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08/06/2022 | FRANCE | N°19/00867

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 08 juin 2022, 19/00867


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 08 JUIN 2022







PRUD'HOMMES



N° RG 19/00867 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-K33K















Monsieur [L] [U]



c/



SAS SIGNATURE F

















Nature de la décision : AU FOND



















Grosse délivrée

le :



à :







Décision déférée à la cour : jugement rendu le 28 janvier 2019 (RG n° F 18/00060) par le conseil de prud'hommes - formation paritaire de PÉRIGUEUX, section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 14 février 2019,





APPELANT :

Monsieur [L] [U], né le 07 avril 1975 à [Localité 12], de nati...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 08 JUIN 2022

PRUD'HOMMES

N° RG 19/00867 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-K33K

Monsieur [L] [U]

c/

SAS SIGNATURE F

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 28 janvier 2019 (RG n° F 18/00060) par le conseil de prud'hommes - formation paritaire de PÉRIGUEUX, section Activités Diverses, suivant déclaration d'appel du 14 février 2019,

APPELANT :

Monsieur [L] [U], né le 07 avril 1975 à [Localité 12], de nationalité française, demeurant [Adresse 6],

représenté par Maître Pascale GOKELAERE de la SELARL PLUMANCY, avocate au barreau de PÉRIGUEUX,

INTIMÉE :

SAS SIGNATURE F, siret n° 443 619 929 prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social, [Adresse 14],

représentée par Maître Constance D'HENNEZEL DE FRANCOGNEY de la SELARL CABINET D'HENNEZEL, avocate au barreau de BORDEAUX,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 avril 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie Hylaire, présidente chargée d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Madame Sophie Masson, conseillère

Monsieur Rémi Figerou, conseiller

Greffière lors des débats : Anne-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [L] [U], né en 1975, a été engagé en qualité de chargé d'affaires techniques par contrat de travail à durée déterminée à compter du 18 novembre 2013 puis par contrat à durée indéterminée à compter du 1er décembre 2014 par la SAS Signature F.

Au vu de son bulletin de paie de février 2018, son ancienneté a été reprise au 18 novembre 2013.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de la fabrication de l'ameublement.

M. [U] s'est vu notifier trois avertissements les 23 mai et 23 décembre 2016 et le 19 mai 2017.

Par lettre datée du 1er décembre 2017, M. [U] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 8 décembre 2017.

Il a ensuite été licencié pour faute par lettre datée du 15 décembre 2017 ainsi rédigée :

' (...)

Malgré la traçabilité des erreurs commises, objets des courriers recommandés des 23/05/2013, 23/12/2013, 19/05/2017 et de nombreux entretiens non formels concernant vos taches et objectifs, je déplore toujours un mauvais suivi de l'ensemble des commandes, cela débouche sur des non-conformités nécessitant de nouveaux déplacements pour réparer soit sur le chantier, soit en fabrication soit en reprise des pièces fabriquées.

Il est impossible de continuer à travailler ensemble devant votre négligence par rapport au poste de travail décrit dans la fiche de chargé d'affaires Bureau d'études.

Les point constatés sont la compétence d'un point de vue conception des produits, la définition des plans d'implantation des salles et le suivi des affaires (chantiers).

1) Conception (études et dessins techniques de nos produits qui sont des sièges pour ERP-établissement recevant du public).

Votre définition des produits spécifiques ne tient pas compte des impératifs de fabrication et des contraintes financières.

Les derniers exemples en date :

- la banquette pour l'appel d'offre de [Localité 9] (théâtre du Hangar) jugée trop lourde par le client. Vous aviez vu avec le chef d'atelier des simplifications avant le dessin final mais vous l'avez conçu à I'inverse en compliquant et en alourdissant malgré les conseils. (Réunion de négociation du 2 décembre 2017 à [Localité 9])

- la banquette pour la commande du marché d'[Localité 2], malgré la demande du CCTP et mon chiffrage, vous n'avez pas dessiné un châssis porteur ce qui implique un grand nombre de pièces que l'on doit donner en sous traitance. Cette définition conduit à un prix d'achat bien supérieur au budget et incompatible avec le prix de vente.

(Conception sur octobre et novembre 2017 retard de livraison du prototype).

