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19/05/2022 | FRANCE | N°21/04568

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 2ème chambre civile, 19 mai 2022, 21/04568


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE



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ARRÊT DU : 19 MAI 2022





F N° RG 21/04568 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MINE









Compagnie d'assurance AXA FRANCE IARD





c/



[C] [N]

[A] [M] épouse [N]

























Nature de la décision : AU FOND







SUR RENVOI DE CASSATION




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Grosse délivrée le :



aux avocats

Décisions déférées à la Cour : sur renvoi de cassation d'un arrêt rendu le 12 novembre 2020 (N° Q 19-22.376 ) par la 3 ème chambre de la Cour de Cassation sur un arrêt rendu le 10 janvier 2019 (RG :17/117 ) par la 3 ème chambre de la Cour d'Appel de Tou...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 19 MAI 2022

F N° RG 21/04568 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MINE

Compagnie d'assurance AXA FRANCE IARD

c/

[C] [N]

[A] [M] épouse [N]

Nature de la décision : AU FOND

SUR RENVOI DE CASSATION

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décisions déférées à la Cour : sur renvoi de cassation d'un arrêt rendu le 12 novembre 2020 (N° Q 19-22.376 ) par la 3 ème chambre de la Cour de Cassation sur un arrêt rendu le 10 janvier 2019 (RG :17/117 ) par la 3 ème chambre de la Cour d'Appel de Toulouse en suite d'un jugement du Montauban du 06 déembre 2016 (RG : 16/922 ), suivant déclaration de saisine en date du 03 août 2021

DEMANDERESSE :

Compagnie d'assurance AXA FRANCE IARD prise en la personne de son

représentant légal domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 2]

Représentée par Me Pierre FONROUGE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX et assistée de Me François MOREL avocat au barrreau de Montauban

DEFENDEURS :

[C] [N]

né le 25 Juillet 1965 à [Localité 4], demeurant [Adresse 1]

[A] [M] épouse [N]

née le 08 Octobre 1974 à [Localité 3], demeurant [Adresse 1]

Représentés par Me Maxime GRAVELLIER de la SCP GRAVELLIER - LIEF - DE LAGAUSIE - RODRIGUES, avocat au barreau de BORDEAUX et assistés de Me Jean-Lou LEVI de la SCP Francis BEAUTE - Jean-Lou LEVI - Charlotte LEVI, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 04 avril 2022 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Paule POIREL, Président,

Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller,

Madame Isabelle LOUWERSE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Annie BLAZEVIC

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE

Le 29 juillet 2009, M. [C] [N] et Mme [A] [M], son épouse, ont vendu à M. [T] [K] et Mme [E] [R] une maison qu'ils avaient fait édifier dans un lotissement à [Localité 5] (Tarn et Garonne).

Les travaux de maçonnerie avaient été réalisés par M. [J] [N].

Les acquéreurs de la maison ayant constaté l'apparition de fissures intérieures et en façades et des défauts d'étanchéité ont obtenu en référé l'organisation d'une expertise.

Ils ont ensuite assigné les vendeurs de l'immeuble ainsi que la société Axa courtage, assureur de l'entreprise de maçonnerie, devant le tribunal de grande instance de Montauban.

Par jugement du 6 octobre 2015, le tribunal a condamné in solidum M. et Mme [N], sur le fondement de la garantie décennale, et la société AXA, au titre de l'assurance de responsabilité décennale et de l'assurance facultative des dommages immatériels, à payer aux consorts [R]-[K] la somme de 118 826,29 euros pour la réparation des désordres et la somme de 9 000 euros pour le préjudice de jouissance.

La société AXA a payé aux consorts [R]-[K] les sommes qui leur revenaient et a fait délivrer à M. et Mme [N] un commandement de payer leur part de la dette.

Par acte d'huissier du 18 octobre 2016, M. et Mme [N] ont assigné la société d'assurance, devenue Axa France Iard, devant le tribunal de grande instance de Montauban afin d'être garantis intégralement par elle.

