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08/06/2022 | FRANCE | N°19/00870

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 08 juin 2022, 19/00870


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 08 JUIN 2022







PRUD'HOMMES



N° RG 19/00870 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-K33R

















Monsieur [U] [I]



c/



Association CEID (Comité d'étude et d'informations sur la drogue)

















Nature de la décision : AU FOND








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Décision déférée à la cour : jugement rendu le 18 janvier 2019 (RG n° F 17/00049) par le conseil de prud'hommes - formation paritaire de BORDEAUX, section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 14 février 2019,





APPELANT :

Monsieur [U] [I], ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 08 JUIN 2022

PRUD'HOMMES

N° RG 19/00870 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-K33R

Monsieur [U] [I]

c/

Association CEID (Comité d'étude et d'informations sur la drogue)

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 18 janvier 2019 (RG n° F 17/00049) par le conseil de prud'hommes - formation paritaire de BORDEAUX, section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 14 février 2019,

APPELANT :

Monsieur [U] [I], né le 19 juin 1973 à [Localité 3], de

nationalité française, profession directeur d'établissement, demeurant [Adresse 5],

représenté par Maître Émilie GRELLETY, avocate au barreau de BORDEAUX,

INTIMÉE :

Association Comité d'Étude et d'Informations sur la Drogue (CEID) siret

n° 312 410 566 00011, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social, [Adresse 1],

représentée par Maître Florence BABEAU, avocate au barreau de BORDEAUX,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 mars 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente chargée d'instruire l'affaire et Monsieur Rémi Figerou, conseiller,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Monsieur Eric Veyssière, président

Monsieur Rémi Figerou, conseiller

Greffière lors des débats : Anne-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

Délibéré prorogé au 08 juin 2022 en raison de la charge de travail de la cour.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [U] [I], né en 1973, a été engagé par l'association Comité d'Etude et d'Informations sur la Drogue (CEID), par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 2 avril 2007 en qualité de directeur d'établissement.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées.

Le montant de la rémunération mensuelle brute moyenne de M. [I] est discutée.

Par lettre datée du 14 décembre 2015, M. [I] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 4 janvier 2016. Le 15 décembre 2015 M. [I] a été mis à pied à titre conservatoire.

M. [I] a ensuite été licencié pour faute grave par lettre datée du 13 janvier 2016.

A la date du licenciement, M. [I] avait une ancienneté de 8 ans et 9 mois et l'association CEID occupait à titre habituel plus de dix salariés.

Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, outre des rappels de salaires, M. [I] a saisi le 11 janvier 2017 le conseil de prud'hommes de Bordeaux qui, par jugement du 18 janvier 2019, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a :

- jugé que le licenciement de M. [I] pour faute grave est justifié,

- débouté M. [I] de l'ensemble de ses demandes,

- condamné M. [I] aux entiers dépens.

Par déclaration du 14 février 2019, M. [I] a relevé appel de cette décision, notifiée le 22 janvier 2019.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 14 janvier 2022, M. [I] demande à la cour de :

- dire recevable et bien fondé l'appel interjeté par M. [I]

- infirmer le jugement dans l'ensemble de ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

- constater que M. [I] n'a pas bénéficié de l'augmentation de salaire convenu entre les parties,

- en conséquence, condamner l'association CEID à régler les sommes de :

* 2.355,24 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2014 outre 235,52 € de congés payés y afférent,

* 2.263,73 euros à titre de rappel de salaire pour l'année 2015 outre 226,37 euros de congés payés y afférent,

- constater que M. [I] a dépassé la durée légale du travail ainsi que le contingent légal d'heures supplémentaires,

- en conséquence, condamner l'association CEID à régler les sommes de :

* 1.453,25 euros à titre de rappel de paiement d'heures supplémentaires pour l'année 2013 outre 145,33 euros de congés payés y afférent,

* 35.675,07 euros à titre de rappel de paiement d'heures supplémentaires pour l'année 2014 outre 3.567,51 euros de congés payés y afférent,

* 5.784,49 euros à titre de rappel de paiement d'heures supplémentaires pour l'année 2015 outre 578,45 euros de congés payés y afférent,

* 40.567,42 euros à titre de paiement des heures dépassant le contingent légal,

* 42.034,14 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé outre

4.203,41 euros de congés payés y afférent,

* 10.000,00 euros pour violation des dispositions légales, réglementaires et conventionnelles relatives à la durée du travail,

- constater que M. [I] n'a pas été réglé de l'intégralité de ses droits à congés payés,

- en conséquence, condamner l'association CEID à régler les sommes de :

* 5.173,55 euros à titre de paiement des congés payés pour la période 1er juin 2012 au 31 mai 2013,

* 6.476,98 euros à titre de paiement des congés payés pour la période 1er juin 2013 au 31 mai 2014,

* 6.836,80 euros à titre de paiement des congés payés pour la période 1er juin 2014 au 31 mai 2015,