Encore cette semaine nous pouvons citer :

- [Localité 4] ISITC : Nous avons été appelé en garantie sur ce chantier facturé en juillet garantie semaine dernière. Nous avons envoyé un monteur mercredi 13/12 pour expertiser le souci décrit par le client : assises qui tombent vers l'avant. Le problème vient d'un jeu de fonctionnement trop important entre les piétements latéraux et les bois d'assises. Cela exerce une force trop importante sur les axes de rotation et les tord. ll va falloir rajouter une bague pour diminuer ce jeu et donc démonter et remonter l'ensemble des 500 places de cet amphithéâtre de cours.

2) Implantations (positionnement des sièges dans les salles et adaptation en fonction des

hauteurs et largeur des gradins) :

D'une manière générale vos plans ne sont pas, ou difficilement, compréhensibles par vos interlocuteurs qui sont les clients (architectes, maîtres d'oeuvre...), les fournisseurs (sous-traitant en pose et fabrication des tables filantes), les monteurs en interne et l'atelier d'une manière générale).

Toutes les affaires de tables filantes obligent les sous-traitants en menuiserie et notamment l'entreprise [N] à vous appeler pour comprendre les plans. Cela implique au mieux une perte de temps importante, au pire des erreurs de fabrication ou de pose.

[Localité 7] (pose octobre 2017) : sur le chantier les poseurs ont changé la position d'un rang en décalage de 15 cm par rapport au plan d'implantation.

Dans le même ardre d'idées, nous avions déjà eu à déplorer d'autres faits similaires relatifs à des erreurs d'implantations constatées au moment de la pose des chantiers à savoir :

- Supelec (pose été 2017) : le voile de courtoisie des premiers rangs des amphithéâtres a été dessiné et fabriqué trop haut par rapport au siège ce qui a nécessité un démontage et une recoupe dans nos ateliers.

- [Localité 13] (pose en juin 2017) : il a fallu ramener une rangée de pieds de sièges pour en modifier la hauteur afin que cela soit conforme à la hauteur du gradin.

- Citadelle d'[Localité 1] (2016) : lors de la pose de ces salles d'amphithéâtre de nombreux problèmes ont nécessité des compléments d'information au sous-traitant qui a réalisé

cette prestation.

Malgré votre expérience de l'activité, cette situation ne change pas du fait de votre façon de travailler incompréhensible des autres.

3) Suivi d'affaires (contact avec les interlocuteurs externe et interne à l'entreprise afin de fournir un produit conforme à la demande du client dans les délais) :

Ce point est également très important et déterminant pour la qualité et la rentabilité du travail final. Le manque de compréhension de vos interlocuteurs pénalise le chantier et amène à y revenir pour faire des reprises de non-conformité qui auraient pu être évitées. Les derniers exemples en date sont :

Goussainville : l'implantation implique un recouvrement partiel de certaines bouches d'aération. Le client ne comprenait pas l'obligation de ce recouvrement malgré la validation du modèle et du plan d'implantation. Il a fallu que j'aille sur place pour démêler la situation en cours de pose en lui expliquant que le modèle choisi ne pouvait pas se mettre sur poutre et que la fixation au sol serait assurée par des pattes de fixation, au final le client a accepté. De par votre expérience au poste de chargé d'affaires vous auriez dû savoir lui expliquer cette solution.

(Réunion de chantier sur site le 19/10/2017).

[Localité 7] : Pour cette affaire nous avons eu du mal à faire valider le prototype au niveau du confort du dossier, cela fait, vous n'avez pas effectué la mise à jour ni la traçabilité des plans, ni validé le 1er de série au niveau de la housse, résultat un pli de tissu non acceptable et non accepté par le client. Il a fallu fabriquer une pièce interface modifiant la hauteur du dossier et minimisant les défauts. Nous avons été obligés de revenir faire la pose de cette pièce sur les 600 sièges de cette salle en région Parisienne. (Retour sur solde de la non-conformité chantier du 22/10/2017).

CRBC et Central Supelec : nous avons eu les mêmes soucis sur ces 2 chantiers, les tables abimées après la pose par des personnes d'autre corps de métier intervenants sur le site. Vous avez envoyé l'équipe de pose sans valider l'avancée du chantier et la possibilité de faire efficacement le travail sur site et sans l'interférence des autres entreprises. Malgré une traçabilité de nos poseurs, les reprises nous ont été imputées et Signature F a perdu plusieurs jours de fabrication en reprise, transport et remise en état. (CRBC : solde non-conformité le 2/12/17, Centrale Supelec : Solde non-conformité suite RDV du 11/09/17).

Le [Localité 3] : pour cette affaire, nous sommes allés 3 jours en réunion de chantier, 1 fois pour moi et 2 fois pour vous.

