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16/06/2022 | FRANCE | N°19/03797

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 1ère chambre civile, 16 juin 2022, 19/03797


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE



--------------------------







ARRÊT DU : 16 JUIN 2022









N° RG 19/03797 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LDZO







SCI KIZILAY



c/



SA BANQUE CIC SUD OUEST



























Nature de la décision : AU FOND





























Grosse délivrée le : 16 JUIN 2022



aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 21 mai 2019 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (chambre : 5, RG : 18/02190) suivant déclaration d'appel du 08 juillet 2019





APPELANTE :



SCI KIZILAY agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 16 JUIN 2022

N° RG 19/03797 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LDZO

SCI KIZILAY

c/

SA BANQUE CIC SUD OUEST

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le : 16 JUIN 2022

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 21 mai 2019 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (chambre : 5, RG : 18/02190) suivant déclaration d'appel du 08 juillet 2019

APPELANTE :

SCI KIZILAY agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social[Adresse 1]

Représentée par Me Jacques-brice MOMNOUGUI de la SELARL JURIS TIME, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

SA BANQUE CIC SUD OUEST prise poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège [Adresse 2]

Représentée par Me Carolina CUTURI-ORTEGA de la SCP JOLY - CUTURI ' WOJAS AVOCATS DYNAMIS EUROPE (ADE), avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 mai 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Bérengère VALLEE, conseiller, chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Roland POTEE, président,

Vincent BRAUD, conseiller,

Bérengère VALLEE, conseiller,

Greffier lors des débats : Séléna BONNET

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

Par acte sous seing privé du 11 décembre 2007, la SA Banque CIC Sud-Ouest (ci-après dénommée la banque CIC) a consenti à la SCI Kizilay un prêt d'un montant de 231 530 euros, au taux nominal de 5,30 % remboursable en 300 mensualités, destiné à financer l'acquisition d'une maison sise à [Adresse 1].

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 juillet 2017, réceptionnée le 11 juillet 2017, la banque CIC a prononcé la déchéance du terme et mis en demeure la SCI Kizilay de régulariser au plus tard le 13 juillet 2017 les sommes restant dues, en vain.

Par acte du 8 mars 2018, la banque CIC a fait assigner en paiement la SCI Kizilay.

Par jugement contradictoire du 21 mai 2019, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :

- condamné la SCI Kizilay à payer à la banque CIC une somme de 159 665,91 euros avec intérêts au taux contractuel de 4 % à compter du 21 novembre 2017, ainsi qu'une somme de 8 090,06 euros, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- condamné la SCI Kizilay aux dépens ainsi qu'à payer à la banque CIC une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que la SCI Kizilay sera tenue, le cas échéant, aux frais occasionnés par les mesures conservatoires qui restent à la charge du débiteur en application de l'article L.512-2 du code de procédure civile d'exécution,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision.

La SCI Kizilay a relevé appel de ce jugement par déclaration du 8 juillet 2019.

Par conclusions déposées le 23 juillet 2020, elle demande à la cour de :

- dire recevables et bien fondés l'appel et les demandes formés par la SCI Kizilay devant la cour,

- réformer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

Et, statuant à nouveau,

A titre principal,

- dire et juger irrecevable pour défaut d'intérêt à agir l'action de la banque CIC,

A titre subsidiaire,

- dire que la déchéance du terme n'est pas acquise,

- débouter la banque CIC de toutes ses demandes,

- dire que le remboursement du prêt de la SCI Kizilay devra reprendre selon les modalités initialement convenues,

- ordonner à la banque CIC de produire un décompte des sommes restant éventuellement dues au titre des échéances exigibles à la date de la décision à intervenir, compte tenu des paiements mensuels effectués par la SCI Kizilay,

A titre infiniment subsidiaire,

- dire que l'indemnité conventionnelle de résiliation sera réduite à la somme de 1 euro,

- dire que la SCI Kizilay bénéficiera d'un report de sa dette pendant une durée de 2 ans, pendant laquelle il ne sera tenu à aucun règlement et les sommes dues porteront intérêt au taux légal,

En tout état de cause,

- condamner la banque CIC à verser à la SCI Kizilay la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- la condamner pareillement aux entiers dépens.