- ordonner la remise de bulletins de rectifiés depuis janvier 2013,

- ordonner le remboursement à M. [I] de la somme de 950 euros à titre de trop perçu par l'employeur suite à l'achat du véhicule Renault Mégane,

- dire et juger le licenciement de M. [I] sans cause réelle et sérieuse,

- en conséquence, condamner l'association CEID à régler à M. [I] les sommes suivantes :

* 84.063,48 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 21.015,87 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 42.034,14 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 4.203,41 euros à titre de congés payés y afférents,

* 4.122,28 euros à titre de rappels sur mise à pied conservatoire du 15 décembre 2016 au 15 janvier 2016 (2.112,81 + 2.009,47) et non (2.008,05 + 1.909,83),

* 412,22 euros à titre de congés payés y afférents,

- ordonner la remise de documents de fin de contrat rectifiés selon les termes de la décision à intervenir,

- la condamner à régler la somme de 3.500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de maître Grellety,

- dire que la totalité de ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de la présente requête.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 3 février 2022, l'association CEID demande à la cour de':

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Bordeaux le 18 janvier 2019,

- en conséquence, débouter M. [I] de l'intégralité de ses demandes,

- condamner M. [I] aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 10 février 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

l'exécution du contrat de travail

M. [I] fait valoir que l'employeur n'a pas appliqué le coefficient 1052,7 points qu'il avait pourtant accepté sans ambiguïté le 6 janvier 2014 et qu'un rappel de salaire lui est dû à ce titre.

Il fait état d'heures supplémentaires non rémunérées ou réglées au titre d'une prime de formation et sans majoration. Ces heures supplémentaires dépasseraient le contingent annuel de 220 heures supplémentaires et donneraient droit à une indemnité au titre de la contrepartie obligatoire en repos. En voulant les dissimuler, l'employeur a commis l'infraction de travail dissimulé.

L'association répond que M. [I] proposait plusieurs coefficients et qu'elle a accepté de porter le coefficient 1000,52 à compter du mois de janvier 2014.

S'agissant des heures supplémentaires, l'association répond qu'une salariée, Mme [R], a été promue pour décharger M. [I] de missions administratives lorsqu'il a accepté de prendre en charge momentanément la direction du centre de [Localité 6], qu'il a perçu des heures supplémentaires réclamées au taux majoré de 25 % ou 50 % au travers des tableaux de paye mensuels, qu'il a indiqué les heures de formation, non pas dans la colonne des heures supplémentaires, mais dans celle des compléments (avec la mention prime de formation) qui ont généré le paiement de primes de formation, que ces formations ont été données par le salarié sur son temps de travail.

S'agissant de l'année 2014 au cours de laquelle M. [I] a pris en charge le centre de [Localité 6], l'association fait valoir que ce dernier a obtenu une augmentation mensuelle de 300 euros et une prime exceptionnelle variable.

Elle ajoute que les temps de trajet domicile - travail ne sont pas des heures de travail effectif et qu'il percevait une indemnité destinée à compenser la dispersion géographique des activités, que M. [I] s'occupait, y compris depuis son bureau , de l'exploitation d'un verger, qu'il était souvent à son domicile et ne venait plus à la réunion de Sarlat un vendredi sur deux.

la majoration de salaire

Par lettre datée du 17 décembre 2013 (pièce 17 du salarié), M. [I] a sollicité de son employeur une augmentation de salaire dans les termes suivants :

'je vous propose les points suivants :

- augmentation anticipée à partir du 1er janvier 2014 à l'échelon 948,3 afin d'éviter de perdre les deux ans et demi déjà acquis car nous changeons de coefficient tous les trois ans soit une augmentation mensuelle de 26,1 points (97,70 euros brut soit 73 euros net environ jusqu'à juin 2014.

- passage au 1er janvier 2014 au coefficient 1052,7. Pour info, voici la valeur de l'augmentation (celle-ci, au regard de mon salaire actuel, correspondrait à 3,5 heures hebdomadaires de travail en plus, ce qui est très modeste par rapport au travail réalisé'.

S'en suivait un tableau de coefficients possibles : 974,1, 1000,5, 1026,6 et 1052,7 , le nombre de points correspondant, le brut et le net mensuels.

Par lettre datée du 6 janvier 2015 (pièce 15 de l'association), l'employeur écrivait que pour compenser l'investissement (dans le centre de [Localité 6]), il confirmait son accord concernant 'l'augmentation que vous avez sollicitée'.

À compter du 1er janvier 2014, les bulletins de paye de M. [I] ont mentionné le coefficient 1000,5.

M. [I] n'a jamais contesté l'application de ce coefficient et compte-tenu de ce que le coefficient 1052 n'était qu'un des quatre coefficients proposés par le salarié, la cour considère que l'association a exécuté loyalement un accord dont il sera souligné qu'il permettait au salarié de bénéficier d'un coefficient relatif à une ancienneté de quinze années au regard de la convention collective.

