalis DBVJ-V-B7C-KTPQ









Société USCA FRANCE TABAC



S.E.L.A.R.L. [F] prise en la personne de Me [T] [F] es qualité de mandataire liquidateur de l'Union des Sociétés Coopératives Agricoles France Tabac



c/



Monsieur [G] [D]



UNEDIC Délégation AGS-CGEA

de [Localité 3]















Nature de la décision : AU FOND

















Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 août 2018 (R.G. n°F 17/00060) par le Conseil de Prud'hommes -...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 22 JUIN 2022

PRUD'HOMMES

N° RG 18/04903 - N° Portalis DBVJ-V-B7C-KTPQ

Société USCA FRANCE TABAC

S.E.L.A.R.L. [F] prise en la personne de Me [T] [F] es qualité de mandataire liquidateur de l'Union des Sociétés Coopératives Agricoles France Tabac

c/

Monsieur [G] [D]

UNEDIC Délégation AGS-CGEA de [Localité 3]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 août 2018 (R.G. n°F 17/00060) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BERGERAC, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 28 août 2018,

APPELANTE :

USCA France Tabac Union de Sociétés Coopératives Agricoles, placée en liquidation judiciaire par jugement du 11 octobre 2021 du tribunal judiciaire de Bergerac

N° SIRET : 315 856 252 00020

S.E.L.A.R.L. [F] agissat en la personne de Me [T] [F] es qualité de mandataire liquidateur de l'Union des Sociétés Coopératives Agricoles France Tabac, désignée par jugement du Tribunal Judiciaire de PERIGUEUX du 11/10/2021, demeurant [Adresse 1]

représentée et assistée de Me Emilie MONTEYROL, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉS :

Monsieur [G] [D]

né le 16 Janvier 1959 à [Localité 4] de nationalité Française

demeurant [Adresse 2]

représenté et assisté de Me Frédérique POHU PANIER, avocat au barreau de PERIGUEUX

UNEDIC Délégation AGS- C.G.E.A. DE [Localité 3] prise en la personne de son directeur domiiclié en cette qualité au siège social [Adresse 5]

représentée et assistée de Me Philippe DUPRAT de la SCP DAGG, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 mai 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie Hylaire, présidente chargée d'instruire l'affaire, et Madame Sophie Masson, conseillère,

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Sophie Masson, conseillère

Greffier lors des débats : Evelyne Gombaud

Greffier lors du prononcé : A.-Marie Lacour-Rivière

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

L'Union des Sociétés Coopératives Agricoles des Producteurs France Tabac (ci-après dénommée l'USCA France Tabac) avait pour activité la collecte, la transformation, le conditionnement, la conservation, le stockage et la commercialisation de tabacs bruts produits par les producteurs français auprès des fabricants de cigarettes pour le marché français et l'exportation.

En 2015, elle réunissait 6 coopératives agricoles représentant 910 producteurs de tabac implantés sur le territoire national.

En accord avec les coopératives associées, l'USCA France Tabac coordonnait l'activité de la filière tabacole française ; son niveau d'activité dépendait des volumes de production de chacune des coopératives et de la demande finale des cigarettiers en matière de volume et de qualité de tabac attendue.

Elle achetait la récolte annuelle de tabac à chaque coopérative associée puis, après transformation au sein d'une usine située à Sarlat en Dordogne, vendait la production transformée aux cigarettiers.

Le processus de production était conduit autour de trois opérations principales :

- la logistique approvisionnement avec l'achat, la réception et le stockage de la matière

première brute ;

- la valorisation des tabacs conformément aux cahiers de charge des clients ;

- la logistique de produits finis pour préparer et assurer les expéditions des mélanges envoyés aux clients.

L'usine de Sarlat comptait, avant la mise en oeuvre du plan de sauvegarde de l'emploi de 2016 (ci-après PSE), un effectif de 57 salariés permanents affectés aux activités de transformation et de valorisation du tabac. Des saisonniers complétaient ces effectifs en période de transformation des récoltes.

L'USCA France Tabac employait également 1 salarié dans son établissement parisien.

***

Le 24 juin 2016, l'USCA France Tabac a engagé les procédures d'information et de consultation des instances représentatives du personnel (ci-après IRP) sur un projet de licenciement collectif pour motif économique concernant plus de 10 salariés.

Par décision en date du 6 octobre 2016, la DIRECCTE a homologué le document unilatéral fixant le contenu du PSE établi par l'USCA France Tabac.

