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09/06/2022 | FRANCE | N°19/00530

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 2ème chambre civile, 09 juin 2022, 19/00530


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------







ARRÊT DU : 09 JUIN 2022







N° RG 19/00530 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-K24B









Monsieur [R] [A]

Madame [E] [I] épouse [A]





c/



SA MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

Compagnie d'assurances SMABTP

S.A.R.L. PARALLELE 45 - GEOMETRES - EXPERTS ASSOCIES

SA MMA IARD

S.C.I. BRUGES AUSONE

SNC EIFFAGE ROUTE SUD OUEST



























Nature de la décision : AU FOND



















Grosse délivrée le :



aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 02 octobre 2018 (R.G. 12/09248) par la 7ème chambre civile du Tribunal de G...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 09 JUIN 2022

N° RG 19/00530 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-K24B

Monsieur [R] [A]

Madame [E] [I] épouse [A]

c/

SA MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

Compagnie d'assurances SMABTP

S.A.R.L. PARALLELE 45 - GEOMETRES - EXPERTS ASSOCIES

SA MMA IARD

S.C.I. BRUGES AUSONE

SNC EIFFAGE ROUTE SUD OUEST

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 02 octobre 2018 (R.G. 12/09248) par la 7ème chambre civile du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 29 janvier 2019

APPELANTS :

[R] [A]

né le 19 Novembre 1977 à [Localité 9]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 8]

[E] [I] épouse [A]

née le 31 Mai 1973 à

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 8]

Représentés par Me Jean-david BOERNER, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉES :

SA MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

Venant aux droits de COVEA RISKS

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 1]

es qualité d'assureur de la SELARL MAS & ASSOCIES

S.A.R.L. PARALLELE 45 - GEOMETRES - EXPERTS ASSOCIES

Venant aux droits de la Société MAS ET ASSOCIES

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 4]

SA MMA IARD

Venant aux droits de COVEA RISKS

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 1]

es qualité d'assureur de la SELARL MAS & ASSOCIES

Représentées par Me HARDY substituant Me Xavier LAYDEKER de la SCP LAYDEKER - SAMMARCELLI - MOUSSEAU, avocat au barreau de BORDEAUX

Compagnie d'assurances SMABTP - SOCIETE MUTUELLE D'ASSURANCE DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS (société d'assurance mutuelle à cotisations variables) recherchée en qualité d'assureur de la société CD BAT, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 5]

sur appel provoqué de la SCI BRUGES AUSONE du 08.07.19

Représentée par Me Luc BOYREAU de la SCP LUC BOYREAU, avocat au barreau de BORDEAUX

et assistée de Me Xavier SCHONTZ de la SELARL GALY & ASSOCIÉS, avocat au barreau de BORDEAUX

S.C.I. BRUGES AUSONE

société civile de construction vente, inscrite au RCS de BORDEAUX sous le numéro 484 149 802 dont le siège social est situé [Adresse 6] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au dit siège

Représentée par Me PELTIER substituant Me Jean-jacques BERTIN, avocat au barreau de BORDEAUX

SNC EIFFAGE ROUTE SUD OUEST

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 3]

Représentée par Me Luc BOYREAU de la SCP LUC BOYREAU, avocat au barreau de BORDEAUX

et assistée de Me Elsa GREBAUT COLLOMBET, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 avril 2022 en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Paule POIREL, Président,

Madame Catherine LEQUES, Conseiller,

Madame Isabelle LOUWERSE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Audrey COLLIN

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCEDURE :

La société civile immobilière Bruges Ausone a entrepris un important programme immobilier situé à [Adresse 7], comportant 43 logements, répartis en 19 maisons individuelles avec jardin et 2 bâtiments collectifs de 24 logements, outre 43 emplacements de parking non couverts, l'ensemble étant dénommé 'Les Demeures de Salanganes'. Elle a souscrit auprès de la société Sagena, devenue la société SMA SA, une assurance dommages ouvrage et une assurance décennale constructeur non réalisateur et dommages avant réception.

Sont notamment intervenus à l'acte de construire :

- La société en nom collectif Eiffage Travaux Publics Sud Ouest, venant aux droits de la société ENTP, chargée du lot VRD, qui a réalisé un mur de soutènement entre le fonds voisin, appartenant à M. et Mme [V], et l'ensemble immobilier.

- la société à responsabilité limitée Parallèle 45, géomètres-experts, venant aux droits de la Selarl MAS et Associés, géomètre, chargée de la maîtrise d''uvre des travaux de VRD. Elle était assurée auprès de la société Covéa Risks, aujourd'hui les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles (les sociétés MMA Iard).

- la société Socotec, chargée d'une mission de contrôle des ouvrages de soutènement (mission L), assurée auprès de la société AXA Assurances.

- M. [X] en qualité de maître d'oeuvre, dont les missions ont ensuite été transférées à la société CD Bat, assurée auprès de Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP).

Les logements ont été vendus en l'état futur d'achèvement et livrés à l'été 2008. Les acquéreurs se sont réunis dans un syndicat de copropriétaires dénommé 'Les Demeures de Salanganes'.

