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09/06/2022 | FRANCE | N°19/00512

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 2ème chambre civile, 09 juin 2022, 19/00512


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------







ARRÊT DU : 09 JUIN 2022







N° RG 19/00512 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-K22D









SCEA DES VIGNOBLES DE TASTE ET BARRIE

Société LUIMAROD INVESTIMENTOS LDA





c/



Monsieur [W] [F]



























Nature de la décision : AU FOND

























Grosse délivrée le :



aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 03 janvier 2019 (R.G. 16/01524) par le Tribunal de Grande Instance de LIBOURNE suivant déclaration d'appel du 28 janvier 2019



APPELANTES :



La SCEA des VIGNOBLES DE TASTE ET BARRIE

dont le siège est...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 09 JUIN 2022

N° RG 19/00512 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-K22D

SCEA DES VIGNOBLES DE TASTE ET BARRIE

Société LUIMAROD INVESTIMENTOS LDA

c/

Monsieur [W] [F]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 03 janvier 2019 (R.G. 16/01524) par le Tribunal de Grande Instance de LIBOURNE suivant déclaration d'appel du 28 janvier 2019

APPELANTES :

La SCEA des VIGNOBLES DE TASTE ET BARRIE

dont le siège est à [Adresse 6], agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié es qualité audit siège

La Société LUIMAROD - INVESTIMIENTOS LDA

Société à responsabilité limitée de droit portugais, au capital de 1 000.00 €uros, ayant son siège [Adresse 9] (PORTUGAL), agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège,

représentée par Monsieur [K] [M] [J], Né le 24/03/1945 à [Localité 7] (Portugal), de nationalité portugaise, demeurant [Adresse 2] et par Monsieur [T] [J], Né le 05/06/1971 à [Localité 10] (19), de nationalité française, domicilié [Adresse 1]

Représentées par Me Pierre FONROUGE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX

et assistées de Me Isabelle MONSENEGO, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMÉ :

[W] [F]

né le 15 Mai 1963 à [Localité 4]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 3]

Représenté par Me Alexandre BIENVENU de la SELARL RAMURE AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

et assisté de Me Jean-philippe MAGRET de la SELARL MAGRET, avocat au barreau de LIBOURNE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 avril 2022 en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Paule POIREL, Président,

Madame Catherine LEQUES, Conseiller,

Madame Isabelle LOUWERSE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Audrey COLLIN

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

Par acte authentique en date du 24 mars 2016, la société de droit portugais Luimarod-Investimentos LDA et MM [K] et [T] [J] se sont portés acquéreurs de la totalité des parts détenues par la famille [F] au sein de la SCEA Des Vignobles de Taste et Barrie, propriétaire et exploitante d'un domaine viticole de 18 ha sur les communes de [Localité 5] et [Localité 8] (33) en AOC Côtes de Bourg pour une superficie plantée de 14 ha environ

Un contrat de consultant a été signé entre M. [W] [F], ancien gérant de Ia SCEA et la société Luimarod-Investimentos LDA le 1er avril 2016, définissant les prestations de service qu'il devrait accomplir durant 4 demi-journées par semaine, choisies à son gré et pour une remunération de base de 1000 euros par mois outre les frais de déplacement faisant l'objet d'un accord séparé, pour une durée déterminée allant du 1er avril 2016 au 31 octobre 2017.

Une liste non limitative de ses missions figurait au contrat :

- participer au recrutement et à la formation d'un responsable technique basé sur site

- organiser la remise en état du domaine viticole (plantations, arrachage, complantations, entretien du vignoble)

- assurer le bon déroulement des vendanges, des vinifications et de l'élevage des vins jusqu'à la mise en bouteilles

- faire bénéficier la SCEA de sa certification Certiphyto

- participer à la promotion des vins en France et à l'export

- développer la notoriété des marques.

Aux termes du contrat, M. [F] devait assurer le bon fonctionnement de l'exploitation et la dynamiser, en accompagnant la restructuration et l'amélioration du vignoble existant, en contribuant au bon déroulement du process d'élaboration des vins jusqu'à leur mise en bouteille, en favorisant la commercialisation des vins et en développant la notoriété des marques Château de Taste et Château Barrie, en lien direct avec le futur responsable technique de l'exploitation au recrutement duquel il collaborerait et avec le gérant de la SCEA qui s'engageait de son côté à financer les investissements nécessaires à la réalisation de l'ensemble de ces objectifs.