Ce document prévoyait sur le site de Sarlat la suppression de 20 postes sur les 56 existants (un salarié étant décédé au cours de la procédure) soit :

- 3 contrats de travail à durée indéterminée en lien avec l'externalisation des activités de nettoyage des locaux sociaux et RH ;

- 5 contrats de travail à durée indéterminée en lien avec la modification des modalités de valorisation des tabacs aux coopératives ;

- 2 contrats de travail à durée indéterminée en lien avec une réorganisation des activités (chef d'atelier, maintenance) ;

- le changement de statut de 10 contrats de travail à durée indéterminée en contrats saisonniers.

Il emportait la suppression :

- de deux postes d'acheteurs regradeurs sur les 5 existant,

- des deux postes d'agents administratifs RH,

- d'un poste d'agent administratif sur les 3 existant,

- des quatre postes d'agents de contrôle,

- des deux postes de caristes,

- d'un poste de chef d'atelier sur les 4 existant,

- d'un poste d'encadrement sur les 6 existant,

- des 5 postes de manutention/nettoyage et locaux sociaux,

- d'un poste de responsable d'équipe sur les 6 existant,

- d'un poste de technicien de maintenance sur les 6 existant.

Au titre des critères d'ordre des licenciements, le document unilatéral accordait une priorité à celui des qualités professionnelles décliné sous le terme de 'compétences clé' Le document précisait que « ces éléments ne prennent pas en compte les conditions d'exercice des missions, FRANCE TABAC ne disposant pas de dispositif objectif d'évaluation permettant de jauger de la qualité de réalisation des opérations. Seules leurs réalisations, sous un angle quantitatif, sont prises en compte, et peuvent être vérifiées au travers du pointage analytique des heures et de la planification hebdomadaire.

La répartition des compétences ventilées dans chacune des catégories professionnelles est établie sur la base des constats depuis le dernier PSE, à savoir les récoltes 2014 et 2015 (...) ».

Enfin, les points attribués en fonction de ces compétences clé étaient fixés à :

- 10 pour le salarié assurant une compétence clé,

- 20 pour 2 de ces compétences,

- 30 pour 3 ou plus de celles-ci.

Par ailleurs, le PSE prévoyait une première phase de départ volontaire, dans le cadre de candidatures examinées par une commission idoine, avec possibilité pour le salarié candidat à une rupture d'un commun accord pour motif économique d'adhérer au contrat de sécurisation professionnelle (ci-après CSP) ainsi que des aides au reclassement externe, avec notamment la mise en place d'une cellule de reclassement.

***

Monsieur [G] [D], né en 1959, avait été engagé par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 25 février 1986, au sein de l'établissement parisien de l'USCA France Tabac.

Le 1er juillet 2000, il avait été intégré à l'usine de Sarlat, en qualité de responsable achat, statut cadre, une mission de 'qualité approvisionnement tabac' lui étant ensuite adjointe.

Depuis 2013, M. [D] était membre suppléant du comité d'entreprise.

Son salaire moyen des trois derniers mois précédant la rupture de son contrat s'élevait à 6.156,74 euros.

Par courrier du 26 septembre 2016, M. [D] a présenté sa candidature pour un départ volontaire, candidature qui a été rejetée le 14 octobre 2016 comme ayant fait l'objet d'un avis défavorable émis par la commission ad hoc prévue par le plan de sauvegarde de l'emploi.

Le 21 octobre 2016, M. [D] a refusé le poste de reclassement proposé par son employeur sur un emploi de 'coordinateur SRTP'.

L'USCA France Tabac a consulté le comité d'entreprise sur le projet de licenciement du salarié, lequel a émis un avis défavorable, puis, par courrier du 25 novembre 2016, a demandé à la DIRECCTE 1'autorisation de procéder au licenciement du salarié mais la procédure a échoué en raison d'un vice de procédure.

Aux termes d'une nouvelle demande, objet d'un avis défavorable du comité d'entreprise lors de la réunion du 16 décembre 2016, l'inspection du travail a autorisé le licenciement pour motif économique de M. [D] par décision du 31 janvier 2017.

M. [D] a été licencié par lettre datée du 3 février 2017, la rupture du contrat prenant effet à même date, à la suite de son adhésion au contrat de sécurisation professionnelle à une date ni précisée ni justifiée.

M. [D] a perçu au titre des indemnités de rupture une somme nette de cotisations sociales s'élevant à 78.456 euros et une somme soumise à cotisations s'élevant à 37.982 euros.

Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, M. [D] a saisi le 27 avril 2017 le conseil de prud'hommes de Bergerac qui, par jugement rendu le 2 août 2018 :

- s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande de M. [D] visant à obtenir la requalification de son licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse et sur les demandes afférentes, à savoir le versement d'une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, de l'indemnité de préavis et de congés payés afférents et la remise d'une attestation Pôle Emploi rectifiée,

- a renvoyé les parties à mieux se pourvoir, si elles le souhaitent, sur ces demandes,

- s'est déclaré compétent pour statuer sur la mise en oeuvre des critères d'ordre des licenciements à l'égard de M. [D],

- a dit que l'USCA France Tabac n'a pas respecté les règles sur l'ordre des licenciements,

- a condamné l'USCA France Tabac à verser à M. [D] les sommes suivantes :

* 147.761,52 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice subi,

* 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- a débouté M. [D] de sa demande de rappel d'indemnité de congés payés et de ses autres demandes relatives aux intérêts légaux et à l'exécution provisoire totale,

- a débouté l'USCA France Tabac de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamnée aux dépens, en ce compris les éventuels frais d'exécution.

Par déclaration du 28 août 2018, l'USCA France Tabac a relevé appel de cette décision.

Par jugement rendu le 11 octobre 2021 par le tribunal de commerce de Bergerac, l'USCA France Tabac a été placée en liquidation judiciaire, la date de cessation des paiements étant fixée au 12 juillet 2021 et la SELARL de Keating étant désignée en qualité de liquidateur.

Par acte d'huissier délivré le 10 décembre 2021 à la requête de M. [D], la SELARL de Keating a été assignée ès qualités en intervention forcée, l'UNEDIC Délégation AGS CGEA de [Localité 3] étant également attraite dans la procédure par acte d'huissier délivré le 17 décembre 2021.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 8 mars 2022, la SELARL de Keating, agissant en sa qualité de liquidateur judiciaire de l'USCA France Tabac, demande à la cour de :

In limine litis,

- déclarer recevable sa demande tendant à reconnaître incompétent le conseil de prud'hommes pour statuer sur l'application des critères d'ordre,

- infirmer partiellement le jugement rendu en ce que le conseil de prud'hommes s'est déclaré compétent pour statuer sur l'application des critères d'ordre de licenciement,

A titre subsidiaire,

- infirmer partiellement le jugement rendu en ce que le conseil de prud'hommes :

* s'est immiscé à tort dans l'appréciation du critère des qualifications professionnelles,

* a qualifié cette appréciation de détournement de pouvoir,

* a conclu à l'existence d'un préjudice subi par M. [D] sans la moindre justification ni chiffrage en ce sens,

* a condamné l'USCA France Tabac à payer à M. [D] la somme de 147.761,52 euros au titre du non-respect des critères d'ordre des licenciement,

Au titre de l'appel incident de M. [D],

- confirmer partiellement le jugement en ce que le conseil de prud'hommes s'est déclaré incompétent pour statuer sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse,

A titre subsidiaire, si la cour d'appel se déclarait compétente pour statuer sur la cause réelle et sérieuse du licenciement,

- constater que la réorganisation de l'USCA France Tabac était nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité,

- constater que l'USCA France Tabac n'appartient à aucun groupe au sens défini par le code du commerce,

- constater que le poste de M. [D] a été supprimé et n'a pas été remplacé,

- constater que M. [D] a refusé la proposition de reclassement qui lui a été faite,

- constater qu'il n'existe aucun autre poste disponible correspondant aux compétences et qualifications de M. [D],

- constater l'absence d'éléments probants démontrant le préjudice subi au titre de son licenciement,

- dire que le licenciement de M. [D] repose sur une cause réelle et sérieuse,

- débouter M. [D] de l'ensemble de ses demandes à ce titre,

En toute hypothèse,

- déclarer irrecevable toute demande à l'encontre de l'USCA France Tabac comme suite à sa mise en liquidation judiciaire,

- débouter M. [D] de toutes ses demandes à l'encontre de la SELARL de Keating ès qualités,

- débouter M. [D] de toutes ses demandes de fixation au passif de l'USCA France Tabac,

- débouter M. [D] de toutes ses demandes,

- condamner M. [D] à payer à la SELARL de Keating, en sa qualité de liquidateur de l'USCA France Tabac, la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 23 mars 2022, M. [D] demande à la cour de':

A titre principal,

- déclarer irrecevable la demande de l'USCA France Tabac et du liquidateur relative à l'incompétence du juge judiciaire à connaître de la validité et de l'application des critères de licenciement comme n'ayant pas interjeté appel sur ce chef du jugement,

- subsidiairement, se déclarer compétente pour statuer sur la validité et l'application des critères de licenciement,

- confirmer le jugement en ce qu'il a dit que l'USCA France Tabac n'avait pas respecté l'ordre des licenciements et l'a condamnée à lui verser des dommages et intérêts pour perte injustifiée de son emploi outre 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- fixer sa créance au passif de l'USCA France Tabac à la somme de 245.000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi et 1.500 euros alloués par le conseil des prud'hommes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Subsidiairement, infirmer le jugement en ce qu'il s'est déclaré incompétent pour connaître de ses demandes visant à reconnaître son licenciement sans cause réelle et sérieuse et statuer sur ses demandes subséquentes,