Par acte authentique du 26 juin 2007 M. [R] [A] et Mme [E] [I] épouse [A] ont acquis de la société Bruges Ausonne l'une des maisons individuelles avec jardin, à savoir le lot n°18, au prix de 245 000 euros. L'immeuble a été livré à l'été 2008.

Se plaignant de divers désordres affectant leur immeuble, voisin des bâtiments construits, et consistant en des affaissements du mur de soutènement séparant les deux fonds mitoyens, M. et Mme [V] ont, par acte d'huissier du 27 juin 2008, saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Bordeaux d'une demande d'expertise judiciaire.

La SCI Bruges Ausone est intervenue volontairement à la procédure de référé.

Par ordonnance de référé du 29 septembre 2008, M. [D] a été désigné en qualité d'expert.

La SCI Bruges Ausone a, par la suite, appelé dans la cause les différents intervenants du chantier ainsi que le syndicat des copropriétaires et les différents copropriétaires dont les jardins privatifs jouxtaient le mur de soutènement.

M. [D] a déposé son rapport définitif le 21 juin 2010.

Par acte d'huissier des 5 et 10 octobre 2012, le syndicat des copropriétaires et certains copropriétaires des villas avec jardins, soit M. et Mme [L], M. et Mme [A] (lot n°18), M. [M] et Mme [H] (lot n° 17), ont fait assigner la SCI Bruges Ausone et à son assureur, la société Sagena (assureur CNR et dommages ouvrages) et la SCI BP Résidence Patrimoine 2 (par intervention volontaire), aux fins de solliciter :

- à titre principal sur le fondement des articles 1646-1 et 1792 du code civil contre la SCI Bruges Ausone en sa qualité de maître de l'ouvrage, vendeur, qu'elle soit condamnée sous astreinte à procéder aux travaux de réfection préconisés par l'expert judiciaire,

- à titre subsidiaire sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil.

La SCI Bruges Ausone a appelé en cause différents intervenants à l'acte de construire, leurs assureurs, ainsi que les propriétaires susceptibles d'être affectés par les travaux de réparation, soit M. et Mme [V], ainsi que les copropriétaires dont le fonds était contigu au mur de soutènement.

Les deux procédures ont fait l'objet d'une jonction par mention au dossier.

M. [J] (lot n°15) est intervenu volontairement à la procédure.

La SCI BP Résidence Patrimoine 2, propriétaire de 9 lots, est également intervenue volontairement à la procédure.

Par jugement du 11 février 2014, le tribunal a :

Avant dire-droit sur le fondement de la responsabilité de la SCI Bruges Ausone, sur la garantie de la SA Sagena et sur les appels en garantie :

-enjoint aux parties de s'expliquer sur l'application des dispositions de l'article 1147 du code civil dans les rapports entre les demandeurs et la SCI Bruges Ausone et sur ses conséquences en ce qui concerne la garantie de la SA Sagena ainsi qu'en ce qui concerne les différents appels en garantie, dans la mesure où l'application de l'article 1147 du code civil signifierait qu'il s'agit de désordres apparus avant la réception sans réserves du 29 juillet 2009,

Avant dire-droit sur l'évaluation du coût des travaux de remise en état,

- ordonné une expertise complémentaire et commis pour y procéder M. [N], [Adresse 2], avec pour mission de :

- se rendre sur place,

- se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utiles à l'accomplissement de sa mission dans un délai fixé par l'expert, au plus tard dans le mois suivant la première réunion d'expertise,

- prendre connaissance du rapport d'expertise judiciaire de M. [D],

- visiter les lieux et décrire leur état actuel,

- évaluer le coût des travaux de remise en état comportant la démolition du mur existant, la suppression de l'empiétement des fondations sur la propriété des consorts [V] et une reconstruction permettant à la fois d'assurer la solidité du mur et de restituer aux parcelles des consorts [V] toutes leurs caractéristiques antérieures aux travaux, notamment en ce qui concerne leur résistance aux passages,

-fournir au tribunal tous éléments techniques et de fait utiles à la solution du litige,

-en cas d'urgence ou de péril constaté par l'expert, autorisé le syndicat des copropriétaires à faire procéder, à ses frais avancés et pour le compte de qui il appartiendra, les travaux jugés nécessaires par l'expert, et cela par des entreprises spécialisées de son choix et sous le contrôle d'un maître d'oeuvre de son choix,

-débouté Mme [S] de sa demande d'expertise spécifique,

-condamné la SCI Bruges Ausone à verser, à titre de provision sur la réparation de leur préjudice de jouissance, les sommes de :

- 4000 euros au profit de M. et Mme [L],

- 4000 euros au profit des consorts [M] [H],

- 4000 euros au profit de M. et Mme [A],

- 4000 euros au profit de M. [J],

- 4000 euros au profit de Mme [S]

-ordonné l'exécution provisoire du chef des condamnations ci-dessus prononcées,

-sursis à statuer sur le préjudice de jouissance de la SCI BP Résidence Patrimoine 2 et lui a enjoint de justifier de son préjudice de jouissance personnel, distinct de celui des occupants,

-sursis à statuer sur les condamnations au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-réservé les dépens.