Les relations avec les défendeurs s'étant détériorées, M. [F] s'est vu interdire l'accès à la propriété le 5 septembre 2016 à 12 heures.

Comme prévu au contrat, il a saisi le Président de la Fédération des Grands Vins de Bordeaux d'une demande de conciliation ; les consorts [J] ne se sont pas présentés à la convocation qui leur a été adressée à cet effet.

Par actes en date des 5 et 25 octobre 2016, M. [F] a fait assigner la SCEA des Vignobles de Taste et Barrie et la société Luimarod-Investimentos LDA devant le tribunal de grande instance de Libourne, afin d'obtenir, au visa des articles 1134,1184,1147 et 1382 du code civil et sous le bénéfice de l'exécution provisoire:

- la résolution judiciaire du contrat conclu le 16 avril 2016 entre les parties aux torts des consorts [J] et des personnes morales qu'ils dirigent,

- la condamnation in solidum des sociétés défenderesses au paiement d'une somme de

14 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la rupture anticipée,

- leur condamnation in solidum au paiement de Ia somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,

- leur condamnation in solidum au paiement de la somme de 2500 euros en application de I'articIe 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par jugement du 3 janvier 2019, le tribunal de grande instance de Libourne a :

- déclaré recevables les demandes formées à l'encontre de la SCEA Des Vignobles de Taste et Barrie,

- prononcé aux torts des défendeurs la résolution judiciaire du contrat du 1er avril 2016,

- condamné in solidum la société Luimarod-Investimentos LDA et la SCEA Des Vignobles de Taste et Barrie à payer à M. [F] la somme de 494,18 euros avec intérêts au taux legal à compter du 5 septembre 2016,

- condamné in solidum la société Luimarod-Investimentos LDA et la SCEA Des Vignobles de Taste et Barrie à payer à M. [F] la somme de 14 000 euros à titre de dommages et intérêts toutes causes de préjudices confondues, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

- condamné in solidum la société Luimarod-Investimentos LDA et la SCEA Des Vignobles de Taste et Barrie à payer à M. [F] la somme de 1500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté le surplus des prétentions des parties,

- condamné in solidum la société Luimarod-Investimentos LDA et la SCEA Des Vignobles de Taste et Barrie aux dépens.

Par déclaration en date du 28 janvier 2019, la société Luimarod-Investimentos LDAet la SCEA Des Vignobles de Taste et Barrie ont relevé appel de l'ensemble du jugement.

La société Luimarod-Investimentos LDA et la SCEA Des Vignobles de Taste et Barrie, dans leurs dernières conclusions d'appelantes en date du 7 octobre 2019, demandent à la cour, de :

- infirmer en totalité la décision du tribunal de grande instance de Libourne en date du 3 janvier 2019.

Et statuant à nouveau, vu les articles 1184 anciens et suivants du code civil,

- déclarer irrecevable l'action engagée à l'encontre de la SCEA Des Vignobles de Taste et Barrie, partie étrangère au contrat, et la mettre hors de cause sans frais ni dépens ;

- condamner M. [F] à lui régler la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

- débouter M. [F] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions et en particulier de ses demandes reconventionnelles au paiement de 3 000 euros de dommages et intérêts et 3000 euros d'article 700 et 3000 euros au titre de l'article 32-1 du code de procédure civile;

Si la cour entrait en voie de prononcé de la résolution judicaire aux torts des appelants

- condamner M. [F] à rembourser à la société Luimarod-Investimentos LDA les sommes verséees à M. [F] au titre du contrat, soit la somme de 8 646,91 euros;

Faisant droit à la demande reconventionnelle des concluants

Vu l'initiative de la rupture imputable à M. [F],

- condamner M. [F] à payer à la société Luimarod-Investimentos LDA la somme de 25 860 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la brusque rupture injustifiée du contrat de consultant ;

En toutes hypothèses :

- condamner M. [F] à payer à la société Luimarod-Investimentos LDA la somme de 5 000 euros en application dedispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [W] [F] en tous les dépens.