Statuant à nouveau,

- se déclarer compétente pour l'ensemble des points non soumis au contrôle de l'Inspection du travail et de la DIRECCTE, les événements postérieurs à son contrôle du 26 décembre 2016 et à l'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi, pour statuer sur le caractère réel et sérieux du licenciement,

- requalifier le licenciement en licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

- fixer sa créance à la liquidation judiciaire de l'USCA France Tabac à la somme de 245.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse,

- fixer sa créance à la liquidation judiciaire de l'USCA France Tabac au titre de l'indemnité de préavis dont il a été privé à la somme de 18.470,22 euros bruts outre les congés payés afférents à hauteur de 1.847,02 euros bruts,

- ordonner la remise sous astreinte de 150 euros par jour de retard d'une attestation Pôle Emploi rectifiée sur le motif du licenciement et la durée d'emploi,

En tout état de cause,

- fixer sa créance à la liquidation judiciaire de l'USCA France Tabac à la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire que les sommes allouées porteront intérêts au taux légal à compter de la date de saisine,

- dire que les intérêts seront capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil,

- mettre à la charge de la liquidation judiciaire de l'USCA France Tabac tous les dépens, en ce compris les éventuels frais d'exécution de la décision à intervenir,

- déclarer l'arrêt à intervenir commun et opposable à l'AGS CGEA,

- débouter l'USCA France Tabac, le liquidateur et l'AGS CGEA de l'intégralité de leurs demandes.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 6 avril 2022, l'UNEDIC Délégation AGS CGEA de [Localité 3] demande à la cour de':

Sur l'appel principal et l'appel incident,

- se déclarer incompétente pour statuer sur les critères d'ordre et sur les modalités de pondération définies dans le plan de sauvegarde de l'emploi,

- se déclarer incompétente pour statuer sur le motif économique et sur la recherche individuelle de reclassement contrôlée lors de l'autorisation de licencier,

- rejeter les moyens et les demandes de M. [D] fondés sur le contenu du PSE et juger irrecevable sa contestation subsidiaire sur la recherche de reclassement,

Vu les éléments produits sur l'application individuelle des critères à la catégorie cadre et à M. [D], cadre,

- juger que l'USCA France Tabac a respecté les modalités prévues au plan de sauvegarde de l'emploi.

- réformer le jugement déféré et débouter M. [D] de sa demande de dommages et intérêts pour violation des critères d'ordre des licenciements ;

Subsidiairement, en cas de confirmation de la violation des critères d'ordre,

- réformer le jugement en ce qu'il a alloué la somme de 147.761,52 euros et fixer la créance de M. [D] au passif de l'USCA France Tabac à la somme maximale de 12.000 euros pour violation des critères d'ordre des licenciements,

- débouter M. [D] du surplus de sa demande indemnitaire, faute de préjudice supérieur subi ;

Sur la garantie de l'AGS,

- déclarer opposable l'arrêt à intervenir à l'AGS CGEA de [Localité 3] dans la limite légale de sa garantie, laquelle est limitée à six fois le plafond mentionné à l'article D. 3253-5 du code du travail en vigueur en 2017 (soit 78.456 euros) et exclut l'astreinte et l'indemnité allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 avril 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 3 mai 2022.

A cette audience, la cour a informé les parties qu'elle entendait relever d'office son incompétence sur les questions relevant de la compétence de la juridiction administrative, les invitant, en tant que de besoin, à adresser une note en délibéré sur ces questions.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'étendue de l'appel formé par l'USCA France Tabac et la fin de non-recevoir opposée par M. [D] aux demandes du liquidateur relatives à l'incompétence du juge judiciaire pour statuer sur l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement

La cour ayant relevé d'office la question de sa compétence sur les demandes de M. [D] au regard de celles relevant de la compétence de la juridiction administrative, le débat des parties sur cette question est dépourvu d'objet.

Sur la compétence de la juridiction prud'homale pour statuer sur la validité des critères d'ordre des licenciements

Le salarié protégé licencié en exécution d'une autorisation administrative de licenciement peut agir devant le juge judiciaire en violation de l'ordre des licenciements, l'autorité administrative se limitant à vérifier que la place du salarié dans l'ordre des licenciements est sans rapport avec son mandat.

Cependant, en l'espèce, ces critères ont été définis par un PSE.

Or, le contrôle du juge administratif sur le contenu du PSE inclut l'appréciation des critères d'ordre, de leur périmètre d'appréciation, des modalités de leur évaluation et de leur pondération.