Suivant ordonnance du 25 juin 2014, le juge de la mise en état a rendu commune à la SMABTP les opérations d'expertise confiées à M. [N] le 11 février 2014.

M. [N] a déposé son rapport le 23 septembre 2016.

M. et Mme [V], M. et Mme [Y], et Mme [J], bien que régulièrement assignés, n'ont pas constitué avocat.

Par jugement du 2 octobre 2018, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :

- rejeté les demandes dirigées contre la SMA SA venant aux droits de la Sagena, en qualité d'assureur de la SCI Bruges Ausone,

- rejeté les demandes dirigées contre la SMABTP en qualité d'assureur de la société CD Bât,

- rejeté les demandes dirigées contre la société Socotec,

- condamné in solidum la société SCI Bruges Ausone, la société Eiffage Travaux Publics Sud Ouest et la société Parallèle 45, venant aux droits de la société MAS et Associés, in solidum avec son assureur la société Covéa Risks, à verser au syndicat des copropriétaires Les Demeures de Salanganes, représenté par son syndic, les sommes suivantes :

- 219 730,27 euros TTC au titre des travaux de réfection du mur

- 4 800 euros TTC au titre de la mission G4

- 20 286 euros TTC au titre de la prestation de la société CEBTP

- 2 197,30 euros au titre des honoraires du syndic

- rejeté plus amples demandes d'indemnisation,

- dit que dans leurs rapports entre elles, la société Bruges Ausone sera garantie et relevée intégralement indemne par la société Eiffage Travaux Publics Sud-Ouest, la société Parallèle 45 et son assureur Covéa Risks.

- dit que la société Eiffage supportera 50 % de la charge des condamnations et la société Parallèle 45 venant aux droits de la société MAS Et Associés, in solidum avec son assureur la société Covéa Risks 50 %.

- condamné in solidum la société SCI Bruges Ausone, la société Eiffage Travaux Publics Sud Ouest et la société Parallèle 45, venant aux droits de la société MAS et Associés, in solidum avec son assureur la société Covéa Risks, à verser la somme de 1 000 euros chacun à M. [L], Mme [L], M. [M], Mme [H], M. [A], Mme [A], M. [J] et la SCI BP Résidence Patrimoine 2 en réparation du préjudice subi,

- dit que dans leurs rapports entre elles, la société Bruges Ausone sera garantie et relevée intégralement indemne par la société Eiffage Travaux Publics Sud-Ouest, la société Parallèle 45 et son assureur Covéa Risks,

- dit que la société Eiffage supportera 50 % de la charge des condamnations et la société Parallèle 45 venant aux droits de la société MAS Et Associés, in solidum avec son assureur la société Covéa Risks, 50 %,

- condamné in solidum la société SCI Bruges Ausone, la société Eiffage Travaux Publics Sud Ouest et la société Parallèle 45, venant aux droits de la société MAS et Associés, in solidum avec son assureur la société Covéa Risks, à verser la somme de 1 000 euros à Mme [T] [S] en réparation du préjudice subi,

- dit que dans leurs rapports entre elles, la société Bruges Ausone sera garantie et relevée intégralement indemne par la société Eiffage Travaux Publics Sud-Ouest, la société Parallèle 45 et son assureur Covéa Risks,

- dit que la société Eiffage supportera 50 % de la charge des condamnations et la société Parallèle 45 venant aux droits de la société MAS Et Associés, in solidum avec son assureur la société Covéa Risks, 50 %,

- condamné in solidum la société SCI Bruges Ausone, la société Eiffage Travaux Publics Sud Ouest et la société Parallèle 45, venant aux droits de la société MAS et Associés, in solidum avec son assureur la société Covéa Risks, à verser au syndicat des copropriétaires Les Demeures de Salanganes la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles, et la somme de 800 euros à chacun des copropriétaires sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que la société SCI Bruges Ausone, la société Eiffage Travaux Publics Sud Ouest, et la société Parallèle 45, venant aux droits de la société MAS et Associés, in solidum avec son assureur la société Covéa Risks, seront condamnés aux dépens en ce compris les frais de référé et d'expertise qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

- dit que dans leurs rapports entre elles, la société Bruges Ausone sera garantie et relevée intégralement indemne des condamnations au titre des frais irrépétibles et des dépens par la société Eiffage Travaux Publics Sud-Ouest, la société Parallèle 45 et son assureur Covéa Risks,

- dit que la société Eiffage supportera 50 % de la charge des condamnations au titre des frais irrépétibles et des dépens, et la société Parallèle 45 venant aux droits de la société MAS Et Associés, in solidum avec son assureur la société Covéa Risks, 50 %,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Par déclaration électronique du 29 janvier 2019, M. et Mme [A] ont relevé appel en intimant la société Bruges Ausone, la société Eiffage Travaux Publics Sud Ouest, la société Parallèle 45 et l'assureur de celle-ci, la société Covea Risks. Ils ont limité leur recours aux dispositions du jugement ayant condamné in solidum ces sociétés à leur verser la somme de 1 000,00 € à chacun en réparation de leur préjudice.

Le 13 mai 2019, la société MMA iard et la société MMA iard Assurances mutuelles ont constitué avocat comme venant aux droits de la société Covea Risks.

