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08/06/2022 | FRANCE | N°19/01029

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 08 juin 2022, 19/01029


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 08 JUIN 2022







PRUD'HOMMES



N° RG 19/01029 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-K4KE















SA SNCF RÉSEAU



c/



Monsieur [V] [I]

















Nature de la décision : AU FOND















Grosse délivrée le :

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à :







Décision déférée à la cour : jugement rendu le 1er février 2019 (RG n° F 16/01665) par le conseil de prud'hommes - formation paritaire de BORDEAUX, section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 22 février 2019,





APPELANTE :

SA SNCF Réseau, siret n° 412 280 737, agissant poursuites et diligences d...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 08 JUIN 2022

PRUD'HOMMES

N° RG 19/01029 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-K4KE

SA SNCF RÉSEAU

c/

Monsieur [V] [I]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 1er février 2019 (RG n° F 16/01665) par le conseil de prud'hommes - formation paritaire de BORDEAUX, section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 22 février 2019,

APPELANTE :

SA SNCF Réseau, siret n° 412 280 737, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège social, [Adresse 1],

représenté par Maître Fabienne GUILLEBOT-POURQUIER de la SELARL GUILLEBOT-POURQUIER, avocate au barreau de BORDEAUX,

INTIMÉ :

Monsieur [V] [I], né le 07 janvier 1960 à [Localité 3], de nationalité française, demeurant [Adresse 2],

représenté par Maître Thierry LACOSTE de la SCP BATS - LACOSTE - JANOUEIX, avocats au barreau de BORDEAUX,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 avril 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie Hylaire, présidente chargée d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Madame Sophie Masson, conseillère

Monsieur Rémi Figerou, conseiller

Greffière lors des débats : Anne-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [V] [I], né le 7 janvier 1960, est entré à la SNCF le 4 février 1980 comme agent d'exécution.

Il a gravi les échelons jusqu'aux fonctions de cadre de maintenance, obtenant la qualification F, niveau 1, position de rémunération 21 du statut du personnel de la SNCF en février 2008, la position 22 en avril 2011 et enfin la position 23 en avril 2014, soit la position maximale du niveau 1 de la qualification F.

Il était affecté au sein de l'entité Infralog Sud-Atlantique, secteur [Localité 4].

Suite à la demande du salarié présentée en 2015, les parties ont conclu un accord de cessation progressive d'activité le 3 mars 2016, M. [I] travaillant alors à mi-temps jusqu'en février 2017, date à laquelle il a bénéficié d'un congé de fin de carrière pour être ensuite admis à faire valoir ses droits à la retraite en juillet 2017.

Contestant la décision prise par son directeur d'établissement de ne pas le proposer à la promotion au niveau 2 de la qualification F suggérée par sa hiérarchie directe, M. [I] a saisi le 24 juin 2016 le conseil de prud'hommes de Bordeaux qui, par jugement du 1er février 2019, a :

- dit que la position de la SNCF Réseau sur la non-promotion de M. [I] en mars 2016 n'est pas discriminatoire pas plus qu'elle n'est contraire aux dispositions du statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel,

- dit que la demande de cessation d'activité effectuée par M. [I] début 2016 lui a occasionné une perte de chance dans la demande de promotion portée par sa hiérarchie en février 2016,

- condamné la SNCF Réseau à payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de chance pour la promotion de M. [I] en février 2016,

- condamné la SNCF Réseau à payer à M. [I] la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. [I] du reste de ses demandes,

- débouté la SNCF Réseau de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit qu'il n'y a pas lieu à exécution provisoire,

- condamné la SNCF Réseau aux dépens.

Par déclaration du 22 février 2019, l'EPIC SNCF Réseau a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 14 septembre 2021, la SNCF Réseau demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamné aux sommes suivantes :

* 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour perte de chance pour la promotion de M. [I] en février 2016,

* 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- confirmer le jugement du conseil en ce qu'il a jugé que la position de la SNCF sur la non-proposition de M. [I] n'était pas discriminatoire pas plus qu'elle n'était contraire aux dispositions du statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel,

- débouter M. [I] de l'ensemble de ses demandes,

- le condamner à lui verser la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 18 juin 2019, M. [I] demande à la cour de':

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a dit que sa non-promotion n'est pas discriminatoire ni contraire aux dispositions du statut des relations collectives entre la SNCF et son personnel,

- dire qu'il a été écarté du nombre des agents susceptibles de bénéficier du classement sur la position supérieure pour des motifs contraires aux règles régissant le déroulement de carrière des agents SNCF, contraires au principe d'exécution de bonne foi du contrat de travail et discriminatoires,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que M. [I] a subi une perte de

chance d'être promu au niveau 2 de la qualification F à effet du 1er avril 2016,

- réformer le jugement entrepris en ce qui concerne le montant de l'indemnisation allouée de ce chef à M. [I],