Par jugement du 6 décembre 2016, le tribunal de grande instance de Montauban, a :

- condamné la société Axa France Iard à relever et garantir M. et Mme [N] de l'intégralité des condamnations mises à leur charge par le jugement du 6 octobre 2015,

- condamné la société Axa France Iard à leur payer la somme de 1 500 euros en application de l'article 700, 1° du code de procédure civile,

- condamné la société Axa France Iard aux dépens et accordé le droit de recouvrement direct à Me [I] qui en a fait la demande, conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire.

Saisie par l'appel de la société Axa France Iard, la cour d'appel de Toulouse a, par arrêt du 10 janvier 2019, confirmé le jugement et condamné la société Axa France Iard à verser au conseil de M. et Mme [N] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 199 et l'a condamnée aux entiers dépens.

La société Axa France Iard a formé un pourvoi à l'encontre de cette décision.

Par arrêt rendu le 12 novembre 2020, la Cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 10 janvier 2019 entre les parties par la cour d'appel de Toulouse et a remis l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt en les renvoyant devant la cour d'appel de Bordeaux.

La Cour de cassation a en effet considéré, au visa de l'article 1792 du code civil, que :

' 5. Selon ce texte, tout constructeur d'ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

6. D'une part, si l'action en garantie décennale se transmet en principe avec la propriété de l'immeuble aux acquéreurs, le maître de l'ouvrage ne perd pas la faculté de l'exercer quand elle présente pour lui un intérêt direct et certain. Tel est le cas lorsqu'il a été condamné à réparer les vices de cet immeuble (3 Civ., 20 avril 1982, pourvoi n 81-10.026, Bull. 1982, III, n 95 ; 3 Civ., 9 février 2010, pourvoi n 08-18.970).

7. D'autre part, les dommages qui relèvent d'une garantie légale ne peuvent donner lieu, contre les personnes tenues à cette garantie, à une action en réparation sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun (3 Civ., 13 avril 1988, pourvoi n 86-17.824, Bull. 1988, III, n 67).

8. Enfin, le délai de la garantie décennale étant un délai d'épreuve, toute action, même récursoire, fondée sur cette garantie ne peut être exercée plus de dix ans après la réception (3 Civ., 15 février 1989, pourvoi n 87-14.713, Bull. 1989, III, n 36).

9. Pour rejeter la fin de non-recevoir soulevée par la société Axa, l'arrêt retient que M. et Mme [N] ont été condamnés à indemniser leurs acquéreurs sur le fondement de l'article 1792-1 2 du code civil, en qualité de constructeurs et non de maîtres de l'ouvrage, qualité qu'ils ont perdue par la vente de celui-ci, et qu'ils agissent comme constructeurs contre la société Axa, assureur de l'entreprise qui a réalisé la maçonnerie et avec laquelle ils étaient liés contractuellement, de sorte que leur recours en garantie est fondé sur la responsabilité de droit commun.

10. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si, en dépit de la vente de leur maison, M. et Mme [N] n'avaient pas conservé contre l'assureur de l'entreprise, dès lors qu'ils y avaient un intérêt direct et certain, l'exercice de l'action fondée sur la responsabilité décennale, excluant toute action fondée sur la responsabilité contractuelle de droit commun, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision'.

Par déclaration de saisine en date du 3 août 2021, la société Axa France Iard a saisie la cour d'appel de Bordeaux.

La société Axa France Iard, dans ses dernières conclusions d'appelante en date du 6 janvier 2022, demande à la cour, de :

- débouter M. et Mme [N] de l'intégralité de leurs demandes, fins et moyens ;

- réformer le jugement du tribunal de grande instance de Montauban en date du 6 décembre 2016 en qu'il a :

- condamné la compagnie Axa France à relever et garantir M. et Mme [N] de l'intégralité des condamnations mises à leur charge par le jugement du 6 octobre 2015;

- condamné la compagnie Axa France à leur payer 1 500 € en application de l'article 700, 1° du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'instance ;

Statuant à nouveau,

- déclarer irrecevable les demandes de M. et Mme [N] contre elle ;

En conséquence,

- les en débouter ;

- condamner M. et Mme [N] à lui payer la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700, alinéa 1er du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'instance;

Y ajoutant,

- condamner M. et Mme [N] à lui payer la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700, alinéa 1er du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'instance d'appel qui seront recouvrés par son conseil selon les modalités de l'article 699 du même code

M. et Mme [N], dans leurs dernières conclusions d'intimés en date du 22 novembre 2022, demandent à la cour, au visa des articles 1313, 1317 et 1792-1 du code civil, de :

- confirmer le jugement entrepris par le tribunal de grande instance de Montauban le 06 décembre 2016 dans toutes ses dispositions :

- déclarer recevable leur action,

- condamner la compagnie Axa à les relever et garantir de l'intégralité des condamnations mises à leur charge par le jugement du 06 octobre 2015,

- condamner la compagnie Axa à leur payer la somme de 1 500 € en application de l'article 700,1° du code de procédure civile.