Par acte d'huissier du 08 juillet 2019, la société Bruges Ausonne a formé un appel provoqué à l'encontre de la SMABTP et a fait assigner cette société devant la présente cour.

PRETENTIONS DES PARTIES :

Par conclusions du 26 avril 2019, M. et Mme [A] demandent à la cour, au visa des articles 1646-1, 1792, 1792-1, 1792-2, 1792-3, 1642-1, 1184 et 1147 du code civil, de :

- faire droit à leur appel limité,

Infirmer le jugement en ce qui concerne l'appréciation de leur préjudice et, en conséquence :

1. A titre principal :

- condamner in solidum, la SCI Bruges Ausone, la société Eiffage Travaux Publics Sud-Ouest, la société Parallèle 45, la SA MMA Iard venant aux droits de Covéa Risks, et la SA MMA Iard Assurances Mutuelles venant aux droits de Covéa Risks, à leur payer une provision de 20 000 euros dans l'attente du rapport de M. [N],

- désigner M. [N] avec pour mission de donner à la Cour, tous les éléments d'appréciation utiles lui permettant de chiffrer les préjudices subis par eux,

2. A titre subsidiaire :

- condamner in solidum la SCI Bruges Ausone, Eiffage Travaux Publics Sud-Ouest, la société Parallèle 45, la SA MMA Iard venant aux droits de Covéa Risks, et la SA MMA Iard Assurances Mutuelles venant aux droits de Covéa Risks à leur payer en réparation de leur préjudice toutes causes confondues et tel que décrit dans leurs conclusions, la somme de 52 000 euros, augmentée des intérêts de droit à compter de l'arrêt à intervenir et de la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1154-1 du code civil.

- les condamner, sous la même solidarité, à leur payer 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et 4 000 euros au titre de leur préjudice moral et aux dépens de première instance et d'appel, avec distraction au bénéfice de la SCP Boerner, Maître Jean-David Boerner, sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions du 07 octobre 2021, la SCI Bruges Ausone demande à la cour, au visa de l'article 1147 du code civil, de :

- dire et juger que le tribunal a exactement apprécié l'étendue des préjudices allégués par les époux [A] et qu'il a, à juste titre, rejeté la demande de re-désignation d'un expert judiciaire,

En conséquence,

- débouter les époux [A] de l'intégralité de leurs demandes,

Confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

En tout état de cause,

Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu la responsabilité pleine et entière des sociétés Eiffage TPSO, Parallèle 45 et la garantie des sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles,

- dire et juger qu'il n'y a pas lieu de laisser à sa charge une quelconque part de responsabilité,

- condamner in solidum la société Eiffage TPSO, des sociétés MMA Iard et les MMA Iard Assurances Mutuelles à la garantir et relever indemne de toute condamnation susceptible d'être mise à sa charge au profit des époux [A],

A titre subsidiaire,

- dire et juger que la société CD Bât engage sa responsabilité à l'égard de la SCI Bruges Ausone pour défaut de conseil ;

En conséquence,

- condamner la SMABTP à relever intégralement indemne la SCI Bruges Ausone de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre.

En tout état de cause :

- condamner toute partie succombante à lui payer une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, aux entiers dépens dont distraction au profit de la Maître Jean Jacques Bertin.

Dans ses dernières conclusions du 12 janvier 2022, la société Eiffage Route Sud Ouest demande à la cour, au visa des articles 122, 562, 564 et 901 code de procédure civile, ainsi que des articles 544 et 2224 du code civil, de :

- déclarer irrecevable la demande nouvelle au titre du préjudice moral,

- confirmer le jugement déféré,

En conséquence,

- rejeter la demande d'expertise complémentaire,

- rejeter la demande d'indemnité provisionnelle,

- ramener à la somme de 1 000 euros l'indemnité allouée à M. et Mme [A] au titre de leur préjudice toutes causes confondues,

- condamner toute partie succombante à lui verser une indemnité de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans leurs dernières conclusions du 24 février 2022, la société Parallèle 45 et les sociétés MMA Iard prient la cour, au visa des articles 789 6° et 122 code de procédure civile, ainsi que des articles 1641, 1648, 2241, 2231, 2242 du code civil, de :

Réformer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Bordeaux le 2 octobre 2018,

Statuant à nouveau :

- débouter les consorts [A] de leurs demandes, fins et prétentions dirigées contre la société Parallèle 45 et ses assureurs,

A titre subsidiaire, si par extraordinaire la Cour devait considérer que la société Parallèle 45 a commis une faute engageant sa responsabilité :

- rejeter toute demande de condamnation solidaire,

- dire que le montant des condamnations sera réparti entre les différents intervenants en fonction de la part de responsabilité de chacun dans la réalisation du dommage,

- réduire le montant des préjudices allégués à de plus justes proportions,

- condamner la société Eiffage, venant aux droits de la société ENTP, et la SCI Bruges Ausone à les garantir et relever indemnes,

En tout état de cause :

- condamner toute partie succombante à leur payer une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP LAYDEKER SAMMARCELLI MOUSSEAU, avocats, sous ses affirmations de droit.