M. [F], dans ses dernières conclusions d'intimé en date du 7 juillet 2019, demande à la cour, de :

- dire et juger l'appel des sociétés SCEA Des Vignobles de Taste et Barrie et Luimarod-Investimentos LDA recevable en la forme,

- débouter les sociétés SCEA Des Vignobles de Taste et Barrie et Luimarod-Investimentos LDA de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement en ce qu'il a imputé la responsabilité de la rupture aux deux sociétés et les a condamnées à lui payer les sommes de 494,18 euros au titre du solde des prestations et de 14 000 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêt de droit à compter du 5 septembre 2016 pour la première somme et du jugement pour la seconde,

Sur l'appel incident de M. [F] :

- condamner in solidum les sociétés SCEA Des Vignobles de Taste et Barrie et Luimarod-Investimentos LDA à lui payer les sommes de :

- 3 000 euros pour préjudice moral,

- 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédre civile,

- condamner in solidum les sociétés SCEA Des Vignobles de Taste et Barrie et Luimarod-Investimentos LDA au paiement d'une amende civile de 3 000 euros conformément à l'article 32-1 du code de procédure civile,

- condamner in solidum les sociétés SCEA Des Vignobles de Taste et Barrieet Luimarod-Investimentos LDA aux entiers dépens de première instance et d'appel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 29 mars 2022.

Pour une plus ample connaissance du litige et des prétentions et moyens des parties, il est fait expressément référence aux dernières conclusions et pièces régulièrement communiquées par les parties.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de mise hors de cause de la SCEA Des Vignobles de Taste et de Barrie

Les sociétés appelantes font essentiellement valoir que :

- la SCEA Des Vignobles de Taste et Barrie, qui n'est ni une partie au contrat ni

intervenante ne peut être condamnée in solidum avec la société portugaise holding au seul motif que les deux sociétés forment une entité économique unique et que les missions de M. [F] étaient réalisées pour l'intérêt de la SCEA.

M. [F] objecte que :

- le montage juridique qui a présidé au rachat de la propriété n'a d'autre objet que l'optimisation fiscale, et la holding portugaise n'est pas une holding animatrice mais une société de portefeuille dont l'activité se borne à détenir les titres des autres sociétés contrôlées par les consorts [J]

- si le contrat de consultant est signé avec la société de droit portugais, le contrat destiné à régler les frais de déplacements est signé par la SCEA et les chèques qu'elle émet le sont sur la base de ce contrat en provenance d'un compte bancaire domicilié en France, à [Localité 10].

- le lieu d'exécution de ces deux contrats est à [Localité 5], sur l'exploitation viticole et non au Portugal

- les ouvriers et les moyens mis à dispositions de la SCEA sont ceux de la société ayant son siège à [Localité 10], société dont les gérants sont les consorts [J].

A l'appui de son argumentation sur la rupture du contrat, les appelantes versent aux débats trois courriers recommandés faisant état de divers griefs envers M.[F] dans l'exercice de sa mission , invoquant par exemple ' nous souhaitons le respect de votre contrat de consultant' ; ' il n'appartient qu'à vous de mettre normalement en oeuvre le contrat qui nous lie'; or, ces courriers ont tous été établis à l'en-tête de la SCEA, ce dont il résulte que cette société était l'interlocuteur de M.[F].

En outre un accord sur le montant et le mode de calcul des frais de déplacement alloués à M.[F] en sa qualité de consultant pour 'l'ensemble de ses missions précisées par le contrat du 1 avril 2016" ait été signé entre M.[F] et M [K] [J] et non entre M.[F] et la société Luimarod-Investimentos LDA et des chèques versés aux débats établis à l' ordre de M.[F] étaient tirés sur le compte de la SCEA .

En demandant à M [F] l'exécution à son profit des obligations découlant du contrat, la SCEA s'est positionnée elle-même en qualité de cocontractant de M.[F].

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a déclaré recevables les demandes formées à l'encontre de la SCEA

Sur la rupture du contrat

Les sociétés appelantes font essentiellement valoir que :

- aucun manquement grave de leur part de nature à justifier la résolution n'est établi; les courriers adressés à M. [F] les 2 et 15 septembre 2016 lui demandent simplement de prévenir de ses venues sur la propriété, de rendre compte de ses missions et de donner les éléments nécessaires à la promotion des marques et à sa commercialisation

- M. [F] a eu un comportement fautif en prenant l'initiative de cesser ses prestations à compter du 13 août 2016, pendant une période sensible pour une exploitation viticole ; il a dès cette date arrêté toute relation contractuelle et s'est employé à entraver le bon déroulement des vendanges ; il a donc unilatéralement rompu son contrat, au moment où il savait qu'un audit du domaine était en cours et allait mettre en évidence ses errements passés et actuels.