La 1ère réunion, j'ai calé le besoin avec les clients et l'utilisateur, vous avez ensuite passé du temps à faire des plans pour avoir au final un gros défaut pour les tableaux à l'affichage. Vous n'avez pas tenu compte des demandes du client et de l'architecte, de ce fait que nous avons été obligés de revenir sur le chantier spécialement pour poser ces tableaux au lieu de le faire avec la pose des autres produits.

Malgré cela, au final l'architecte et l'université refusent les tableaux qu'il faut refaire maintenant différemment (liste des réserves du 03/11/2017).

Sur cette affaire, j'ai eu en copie de nombreux mails de réponse qui commençaient par : 'vous vous trompez d'interlocuteur'.

De plus, je déplore votre retour de mail du 17/11/2017 qui est agressif et démontre votre problème de communication : 'Maintenant qu'ils sont posés, vous n'en voulez plus et vous les voulez peint époxy. De qui se moque-t-on ' On a passé un temps infini sur le panneau, juste pour vous satisfaire et maintenant vous nous menez en bateau. Ceci a été validé officiellement !

Par ailleurs, nous sommes revenu faire une modification dans l'amphi pour une erreur de plaquiste de 15 cm de profondeur d'habillage de gradin......... qui paye !!'.

Votre manque de prise en considération des besoins et vos réponses inadaptées ou envois à des personnes non concernées ont conduits à ces défauts et à ces nombreux coûts supplémentaires.

Je peux citer un dernier exemple caractérisant votre manque de suivi et d'implication : L'université de [Localité 10] via l'Agence Régionale Pays de Loire a demandé une intervention pour reprendre en SAV des butées sur des sièges sur le chantier de LINA. En effet, le client avant la fin du délai de parfait achèvement de ce marché a demandé une révision et une reprise sur des butées tombées lors de la première année d'utilisation. La veille du départ programmé de notre monteur (mercredi 15/11/2017), le client n'avait pas validé la possibilité de la date de ce SAV. Il a fallu que j'appelle personnellement plusieurs personnes pour avoir enfin la validation de l'utilisateur.

La faute sérieuse est justifiée par des erreurs de conception répétées, le manque de suivi et le manque de relations (communication en interne et en externe).

Nous vous rappelons que des faits similaires ont déjà donnés lieu à des avertissements

(...)'.

M. [U] a été dispensé de l'exécution de son préavis.

A la date du licenciement, M [U] avait une ancienneté de 4 ans et la société occupait à titre habituel plus de dix salariés.

Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, M. [U] a saisi le 3 avril 2018 le conseil de prud'hommes de Périgueux qui, par jugement rendu le 28 janvier 2019, a :

- dit que M. [U] est recevable en ses demandes,

- dit que le licenciement de M. [U] repose sur une cause réelle et sérieuse,

- débouté M. [U] de sa demande en réparation de préjudice subi pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- débouté M. [U] de sa demande en dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure,

- mis à la charge de M. [U] l'ensemble des dépens,

- dit que l'exécution provisoire ne se justifie pas,

- dit que les intérêts au taux légal ne se justifient pas,

- débouté les parties de leurs demandes en condamnation à l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 14 février 2019, M. [U] a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 9 avril 2019, M. [U] demande à la cour de réformer le jugement en toutes ses dispositions et de :

- dire que le licenciement dont il a fait l'objet est sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Signature F à lui verser les sommes suivantes :

* 15.000 euros en réparation du préjudice subi pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 2.000 euros à titre dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure,

* 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Signature F aux dépens,

- dire que les sommes issues des condamnations seront assorties des intérêts légaux à compter de la notification du présent arrêt.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 6 juin 2019, la société Signature F demande à la cour de':

A titre principal,

- dire nul l'appel de M [U], faute de critique de la décision de première instance au sens de l'article 542 du code de procédure civile,

- rejeter toutes les prétentions de M. [U].

- condamner M. [U] au paiement de la somme supplémentaire de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 au titre des congés payés afférents,

A titre subsidiaire,

- infirmer et réformer le jugement en ce qu'il a écarté les irrecevabilités soulevées au visa de l'article 1235-2 du code du travail,

- dire irrecevables M. [U], le débouter entièrement,

- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé mal fondées les demandes de M [U],

- rejeter les prétentions de M. [U],

- condamner M. [U] au paiement de la somme supplémentaire de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 17 mars 202 et l'affaire a été fixée à l'audience du 12 avril 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nullité de l'appel

La société soutient que la nullité de l'appel formé par M. [U] doit être prononcée car ce dernier ne critique pas explicitement le jugement de première instance dans ses conclusions d'appel.