Le juge judiciaire ne peut donc en vérifier la validité au regard des dispositions législatives et conventionnelles applicables, ce contrôle relevant de la seule compétence de la juridiction administrative.

La juridiction prud'homale est donc incompétente pour statuer sur la validité des critères d'ordre des licenciements et notamment sur la demande de M. [D] en ce qu'elle repose sur les moyens tenant au choix, à la détermination de ces critères, à leur périmètre d'application et aux règles de pondération, spécialement pour celui des compétences clé, défini comme prépondérant par l'employeur et critiqué par le salarié comme étant purement potestatif et évalué sur la base d'une appréciation discrétionnaire, subjective et floue de la part de l'employeur, M. [D] soulignant les critiques qui avaient été émises à ce sujet par l'inspection du travail et le cabinet de l'expert commis par le comité d'entreprise et qui n'ont pas été réellement prises en compte dans le document unilatéral final soumis à l'homologation de la DIRECCTE.

La juridiction prud'homale est en revanche compétente pour apprécier la mise en oeuvre de ces critères, ainsi que le reconnaît d'ailleurs l'UNEDIC.

Sur l'application à M. [D] des critères d'ordre des licenciements

La SELARL de Keating ès qualités a conclu à titre subsidiaire à l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a retenu que l'USCA France Tabac n'avait pas respecté les critères d'ordre des licenciements.

Selon l'appelante, M. [D] ne disposait d'aucune des compétences clé identifiées pour la catégorie encadrement dont il relevait, définies comme celles détenues par les salariés permettant leur intégration dans le cadre de la réorganisation de l'entreprise en vue de la sauvegarde de sa compétitivité, centrée sur la valorisation de la matière première, valorisation qui, aux termes du PSE, s'appuyait sur le 'regradage industriel' et non plus sur les achats aux coopératives.

Or, toujours selon l'appelante, M. [D], en tant que responsable achat et qualité approvisionnement tabac, faisait partie 'des postes non compatibles' avec la nouvelle réorganisation et écartés de fait par l'application de la pondération du critère des qualités professionnelles car ses missions étaient axées principalement sur la politique d'achat et non sur la partie industrielle des matières premières et il ne disposait pas de la première des compétences clé à savoir 'valoriser la matière première à des fins industrielles et préparer les compositions des mélanges'.

Le liquidateur ajoute que le document unilatéral prévoyait la suppression de 5 contrats de travail à durée indéterminée en lien avec la modification des modalités de valorisation des tabacs aux coopératives et que l'USCA France Tabac a donc appliqué les critères d'ordre de licenciement conformément aux prévisions du document unilatéral, à l'intérieur de la catégorie encadrement à laquelle appartenait M. [D].

Est invoquée à ce sujet la 'grille d'appréciation des critères à l'intérieur de cette catégorie et le nombre de points obtenu par les 6 salariés de cette catégorie au titre de chacun des critères retenus' au visa d'une pièce portant le numéro 28 selon les écritures du liquidateur ainsi que la pièce adverse F du salarié 'page 26 et s'.

Le liquidateur rappelle enfin que l'employeur dispose d'un pouvoir discrétionnaire et est le seul juge des aptitudes professionnelles, soutenant que le conseil de prud'hommes s'est substitué à tort à l'appréciation de l'USCA France Tabac réalisée par celle-ci de manière quantitative, par l'analyse des pointages des heures et de la planification hebdomadaire, en fonction du temps passé sur les activités, soit conformément aux modalités prévues par le document unilatéral.

Sont versés aux débats les relevés de pointage des mois de septembre à décembre 2016 (pièce 32) dont il ressort que M. [D] pointait uniquement sur des activités achats et graines (dont sont précisés les codes), outre celles liées à son mandat et non sur un poste industriel ce qui a conduit à écarter la première compétence clé.

La seconde compétence clé a également été écartée car M. [D] n'encadrait pas les équipes de production logistique, maintenance et expédition.

Enfin, la compétence clé ' tâches administratives nécessaires au bon fonctionnement de l'entreprise' n'a pas non plus été retenue car elle visait des postes de gestion comptable et financière et non le poste qu'occupait M. [D] de responsable d'achat et d'approvisionnement du tabac et des graines, cette partie de l'activité achats étant amenée à être supprimée dans le cadre de la réorganisation de l'entreprise.

Le liquidateur fait encore valoir qu'au cours des réunions du comité d'entreprise des 30 juin et 13 juillet 2016, M. [D] n'a contesté ni la réorganisation proposée ni la suppression de son service et de son poste, admettant que la revalorisation se fasse à partir du 'regradage' pas plus qu'il n'a critiqué l'application des critères d'ordre, après avoir reçu, suite à sa demande, les modalités de calcul des points le concernant par courrier du 24 février 2017 (pièces 26 et 27 du salarié).