- condamne la compagnie Axa aux dépens.

Et y ajouter :

- condamner la compagnie Axa France Iard au paiement de la 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 mars 2022.

Pour une plus ample connaissance du litige et des prétentions et moyens des parties, il est expressément fait référence aux dernières conclusions et pièces régulièrement communiquées par les parties.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la portée de la cassation.

Conformément aux dispositions de l'article 624 du code de procédure civile, la portée de la cassation est déterminée par le dispositif de l'arrêt qui la prononce.

Elle s'étend également à l'ensemble des dispositions du jugement cassé ayant un lien d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire.

La cassation annule intégralement le chef de dispositif qu'elle atteint quel que soit le moyen qui a déterminé la cassation et la cour de renvoi n'est pas liée par les motifs de l'arrêt cassé pas plus que par ceux des motifs qui n'ont pas été cassés, étant tenue d'examiner tous les moyens soulevés devant elle.

Il résulte par ailleurs des dispositions de l'article 625 du code de procédure civile que sur les points qu'elle atteint, la décision replace les parties dans l'état où elles se trouvaient avant l'arrêt cassé.

La cour de renvoi est ainsi saisie par l'acte d'appel initial, dans les limites du dispositif de l'arrêt de cassation.

En l'espèce, par arrêt rendu le 12 novembre 2020, la Cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 janvier 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse, lequel a confirmé en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de grande instance de Montauban, alors que la déclaration d'appel portait sur tous les chefs du jugement.

Dès lors, la cour d'appel de renvoi est saisie de l'entier litige soumis au tribunal.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription.

Le tribunal a considéré que le recours du vendeur, réputé constructeur au sens de l'article 1792-1 du code civil, contre l'assureur de l'entrepreneur, ne peut être fondé que sur sa responsabilité contractuelle si les constructeurs sont liés par un contrat, observant que le tribunal, dans son précédent jugement du 6 octobre 2015 avait retenu tant la responsabilité décennale que la responsabilité contractuelle de la société Axa France Iard et en a conclu que la prescription de l'action doit être appréciée selon les règles de droit commun, en l'espèce la prescription trentenaire édictée par l'article 2262 ancien du code civil, le chantier ayant été ouvert avant l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 et réceptionné en 2002 et le nouvel article 1792-4-3 du code civil n'étant pas applicable au cas d'espèce, rejetant ainsi la fin de non-recevoir tirée de la prescription.

La société Axa France Iard conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'a été rejetée la fin de non-recevoir tirée de la prescription et soulève en premier lieu la fin de non-recevoir tirée de la forclusion de l'action sur le fondement de l'article 2270 ancien du code civil, faisant valoir qu'ayant été condamnés à réparer les vices de l'immeuble sur le fondement de la garantie décennale par un jugement ayant l'autorité de la chose jugée, M. et Mme [N] ont conservé un intérêt certain et direct à exercer une action récursoire sur le fondement de l'action décennale, et ce, malgré la clause de l'acte de vente subrogeant l'acquéreur dans les droits du vendeur contre les constructeurs et assureurs. Elle précise que le point de départ du délai de dix ans n'est pas la date du dépôt du rapport d'expertise mais celle de la réception de l'ouvrage définitivement fixée par le jugement du 6 octobre 2015 à la date du 3 décembre 2002 en sorte que l'action engagée à son encontre par conclusions notifiées le 11 février 2015 est éteinte.