-alors qu'étaient attendus de sa part des conseils sur le plan technique et commercial il a cherché à poursuivre l'exploitation en se comportant comme le propriétaire des lieux, et a mis en cause dans ses écrits la compétence et l'intégrité de consorts [J], ce qui est révélateur de son attitude déloyale voire de son intention de nuire.

-les conclusions de M. [Z], ingénieur conseil, gérant de la société VRS et l'audit du vignoble réalisé par cette société le 29 septembre 2016 démontrent un manque d'entretien global ancien, et les carences de M [F] dans sa mission de consultant.

- en absence de mise en demeure préalable, et en application de l'article 1146 du code civil , M [F] n'est pas fondé en sa demande de dommages-intérêts .

M. [F] soutient essentiellement que :

- les missions auxquelles il s'était obligé aux termes du contrat du 1er avril 2016 sont listées à l'article 1 ;

- les sociétés appelantes ne lui ont pas permis de les remplir ; ainsi, elles n'ont pas recruté de responsable technique comme elles s'y étaient engagées, ni aucun salarié permanent basé sur le site ; en l'absence de main d'oeuvre qualifiée, il a accompli des tâches qui n'entraient pas dans sa mission et n'a pu organiser la remise en état du vignoble.

-il n'a pu assurer le bon déroulement des vendanges, la vinification et l'élevage des vins puisqu'il a été chassé de la propriété en présence des gendarmes et d'un huissier le 5 septembre 2016

- il a mis à la disposition des consorts [J] sa certification Certiphyto qui permet à la SCEA d'acquérir des produits phytosanitaires

- les consorts [J] lui ont imposé unilatéralement un mode de fonctionnement qui compromet la commercialisation mise en place depuis de nombreuses années.

- le 5 septembre 2016, M. [F] a été chassé de la propriété alors qu'il était entrain de faire son travail ; les consorts [J] ont ainsi rompu sans préavis et avec brutalité le contrat de prestation à durée déterminée qui devait prendre fin le 31 octobre 2017.

Il ressort du procès-verbal de constat produit par M.[F] que, le 5 septembre 2016, MM [J] ont refusé que M.[F] reste sur leur propriété et parcoure leurs parcelles de vigne non accompagné au motif qu'il n'avait pas prévenu de sa venue et ont demandé aux gendarmes de faire en sorte qu'il s'en aille , indiquant à l'huissier qu'ils n'accordaient plus leur confiance à M.[F].

Les appelantes soutiennent que M.[F] a rompu le contrat du fait de son absence du 13 août au 4 septembre ; M.[F] les avait informées par avance de cette absence, comme il le rappelle dans un courrier du 8 août ; or, par courriers du 2 puis du 15 septembre 2016, la SCEA expose à M.[F] un certain nombre de reproches, en écrivant notamment le 2 septembre

' nous vous demandons de respecter les termes de votre contrat et à défaut nous tirerions les conséquences de vos agissements', et le 15 septembre 'sur un plan général nous vous demandons de vous reprendre et mettre en oeuvre le contrat qui nous lie dans de bonnes conditions'.

Il ne ressort donc pas de ces courriers que , comme elle l'affirment, les sociétés aient considéré le contrat rompu du fait de M.[F] en raison de cette absence du 13 au 4 septembre 2016.

En réalité, en interdisant à M.[F] l'accès à la propriété le 5 septembre 2016, et en le privant de fait de toute possibilité de poursuivre sa mission, tout en faisant part de leur perte de confiance à son égard , ce sont les sociétés appelantes qui sont à l'origine de la rupture du contrat, comme l'a retenu à bon droit le tribunal.

En effet, son contrat de consultant précise en son article 3 que ' les prestations accomplies par M.[F] sont évaluées à quatre demi journées par semaine qu'il choisira à son gré étant libre de l'organisation de son emploi du temps', et ne lui impose pas de prévenir qui que ce soit à l'avance de sa venue sur la propriété, de sorte que le motif pour lequel l'accès à la propriété lui a été refusé le 5 septembre 2016 était totalement infondé.