En vertu de l'article 542 du du code de procédure civile, l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel.

Dans sa déclaration d'appel, M. [U] a précisément visé les chefs de la décision déférée et dans ses écritures, en sollicite expressément la réformation.

La demande de nullité sera donc rejetée.

Sur l'irrecevabilité des demandes

La société fait valoir que les demandes relatives au licenciement sont irrecevables soutenant dans ses écritures :

'(...) depuis les ordonnances MACRON du 22 9 2017, il est loisible au salarié de demander dans les 15 jours de sa notification des précisions sur le motif de licenciement. M [U] a été licencié le 15 décembre 2017, ces ordonnances lui sont applicables.

Or, si après avoir reçu sa lettre de licenciement le salarié ne demande pas à l'employeur d'en préciser les motifs, l'insuffisance de motivation éventuellement ne peut plus être soulevée par le salarié ni être condamnée par les juges, elle ne privera plus à elle seule le licenciement de cause réelle et sérieuse.

En effet, cette irrégularité, si elle est relevée par les juges du fond, sera réparée avec une indemnité ne pouvant excéder un mois de salaire correspondant à celle due en cas d'irrégularité de procédure (C. trav., art. L. 1235-2).

Ainsi M. [U], égal à lui-même n'a pas contesté le licenciement tout comme il n'a pas contesté les avertissements dans les délais et formes de l'ordonnance du 22 9 2017. Il ne peut donc plus faire valoir par la suite que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ni être indemnisé en conséquence.'

***

L'article L. 1235-2 du code du travail, dans sa version applicable à la date du licenciement de M. [U], était ainsi rédigé : 'Si le licenciement d'un salarié survient sans que la procédure requise ait été observée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge impose à l'employeur d'accomplir la procédure prévue et accorde au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.»

Les dispositions de ce texte, telles qu'invoquées par la société, sont celles résultant de la version issue de l'article 1 de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 qui ne sont entrées en vigueur que le 1er janvier 2018 et ce, en vertu de l'article 40-X de ladite ordonnance.

Au surplus, le nouvel article L. 1235-2 ne concerne que le vice de motivation de la lettre de licenciement, vice qui n'est pas invoqué par M. [U].

La société sera donc déboutée de sa demande tendant à voir dire irrecevables les demandes du salarié.

Sur le licenciement

La société fait valoir que M. [U], contrairement à ce qu'il veut faire croire, a été licencié non pour insuffisance professionnelle mais pour faute consistant en un mauvais suivi de l'ensemble des commandes du fait de son refus d'appliquer les consignes données et de la non-application de ses obligations contractuelles notamment contenues dans sa fiche de fonctions.

Selon la société, les reproches constants fait dans les avertissements démontreraient ses fautes récurrentes et le non-respect des consignes alors que M. [U] a été formé en 2014 et qu'il a de nombreuses années d'expérience.

Elle ajoute que trois griefs ont été allégués dans la lettre de licenciement :

- des erreurs de conception qui ne tiennent pas compte des impératifs de fabrication ni des contraintes financières du projet (appel d'offres [Localité 9], marché d'[Localité 2] et [Localité 4] ISITC) ;

- des erreurs d'implantations dues à des plans illisibles pour les partenaires du projet comme pour le client et une absence de communication avec les interlocuteurs du projet (architectes, sous-traitants etc.) ;

- un mauvais suivi des affaires en cours.

Tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement fixent les termes du litige, le juge apprécie le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur et forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties. Si un doute persiste, il profite au salarié.

Pour justifier les griefs invoqués, qui sont contestés par M. [U], la société verse aux débats :

- la fiche de poste du salarié ;

- les avertissements antérieurs adressés au salarié ;

- les programmes de formation qu'il a suivis ;

- un échange de mails des 17 et 20 novembre 2017 où M. [U] s'insurge contre une réserve émise par le client ([Localité 3]) à propos de panneaux d'affichage auprès du chargé de l'opération dans les termes reproduits dans la lettre de licenciement,

- un organigramme de la société et des plans des bureaux ;

