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21/06/2022 | FRANCE | N°19/04462

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 1ère chambre civile, 21 juin 2022, 19/04462


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE



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ARRÊT DU : 21 JUIN 2022



RP





N° RG 19/04462 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LFXC









[S] [X]

[H] [Y] épouse [X]



c/



[R] [Z]

























Nature de la décision : AU FOND























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Grosse délivrée le :



aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 23 mai 2019 par le Tribunal de Grande Instance de LIBOURNE ( RG : 18/00017) suivant déclaration d'appel du 02 août 2019





APPELANTS :



[S] [X]

demeurant [Adresse 4]



[H] [Y] épouse [X]

demeurant [Adresse 4]



représentés par Maître Mélina MASSIAS...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 21 JUIN 2022

RP

N° RG 19/04462 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LFXC

[S] [X]

[H] [Y] épouse [X]

c/

[R] [Z]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 23 mai 2019 par le Tribunal de Grande Instance de LIBOURNE ( RG : 18/00017) suivant déclaration d'appel du 02 août 2019

APPELANTS :

[S] [X]

demeurant [Adresse 4]

[H] [Y] épouse [X]

demeurant [Adresse 4]

représentés par Maître Mélina MASSIAS, avocat postulant au barreau de LIBOURNE, et assistés de Maître Maud VUILLEMIN de l'AARPI ANTHEA AVOCATS ASSOCIES AARPI, avocat plaidant au barreau du JURA

INTIMÉ :

Maître [R] [Z]

né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 5] (33)

de nationalité Française

demeurant [Adresse 3]

représenté par Maître Xavier LAYDEKER de la SCP LAYDEKER - SAMMARCELLI - MOUSSEAU, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 17 mai 2022 en audience publique, devant la cour composée de :

Roland POTEE, président,

Vincent BRAUD, conseiller,

Bérengère VALLEE, conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Véronique SAIGE

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

[T] [X], née le [Date naissance 2] 2000, âgée de 7 mois, présentant des signes de déshydratation, est entrée au Centre Hospitalier [6] de [Localité 7] le 13 février 2001. Après intervention de l'équipe médicale, elle y est décédée le lendemain.

En février 2001, M. [S] [X] et Mme [H] [Y] épouse [X], parents de l'enfant, ont mandaté Maître [G], avocat, aux fins d'établir la responsabilité de l'hôpital dans le décès de leur fille.

Exposant que l'avocat les avait informés, en novembre 2006, qu'il n'avait déposé aucune requête devant le tribunal administratif afin de mettre en cause la responsabilité de l'établissement hospitalier et que l'action était désormais prescrite, les époux [X] ont mandaté Maître [R] [Z] en juin 2007 afin qu'il engage une action en responsabilité contre Maître [G].

Début 2017, les époux [X] ont appris que Maître [Z] n'avait intenté aucune action contre son confrère et que l'action en responsabilité contre celui-ci était prescrite.

Par acte du 12 novembre 2017, les époux [X] ont fait assigner Maître [Z] devant le tribunal de grande instance de Libourne aux fins de le voir condamner au paiement de la somme de 50.000 € au titre de sa responsabilité.

Par jugement du 23 mai 2019, le tribunal:

- s'est déclaré territorialement compétent,

- a condamné M. [R] [Z] à payer à M. [S] [X] et à Mme [H] [Y] épouse [X] la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts et celle de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. [R] [Z] de sa demande fondée sur le même texte,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

- condamné M. [R] [Z] à supporter les dépens,

- ordonné l'exécution provisoire.

Les époux [X] ont relevé appel de ce jugement par déclaration du 2 août 2019, sur le montant de la somme allouée au titre de la perte de chance.

Par conclusions déposées le 2 octobre 2019, M. et Mme [X] demandent à la cour de :

- dire leur appel recevable et bien fondé,

Y faisant droit,

- réformer le jugement entrepris,

Sur le point de l'indemnisation :

- condamner Maître [Z] à leur payer la somme de 50.000 € au titre de la perte de chance,

- confirmer le jugement sur les autres points,

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir,

- condamner Maître [Z] à leur payer la somme de 3.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens de l'instance avec bénéfice de distraction.

Par conclusions déposées le 20 décembre 2019, Maître [R] [Z] demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris,

En conséquence,

- débouter M. et Mme [X] de l'ensemble de leurs demandes à son encontre;

- condamner M. et Mme [X] à lui verser une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens avec bénéfice de distraction.

L'affaire a été fixée à l'audience collégiale du 17 mai 2022.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 3 mai 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Les époux [X] estiment que le tribunal qui a retenu à bon droit les manquements de M.[Z] pour n'avoir pas engagé la procédure prévue contre M. [G] et avoir ainsi laissé prescrire l'action en responsabilité contre ce dernier, font grief au premier juge d'avoir limité leur indemnisation au titre de la perte de chance à 10.000 € ensemble alors que le préjudice lié à la perte d'un enfant vivant au foyer est habituellement évalué dans une fourchette de 20.000 € à 30.000 € par parent et ils réclament ainsi une indemnité de 25.000 € par parent soit 50.000 €.