Par conclusions déposées le 26 octobre 2020, la SA banque CIC demande à la cour de:

In limine litis,

- déclarer irrecevables les prétentions nouvelles formulées devant la Cour d'appel par la SCI Kizilay,

Par voie de conséquence,

- débouter la SCI Kizilay de l'intégralité de ses demandes,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 21 mai 2019 par le tribunal de grande instance de Bordeaux et, compte tenu de l'actualisation de la créance de la banque CIC,

- condamner la SCI Kizilay à payer à la banque CIC la somme de :

- 139 202,07 euros, arrêtée au 9 décembre 2019, outre intérêts au taux d'intérêts contractuel de 4 % à compter de cette date et jusqu'à parfait règlement,

- 9 094,44 euros, arrêtée au 13 juin 2019, outre intérêts au taux légal à compter de cette date jusqu'à parfait règlement, au titre de l'indemnité conventionnelle,

Au fond,

- déclarer la SCI Kizilay mal fondée en ses demandes,

Par voie de conséquence,

- débouter la SCI Kizilay de l'intégralité de ses demandes,

En tout état de cause,

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 21 mai 2019 par le tribunal de grande instance de Bordeaux et, compte tenu de l'actualisation de la créance de la banque CIC,

- condamner la SCI Kizilay à payer à la banque CIC la somme de :

- 139 202,07 euros, arrêtée au 9 décembre 2019, outre intérêts au taux d'intérêts contractuel de 4 % à compter de cette date et jusqu'à parfait règlement,

- 9 094,44 euros, arrêtée au 13 juin 2019, outre intérêts au taux légal à compter de cette date jusqu'à parfait règlement, au titre de l'indemnité conventionnelle,

- ordonner la capitalisation des intérêts,

- condamner la SCI Kizilay au paiement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, aux entiers dépens de la présente instance y compris ceux de la procédure d'exécution (article 695 du code de procédure civile) et les frais occasionnés par les mesures conservatoires restant à la charge du ou des débiteurs conformément aux dispositions de l'article L 512-2 du code de procédure civile d'exécution.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 21 avril 2022 et l'affaire fixée à l'audience du 5 mai 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité des demandes de la SCI Kizilay devant la cour d'appel

Sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile, la banque CIC soulève l'irrecevabilité des demandes de la SCI Kizilay au motif qu'elles seraient nouvelles en appel.

Cependant, la SCI Kizilay rappelle justement, d'une part, que son moyen d'irrecevabilité tiré du défaut d'intérêt à agir de la banque constitue une fin de non-recevoir qui peut être proposée en tout état de cause en application de l'article 123 du code de procédure civile.

D'autre part, les demandes de la SCI Kizilay, qui ont pour objet de faire écarter les prétentions adverses, peuvent être invoquées pour la première fois en appel conformément à l'article 564 précité.

En conséquence, les demandes de la SCI Kizilay seront déclarées recevables.

Sur l'intérêt à agir de la banque CIC

La SCI Kizilay soutient que la banque CIC avait déjà été désintéressée de sa créance par la société Crédit Logement et n'avait en conséquence plus aucun intérêt à agir contre elle lors de la signification de son assignation introductive d'instance le 8 mars 2018.

Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Selon l'article 31 du même code, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

En l'espèce, il n'est pas contesté que le prêt litigieux était garanti par le cautionnement du Crédit Logement selon engagement du 26 novembre 2007.

A l'appui de son moyen d'irrecevabilité, la SCI Kizilay produit un courrier du 22 janvier 2018 dans lequel le Crédit Logement l'informe que ses services sont amenés à rembourser en ses lieu et place l'intégralité du solde de la créance du prêteur, précisant qu'elle est désormais son seul interlocuteur et qu'en l'absence de règlement sous huitaine de la somme de 162.954,36 euros, des poursuites judiciaires seront engagées.

Il ressort toutefois des pièces versées aux débats par la banque que le Crédit Logement a procédé au règlement d'une somme de 5.855,86 euros en lieu et place du débiteur, selon quittance du 29 juin 2016, au titre de plusieurs échéances impayées et que le tribunal d'instance de Bordeaux a, selon jugement du 5 décembre 2017, condamné la SCI Kizilay à payer au Crédit Logement ladite somme.