Par conclusions du 10 septembre 2019, la SMABPT demande à la cour, de :

A titre principal,

- déclarer la SCI Bruges Ausone mal fondé en son appel provoqué à son encontre et de l'en débouter,

Confirmer le jugement du 2 octobre 2018, en ce qu'il a rejeté les demandes formées contre elle,

Subsidiairement,

- disant droit des rapports d'expertise judiciaire de M. [D] et M. [N],

- considérant les missions de maîtrise d'oeuvre de VRD confiées par la SCI Bruges Ausone à la société Parallèle 45 devant aux droits de la société MAS des 1er septembre 2005 et 12 juillet 2006,

- dire et juger que la société CD Bat ne s'est vue confier aucune mission de maîtrise d'oeuvre des VRD,

- dire et juger que le procès-verbal de réception de travaux du 29 juillet 2009 concerne exclusivement 'la construction de deux bâtiments collectifs comprenant vingt-quatre logements',

- confirmer en conséquence le jugement dont appel en ce qu'il a rejeté les demandes dirigées à son encontre en qualité d'assureur de la société CB Bat,

- condamner la société Parallèle 45 solidairement avec son assureur, les sociétés MMA Iard, à relever indemne la concluante de toutes condamnations qui pourraient éventuellement être prononcées à son encontre,

- déclarer la concluante fondée à opposer aux tiers la franchise contractuelle de 10 % du coût du sinistre comprise entre un minimum de 870 euros et un maximum de 8 700 euros,

- condamner la SCI Bruges Ausone à verser à la concluante une indemnité de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens en ce compris ceux d'appel avec distraction au profit de la SCP Luc Boyreau.

DISCUSSION :

Il résulte des rapports des experts judiciaires [D] et [N] que le fonds des époux [V], contigu au terrain de la société Bruges Ausonne, s'est trouvé, après le nivellement de celui-ci, nécessaire à la réalisation du programme immobilier, en surélévation sur une hauteur variant de 1 mètre à 1 mètre 50. Pour contenir les terres, il a été édifié un mur de soutènement, d'une longueur de 135 mètres environ, perpendiculaire à la rue Ausone et longeant, depuis cette rue, d'abord les parkings des bâtiments collectifs, puis l'arrière des jardins des villas individuelles, dont celui du lot n° 18, acquis par les époux [A].

Les époux [V] s'étant plaints d'un affaissement de leur terrain le long du mur, les experts ont constaté que celui-ci avait été réalisé avec des éléments préfabriqués en forme de L, le parement vertical étant tourné vers le programme de la société Bruges Ausone et les fondations horizontales étant placées en arrière, sous le terrain des plaignants. Ils ont indiqué que la mise en place de cet ouvrage avait entraîné des terrassements importants sur la propriété des époux [V], dont le sol n'avait pas été compacté, et qu'il n'était plus possible de faire passer des camions et des engins de chantier à cet endroit du fonds, qui constituait auparavant un chemin d'accès. Ils ont ajouté que la présence des fondations du mur dans le sous-sol ne permettait pas une constructibilité normale du terrain. Ils ont enfin noté que le mur ne comportait ni massif drainant, ni barbacane et que, de ce fait, il était inapte à soutenir les terres du fonds [V], que ses éléments se décalaient les uns des autres et qu'ils penchaient, avec des devers pouvant atteindre dix centimètres, vers la chaussée des immeubles collectifs et les jardins des villas.

Les techniciens ont dit que le mur était atteint dans sa solidité et qu'il était impropre à sa destination, de sorte qu'il ne pouvait être laissé en l'état, mais devait être démoli et reconstruit. Ils ont proposé diverses solutions techniques à cet effet. Par le jugement déféré, le tribunal a retenu l'une d'entre elles et a prononcé diverses condamnations, qui ont été rappelées ci-dessus et ne sont pas remises en cause devant la cour.

Pour ce qui est des demandes des copropriétaires, les premiers juges ont indiqué que les jardins constituaient des parties communes à usage privatif et qu'il y avait lieu d'indemniser la perte de chance d'obtenir la possibilité d'aménager, laquelle était soumise à restriction puisqu'elle requérait une autorisation préalable du syndicat des copropriétaires. En conséquence, il a indemnisé le dommage des époux [A] en accordant une indemnité de 1 000,00 € à chacun d'eux.

1° / Sur les demandes des époux [A] :

Devant la cour, les époux [A] soutiennent que la responsabilité des personnes condamnées n'est pas remise en cause, mais que leur préjudice a été mal apprécié. Ils sollicitent, à titre principal une provision de 20 000,00 € et la mise en 'uvre d'une nouvelle expertise, confiée à [B] [N], à l'effet de déterminer leur dommage, à titre subsidiaire une indemnité totale de 52 000,00 €.

La cour dispose de suffisamment d'éléments pour statuer sur le préjudice des appelants. Il n'y a donc pas lieu d'ordonner une nouvelle expertise ni d'allouer une nouvelle provision, mais il convient de statuer au fond.

a) sur les responsabilités :

La société Bruges Ausone et la société Eiffage Route Sud Ouest, qui concluent l'une et l'autre à la confirmation du jugement, ne contestent pas leur responsabilité que le tribunal a retenue sur le fondement, respectivement, de l'article 1642-1 du code civil et de l'obligation de résultat du locateur d'ouvrage avant réception.