Me [Z] ne s'explique pas sur la faute qui lui est reprochée mais il conteste le préjudice invoqué par les appelants qu'il estime doublement hypothétique en ce que les époux [X] ne démontrent ni les chances de succès d'une procédure à l'encontre du centre hospitalier de [Localité 7], ni par suite, les chances de succès de la procédure à engager à l'encontre de Maître [G].

Sur la faute professionnelle

Le manquement de Me [Z] à son devoir de conseil qui lui impose d'effectuer les diligences utiles à la défense des intérêts de ses clients, est établi en l'espèce et non discuté par Me [Z] qui, après avoir préparé un projet d'assignation en référé, approuvé le 20 février 2012 par les époux [X], a effectivement omis de délivrer cet acte tendant à l'obtention d'une expertise judiciaire destinée à établir la responsabilité du centre hospitalier dans le décès de l'enfant et par voie de conséquence, à apprécier celle de Me [G] en raison de son inaction.

Sur le préjudice

Il est acquis en jurisprudence que la réparation d'une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait pu procurer cette chance si elle s'était réalisée et, lorsque la perte de chance résulte de l'absence d'engagement d'une procédure judiciaire, il y a lieu d'examiner les chances de succès de cette action (Cass Civ I, 2 avril 1997, n°95-11.287).

Il est constant en l'espèce que le défaut de délivrance par Me [Z] de l'assignation précitée à l'encontre du centre hospitalier et de Me [G] a, du fait de la prescription intervenue entre-temps, fait perdre aux époux [X] toute chance de voir reconnaître la responsabilité de Me [G] suite à sa carence dans l'engagement de l'action envisagée devant le juge administratif pour voir mettre en cause la responsabilité de l'établissement de soins dans la survenance du décès de l'enfant.

Le succés de l'action en responsabilite civile contre Me [G] supposait donc que soit d'abord établie la faute commise par le centre hospitalier par le biais d'une expertise judiciaire, auquel cas l'inaction de Me [G] à l'encontre de cet hôpital se traduisait par une perte de chance pour les appelants de se voir indemnisés.

Sur ce point, le rapport de mission de la direction departementale de l'Hopital [Localité 7] de mars 2001, établi à la suite du décès de l'enfant pour en analyser les circonstances et les conditions de fonctionnement médical du service, conclut comme suit :

' Ce décès reste de cause incertaine. Deux maladresses peuvent cependant être retenues :

- L'estimation correcte de la perte de poids n'apparaît pas maitrisée.

- La pose précoce de voie d'abord pour une réhydratation et parer à un collapsus n'a pas été un souci prioritaire immédiat.

Le service de pédiatrie de l'hôpital [Localité 7] répond à une demande de proximite locale mais son organisation actuelle ne peut assurer les situations sévères ou d'urgences, notamment du fait de la seule présence du docteur [N], médecin contractuel jusqu'en juillet.

Le fonctionnement des services de l'hôpital, tels la pédiatrie, avec le médecin dont le statut est précaire, ne permet pas d'assurer de façon harmonieuse la prise en charge des patients.'

Il ressort de ces conclusions que la responsabilité du centre hospitalier était bien susceptible d'être mise en cause au titre d'une faute de service dans le cadre de son organisation des urgences pédiatriques et/ou d'une faute personnelle dans le diagnostic et les soins donnés à l'enfant.

Faute de délivrance au centre hospitalier et à Me [G] de l'assignation précitée en temps utile, Me [Z] a fait perdre aux époux [X] d'abord la chance de voir reconnue la responsabilité de l'hôpital dans la survenance du décès de leur enfant et ensuite, d'obtenir réparation de cette chance perdue par Me [G] en raison de sa carence.

Cette perte de chance sera évaluée à 10.000 € pour chacun des parents, soit 20.000 € au total, par infirmation du jugement sur ce seul point.

Les appelants sont fondés par ailleurs à obtenir une indemnité de 3.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [R] [Z] à payer à M. [S] [X] et à Mme [H] [Y] épouse [X] la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts;

Statuant à nouveau de ce chef;

Condamne M. [R] [Z] à payer à M. [S] [X] et à Mme [H] [Y] épouse [X] chacun la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts, soit 20.000 € au total;

Confirme le jugement pour le surplus et, y ajoutant,

Condamne M. [R] [Z] à payer à M. [S] [X] et à Mme [H] [Y] épouse [X] ensemble la somme de 3.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

Condamn M. [R] [Z] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés par le conseil des appelants selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 19/04462
Date de la décision : 21/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-21;19.04462 ?
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