Or, selon le liquidateur, la juridiction prud'homale ne pouvait substituer son appréciation des qualités professionnelles de M. [D] à celle de l'employeur qui en est le seul juge et dispose à ce titre d'un pouvoir discrétionnaire, dès lors que son choix repose sur des critères objectifs, sauf détournement de pouvoir ou erreur manifeste.

*

M. [D] fait quant à lui valoir que trois des compétences clé retenues dans le document

unilatéral auraient dû lui être reconnues :

- la valorisation de la matière première à des fins industrielles : il rappelle que depuis 1990, il avait pour mission d'acheter la matière première et que sa fiche de poste de responsable achat stipulait qu'il 'assure la responsabilité de l'organisation et de la gestion de l'activité achat tabac en fonction des impératifs de production et de valorisation industrielle et doit permettre les échanges techniques nécessaires à la valorisation de la production avec l'ensemble des parties prenantes' ;

- il avait en outre la responsabilité de la planification des besoins en graines et de leur production, activité également en lien avec la valorisation de la matière première et de la composition des mélanges clients ;

- s'agissant de la compétence clé 'encadrer les équipes de production logistique, maintenance et expédition' : M. [D] fait valoir qu'il encadrait une équipe de 5 personnes outre le service qualité et qu'il assurait aussi la responsabilité de l'activité graines et donc des équipes de production ;

- quant à la compétence clé 'assurer les tâches administratives nécessaires au bon fonctionnement de l'entreprise, comptabilité, gestion de la trésorerie, fiscalité, secrétariat général et de direction, achat de biens et services, traçabilité, gestion des immobilisations', M. [D] explique que ses fonctions l'amenaient à assurer les achats des graines et des matières premières et qu'il avait notamment pour mission d'établir les contrats d'achats de tabac.

M. [D] fait en outre observer qu'il s'agissait seulement d'un changement de dénomination décrit en page 20 du document unilatéral 'On ne parle plus d'achats aux coopératives mais de valorisation matière' et que le document unilatéral précise que celle-ci, pour être mieux corrélée avec la matière commerciale, 's'appuiera sur la classification issue du regradage industriel (tables de concordance entre les grades industriels et les grades valorisation)'.

Or, c'est lui qui depuis 15 ans établissait les tables destinées à permettre de ne pas acheter la matière première à un prix supérieur à celui auquel elle pourrait être vendue dans le cadre de la valorisation industrielle.

*

L'UNEDIC soutient que l'USCA France Tabac a respecté les modalités prévues au PSE et que M. [D] doit être débouté de sa demande à ce titre.

***

Si, ainsi que le soutiennent le liquidateur et l'UNEDIC, le juge ne peut, pour la mise en oeuvre de l'ordre des licenciements, substituer son appréciation des qualités professionnelles du salarié à celle de l'employeur, il lui appartient, en cas de contestation, de vérifier que l'appréciation portée sur les aptitudes professionnelles du salarié ne procède pas d'une erreur manifeste ou d'un détournement de pouvoir de l'employeur et celui-ci doit fournir au juge les données objectives, précises et vérifiables sur lesquelles il s'est appuyé pour arrêter son choix, au regard des critères de l'ordre des licenciements définis, quant aux personnes licenciées.

Les compétences clé prévues par le document unilatéral étaient les suivantes :

« - valoriser la matière première à des fins industrielles et préparer les compositions des mélanges clients ou prospects,

- animer les équipes du nettoyage des installations, du picking, des laboratoires et de l'introduction,

- encadrer les équipes de production, logistique, maintenance et expéditions,

- assurer la relation commerciale (y compris administratives : administration des ventes, 'reporting') et vendre la production traitée,

- assurer les opérations de maintenance des installations techniques et spécifiques (y compris réseaux informatiques et applications informatiques spécifiques),

- conduire les équipements spécifiques au process (battage, ressécheur, presses),

- assurer les tâches administratives nécessaires au bon fonctionnement de l'entreprise (comptabilités, gestion de la trésorerie, fiscalité, secrétariat général et de direction, achats de biens et services, traçabilité, gestion des immobilisations). »

Aux termes du document unilatéral (pièce commune F salarié - page 58), M. [D] faisait partie de la catégorie encadrement qui comportait 6 emplois :

- responsable achat/qualité/appro (poste qu'il occupait),

- responsable développement en ventes,

- responsable informatique,

- responsable maintenance,

- responsable matière et produits,

- responsable production.

Dans cette catégorie, le document unilatéral prévoyait la suppression d'un seul emploi.