M. [I] sera débouté de sa demande de paiement d'un rappel de salaire de ce chef.

les heures supplémentaires

Aux termes de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si la preuve des horaires effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Au soutien de ses demandes, M. [I] produit des tableaux mensuels renseignés par lui dont certains mentionnent un nombre d'heures supplémentaires et un nombre d'heures de formation.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'employeur de produire les horaires effectivement réalisés.

S'agissant de l'année 2013, la cour constate que :

* le litige porte sur l'imputation des heures de formation (étaient elles effectuées pendant les horaires de travail ou au-delà de ceux-ci) et leur paiement (devaient elles être payées à un taux majoré ou par le versement de la prime de formation figurant sur les bulletins de paye),

* l'association a réglé les heures supplémentaires figurant sur les tableaux et au taux majoré applicable : (10,5 heures en mars 2013, 15,50 h à 25 %, en juillet 2013, 7,5 à

50 % , en août 2013, 16 heures à 25% et 2 heures à 50 %, en septembre 2013, 4 heures à 25 %),

* les heures figurant à la colonne 'complément' ont fait l'objet de versements d'une prime de formation qui n'est pas prévue contractuellement mais dont le montant doit être déduit des sommes dues,

* l'association ne peut pas produire les horaires de toutes ces interventions.

Considération prise de ces éléments et sans qu'il soit nécessaire de recourir à une mesure d'instruction, la cour a la conviction, qu'au cours de l'année 2013, le salarié a effectué des heures supplémentaires devant être rémunérées à hauteur de 255 euros et congés payés afférents (25,50 euros).

S'agissant de l'année 2014, la cour constate que :

* l 'association oppose le travail d'une autre salariée selon avenant du 4 décembre 2013 aux fins d'exécution de tâches de gestion et de fonctionnement de l'établissement, déchargeant ainsi M. [I] d'une partie de celles-ci,

* l'association ne produit pas les horaires effectivement réalisés par ce dernier mais des mails transmis par le salarié depuis son bureau attestent du temps pris pour l'exploitation d'un verger professionnel,

* des messages électroniques révèlent que M. [I] a réalisé des formations sur son temps de travail,

* l'association ne peut valablement arguer des augmentations de salaire consenties à son salarié ou de primes accordées en application de la convention collective au titre d'autres sujétions et qui ne peuvent compenser la rémunération d'heures supplémentaires au taux majoré,

* des heures supplémentaires réalisées ont été rémunérées,

* les horaires mentionnés sur les fiches de temps établies par le salarié comprennent des temps de trajet depuis son domicile et qui ne sont pas des heures de travail effectif,

* l'attestation de Mme [W] [A] fait état de l'incapacité dans laquelle elle était souvent de joindre M. [I] sur l'un des centres et de ce que leurs conversations téléphoniques indiquaient qu'il était chez lui et gardait un jeune enfant.

Au regard de ces éléments, la cour a la conviction que l'association doit payer à M. [I] la somme de 6.850 euros et congés payés afférents (685 euros).

S'agissant de l'année 2015, la cour prendra en compte les éléments retenus pour l'année précédente, y ajoutant qu'un nouveau directeur a été affecté au centre de [Localité 6].

L'association devra verser à ce dernier un somme de 6.155 euros majorée des congés payés afférents (615,50 euros).

Le nombre d'heures supplémentaires réalisées au cours de chacune de ces trois dernières années ne dépassant pas le contingent annuel de 220 heures supplémentaires, M. [I] sera débouté de sa demande fondée sur les dispositions de l'article L.3121-30 du code du travail.

le travail dissimulé

Aux termes de l'article L. 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paye ou de mentionner un nombre d'heures inférieur à celui réellement accompli.

Aux termes de l'article L. 8223-1 du code du travail, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article

L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

L'élément intentionnel exigé par ces textes n'est pas caractérisé par le seul défaut de paiement ou de majoration du taux de certaines heures supplémentaires.

M. [I] sera débouté de ce chef.

Le jugement sera confirme de ce chef.

le non-respect des temps de pause et le repos compensateur

M. [I] sera débouté de sa demande d'indemnisation d'un temps de pause non pris dès lors qu'il résulte des éléments de fait qu'il bénéficiait d'une autonomie telle qu'il ne restait pas à la disposition de l'employeur et pouvait vaquer à ses occupations personnelles.

Eu égard aux développements sus visés, M. [I] sera débouté de sa demande relative au dépassement de la durée maximale de travail ou du non-respect du repos hebdomadaire.

les congés payés

M. [I] demande paiement des jours de congés payés qu'il n'a pas pris, ceux-ci ayant été supprimés.

L'association répond qu'au vu de la convention collective, M. [I] devait bénéficier de 2,5 jours de congés payés par mois travaillés soit 30 jours ouvrables, de 2 jours supplémentaires au titre de l'ancienneté dans la fonction et 6 jours par trimestre, plafonnés à 18 jours de congés supplémentaires sur l'année et que ses calculs sont erronés ; qu'il a été privé du bénéfice de certains jours de congés parce qu'ils n'avaient pas été pris pendant la période de référence soit au 31 mai et que leur report aurait nécessité l'accord de l'employeur.