En revanche, la société Parallèle 45 et ses assureurs, les deux sociétés MMA iard, concluent à la réformation du jugement et au rejet des demandes des époux [A], au motif que la responsabilité de la société Parallèle 45 ne peut être engagée dans la mesure où le lot VRD, dont relève le mur litigieux, a fait l'objet d'une réception sans réserve le 29 juillet 2009, alors que les désordres étaient apparents, ce qui a éteint les droits du maître de l'ouvrage fondés sur l'article 1792 du code civil. La société Bruges Ausone conteste ce raisonnement, soutenant que le mur de soutènement a fait l'objet d'une réception avec réserves le 29 juillet 2008.

La société Bruges Ausone produit un procès-verbal de réception du 29 juillet 2008 (sa pièce 8), qui mentionne, pour la villa n° 15, 'Jardin - vérifier l'évolution du mur de soutènement' et, pour la villa n° 17, 'Jardin - mur de soutènement à reprendre'. Toutefois, ce document est relatif à la réception des 'Villas 1 à 19' (page 1), et non à celle du lot VRD. En outre, ni la société Eiffage Travaux Publics Sud Ouest, qui avait réalisé le mur litigieux, ni la société Parallèle 45, maître d''uvre des travaux de VRD, n'ont participé aux opérations de réception, alors que, selon l'article 1792-6 alinéa 1 du code civil, la réception 'est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement'. Ce procès-verbal ne peut donc être considéré comme valant réception avec réserves du lot VRD.

La société Bruges Ausone verse également aux débats un procès-verbal de réception du 29 juillet 2009 (sa pièce 3). Il concerne la 'Construction de 2 bâtiments collectifs comprenant 24 logements' (page 1), mais inclut les travaux de VRD réalisées par la société Eiffage Travaux Publics Sud Ouest, désignée dans le document sous l'abréviation ENTP (page 3). Dans la mesure où il n'est pas contesté que le mur de soutènement fait partie du lot VRD, il s'ensuit que cet ouvrage a bien fait l'objet d'une réception le 29 juillet 2009.

Aucune réserve n'est mentionnée relativement aux travaux de VRD dans le procès-verbal du 29 juillet 2009. La société Bruges Ausone explique à ce sujet que lors de la réception des parties communes, le 29 juillet 2009, il n'y avait pas lieu d'aborder la question du mur puisque toutes les parties connaissaient les désordres l'affectant et qu'une expertise judiciaire était en cours (pages 15 et 16 de ses dernières écritures).

Il n'en demeure pas moins qu'une réception sans réserve vaut acceptation des désordres alors apparents. En l'espèce, les époux [V] ont assigné en référé le 27 juin 2008, l'expert [D] a tenu une première réunion sur place le 05 mars 2009 et il a adressé aux parties deux notes des 18 mars et 06 avril 2009 dans lesquelles il indiquait les désordres relevés. Il s'ensuit qu'à la date de la réception du lot VRD, le 29 juillet 2009, les désordres affectant le mur litigieux étaient apparents et connus de tous. Dès lors, la réception sans réserve de ce lot a valu acceptation de ces désordres par le maître de l'ouvrage, la société Bruges Ausonne. Celle-ci n'a donc plus d'action en réparation contre les constructeurs.

Les époux [A], qui sont les ayants droit à titre particulier du maître de l'ouvrage, ne peuvent avoir plus de droit que lui. Il y a donc lieu de réformer le jugement déféré en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société Parallèle 45 envers eux, sur le fondement de l'obligation de résultat du locateur d'ouvrage avant réception, et de les débouter de leurs demandes dirigées contre cette société et ses assureurs. En revanche, la cour n'étant saisie d'aucune demande de réformation par les sociétés Bruges Ausone et Eiffage Route Sud Ouest, le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité de ces parties à l'égard des époux [A].

b) sur le préjudice :

Les époux [A] exposent que le risque d'effondrement du mur de soutènement leur a causé d'importants dommages en leur interdisant, depuis le dépôt du rapport de l'expert [D], le 21 juin 2010, soit depuis au moins onze ans, de jouir normalement de leur jardin et d'y réaliser les aménagements lourds qu'ils avaient projetés. Ils ajoutent que l'état du mur empêche toute location ou vente de leur villa. Enfin, ils soulignent que les travaux de reconstruction d'un mur leur causeront un trouble de jouissance, la destruction de leurs plantations et aménagement, une perte de surface de leur jardin et la présence des fondations du nouvel ouvrage dans son sous-sol. Ils prient en conséquence la cour de leur accorder une indemnité totale de 52 000,00 €, se décomposant ainsi :

- 28 800,00 € au titre de leur perte de jouissance de juin 2008 à juin 2020 (2 400,00 € x 12)

- 12 000,00 € au titre de l'impossibilité d'aménagement (1 000,00 € x 12)

- 1 200,00 € au titre de leur perte de jouissance durant les travaux de reconstruction

- 4 000,00 € au titre de la perte chance de louer ou de vendre

- 2 000,00 € au titre des travaux de ré-engazonnement et remise en état après travaux

- 4 000,00 € pour perte de chance définitive de pouvoir bénéficier d'une piscine.