- statuant à nouveau sur ce point, condamner la SNCF à lui payer la somme de

15.000 euros à titre de dommages et intérêts,

- condamner la SNCF au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de

l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 17 mars 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 12 avril 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le système d'avancement sur la question en litige est décrit dans les mêmes termes par les deux parties :

Le passage du niveau 1 au niveau 2 au sein de la qualification F se fait en plusieurs phases avec en premier lieu une 'proposition' faite par le directeur d'établissement des agents susceptibles d'être promus qui attribue une note à chacun des agents proposés. Une liste des agents retenus et les notes qui leur sont attribuées sont arrêtées par une commission de notation présidée par le directeur d'établissement assisté de deux adjoints.

Ces listes sont ensuite soumises à une commission régionale qui détermine les candidats retenus parmi les propositions faites sur un 'tableau' qui est arrêté 'en fonction du contingent de promotions à réaliser au cours de l'exercice'.

En vertu du Statut, les changements de niveau sont attribués en tenant compte de l'expérience acquise et de la maîtrise de l'emploi tenu et la note attribuée aux candidats présentés pour une promotion est faite en fonction des qualités et des connaissances nécessaires dans le grade à acquérir et notamment de la compétence ou des connaissances professionnelles, de l'esprit d'initiative et de la faculté d'adaptation, de la capacité de commandement et d'organisation, enfin du goût et de l'aptitude à l'étude et à la recherche.

Il n'y a donc aucune automaticité liée, par exemple, à l'ancienneté dans le niveau détenu par les salariés, qui imposerait au directeur d'établissement de proposer un candidat et ce, même si la hiérarchie directe du salarié a émis un avis favorable à cette présentation.

***

M. [I] fait valoir qu'il avait été proposé pour une promotion par son supérieur hiérarchique direct et qu'il remplissait les conditions de maîtrise de l'emploi et de l'expérience acquise. Il soutient que le refus qui lui a été opposé reposait en réalité sur le fait qu'il avait demandé une cessation progressive d'activité et allait partir à la retraite et constituerait selon lui une discrimination par rapport à son âge.

Aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi

n° 2008-496 du 27 mai 2008, notamment en raison de son âge.

L'article L. 1134-1 du code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, si le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l'article'1er de la loi susvisée, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Au soutien de ses prétentions, M. [I] produit :

- le compte-rendu de son évaluation annuelle de 2015,

- le compte-rendu établi par M. [Y], élu des délégués du personnel cadres, et par M. [W], secrétaire d'un syndicat, ayant assisté à une 'audience' accordée le 19 avril 2016 au salarié par le directeur d'établissement, M. [D], en présence de Mme [L], directrice du pôle RH, au cours de laquelle celui-ci aurait expliqué à M. [I] qu'il ne le proposera pas pour le passage au niveau 2 de la qualification F car il préfère proposer d'autres agents qui resteront dans l'entreprise, ajoutant que la politique du

'coup de chapeau' n'est plus en vigueur.

La SNCF conteste le caractère discriminatoire de la décision de ne pas proposer M. [I] à l'avancement au niveau 2 de la qualification F, soulignant d'une part, le caractère tronqué du compte-rendu de 'l'audience' du 19 avril 2016 qu'il produit et affirmant que la décision était justifiée au regard des évaluations des salariés qui ont été proposés qui étaient meilleures que celle de M. [I].

Elle verse notamment aux débats les pièces suivantes :

- les attestations de M. [D] et de Mme [L],

- la liste des propositions faites à la commission,

- les évaluations des 6 salariés proposés et retenus par la commission.

Dans son attestation, M. [D] déclare :

'J'ai rappelé à Monsieur [I] les règles du statut pour le passage en niveau. Je lui ai indiqué qu'il avait bien été proposé par sa hiérarchie directe, mais que dans le même temps 13 autres agents avaient également été proposés pour cette même promotion sachant que seulement 7 agents pourraient être retenus lors de la commission de notation de la zone de production Atlantique. Il avait donc fallu faire un choix pour retenir 7 agents parmi les 14 proposés.

Les éléments apportés en commission de notation par la hiérarchie de Monsieur [I] portaient essentiellement sur sa compétence technique. Or, ces éléments communs à la majorité des candidats, ne permettaient pas à eux seuls d'arrêter une liste de 7 noms.

En revanche sur la qualité de service, s'agissant d'une notation de cadres portant sur la coopération, l'impact et le relationnel dans les collectifs de travail, les candidats présentaient manifestement de meilleurs arguments, bien que ceux-ci soient globalement corrects, que ceux de Monsieur [I].

Ce sont ces candidats qui ont été retenus prioritairement par la commission.