M. et Mme [N] qui sollicitent la confirmation du jugement, font valoir que la réception des travaux n'a pas été prononcée de façon contradictoire à l'égard de l'entreprise [J] [N] assurée auprès d'AXA France IARD et qu'en conséquence, l'action dont ils disposent est de nature contractuelle, le point de départ de cette action étant le jour où la manifestation du dommage s'est révélée à la victime, soit le 15 mai 2012, date de l'assignation en référé ou au plus tard le jour du dépôt du rapport d'expertise soit le 5 mars 2014. Ils ajoutent que compte tenu de la clause insérée à l'acte de vente qui transmet aux acquéreurs l'action en responsabilité décennale, ils n'ont pu conserver le bénéfice de l'exercice de cette action en sorte qu'ils ne peuvent exercer que l'action sur le fondement de la responsabilité contractuelle.

Le délai de prescription applicable dépend de la nature de l'action dont disposent M. et Mme [N] en sorte qu'il convient en premier lieu de rechercher si celle-ci est de nature décennale tel que le soutient la SA AXA France IARD ou de nature contractuelle ainsi que l'affirment M. et Mme [N].

Aux termes de l'article 1792 du code civil " Tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.'

L'article 1792-1 du code civil dispose que ' Est réputé constructeur de l'ouvrage :

1° Tout architecte, entrepreneur, technicien ou autre personne liée au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage ;

2° Toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire;

3° Toute personne qui, bien qu'agissant en qualité de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, accomplit une mission assimilable à celle d'un locateur d'ouvrage.'

Il est de jurisprudence établie qu'en cas de vente de l'ouvrage, l'acquéreur bénéficie de la garantie décennale qui est attachée à la propriété l'immeuble tandis que corrélativement, le vendeur est privé du droit d'agir sur le même fondement, sauf s'il est établi qu'il a conservé un intérêt direct et certain à agir sur le fondement de la garantie décennale, faculté qu'il a pu se préserver en insérant dans l'acte de vente une clause spécifique.

La Cour de cassation a ainsi dit dans son arrêt que 'si l'action en garantie décennale se transmet en principe avec la propriété de l'immeuble aux acquéreurs, le maître de l'ouvrage ne perd pas la faculté de l'exercer quand elle présente pour lui un intérêt direct et certain. Tel est le cas lorsqu'il a été condamné à réparer les vices de cet immeuble'.

En l'espèce, M. et Mme [N] ont été condamnés par jugement du tribunal de grande instance de Montauban du 6 octobre 2015, aujourd'hui définitif, statuant sur les demandes des acquéreurs de l'immeuble M. [K] et Mme [R], in solidum avec la SA AXA France IARD, assureur de M. [F] [N], maçon, sur le fondement des articles 1792 et 1792-1 du code civil, au paiement de la somme de 118.826,29 euros HT au titre des travaux réparatoires outre 9000 euros au titre du préjudice de jouissance et 6000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il doit être relevé en premier lieu que le jugement du tribunal de grande instance de Montauban a d'une part fixé de façon définitive la date de réception des travaux au 3 décembre 2002, d'autre part condamné M. et Mme [N] sur le fondement de la garantie décennale et non sur le fondement de la responsabilité contractuelle ainsi qu'il est indiqué à tort dans le jugement entrepris, le dispositif du jugement mentionnant expréssément 'dit en application des articles 1792 et 1792-1 du code civil que les époux [N] doivent leur garantie décennale aux consorts [R]', en sorte que M. et Mme [N] ne peuvent remettre en cause ni l'existence de la réception ni le fondement décennal de leur condamnation.

L'acte de vente passé le 29 juillet 2009 avec M. [K] et Mme [R] indique par ailleurs à la clause 'Assurance de responsabilité' que l'ancien propriétaire a déclaré que les travaux de maçonnerie ont été réalisés par l'entreprise [N] [J] assurée auprès de la compagnie Axa Courtage pour la période du 25 janvier 2002 au 31 décembre 2002 et selon laquelle 'LE VENDEUR cède à L'ACQUEREUR le bénéfice de toutes actions en responsabilité contre ces personnes ou entreprises ou contre leurs assurances relatives à la construction objet des présentes. L'ACQUEREUR reconnaît avoir été spécialement informé par le notaire soussigné des dispositions du code des assurances dont il résulte notamment :

- en vertu de l'article L.241-1 alinéa 1, Toute personne physique ou morale, dont la responsabilité décennale peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du code civil, doit être couverte par une assurance.