La banque CIC soutient en outre qu'aucun autre règlement n'a été réalisé par l'organisme de caution et en veut pour preuve un courrier du Crédit Logement adressé à la banque le 14 octobre 2020 dans lequel il affirme être 'intervenu en lieu et place de la SCI Kizilay uniquement pour le paiement de la somme de 5.855,86 euros conformément à la quittance du 29 juin 2016 et selon jugement du tribunal d'instance de Bordeaux en date du 5 décembre 2017".

Au regard de ces éléments, la banque CIC dispose bien d'un intérêt à agir contre la SCI Kizilay. Son action est donc recevable.

Sur la déchéance du terme

La SCI Kizilay fait valoir que la déchéance du terme du prêt n'est pas acquise dès lors que le contrat de prêt ne contient aucune clause expresse et non équivoque de nature à dispenser la banque CIC d'adresser une mise en demeure préalable au prononcé de l'exigibilité anticipée du prêt, ce prononcé étant intervenu par courrier du 6 juillet 2017 sans mise en demeure préalable.

L'article 1134 ancien du code civil, dans sa rédaction applicable à l'espèce, dispose :

«  Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

« Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.

« Elles doivent être exécutées de bonne foi. »

L'article 1184 ancien du même code dispose :

«  La condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement.

« Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts. 

« La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances. »

En application de ces textes, si le contrat de prêt d'une somme d'argent peut prévoir que la défaillance de l'emprunteur non-commerçant entraînera la déchéance du terme ou l'exigibilité anticipée du prêt, celle-ci ne peut, sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier, sans la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle (1re Civ., 7 mars 2018, no 16-28.324).

Plus largement, cette mise en demeure préalable doit préciser au débiteur les manquements invoqués et le délai dont il dispose pour y remédier.

En l'espèce, le paragraphe 15, intitulé 'Exigibilé immédiate' des conditions générales de l'offre de prêt stipule : ' Les sommes dues seront de plein droit et immédiatement exigibles, dans l'un quelconque des cas suivants. Pour s'en prévaloir, le prêteur en avertira l'emprunteur par simple courrier :

- si l'emprunteur est en retard de plus de trente jours dans le paiement d'une échéance en principal, intérêts ou accessoires du présent prêt.'

Contrairement à ce que prétend la banque CIC, cette clause ne dispense pas de manière expresse et non équivoque le prêteur d'une mise en demeure préalable au prononcé de la déchéance du terme et contenant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle.

La banque CIC ne soutient pas que le courrier du 6 juillet 2017 qui prononce la déchéance du terme serait constitutif d'une mise en demeure préalable et ne produit aucun autre courrier contenant mise en demeure préalable.

Il en résulte que la banque CIC ne pouvait se prévaloir valablement d'une exigibilité anticipée du prêt et dès lors prononcer la déchéance du terme par lettre recommandée avec accusé de réception du 6 juillet 2017.

Il convient donc de débouter la banque CIC de sa demande en paiement et de lui enjoindre de produire un décompte actualisé tenant compte de l'absence de déchéance du terme à la date de la présente décision.

Le jugement attaqué sera infirmé de ce chef.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Aux termes de l'article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. Sur ce fondement, la banque CIC sera condamnée aux entiers dépens.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. A ce titre, la banque CIC sera condamnée à payer à la SCI Kizilay la somme de 1.500 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Déclare recevables les demandes de la SCI Kizilay,

Déclare recevable l'action de la SA banque CIC Sud Ouest à l'encontre de la SCI Kizilay,

Infirme le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

Constate que la déchéance du terme prononcée par la SA banque CIC Sud Ouest le 6 juillet 2017 n'est pas acquise,

Déboute la SA banque CIC Sud Ouest de ses demandes à l'encontre de la SCI Kizilay,

Ordonne à la SA banque CIC Sud Ouest de produire un décompte actualisé tenant compte de l'absence de déchéance du terme à la date de la présente décision,

Condamne la SA banque CIC Sud Ouest à payer à la SCI Kizilay la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la SA banque CIC Sud Ouest aux entiers dépens.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Séléna BONNET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 19/03797
Date de la décision : 16/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-16;19.03797 ?
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