- des relevés de frais de déplacement de 'M. [S]', à [Localité 1], puis [Localité 5] et enfin [Localité 4], auxquels sont joints des tickets de paiement datés des 13 et 14 février 2018 pour le premier, des 17 et 18 avril 2018 pour le second et des 16, 17, 18 janvier 2018 pour le troisième des 17 et 18 avril 2018 ;

- des relevés de frais de déplacement de 'M. [X]', à [Localité 1] et [Localité 11] d'une part, et au [Localité 3] et [Localité 8] d'autre part, datés pour le premier des 26, 27 et 28 mars 2018 et, pour le second des 16 et 17 mai 2018 ;

- un planning des poseurs 'année 2017" (sans date) et de plusieurs semaines du premier trimestre 2018 où sont mentionnés quelquefois : SAV ou reprises ;

- le registre du personnel.

Aucune de ces pièces ne permet de retenir que les griefs invoqués, dont la démonstration ne peut résulter des avertissements antérieurs même non contestés par M. [U], sont établis.

Seul l'échange de mails avec l'architecte du chantier [Localité 3] permettrait de retenir le caractère excessif des propos tenus par M. [U] mais la cour relève, ainsi que le fait d'ailleurs valoir celui-ci, que, dans sa réponse, l'interlocuteur du salarié reconnaissait lui-même qu'il y avait eu des instructions contradictoires avec les stipulations du marché de la part du maître d'oeuvre, éléments de nature à justifier le ton courroucé du message adressé par le salarié.

En outre, M. [U] verse notamment aux débats les pièces suivantes :

- un mail du 15 novembre 2016 dans lequel un architecte félicite M. [U] du travail fait qui concerne le conseil général, sans plus de précision,

- cinq certificats de capacité qui attestent de la fourniture et de l'installation de mobiliers dans diverses salles et villes dont trois comportent des termes élogieux sur la manière dont la prestation a été exécutée.

Ainsi, en l'état des pièces et explications dont dispose la cour, il ne peut être retenu que le licenciement de M. [U] repose sur une cause réelle et sérieuse et le jugement déféré sera infirmé.

Sur les demandes pécuniaires de M. [U]

M. [U] sollicite la somme de 15.000 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement.

Il indique qu'il a été évincé de la société dans laquelle il s'était investi depuis 2013 pour des motifs injustifiés et qu'il s'est retrouvé pendant plusieurs mois sans emploi, 'venant de retrouver un contrat de travail à durée déterminée qui le laisse dans une situation précaire'.

La société invoque à titre subsidiaire l'application des ordonnances 'Macron' limitant l'indemnisation.

***

La situation postérieure à la rupture de M. [U] n'est justifiée par aucune pièce.

Au vu du seul bulletin de paie produit par la société, le salaire brut qui lui était versé s'élevait à 1.946,26 euros outre une prime d'ancienneté de 58,48 euros.

Il a perçu une indemnité de licenciement de 2.547,14 euros.

Compte tenu de son ancienneté et de sa rémunération et, en application des dispositions de l'article 1235-3 du code du travail dans sa version applicable à la date du licenciement, il sera alloué à M. [U] la somme de 6.100 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En application des dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail, il sera ordonné le remboursement par l'employeur à Pôle Emploi des indemnités de chômage éventuellement versées au salarié depuis son licenciement dans la limite d'un mois d'indemnités.

***

M. [U] sollicite la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour irrégularité de procédure soutenant que les griefs exprimés dans la lettre de licenciement n'ont pas été évoqués lors de l'entretien préalable. Il n'a donc pas pu s'en expliquer.

Aucune pièce probante ne permet de retenir l'irrégularité de procédure alléguée.

M. [U] sera donc débouté de sa demande à ce titre.

Sur les autres demandes

La société, partie perdante à l'instance, sera condamnée aux dépens ainsi qu'à payer à M. [U] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a débouté M. [L] [U] de sa demande à titre de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute la société Signature F de sa demande de nullité de l'appel formé par M. [L] [U] et déclare recevables les demandes de celui-ci,

Condamne la société Signature F à payer à M. [L] [U] les sommes suivantes :

- 6.100 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rappelle que les créances indemnitaires produisent intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant,

Ordonne le remboursement par la société Signature F à Pôle Emploi des indemnités de chômage éventuellement versées au salarié depuis son licenciement dans la limite d'un mois d'indemnités,

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions,

Condamne la société Signature F aux dépens.

Signé par Madame Sylvie Hylaire, présidente et par Anne-Marie Lacour-Rivière, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Anne-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 19/00867
Date de la décision : 08/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-08;19.00867 ?
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