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08/06/2022 | FRANCE | N°19/00360

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 08 juin 2022, 19/00360


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 08 JUIN 2022







PRUD'HOMMES



N° RG 19/00360 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-K2JZ















Monsieur [A] [W]



c/



SCP [Y] [S] - [I] [K] - [C] [R], ès qualités de mandataires liquidateurs de l'EURL BACCHUS 'Restaurant Les Saveurs'



UNEDIC Délégation AGS - CGEA de BORDEAUX









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Décision déférée à la cour : jugement rendu le 20 décembre 2018 (RG n° F 17/00208) par le conseil de prud'hommes - formation de départage de PÉRIGUEUX, section Commerc...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 08 JUIN 2022

PRUD'HOMMES

N° RG 19/00360 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-K2JZ

Monsieur [A] [W]

c/

SCP [Y] [S] - [I] [K] - [C] [R], ès qualités de mandataires liquidateurs de l'EURL BACCHUS 'Restaurant Les Saveurs'

UNEDIC Délégation AGS - CGEA de BORDEAUX

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 20 décembre 2018 (RG n° F 17/00208) par le conseil de prud'hommes - formation de départage de PÉRIGUEUX, section Commerce, suivant déclaration d'appel du 20 janvier 2019,

APPELANT :

Monsieur [A] [W], né le 05 juillet 1978 à [Localité 5] ([Localité 5]) de nationalité française, profession chef cuisinier, demeurant [Adresse 1],

représenté par Maître Alexandre LEMERCIER de la SELARL LEMERCIER AVOCAT, avocat au barreau de PÉRIGUEUX,

INTIMÉES :

SCP [Y] [S] - [I] [K] & [C] [R], ès qualités de mandataires liquidateurs de l'EURL Bacchus 'Restaurant Les Saveurs' siret

n° 444 762 330, domiciliée [Adresse 2],

représentée par Maître Aurélie GIRAUDIER de la SELARL JURIS AQUITAINE, avocate au barreau de BERGERAC,

UNEDIC Délégation AGS - CGEA de [Localité 3], prise en la personne de sa Directrice Nationale Madame [M] [V] domiciliée en cette qualité audit siège social, [Adresse 6],

représentée par Maître Natacha MAYAUD de la SCP CABINET MALEVILLE, avocate au barreau de PÉRIGUEUX,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 avril 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Sylvie Hylaire, présidente chargée d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Sylvie Hylaire, présidente

Madame Sophie Masson, conseillère

Monsieur Rémi Figerou, conseiller

Greffière lors des débats : Anne-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [A] [W], né en 1978, a été engagé en qualité de chef de cuisine par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 20 juin 2016 par l'EURL Bacchus qui exploitait un restaurant situé à Brantôme en Dordogne et employait trois salariés.

Le contrat prévoyait un salaire net de 2.800 euros pour un horaire de travail hebdomadaire de 46 heures.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des hôtels, cafés et restaurants.

Par jugement rendu le 9 mai 2017, le tribunal de commerce de Périgueux a placé la société en redressement judiciaire converti en liquidation judiciaire par jugement rendu le 13 juin 2017 qui a désigné la SCP Pimouguet - Leuret - [R] en qualité de liquidateur.

Par lettre du 14 juin 2017, M. [W] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 22 juin 2017 puis a été licencié pour motif économique par lettre datée du 26 juin 2017.

Sollicitant un rappel de salaire pour heures supplémentaires, une indemnité pour travail dissimulé et des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

M. [W] a saisi le 14 décembre 2017 le conseil de prud'hommes de Périgueux qui, par jugement rendu en formation de départage le 20 décembre 2018, a :

- fixé comme suit la créance de M. [W] au passif de la liquidation judiciaire de la société :

* 6.511,88 euros correspondant à 250 heures supplémentaires accomplies entre le 20 juin 2016 et le 8 mai 2017,

* 651,19 euros à titre de congés payés sur rappel de salaire pour heures supplémentaires,

- rappelé que le cours des intérêts légaux sur la créance de salaires est arrêté au jour du jugement d'ouverture de la procédure collective de la société,

- débouté M. [W] de sa demande tendant à ce que les intérêts au taux légal sur sa créance soient dus à compter de la saisine du conseil de prud'hommes,

- débouté M. [W] du surplus de ses demandes,

- déclaré le jugement commun et opposable à l'UNEDIC Délégation AGS - CGEA de Bordeaux, dans la limite de sa garantie légale telle que fixée par les articles L. 3253-6 et suivants du code du travail et des plafonds prévus à l'article D. 3253-5 du même code,

- dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SCP [S] - [K] - [R], en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société, aux dépens,

- fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 2.825,96 euros,

- rappelé que la décision bénéfice de l'exécution provisoire de droit dans les conditions et limites prévues par l'article R. 1454-28 du code du travail,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire pour le surplus.