- en vertu de l'article L.241-2, Celui qui fait réaliser pour le compte d'autrui des travaux de construction doit être couvert par une assurance de responsabilité garantissant les dommages visés aux articles 1792 et 1792-2 du code civil et résultant de son fait.

Il en est de même lorsque les travaux de construction sont réalisés en vue de la vente.

- en vertu de l'article L.242-1 alinéa 1, toute personne physique ou morale qui, agissant en qualité de propriétaire de l'ouvrage, de vendeur ou de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, fait réaliser des travaux de construction, doit souscrire avant l'ouverture du chantier, pour son compte ou pour celui des propriétaires successifs, une assurance garantissant, en dehors de toute recherche des responsabilités, le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens de l'article 1792-1, les fabricants et importateurs ou le contrôleur technique sur le fondement de l'article 1792 du code civil'.

Il ressort de cette clause que les vendeurs ont entendu céder aux acquéreurs le bénéfice de toutes actions en responsabilité contre les entreprises ou leurs assurances ce qui englobe tant l'action en responsabilité décennale que l'action indemnitaire sur le fondement contractuel, et pas seulement l'action en responsabilité décennale ainsi que le concluent M. et Mme [N] en sorte qu'ils ne disposent pas de l'action sur le fondement contractuel. Cependant, M. et Mme [N], qui ont été définitivement condamnés en tant que vendeurs au paiement des travaux réparatoires et à indemniser le préjudice de jouissance, ont conservé un intérêt direct et certain à exercer l'action récursoire à l'encontre de la SA AXA France IARD laquelle n'a pu être transmise aux acquéreurs.

Ayant conservé leur action en raison de l'intérêt direct et certain qui est le leur à obtenir qu'il soit statué sur la répartition de la dette à l'encontre des acquéreurs selon la part de responsabilité imputable à chacun, M. et Mme [N] agissent en qualité de maîtres d'ouvrage puisque leur action est celle qu'ils ont conservée malgré la vente de l'immeuble.

En conséquence, le jugement du tribunal de grande instance de Montauban du 6 octobre 2015 ayant retenu la responsabilité de M. et Mme [N] envers les acquéreurs sur le fondement de la garantie décennale, M. et Mme [N] ne peuvent agir que sur ce même fondement, étant rappelé que la responsabilité contractuelle est exclue lorsque les dommages relèvent d'une garantie légale.

S'agissant du délai applicable, l'action sur le fondement de la garantie décennale est forclose, en application de l'article 2270 alors applicable selon lequel 'Toute personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée en vertu des articles 1792 à 1792-4 du présent code est déchargée des responsabilités et garanties pesant sur elle, en application des articles 1792 à 1792-2, après dix ans à compter de la réception des travaux ou, en application de l'article 1792-3, à l'expiration du délai visé à cet article.' Ce texte a été remplacé par l'article 1792-4-1 du code civil qui a maintenu à dix années le délai de forclusion applicable à compter de la réception des travaux.

En conséquence, la date de réception ayant été fixée de façon définitive par le jugement du tribunal de grande instance de Montauban au 3 décembre 2002, le délai de forclusion était écoulé lors de l'action entreprise par M. et Mme [N] à l'encontre de la SA AXA France IARD par conclusions notifiées le 11 février 2015, M. et Mme [N] n'invoquant aucune cause d'interruption de ce délai.

L'action de M. et Mme [N] est donc forclose en sorte qu'elle doit être déclarée irrecevable.

Le jugement doit donc être infirmé en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la SA AXA France IARD et condamné en conséquence la SA AXA France IARD à garantir et relever M. et Mme [N] des condamnations mises à leur charge par le jugement du 6 octobre 2015.

Sur les mesures accessoires.

Partie perdante, M. et Mme [N] seront condamnés aux dépens d'appel.

Toutefois, l'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Déclare forclose l'action de M. et Mme [N] à l'encontre de la SA AXA France IARD,

Dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. et Mme [N] aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La présente décision a été signée par madame Paule POIREL, présidente, et madame Annie BLAZEVIC, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/04568
Date de la décision : 19/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-19;21.04568 ?
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