En vertu des dispositions conventionnelles, M. [I] devait bénéficier de 50 jours de congés par an (30 jours + 18 jours + 2 jours). Le nombre de jours de congés pris n'est pas discuté : au titre des années 2013, 2014 et 2015, l'employeur a supprimé 13 jours, 16 jours et 18 jours de congés.

Il revient à l'employeur de justifier qu'il a pris toutes les diligences nécessaires afin de permettre au salarié de prendre ses congés payés. Il doit ainsi informer ses salariés de la période de prise de congés au moins deux mois avant l'ouverture de la période, communiquer l'ordre des départs en congés à chaque salarié un mois avant son départ et s'assurer que le salarié est bien parti en congés.

L'association n'allègue pas avoir respecté ses obligations et ne pouvait supprimer des jours de congés non pris et ne peut s'exonérer en arguant de l'autonomie de M. [I] dans l'organisation de son temps de travail.

En conséquence et compte-tenu du coefficient retenu, l'association devra payer à M. [I] les sommes suivantes :

* 5.173, 55 euros au titre de l'année 2013,

* 6.154,36 euros au titre de l'année 2014,

* 6.497,50 euros au titre de l'année 2015.

l'achat du véhicule

M. [I] fait valoir qu'en 2010, il a acheté à l'association un véhicule automobile Renault Mégane moyennant le prix de 750 euros, qu'il a versé à tort à son employeur la somme de 1.700 euros, soit un indu de 950 euros, qu'il n'a pas eu de réponse à sa proposition de déduire la somme de 150 euros, que l'association reste lui devoir une somme de 950 euros.

L'association répond qu'elle avait donné son accord pour céder le véhicule pour un prix de 750 euros ; que M. [I] n'a pas réglé la somme pendant cinq ans et que les parties se sont alors mises d'accord pour le paiement d'une somme de 1.700 euros.

Les messages électroniques échangés le 14 avril 2010 établissent que les deux parties étaient d'accord pour que M. [I] achète un véhicule automobile de marque Renault moyennant le prix de 750 euros.

Il n'est pas non plus contesté que M. [I] a versé à son employeur la somme de

1.700 euros.

Il n'est pas 1.700 euros mais, compte-tenu de son retard de paiement, M. [I] a décidé de défalquer du montant de l'indu versé à l'employeur , une somme de 150 euros.

Le montant de l'indu que l'employeur reste devoir est donc de 800 euros que l'association devra verser à l'appelant.

le licenciement

La lettre de licenciement est ainsi rédigée :

'Vous avez été initialement convoqué à un entretien préalable en vue de votre licenciement par courrier en date du 14 décembre 2015. L'entretien devait se dérouler le 23 décembre 2015 mais, compte tenu de la présentation tardive de ce courrier par la Poste, vous avez été à nouveau convoqué par courrier recommandé avec A.R. en date du 22 décembre 2015 afin de respecter les dispositions de l'article L 1232-2 du Code du Travail. Compte tenu de la gravité des faits qui vous ont été reprochés, vous avez été mis à pied par courrier recommandé avec AR en date du 15 décembre 2015.

Les faits justifiant cette procédure sont les suivants :

Le 09 octobre 2015, les délégués du personnel du CEID Dordogne, le Dr [B] [L] et Mme [D] [V], m'ont alerté et saisi « sur la situation problématique de la structure de Dordogne et les plaintes de salariés concernant vos comportements » et m'ont demandé de mettre en 'uvre une commission d'enquête paritaire afin de faire toute la lumière sur vos agissements.

A ce stade et en ma qualité d'employeur, il était de ma responsabilité d'avoir une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des griefs formulés à votre encontre. Pour ce faire, il était indispensable de mener une enquête interne afin de comprendre, d'évaluer et d'analyser la situation. C'est la raison pour laquelle j'ai donné mon accord le 12 octobre 2015 à la mise en place de cette enquête.

Afin de respecter une totale transparence et de préserver vos droits, je vous ai immédiatement avisé et vous ai informé que les deux personnes chargées de cette mission seraient Monsieur [G] [Z], chef du service administratif du CEID, et Monsieur [J] [H], directeur d'établissement de la CT de [Localité 2]. Ayant toujours entretenu des rapports cordiaux avec ces deux collaborateurs, vous n'avez donc émis aucune objection à leur intervention.

Les observations et le rapport de cette commission d'enquête administrative m'ont été communiqués le 10 décembre 2015 (6 témoignages) et le 11 décembre 2015 (7 témoignages).

De leur côté, les délégués du personnel (Mme [V], Dr [L] et M [P] [E], délégué du CE) ont mené leurs investigations et m'ont remis leur rapport le 14 décembre 2015.

Ayant alors une pleine connaissance des faits au travers de ces rapports concordants et eu égard à leur caractère de gravité, je vous ai donc convoqué à un entretien préalable à licenciement avec une mise à pied à titre conservatoire qui vous a été notifiée le 15/12/2015.