Par déclaration du 20 janvier 2019, M. [W] a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 29 mars 2019, M. [W] demande à la cour de confirmer le jugement rendu en ce qu'il a constaté qu'il a exécuté des heures supplémentaires qui sont restées impayées, de l'infirmer sur les autres points et, statuant à nouveau, de :

- fixer son salaire de référence à 3.824,41 euros bruts,

- fixer au passif de la société la somme de 19.587,68 euros due au titre du rappel des heures supplémentaires restées impayées outre la somme de 1.958,77 euros au titre des congés payés y afférents,

- fixer au passif de la société la somme de 22.946,46 euros due au titre de l'indemnité pour travail dissimulé équivalant à 6 mois de salaire,

- dire que la société a exécuté de manière déloyale le contrat de travail,

- fixer au passif de la société la somme de 22.946,46 euros due à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur,

- fixer au passif de la société la somme de 2.500 euros due au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire que toutes les sommes allouées porteront intérêts au taux légal à compter de la demande en justice,

- condamner la société aux dépens en ce compris les frais éventuels d'exécution.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 20 juin 2019, la SCP [S] - [K] - [R], en sa qualité de liquidateur de la société, demande à la cour de'dire M. [W] irrecevable et mal fondé en ses demandes, d'infirmer le jugement rendu en ce qu'il a fait droit à la demande de rappel d'heures supplémentaires à hauteur de 6.511,88 euros outre les congés payés à hauteur de 651,18 euros et, pour le surplus, de :

- confirmer le jugement rendu en ce qu'il a débouté M. [W] de l'intégralité de ses demandes,

- condamner M. [W] au paiement d'une indemnité de 1.000 euros au titre de l'article

700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 21 juin 2019, l'UNEDIC Délégation AGS - CGEA de Bordeaux demande à la cour de lui donner acte de son intervention dans l'instance, de réformer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes en ce qu'il a fixé des heures supplémentaires au profit de M. [W] sur une base de 250 heures du 20 mai 2016 au 8 mai 2018 pour un montant de 6.511,88 euros bruts et 651,18 euros de congés payés y afférents, et de :

- débouter M. [W] de sa demande d'heures supplémentaires,

- confirmer le jugement pour le surplus,

- dire que la décision à intervenir ne sera opposable à l'AGS - CGEA que dans les limites de sa garantie.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 17 mars 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 12 avril 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure antérieure, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile ainsi qu'au jugement déféré.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de rappel d'heures supplémentaires

Aux termes des dispositions des articles L. 3171-2 alinéa 1er du code du travail et

L. 3171-4, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées,

d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

M. [W] soutient avoir effectué à la demande du gérant de l'entreprise, M. [G], des heures supplémentaires, réalisant en moyenne, plus de 80 heures par semaine et un total de 665 heures sur la durée de la relation contractuelle, soit du 20 juin 2016 au 31 mai 2017, l'employeur ayant ensuite fermé l'établissement pour raisons de santé et dispensé les salariés de travailler.

Au soutien de ses prétentions, M. [W] verse aux débats les pièces suivantes :

- un tableau des horaires réalisés, jour par jour (sa pièce 16),

- un décompte des sommes dues (pièce 17),

- une attestation de Mme [Z], également salariée de l'établissement, engagée comme serveuse le 7 mars 2017 en contrat de travail à durée indéterminée qui faisait suite à une contrat de travail à durée déterminée 'emploi avenir' conclu en mars

2014, qui déclare avoir constaté que M. [W] 'effectuait beaucoup d'heures supplémentaires ... avoir constaté à maintes reprises sa présence au restaurant le matin avant son arrivée ... qu'il restait après les services du matin et du soir pour le nettoyage, les mises en place et la préparation des commandes' et que 'de plus, il n'était pas rare que M. [W], habitant sur la commune de [Localité 4] n'ait pas le temps de rentrer chez lui l'après-midi pour sa coupure au vu des horaires de travail imposés, ceci avec l'aval de MR [E] [G]'. Mme [Z] atteste également qu'aucun planning n'a jamais été donné au personnel, ni affiché (pièce 18) ;

- l'attestation de sa mère, Mme [P] [W], qui déclare avoir travaillé grâcieusement dans le restaurant du 24 au 29 juin 2016 et avoir constaté que son fils et sa compagne, faisaient de nombreuses heures indiquant 'la fatigue étant telle qu'ils ne rentraient même pas chez eux à [Localité 4] à leur coupure s'ils en avaient le temps ils allaient s'allonger un peu, sur un matelas à l'étage de l'établissement' (pièce 19).

Ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges, M. [W] produit ainsi des documents suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre utilement.