En l'état des pièces et explications produites, il n'est pas justifié que les autres salariés de la catégorie encadrement ont réalisé un score plus élevé que M. [D] : la pièce 28 invoquée par le liquidateur dans ses écritures n'est pas 'la grille d'appréciation des critères à l'intérieur de cette catégorie et le nombre de points obtenu par les 6 salariés de cette catégorie au titre de chacun des critères retenus' comme mentionné dans ses écritures mais un tableau des effectifs France Tabac ETP 2017, ainsi dénommé d'ailleurs dans le bordereau de communication de pièces, dans lequel ne figure aucune pièce correspondant à la grille invoquée.

Or, si la liste des 6 postes de la catégorie encadrement ci-dessus rappelés ainsi que les fiches métier produites pour les emplois de responsables maintenance, production logistique et matière produits (pièces 40 à 42 liquidateur) permettent de retenir que leurs titulaires remplissaient certaines des compétences clé prévues, il n'est justifié par aucune pièce des points obtenus par ceux-ci au titre des autres critères, et ce, alors que M. [D] atteignait, compte tenu de son ancienneté, de sa situation familiale et de son âge, un nombre de points élevés se situant d'ailleurs pour certains au maximum (ancienneté : 13/13 - situation familiale 5/6 ; âge : 9/11).

Par ailleurs, si sont produites aux débats 4 feuilles de pointage du salarié pour les mois de septembre à décembre 2016, ayant permis à l'employeur, de dénier à M. [D] toute compétence clé et de ne lui attribuer aucun point à ce titre, la cour relève que le

document unilatéral prévoyait que cette évaluation uniquement 'quantitative' serait établie sur les récoltes 2014 et 2015 et donc pas seulement sur quatre mois.

Or, de la lecture des comptes-rendus de réunion des comités d'entreprise, et notamment celui du 13 juillet 2016, il ressort, ainsi que le fait valoir M. [D], que l'activité achats était en réalité déjà supprimée à cette date alors que la procédure d'information/ consultation avait débuté moins d'un mois avant et était en cours, M. [V], directeur de l'usine, répondant que le responsable informatique travaillait aux modifications du logiciel pour faire 'disparaître la partie achats de tabacs', qu'à ce jour, 'aucun contrat n'a été passé avec les coopératives en ce qui concerne la fourniture de tabac à l'usine' et que dès lors, 'la question des prélèvements des échantillons à la réception des marchandises, évoquée par le salarié, est secondaire' (pièce commune Vc salarié).

Ainsi l'évaluation de l'activité menée par M. [D] sur les seuls mois de septembre à décembre 2016 et ne correspondant pas aux récoltes 2014 et 2015, comme prévu dans le document unilatéral, ne peut être le reflet objectif des compétences réellement mises en oeuvre par le salarié dans les missions qui lui étaient attribuées et dont la fiche de poste faisait état d'une activité devant s'exercer en fonction des impératifs de production et de valorisation industrielle, étant observé que la seconde condition de la première compétence clé soit 'et préparer les compositions des mélanges' ne figurait pas dans le premier document unilatéral remis en juin aux institutions représentatives du personnel (pièce commune AA salarié).

La cour relève également qu'elle ne dispose pas non plus des feuilles de pointage des autres salariés de la catégorie encadrement pour s'assurer que la mise en oeuvre des critères et notamment de celui des compétences clé a été correctement effectuée.

Enfin, si le liquidateur affirme que M. [D] n'accomplissait pas d'activités relevant de

la 7ème compétence clé ['assurer les tâches administratives nécessaires au bon fonctionnement de l'entreprise (comptabilités, gestion de la trésorerie, fiscalité, secrétariat général et de direction, achats de biens et services, traçabilité, gestion des immobilisations)'], en soutenant que cette compétence visait des postes de gestion comptable et financière, la cour observe que figurent expressément dans la liste des tâches, les achats de biens, qui constituait la fonction première de M. [D], chargé des achats de la matière première destinée à être transformée au sein de l'usine de Sarlat.

De cette erreur d'appréciation manifeste ainsi que de l'abstention de l'employeur à communiquer les éléments permettant à la cour de s'assurer de la bonne application des critères, il doit être tiré la conséquence de l'inobservation des critères d'ordre des licenciements qui a donc été retenue à juste titre par les premiers juges.

Sur la demande indemnitaire de M. [D]

M. [D] sollicite le paiement de la somme de 245.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi à raison de l'inobservation des critères de l'ordre des licenciements correspondant à environ 40 mois du salaire moyen qu'il chiffre sur la base des trois derniers mois de salaire à la somme de 6.156,74 euros bruts.