Compte tenu de l'état d'épuisement moral des équipes au sein des établissements dont vous assurez la direction, je me suis finalement rendu à [Localité 7] le 16 décembre 2015 afin de rencontrer directement les membres du personnel et de les soutenir dans ces moments difficiles.

Les faits qui vous sont reprochés sont les suivants :

- Maltraitance managériale :

L'ensemble des salariés interrogés font état d'un contexte de stress et de malaise au travail, d'un climat général très pesant, 'malsain', dus à votre autoritarisme parfois qualifié de violent, particulièrement lourd lors des réunions d'équipe : refus de tout débat, de toute discussion ('vous êtes payés pour obéir pas pour réfléchir' semble être un leitmotive), intolérance à tout désaccord ou réserve. La moindre expression d'une divergence entraine de votre part de manière récurrente et totalement disproportionnée des réactions violentes, des hurlements, des accusations. Dans ces circonstances, il n'est pas rare que certaines salariées fondent en larmes en réunion.

Lors de l'entretien préalable, vous avez reconnu votre incapacité à manager vos équipes avec respect et courtoisie ('je hausse le ton car on hausse le ton avec moi ' 'je peux parler vertement''), ce qui constitue une défaillance dans vos fonctions de directeur d'établissement et qui n'a pas été sans conséquence sur les salariés qui sont sous votre dépendance hiérarchique.

(')

- Propos agressifs, déplacés, vexatoires voire humiliants à l'encontre de salariés (en

particulier des salariées féminines) :

Lors de différentes réunions, les salariés ont rapportés vos propos globalement blessants. Il est arrivé que certaines collaboratrices fassent l'objet d'attaques plus individualisées et particulièrement vexatoires.

Ainsi, vous avez reproché à une salariée handicapée de vous 'coûter cher'. Il a fallu attendre l'intervention et la demande de la médecine du travail pour que vous adaptiez son poste de travail car vous aviez refusé de le faire spontanément.

De surcroît, à sa demande répétée de cesser de plaisanter ainsi sur son handicap qu'elle vit douloureusement, vous lui avez rétorqué que ce n'était tout de même pas de votre faute si elle était handicapée et vous êtes revenu à plusieurs reprises publiquement sur cette question douloureuse pour cette salariée.

Lors de l'entretien préalable, vous vous êtes expliqué sur ces faits en indiquant que vous aviez effectivement dit que le matériel destiné à aménager son poste coûtait cher' mais pas elle.

Vous conviendrez que dans le contexte précis cela revient à peu près au même et que cette stigmatisation est très malvenue.

Plusieurs témoignages ont également fait état de vos interrogations totalement déplacées sur l'état du périnée de salariées suite à un accouchement ou encore de plaisanteries concernant leur âge.

Lors de l'entretien préalable, vous avez reconnu avoir tenu ces propos précisant qu'il s'agissait pour vous de conseiller les salariées.

Il n'est pas dans votre rôle de directeur d'aborder ces questions d'ordre très privé avec les salariées que vous encadrez.

Vous avez également pu ironiser sur l'apparence physique d'une salariée : 'Avec votre gabarit de camionneur, vous ne devriez pas avoir peur de travailler seule sur le CAARUD'. A une autre à qui vous rendiez visite de manière impromptue alors qu'elle était hospitalisée, vous n'avez pas hésité à dire : 'vous avez vraiment une sale tête' et 'vous devriez rapidement reprendre le travail, votre bureau est très convoité'. Vous avez utilisé ces mêmes termes ('sale tête') à son propos en réunion.

Lors de l'entretien préalable, vous avez reconnu avoir tenu ces propos même si vous n'êtes plus certain, selon vos dires, de les avoir exprimés lorsqu'elle était hospitalisée ou dans d'autres circonstances.

Vous comprendrez que de tels propos, adressés par le directeur à une collaboratrice en état de faiblesse parce que malade sont extrêmement violents et la menace qu'ils font peser sur les conditions de son retour dans l'entreprise très déstabilisants, quel que soit le moment où ils ont été tenus.

(')

- Comportements discriminatoires, intimidation :

Plusieurs salariées, dès leur entretien d'embauche ont fait état de questions totalement inappropriées car concernant leur vie privée : questions sur leur petit ami, sur leurs éventuels projets de grossesse'

Ces questions pouvaient occuper jusqu'à plus de la moitié du temps d'entretien et se conclure par un 'vous me promettez de ne pas être enceinte dans l'année après votre embauche (ou dans les 18 mois)'.

Lors de l'entretien préalable, vous avez reconnu avoir posé ce type de questions lors d'entretiens d'embauche en indiquant que c'était pour vous une manière de tester la capacité de réaction de votre interlocutrice. Vous avez ajouté ne pas être DRH et ne pas avoir toutes les compétences pour gérer le personnel'

Cette réponse est inacceptable de par les fonctions que vous exercez. Par ailleurs, les questions de cette nature sont évidemment totalement prohibées puisqu'en vertu de la loi, nulle personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement en raison de son état de grossesse' Ce que vous ne pouvez ignorer.