Dans le procès-verbal de réception du 29 juillet 2008 il n'a été mentionné que deux réserves relatives au mur de soutènement, l'une concernant le jardin de la villa n° 15, l'autre celui de la villa n° 17 (voir ci-dessus), mais aucune réserve n'a été consignée au sujet du jardin des époux [A] (villa n° 18). Dans son rapport du 21 juin 2010, l'expert [D], s'il a relevé les défauts de conception et de réalisation affectant le mur de soutènement, n'a pas noté de désordre particulier sur la partie de cet ouvrage située à l'aplomb du jardin des époux [A]. De son côté, dans son rapport du 22 septembre 2016, l'expert [N] a pris des photographies de trois décalages entre des plaques du mur, situés, le premier à la hauteur des parkings des bâtiments collectifs, les deux autres au fond des jardins des villas n° 14 et 17 (pages 23 et 24 de son rapport). Il a également photographié le bas du mur dans le jardin de la villa n° 15, démontrant que le béton n'était plus en contact avec la terre (idem, page 24), mais il n'a rien relevé concernant le jardin de la villa n° 18. Enfin, les époux [A] ne produisent ni procès-verbal de constat d'huissier, ni même de simples photographies démontrant une quelconque altération de la partie du mur situé au fond de leur jardin, et ne justifient d'aucun effondrement ou risque manifeste d'effondrement imminent.

Il ne résulte pas de ce qui précède que le mur litigieux, édifié il y a près de quatorze ans, présente des dégradations à la hauteur du jardin des époux [A], même s'il n'est pas conforme aux règles de l'art. Il s'ensuit que le trouble de jouissance invoqué par les intéressés, s'il est certain, est aussi très modéré. Par ailleurs, les appelants ne démontrent ni qu'ils aient tenté de mettre en location ou de vendre leur bien, ni qu'ils aient eu le projet d'y aménager une piscine ou des constructions lourdes, alors qu'ils n'en sont pas propriétaires. En revanche, il est exact qu'ils subiront un trouble de jouissance durant les travaux de démolition et de reconstruction, et qu'ils devront faire face à des frais de remise en état de leur jardin. Pour autant, compte tenu de la solution de reconstruction retenue par le tribunal, il n'est pas démontré qu'ils subiront une perte de surface ni un encombrement pénalisant du sous-sol de la parcelle dont ils ont la jouissance privative.

En définitive, la cour est en mesure d'évaluer le préjudice de jouissance respectif de M. et de Mme [A] à la somme de 1 000 euros, en sorte il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il leur a accordé à chacun une indemnité de 1 000,00 € à la charge, in solidum, de la société Bruges Ausone et de la société Eiffage Route Sud Ouest.

Les appelants sollicitent des intérêts à compter de l'arrêt à intervenir, avec capitalisation conformément aux dispositions de l'article 1154-1 ancien du code civil. Il convient d'accueillir cette demande, qui est de droit.

Les époux [A] réclament en outre une somme de 4 000,00 € pour préjudice moral. La société Eiffage Route Sud Ouest conclut à l'irrecevabilité de cette demande, comme étant nouvelle devant la cour. Toutefois, elle constitue le complément des prétentions indemnitaires formées en première instance et sera déclarée recevable, par application de l'article 566 du code de procédure civile. Cependant, ils ne justifient pas que la situation a engendré pour eux quelconque retentissement moral. La demande d'indemnisation sera donc rejetée.

2° / Sur les actions récursoires :

1 ' La société Bruges Ausone prie la cour, à titre principal, de condamner in solidum les sociétés Eiffage Route Sud Ouest et Parallèle 45, ainsi que les sociétés MMA iard, à la garantir et relever indemne de toute condamnation susceptible d'être prononcée contre elle.

Il a été dit plus haut que la société Bruges Ausone avait perdu toute action en réparation contre la société Parallèle 45, du fait de son acceptation sans réserve du lot VRD le 29 juillet 2009. Le jugement sera donc réformé en ce qu'il a fait droit à son action récursoire contre cette société et ses assureurs, et elle sera déboutée de sa demande. En revanche, dans la mesure où la société Eiffage Route Sud Ouest conclut expressément à la confirmation du jugement, la cour ne peut que confirmer la disposition ayant fait droit à l'action récursoire de la société Bruges Ausone contre elle.

2 ' A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour considérerait que le mur en litige a fait l'objet d'une réception sans réserve le 29 juillet 2009, la société Bruges Ausone recherche la responsabilité de la société CD Bat pour défaut de conseil. Elle expose que cette société l'a assistée lors des opérations de réception, sans l'avoir invitée à formuler de réserves sur les désordres apparents affectant le mur et sans l'avoir mise en garde sur les conséquences d'une absence de réserve. Elle demande à la cour de condamner la SMABTP, assureur de cette société, à la relever indemne de toute condamnation prononcée à son encontre.