Au soutien de cette demande, il fait valoir que depuis la rupture de son contrat, il n'a pas retrouvé d'emploi fixe, que de novembre 2017 à avril 2018, il a bénéficié de contrats de travail à durée déterminée à temps partiel en qualité d'enseignant moyennant une rémunération de l'ordre de 1.500 euros et est ensuite à nouveau resté sans emploi, en subissant une baisse des indemnités de chômage (3.172 euros).

Il a accepté en septembre 2021 un contrat à temps partiel de conducteur accompagnateur pour lequel il perçoit une rémunération brute de 682 euros.

Il ajoute qu'il a encore ses 4 enfants à charge, son épouse n'ayant pas d'emploi, et qu'il ne pourra faire valoir ses droits à la retraite qu'en 2024.

*

Le liquidateur ainsi que l'UNEDIC invoquent le caractère excessif de la demande de M. [D].

Le liquidateur rappelle que M. [D] a bénéficié du bénéfice des allocations de chômage versées dans le cadre du contrat de sécurisation professionnelle et du suivi de la cellule de reclassement mise en place par le PSE pendant 18 mois, dont le tableau de suivi fait apparaître qu'il a refusé un emploi pour raisons de prétentions salariales.

L'UNEDIC fait aussi observer qu'à la suite de la rupture, M. [D] a perçu une indemnité de licenciement à hauteur de 78.456 euros nets et de 37.982 euros soumis à cotisations, qu'il a bénéficié pendant 12 mois d'une allocation chômage de l'ordre de 4.500 euros puis de l'allocation de retour à l'emploi de 3.440 euros environ, que durant les contrats de travail à durée déterminée, il percevait un complément d'allocations chômage, enfin que, compte tenu de son âge, M. [D] devrait pouvoir prendre sa retraite à 62 ans.

L'UNEDIC ajoute qu'en tout état de cause, compte tenu de la liquidation judiciaire de la société prononcée en octobre 2021, M. [D] aurait nécessairement perdu son emploi.

***

M. [D] établit sa situation au regard de Pôle emploi jusqu'en février 2019, puis, à compter de septembre 2021, justifie avoir obtenu un contrat de travail à temps partiel, nettement moins rémunérateur mais sa situation dans l'intervalle n'est pas justifiée par les pièces versées aux débats.

Compte tenu notamment du montant de la rémunération versée à M. [D], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard mais aussi des indemnités versées à la suite de la rupture, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour est en mesure de lui allouer la somme de 70.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du non-respect des critères d'ordre des licenciements.

Sur les autres demandes

Les intérêts sur les sommes allouées dans la limite de celles retenues par la cour sont dus à compter de la décision déférée jusqu'à l'ouverture de la procédure collective qui en a ensuite interrompu le cours et ne peuvent être capitalisés dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil que jusqu'à cette date.

La décision déférée sera confirmée en ce qu'elle a mis les dépens à la charge de l'USCA France Tabac et alloué à M. [D] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, sauf à tenir compte de la liquidation judiciaire prononcée depuis.

Les dépens, qui incluent les frais d'exécution, seront ainsi mis à la charge de la liquidation judiciaire et il sera alloué à M. [D] la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel, la cour rappelant que ni les dépens, ni les frais irrépétibles n'entrent dans les créances garanties par l'UNEDIC à laquelle la présente décision est opposable.

*

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il s'est déclaré compétent pour statuer sur la mise en oeuvre des critères d'ordre des licenciements et a retenu que l'USCA France Tabac n'avait pas respecté ces critères, en ce qu'il a considéré qu'il y avait lieu à l'indemnisation du préjudice subi à ce titre par M. [G] [D], lui a alloué la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et a mis les dépens à la charge de l'USCA France Tabac,

Infirmant la décision pour le surplus et y ajoutant,

Fixe la créance de M. [G] [D] au passif de la liquidation judiciaire de l'USCA France Tabac représentée par son liquidateur, la SELARL de Keating, aux sommes suivantes :

- 70.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du non-respect des critères d'ordre des licenciements,

- 1.500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en première instance,

- 2.000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

Dit que les intérêts sur les sommes allouées dans la limite de celles retenues par la cour sont dus à compter de la décision déférée jusqu'à l'ouverture de la procédure collective et ne peuvent être capitalisés dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil que jusqu'à cette date,

Déclare le présent arrêt opposable à l'UNEDIC Délégation AGS CGEA de [Localité 3] dans les limites légales et réglementaires de sa garantie et du plafond applicable (78.456 euros) à l'exclusion des dépens et des frais irrépétibles,

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions,

Dit que les dépens seront supportés par la liquidation judiciaire de l'USCA France Tabac.

Signé par Sylvie Hylaire, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 18/04903
Date de la décision : 22/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-22;18.04903 ?
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