Beaucoup de salariés estiment que vous tentez d'exercer un pouvoir sur leur vie privée, proclamant même : 'Je suis un directeur omnipotent !'

Les comportements intrusifs sont multiples dans le cours du travail : vous entrez dans les bureaux sans frapper, même en présence de patients, vous appelez de façon récurrente les salariés sur leur portable personnel en dehors du temps de travail, soirées, week-ends ou même pendant leurs arrêts maladie ('Quand est-ce que vous reprenez ' J'ai besoin de le savoir au plus vite pour organiser le service.')

Selon plusieurs salariées, vous utilisez les demandes de congés pour 'exercer un pouvoir et obtenir des informations sur leur vie privée', ces informations personnelles semblant conditionner votre accord si vous jugez la raison valable.

(')

- Atteinte à l'image et au fonctionnement du CEID :

L'ensemble de ces comportements gravement fautifs a considérablement nui au fonctionnement du CEID en Dordogne dont ils ont de surcroit donné une image détestable : aux salariés (avec un turn over massif et donc une perte d'efficacité) et auprès des partenaires. Votre technique de cloisonnement, imposant d'être le seul interlocuteur des partenaires extérieurs, a conduit à un partenariat déficient voire à des ruptures de collaboration, certains partenaires refusant d'avoir à faire à vous.

Au total, votre manque d'empathie par rapport aux usagers et aux collègues, vos comportements violents, votre méfiance par rapport à la pluridisciplinarité, votre incapacité à mobiliser l'équipe dans un projet collectif du fait de votre autoritarisme et de l'attention exclusive portée à une prétendue recherche de rentabilité, sont totalement contraires aux valeurs d'une association engagée dans le service aux plus faibles et aux plus démunis et à tous nos engagements par rapport au harcèlement et à l'accord d'entreprise sur l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes (13/04/2015).

Enfin, il nous est apparu lors de l'entretien préalable et au travers de vos réponses que si vous reconnaissiez les faits, vous ne parveniez pas à prendre la mesure de l'incongruité de votre comportement, le banalisant ou le minimisant, estimant être victime d'erreurs d'interprétation ou même d'une cabale alors que de nombreux membres de vos équipes sont dans une telle souffrance qu'ils ont gardé longuement le silence sur cette situation par crainte de représailles et d'une dégradation encore plus marquée de la relation de travail avec vous.

S'il est bien évident que nous intervenons dans un secteur d'activité complexe et qui peut être facteur de stress, il est ressorti de manière claire que l'ensemble des collaborateurs interrogés aimaient leur travail et leur environnement professionnel mais que beaucoup d'entre eux étaient également à bout à cause des pratiques de travail que vous avez imposées et de votre comportement manifestement fautif dans le cadre de l'exécution de votre mission de directeur.

L'accumulation des faits qui nous ont été rapportés et que nous avons pris le temps de vérifier est gravement fautive, constitue une violation manifeste des obligations découlant de l'exécution de votre contrat de travail et rend impossible la poursuite de la relation contractuelle qui nous lie.

En accord avec le Dr [P] [K], Président du CEID, je suis en conséquence contraint de vous notifier par la présente votre licenciement pour faute grave, sans préavis, ni indemnité de rupture. Vous ne ferez plus partie du personnel de l'entreprise à la première présentation de cette lettre.

Nous vous rappelons que vous faites l'objet d'une mise à pied à titre conservatoire depuis le 15 décembre 2015. Compte tenu des circonstances, cette période non travaillée ne sera pas rémunérée'.

Pour l'essentiel, M. [I] fait valoir que :

- les salariés n'avaient jamais dénoncé de tels faits ;

- la pièce 9 de l'association n'est ni datée ni signée de sorte que ce prétendu rapport d'enquête n'est pas probant. Devant le bureau de conciliation du conseil des prud'hommes, l'association avait par ailleurs dit que l'enquête était toujours en cours ;

- les 13 témoignages anonymes visés dans cette pièce ne sont pas produits et ne seraient en tout état de cause, pas recevables ;

- l'employeur ne disposait d'aucun élément probant lors de son licenciement ;

- les salariées n'avaient jamais dénoncé de tels faits ;

- il faisait un retour à l'association de son travail et des difficultés qu'il rencontrait ;

- le climat délétère qui régnait dans l'association bien avant son arrivée a conduit des salariés mécontents à se plaindre de harcèlement moral ;

- les faits mentionnés dans les attestations sont prescrits : ils datent de 2010, au mieux de 2015.

L'association répond qu'elle n'a connu les faits qu'à l'occasion de plaintes des délégués du personnel en octobre 2015 et a fait une enquête sur la base de témoignages anonymes à la demande des salariés interrogés, que ce rapport est confirmé par des attestations nominatives qui révèlent les attitudes et propos mentionnés dans la lettre de licenciement et que l'intéressé ne nie pas.

Le licenciement doit reposer sur une cause réelle et sérieuse. Le licenciement étant prononcé pour un faute grave, il revient à l'employeur d'établir la réalité de faits dont la gravité est telle qu'elle ne permet pas le maintien du salarié dans l'entreprise.