La SMABTP indique que la maîtrise d''uvre des travaux de VRD a été confiée à la société MAS (aux droits de laquelle vient la société Parallèle 45) et que c'est cette société MAS qui aurait dû assister le maître de l'ouvrage lors de la réception de ces travaux, et non la société CD Bat, intervenue après le décès du maître d''uvre [X], qui avait été chargé de la construction des seuls bâtiments collectifs et non de la maîtrise d''uvre du lot VRD. Elle conclut en conséquence au rejet de l'action récursoire de la société Bruges Ausone.

Le procès-verbal de réception du 29 juillet 2009 mentionne que le maître de l'ouvrage, la société Bruges Ausone, est assisté par la société CD Bat, sans exclusion en ce qui concerne les travaux de VRD. En sa qualité de professionnel, la société CD Bat, même si elle n'avait pas assuré la maîtrise d''uvre des travaux de VRD, devait conseiller au maître de l'ouvrage de formuler des réserves pour les désordres affectant le mur de soutènement qui, non seulement étaient apparents, mais encore faisaient l'objet d'une expertise judiciaire en cours dans le cadre de laquelle le technicien avait adressé aux parties deux notes d'expertise. En s'en abstenant, sans attirer l'attention du maître de l'ouvrage sur les conséquences juridiques d'une réception sans réserves, elle a manqué à son devoir d'information et de conseil, engageant ainsi sa responsabilité contractuelle.

La société Bruges Ausone verse aux débats une attestation d'assurance délivrée par la SMABTP à la société CD Bat, et mentionnant qu'au titre de la 'Convention spéciale responsabilité professionnelle de l'Ingénierie « Bâtiment »', elle garantit '2.3 - Les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile, incombant au Sociétaire, du fait de ses missions et ce, aussi longtemps que sa responsabilité peut être recherchée'. Au demeurant, la SMABTP ne conteste pas le principe de sa garantie. Il y a donc lieu de réformer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de la société Bruges Ausone dirigée contre elle et de la condamner à garantir le maître de l'ouvrage de la condamnation prononcée contre lui au profit des époux [A] dans le jugement confirmé.

La SMABTP demande à la cour de la dire fondée à opposer aux tiers la franchise prévue à son contrat. Selon l'article L. 112-6 du code des assurances, 'l'assureur peut opposer au porteur de la police ou au tiers qui en invoque le bénéfice les exceptions opposables au souscripteur originaire'. Il y a donc lieu de faire droit à sa demande.

3 ' La SMABTP demande à la cour de condamner la société Parallèle 45, solidairement avec ses assureurs, sociétés MMA iard, à la relever indemne, sur le fondement de l'article 1240 du code civil, de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre.

Si les deux experts judiciaires ont imputé les désordres affectant le mur de soutènement à des fautes de conception et de mise en 'uvre commises par les sociétés MAS et Eiffage Travaux Publics Sud Ouest, il n'en demeure pas moins que la garantie due par la société CD Bat est la conséquence du seul manquement à son devoir d'information et de conseil. Il s'ensuit que l'action récursoire de son assureur n'est pas fondée. Il y a lieu de la rejeter.

3° / Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Les époux [A] succombant en leurs prétentions, seront condamnés aux dépens de leur appel. Les dépens de l'appel provoqué de la société Bruges Ausone à l'encontre de la SMABTP seront supportés par cet assureur, qui succombe sur ce recours.

Aucune considération tirée de l'équité ne justifie qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile devant la cour.

PAR CES MOTIFS

LA COUR :

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Déboute les époux [A] de leur demande d'une nouvelle expertise et de leur demande de provision ;

Confirme le jugement rendu le 02 octobre 2018 par le tribunal de grande instance de Bordeaux, sauf :

- en ce qu'il a fait droit à l'action récursoire de la société Bruges Ausone dirigée contre la société Parallèle 45 et ses assureurs du chef de la condamnation prononcée au profit des époux [A],

- en ce qu'il a débouté la société Bruges Ausone de son action récursoire contre la SMABTP du chef de cette même condamnation ;

Réforme sur ces deux points et, statuant à nouveau :

Déboute la société Bruges Ausone de son action récursoire dirigée contre la société Parallèle 45 et les sociétés MMA iard et MMA iard Assurances Mutuelles du chef de la condamnation prononcée au profit des époux [A] dans le jugement confirmé ;

Condamne la SMABTP à garantir la société Bruges Ausone de la condamnation prononcée contre elle dans le jugement confirmé au profit des époux [A] ;

Dit que la SMABTP est en droit d'opposer sa franchise contractuelle à la société Bruges Ausone ;

Ajoutant au jugement :

Dit que la condamnation prononcée au profit des époux [A] dans le jugement confirmé portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt et que les intérêts échus seront capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1154 ancien du code civil ;

Déclare les époux [A] recevables mais mal fondés en leur demande de dommages et intérêts pour préjudice moral ; les en déboute ;

Déboute la SMABTP de son action récursoire dirigée contre la société Parallèle 45 et les sociétés MMA iard ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

Condamne les époux [A] aux dépens de l'appel et la société Bruges Ausone aux dépens de son appel provoqué ;

Dit que les dépens pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

La présente décision a été signée par madame Paule POIREL, présidente, et madame Audrey COLLIN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 19/00530
Date de la décision : 09/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-09;19.00530 ?
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