Le liquidateur ainsi que l'UNEDIC concluent au rejet de la demande de M. [W], soutenant que celle-ci n'est pas étayée par des éléments suffisamment précis, relevant que :

- le tableau des horaires invoqués unilatéralement établi plusieurs mois après par le salarié n'a été établi que pour les besoins de la cause,

- ce tableau présente des incohérences notamment sur les périodes de juillet et août 2016 où M. [W] revendique 18 heures de travail par jour, ou en novembre 2015, 50 heures par semaine, le restaurant étant situé dans une localité rurale en proie à une telle période à un manque d'activité qui a d'ailleurs conduit à l'ouverture d'une procédure collective en mai 2017,

- Mme [L], compagne de M. [W], salariée de l'établissement en qualité d'aide-cuisinière de juin à décembre 2016, a présenté une demande similaire assortie d'un tableau formalisé de manière identique,

- le tableau ne fait état d'aucun temps de pause alors que les témoignages les évoquent,

- les heures supplémentaires dont parle Mme [Z], sans plus de précision, ont été réglées et ce témoin invoque l'absence de planning alors que c'est ainsi qu'est intitulée la pièce 16 de M. [W],

- il n'est pas justifié que les heures supplémentaires aient été effectuées avec l'accord même implicite du gérant,

- aucune réclamation n'a été faite jusqu'à l'ouverture de la procédure collective, M. [W] réclamant alors opportunément le paiement auprès du mandataire le 16 mai 2017.

C'est de manière pertinente que le jugement déféré a retenu que le liquidateur ne

versait aux débats aucun élément pour justifier la réalité des horaires effectués, relevant d'une part, que les heures supplémentaires figurant sur les bulletins de salaire ne correspondaient qu'à la durée hebdomadaire de travail contractuellement prévue et que le fait qu'une autre salariée présente un décompte formalisé de manière similaire ne constituait pas un élément de preuve pertinent.

Enfin, compte tenu de la taille de l'entreprise qui n'employait que trois salariés (au vu du jugement d'ouverture du redressement judiciaire), il doit être considéré que les heures supplémentaires ont été accomplies avec l'accord du gérant.

C'est aussi par des motifs pertinents que la cour adopte que le conseil de prud'hommes a relevé certaines incohérences dans le tableau produit par M. [W], pour retenir un nombre d'heures supplémentaires non rémunérées à hauteur de 250 heures, la cour ajoutant que le salarié bénéficiait de temps de pause qu'il n'a pas pris en compte.

Les sommes allouées par le jugement ayant été dûment calculées au regard des majorations prévues par la convention collective applicable et son avenant du 29 septembre 2014 relatif à l'aménagement du temps de travail, étendu par arrêté du 29 février 2016 publié au JO du 8 mars 2016, le jugement déféré sera confirmé de ce chef ainsi qu'en ce qu'il a rejeté la demande de M. [W] relative au cours des intérêts, en application des dispositions de l'article L. 622-28 du code de commerce, compte tenu du jugement d'ouverture d'une procédure collective au profit de la société.

Sur la demande au titre du travail dissimulé et de l'exécution déloyale du contrat de travail

C'est par des motifs pertinents en droit comme en fait que la cour adopte que les premiers juges ont débouté M. [W] de ses demandes à ce titre.

Sur les autres demandes

Le jugement déféré sera seulement réformé en ce qu'il a débouté M. [W] de sa demande au titre des frais irrépétibles exposés en première instance, une somme de 2.000 euros lui étant allouée et mise à la charge de la liquidation judiciaire de l'EURL Bacchus.

M. [W], qui succombe en son appel, sera condamné aux dépens mais il n'apparaît pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

Le présent arrêt est opposable à l'UNEDIC dans les limites légales et réglementaires de sa garantie et du plafond applicable, à l'exception des dépens et des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement déféré dans toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté

M. [A] [W] de sa demande au titre des frais irrépétibles exposés en première instance,

Réformant la décision de ce chef,

Fixe la créance de M. [A] [W] au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et au passif de la liquidation judiciaire de l'EURL Bacchus, représentée par son liquidateur, la SCP [S] - Leuret - Devos-Bot, à la somme 2.000 euros,

Dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Déclare la présente décision opposable à l'UNEDIC Délégation AGS - CGEA de Bordeaux dans les limites légales et réglementaires de sa garantie et du plafond applicable, à l'exception des dépens et des frais irrépétibles,

Condamne M. [A] [W] aux dépens exposés en cause d'appel.

Signé par Madame Sylvie Hylaire, présidente et par Anne-Marie Lacour-Rivière, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Anne-Marie Lacour-Rivière Sylvie Hylaire


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 19/00360
Date de la décision : 08/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-08;19.00360 ?
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