Il importe peu que les salariés de l'association n'aient pas dénoncé plus tôt les faits qu'ils ont relatés lors de l'enquête ou dans le cadre du présent litige, ce silence ne privant pas leur témoignage de valeur probante.

L'employeur peut aussi présenter au juge des attestations postérieures au licenciement pour justifier des reproches invoqués dans la lettre de licenciement et le moyen de M. [I] tiré de la date des témoignages écrits est aussi inopérant.

Aux termes de l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance.

Les griefs mentionnés dans la lettre de licenciement ne sont pas datés. Cependant, deux attestations de délégués du personnel établissent qu'ils ont sollicité la direction du CEID le 9 octobre 2015 afin que soit mise en place une commission d'enquête suite à plusieurs plaintes émanant de salariés travaillant sous les ordres de M. [I]. Dix sept salariés ont alors été interrogés entre novembre et décembre 2015 et les deux représentant du personnel affirment que le rapport d'enquête reprend fidèlement des témoignages reçus dans le cadre de cette enquête.

Il est donc suffisamment établi que la convocation à l'entretien préalable n'est pas postérieure de plus de deux mois à la connaissance par l'employeur des faits motivant le licenciement.

Si le juge ne peut se déterminer uniquement sur des témoignages anonymes, plusieurs attestations nominatives précises sont produites.

La réalité des maltraitancse managériales, des propos agressifs, déplacés voire humiliants à l'encontre des salariés, des comportements discriminatoires est établie par les attestations de :

- Mme [Y], assistante sociale : 'j'ai démissionné du CEID principalement à cause du comportement de M. [I],

* en entretien d'embauche, il m'a demandé si je voulais avoir des enfants et il estimait que ce n'était pas respectueux envers l'employeur d'avoir des enfants dans les deux ans suivant l'embauche,

* pendant ma période d'essai, M. [I] m'a demandé, alors que j'étais en semaine d'observation à [Localité 7], d'aller à [Localité 4] pour récupérer les deux camions et passer la journée à les nettoyer chez lui avec lui. Plus tard, j'ai appris qu'il en avait parlé à un patient en disant que c'était comme cela qu'on 'matait les nouvelles';

La rédactrice ajoute que M. [I] racontait aux autres salariés les histoires personnelles de salariés des autres antennes qu'il avait entendues ou inventées.

- Mme [C], secrétaire :

'* lors de mon entretien d'embauche en février 2011, M. [I] m'a demandé si je ne comptais pas avoir de compagnon (car seule à ce moment là), et d'autres enfants car étant divorcée, cela était compliqué d'employer quelqu'un de divorcé ;

* en juillet 2012, j'ai eu une grosse intervention chirurgicale qui malheureusement m'a fait mettre en place une reconnaissance d'adulte handicapé avec aménagement d'horaire. Depuis ce jour, il n'a pas arrêté de se moquer du style' alors maintenant, je vais gagner de l'argent avec une personne handicapée'. Également, il me faisait des remarques verbales (vu que mon problème était physique) 'clip clop' car je boitais. Il me faisait pleurer à chaque fois, même en réunion ;

* avant d'avoir le caducée 'mobilité réduite', j'ai demandé à M. [I] de pouvoir me garer dans l'enceinte du CEID ... il a refusé et m'a proposé que si jen ne pouvais pas marcher, je devais me faire prolonger en arrêt....

- Mme [V], infirmière :

* on m'a diagnostiqué un cancer en avril 2010 et j'ai dû très vite me faire opérer en juin 2010. Initialement, l'arrêt de travail était prévu pour trois mois. Très rapidement, M. [I] m'a réclamé un arrêt de travail sur la totalité de ce temps , que je ne pouvait bien sur pas lui fournir. Devant mon désarroi, mon médecin traitant en a fait un de 15 jours. Il m'a harcelée tous les jours et plusieurs fois par jour pour que je fasse refaire ce document en essayant de me faire culpabiliser par rapport à mes collègues 'si je n'ai pas l'arrêt de travail rapidement, je n'embauche personne pour vous remplacer et vos collègues ne partiront pas en vacances cet été à cause de vous' ;

* à mon retour au centre, il m'a régulièrement fait des remarques par rapport à ma maladie excessivement déplacées et gênantes 'quand est ce que vous vous faites réopérer, vu que vous êtes célibataire, vous devez faire la reconstruction si vous voulez avoir la chance de retrouver un homme 'ou encore ' vous auriez pu faire un effort, quitte à porter une perruque, vous auriez pu la choisir rousse, j'aime bien les rousses' ;

* certaines réflexions étaient non productives : ' je suis le directeur, c'est moi qui décide, vous êtes pas payée pour réfléchir 'lors de présentation de nouvelles missions qui m'étaient imposées ... sans aucune concertation.'