J'ai également indiqué à Monsieur [I] que l'établissement ne faisait plus de promotion dit 'coup de chapeau' à savoir une promotion quasi automatique pour les agents éligibles partant en retraite dans l'année de l'exercice de notation, puisque cette pratique revenait à faire une promotion à l'ancienneté contraire aux règles du statut qui précise que cette notation se fait au choix.

Je lui ai par ailleurs précisé que revenir sur le choix des 7 agents retenus en commission reviendrait de fait à exclure, puisque le contingent des promotions était borné, un agent dont la qualité de service avait été jugée meilleure que la sienne en commission.

En conclusion, je confirme que Monsieur [I] n'a pas été discriminé.'

Ces propos sont confirmés par Mme [L] qui atteste que 'les propos retranscrits dans le compte-rendu ne sont pas ceux tenus lors de l'entretien où un certain nombre de rappels réglementaires ont été faits (critère du statut, nombre de niveau possible, nombre d'agents proposés et choix managérial à réaliser) et le choix réalisé expliqué par le Directeur de l'Etablissement'.

Par ailleurs, l'appréciation portée en 2015 sur la performance globale réalisée par M. [I] était la suivante : '[V] a rempli globalement les objectifs fixés. Personne d'expérience qui conduit convenablement son secteur de maintenance. Fortement impliqué' ; l'évaluateur relevait qu'un certain nombre des objectifs fixés au salarié lors de l'année écoulée n'avaient pas été atteints ainsi que des erreurs et des pistes d'amélioration.

Or, la comparaison avec les évaluations des candidats proposés et retenus montrent pour :

- M. [T] que tous les objectifs avaient été atteints, la performance étant qualifiée de bonne, l'évaluateur relevant une forte acquisition dans le domaine des marchés de travaux voie et une bonne implication dans le suivi de la veille technique et sécurité de l'unité et dans l'accompagnement des nouveaux embauchés ;

- M. [E] : '[M] a bien pris le poste en main, il est le point d'entrée de l'infra sur la zone de Bordeaux. Il a su s'adapter aux évolutions, a mis en place des processus d'amélioration. Bonnes relations avec ses interlocuteurs, EIC, BHL, cadres T, DPX, EEV, OC train. Mise en place de réunions productives auprès de bons acteurs (central Sst, réunion assemblage gare, dépôt)', l'évaluateur relevant l'atteinte des objectifs fixés et notant expressément 'Peut prétendre à la qualification supérieure' ;

- M. [F] : 'comme déjà écrit, le poste est pleinement maîtrisé et le projet de l'entreprise (guichet train) a été accompagné', le salarié faisant en outre état d'une mobilité structurelle et fonctionnelle ;

- M. [U] : 'bonne performance globale, a été très apprécié sur [Localité 5] pour ses valeurs. Bonne gestion des imprévus et résolution des problèmes, relativise bien, bonne gestion du stress' ;

- M. [C] : 'très bonne performance dans un contexte difficile (réforme des organisations, plan de performance, absentéisme', l'évaluateur relevant l'atteinte de tous les objectifs sauf un, et le salarié envisageant toute forme de mobilité géographique, fonctionnelle et structurelle, souhaitant évoluer sur d'autres postes ;

- M. [K] : 'très bonne performance sur l'année 2014. Très forte implication dans la conduite de son lot travaux', l'évaluateur ajoutant qu'il a fait preuve d'une implication et d'une motivation sur le chantier SEA prouvant qu'il a le potentiel du niveau 2 de la qualification.

De cette comparaison, il ressort que les candidats retenus avaient une meilleure évaluation quant à l'expérience acquise et la maîtrise de l'emploi que M. [I], sans pour autant, que les mérites de celui-ci soient remis en cause, la SNCF soulignant que sur les 461 agents placés à la qualification F, niveau 1 et, pour nombre d'entre eux à la position de rémunération 23, seuls 37 ont pu bénéficier en 2016 du pasage au niveau supérieur.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, il ne peut être retenu que M. [I] présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination liée à son âge.

La décision de l'employeur de ne pas proposer M. [I] à une promotion de niveau est dûment justifiée au regard des critères prévus par le Statut.

M. [I] ne peut donc utilement se prévaloir d'une perte de chance de bénéficier de cette promotion.

Il sera donc également débouté de sa demande à ce titre, la décision déférée étant infirmée de ce chef.

Sur les autres demandes

M. [I], partie perdante à l'instance, sera condamné aux dépens mais il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la SNCF les frais irrépétibles qu'elle a exposés.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [V] [I] de sa demande au titre de la discrimination subie,

L'infirme pour le surplus,

Déboute M. [V] [I] de ses autres prétentions,

Dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [V] [I] aux dépens.

Signé par Madame Sylvie Hylaire, présidente et par Anne-Marie Lacour-Rivière, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Anne-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 19/01029
Date de la décision : 08/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-08;19.01029 ?
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