La signature, le 1 septembre 2016 entre le Chateau de Taste représenté par M [J] et l'EURL 2A-VITI d'un contrat de prestations de services portant sur une mission de conseil et d'assistance dans la culture de la vigne, la vinification, l'élevage du vin, versé aux débats par les appelantes, démontre au surplus que dès cette date, la décision était prise de se passer des services de M.[F].

Les sociétés appelantes qui pour justifier la rupture du contrat allèguent des manquements graves et répétés de M. [F] à ses obligations produisent seulement des courriers adressés par elles à M.[F] les 4 août, 8 août, 2 septembre et 15 septembre 2016, et un rapport d'audit du vignoble du Château de Taste établi après une visite du 29 septembre 2016 par un ingénieur conseil ainsi que les conclusions de ce dernier après sa visite du vignoble le 13 septembre 2016, et selon lesquelles le vignoble révèle un manque d'entretien global déjà ancien.

Elles soutiennent que M.[F] a failli à sa mission puisqu'il n'a jamais établi aucun rapport de cet ordre, n'a jamais exécuté la moindre intervention dans le domaine commercial et n'a jamais apporté aucun conseil.

Or, dans un courriel du 13 juin, M [J], comparant la situation de la propriété entre le 24 mars et le 13 juin écrivait à M.[F] ' même si beaucoup reste à faire, je pense que les efforts engagés depuis un peu plus de 2 mois ont clairement portés leurs fruits et la propriété s'en ressent déjà...il ne me paraît pas raisonnable d'alourdir encore les charges en personnel ; il me paraît afin d'assurer une bonne collaboration et une efficacité optimale de vous demander de limiter vos interventions à celles définies par votre contrat'.

Cette pièce démontre que les propriétaires avaient une parfaite connaissance de l'état du vignoble lors de leur achat et considéraient que d'importants progrès avaient été faits; il ne peut donc être valablement soutenu qu'un manque fautif de transmission d'informations sur l'état de la propriété de la part de M.[F] justifie la rupture du contrat.

En outre, il était demandé à M.[F] dans ce message du 13 juin d'établir de façon écrite la planning de la semaine à venir.

M.[F] verse aux débats de nombreux mails par lesquels dès le mois de mai 2016, il informe les consorts [J] du programme de la semaine à venir, rend compte du travail effectué, envoie des informations au sujet de la commercialisation du vin et notamment de la tenue de salons, transmet des devis de plantation , propose des solutions pour pallier l'absence du tractoriste en août , établit un bilan de la campagne phytosanitaire.

Il n'est pas démontré par les sociétés appelantes un comportement fautif ou une inexécution par M.[F] de ses obligations, de nature à justifier la rupture du contrat dont M.[F] était fondé à prendre acte aprés avoir été chassé de la propriété le 5 septembre 2016.

Elles sont dès lors tenues de payer à M.[F] la somme de 494,18 € au titre de ses dernières prestation et frais de déplacement , et en outre , de réparer le préjudice subi par M.[F] du fait de la rupture prématurée de son contrat, qui a pris fin de leur fait en septembre 2016 alors que le terme contractuellement prévu était fixé au 31 octobre 2017.

Vu la rémunération mensuelle convenue d'un montant de 1000 € en franchise de TVA, la somme de 14 000 € telle que chiffrée par le premier juge est de nature à justement réparer l'entier préjudice subi par M.[F], dont le préjudice moral n'est pas établi .

Les demandes reconventionnelles de la société Luimarod-Investimentos LDA sont infondées.

Le jugement sera entièrement confirmé.

Sur l'amende civile

Le caractère abusif de l'appel ne s'évince pas du dossier ; il n'y a pas donc lieu au prononcé d'une amende civile.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Les appelants, parties perdantes seront condamnés aux dépens d'appel et à payer à M.[F] la somme de 2000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement

Y ajoutant

Dit n'y avoir lieu au prononcé d'un amende civile

Condamne in solidum la SCEA Vignobles de Taste et Barrie et la société Luimarod-Investimentos LDA à payer à M.[F] la somme de 2000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne in solidum la SCEA Vignobles de Taste et Barrie et la société Luimarod-Investimentos LDA aux dépens d'appel.

La présente décision a été signée par madame Paule POIREL, présidente, et madame Audrey COLLIN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 19/00512
Date de la décision : 09/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-09;19.00512 ?
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