- Mme [T] :

'* le jour même, il me demande si j'ai des enfants et m'informera qu'il est mal vu de tomber enceinte la première année de contrat de travail à durée indéterminée ;

* le mercredi 24 décembre 2014...il me demande de lui attraper une ordonnance ...je lui demande simplement 'oui pourquoi ''à quoi il me répond ...je ne vous paie pas pour réfléchir ...je passe le relai à ma collègue secrétaire à qui il demandera ' si je suis conne ou si je fais exprès'.

- Mme [S] [N], psychologue clinicienne :

'il y avait toujours un conflit quelque part avec lui. La ferme [Localité 6], il nous racontait tout : les salariés étaient là bas des incompétents disait-il.

* son comportement était déplacé, inadapté voire délirant, avec une absence totale d'empathie vis à vis des usagers voire du mépris à leur égard (regard et réflexions de sa part). Les usagers étaient nombreux à nous interpeller à son sujet 'c'est qui ce type '', 'pourquoi il se comporte ainsi '', 'je reviendrai quand il sera parti'.

* quand il était mécontent voire furieux, contre un salarié, il pouvait appeler un autre salarié (sur son téléphone portable personnel) pour dire ce qu'il pensait du salarié qui n'avait pas accédé à sa demande. Son mode de fonctionnement consistait à mettre l'autre à sa merci pour avoir l'ascendance,et sa position de directeur lui permettait cela. Sa phrase répétée en boucle, pendant des années allait dans ce sens : 'je suis le directeur, je décide ce sont mes instructions'.

* pour les demandes de congés, il fallait souvent qu'il ait les informations précises sur les raisons. Du coup, on était dans l'obligation de donner des éléments personnels si on voulait être sur d'obtenir son accord. Il profitait de ces situations où l'on était en demande auprès de lui pour exercer un pouvoir et en savoir davantage sur nos vies privées.

Ces propos sont repris dans le rapport de l'enquête versé en pièce 9 de l'employeur et dont deux délégués du personnel attestent qu'il est fidèle aux entretiens qu'ils ont eu avec les salariés. Le rapport fait état de ce que les salariés étaient à bout, que leurs relations avec la direction était empreinte d'une grande souffrance, que M. [I] imposait un management aberrant qui ne s'exprimait que dans le conflit, sans liberté ni initiative de la part des salariés.

Ces comportements entraînaient des démissions et un turn-over important et une perte de qualité des soins. Ce rapport fait aussi référence au mépris de M. [I] à l'égard des usagers: il ne saluait personne et s'il était obligé de serrer la main, il allait se laver les mains sur l'instant et revenait en s'essuyant la main devant la personne. Il s'est permis à plusieurs reprises d'interrompre un entretien clinique sans s'excuser pour s'adresser au professionnel, souvent pour des motifs qui pouvaient largement attendre la fin de l'entretien.

Les deux attestations élogieuses émanant de personnes ayant travaillé avec M. [I] plusieurs années après licenciement litigieux sont étrangères à la présente procédure et ne sont pas de nature à remettre en cause les éléments sus visés.

L'attitude fautive de M. [I] était d'une gravité telle qu'elle ne permettait pas le maintien du salarié dans l'association et le licenciement querellé est fondé sur une faute grave.

M. [I] sera dès lors débouté de sa demande de paiement de dommages et intérêts pour licenciement non fondé, de rappel de salaire de la période de préavis et d'indemnités de rupture.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Vu l'équité, l'association sera condamnée à payer à M. [I] la somme de 3. 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés dans le cadre des procédures de première instance et d'appel.

Succombant, l'association supportera la charge des entiers dépens des procédures de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté M. [I] de ses demandes relatives :

* aux heures supplémentaires,

* aux congés payés,

* au remboursement par l'association d'un indu au titre du véhicule automobile,

Dit que l'association devra délivrer à M. [I] un bulletin de paye conforme à l'arrêt dans le délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt.

statuant à nouveau de ces chefs,

Condamne l'association CEID à payer à M. [I] les sommes suivantes :

* 2 55 et 25,50 euros au titre des heures supplémentaires de l'année 2013,

* 6.850 euros et 685 euros au titre des heures supplémentaires de l'année 2014,

* 6.155 euros et 615,50 euros au titre des heures supplémentaires de l'année 2015.

* 5.173,55 euros au titre des congés payés de l'année 2013,

* 6.154,36 euros au titre des congés payés de l'année 2014,

* 6.497,50 euros au titre des congés payés de l'année 2015.

* 800 euros au titre de remboursement de l'indu portant sur le rachat du véhicule automobile,

Dit que les sommes de nature salariale porteront intérêts à compter de la date de réception par l'association de sa convocation devant le bureau de jugement,

Dit que les sommes à caractère indemnitaire produiront intérêts à compter de l'arrêt,

Condamne l'association CEID à verser à M. [I] la somme totale de 3.000 euros au titre de frais irrépétibles engagés dans le cadre des procédures de première instance et d'appel,

Condamne l'association CEID aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Grellety.

Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par Anne-Marie Lacour-Rivière, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Anne-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 19/00870
Date de la décision : 08/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-08;19.00870 ?
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