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19/05/2022 | FRANCE | N°19/00854

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 2ème chambre civile, 19 mai 2022, 19/00854


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE



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ARRÊT DU : 19 MAI 2022





F N° RG 19/00854 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-K32Q







Madame [F] [E]





c/



Monsieur [Y] [T]



























Nature de la décision : AU FOND

























Grosse délivrÃ

©e le :



aux avocats





Décision déférée à la cour : jugement rendu le 31 décembre 2018 (R.G. 1117000220) par le Tribunal d'Instance de BERGERAC suivant déclaration d'appel du 14 février 2019



APPELANTE :



[F] [E]

de nationalité Anglaise, demeurant [Adresse 2]



Représentée par Me Gaëlle GODEC, avocat au barreau de CHARENTE
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COUR D'APPEL DE BORDEAUX

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 19 MAI 2022

F N° RG 19/00854 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-K32Q

Madame [F] [E]

c/

Monsieur [Y] [T]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 31 décembre 2018 (R.G. 1117000220) par le Tribunal d'Instance de BERGERAC suivant déclaration d'appel du 14 février 2019

APPELANTE :

[F] [E]

de nationalité Anglaise, demeurant [Adresse 2]

Représentée par Me Gaëlle GODEC, avocat au barreau de CHARENTE

INTIMÉ :

[Y] [T]

de nationalité Anglaise, demeurant [Adresse 1]

Représenté par Me Fabrice SCOTTO, avocat au barreau de BERGERAC

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 avril 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Paule POIREL, Président,

Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller,

Madame Isabelle LOUWERSE, Conseiller,

Greffier lors des débats : Mme Annie BLAZEVIC

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

EXPOSÉ DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE :

Par déclaration enregistrée au greffe le 17 juillet 2017, Mme [F] [E], demeurant à [Adresse 2], a saisi le juge d'instance d'un litige l'opposant à M. [Y] [T] relatif à des travaux d'assainissement et de changement d'alimentation en eau potable de sa propriété.

Un premier devis a été signé entre les parties le 16 juin 2013 pour un montant de 13 196,50 euros TTC.

Par courrier électronique du 19 juin 2013, M. [T] a informé Mme [E] qu'il avait revu son devis et était à même d'effectuer les travaux pour un montant de 10 527,06 euros.

Deux acomptes ont été payés à M. [T], le premier de 3 000 euros le 15 juillet 2013 et le second de 2 000 euros le 5 août 2013.

Les travaux ont commencé à la fin du mois de juillet 2013.

Durant l'exécution des travaux, M. [T] a détérioré plusieurs éléments de la propriété de Mme [E].

Le 19 septembre 2013, le Syndicat intercommunal chargé de la compétence de l'assainissement (SIAEP) a refusé de délivrer un certificat de conformité au système d'assainissement réalisé.

Compte-tenu de cette situation et après avoir appris l'absence de qualification de M. [T] dans le domaine de l'assainissement, Mme [E] a refusé de régler à l'entrepreneur le solde des travaux.

Le 23 novembre 2013, une réunion a été organisée au contradictoire de M. [T] à l'initiative de l'assurance de Mme [E] et de l'expert désigné par ladite assurance. Le coût des travaux nécessaires à la remise en état de la propriété a été estimé à la somme de 3 575 euros.

A la suite de la saisine par Mme [E] du conciliateur de justice du canton de Lalinde, un accord a été signé par les deux parties le 5 décembre 2013, puis homologué par le juge du tribunal d'instance de Bergerac le 14 janvier 2014.

Dans ce document, il était prévu que M. [T] récupère tout le matériel demeuré sur le chantier, notamment la fosse sceptique, laisse en l'état l'arrivée d'eau qu'il avait installée, et restitue à Mme [E] la somme de 5 000 euros versée en acompte.

Le 16 février 2014, M. [T] a repris possession de divers équipements mais laissé sur place deux bacs à graisse ainsi que la fosse sceptique.

Par acte du 28 mars 2014, Mme [E] a fait signifier à M. [T] l'ordonnance du tribunal d'instance et fait délivrer à son encontre commandement de payer.

Suivant un courrier du 16 avril 2014, déposé au domicile de M. [T], Mme [E] a avisé celui-ci qu'en l'absence du respect de ses engagements et après avoir pris avis auprès de la gendarmerie et du SIAEP; elle avait décidé d'utiliser la fosse sceptique demeurée sur place pour finaliser son installation d'assainissement.

Elle a donc confié le soin à la S.A.R.L. Ortega de réaliser les travaux initialement confiés à M. [T]. Ceux-ci ont représenté la somme de 9 922 euros.

Par courrier du 21 juillet 2014, l'ANAH a informé que le montant initial de la subvention de 4 670 euros avait été réduit à la somme de 3 277 euros.

Mme [E], constatant que toutes démarches amiables étaient demeurées vaines, a saisi le tribunal d'instance suivant requête enregistrée au greffe le 17 juillet 2017 afin d'obtenir l'indemnisation de divers préjudices.

Le jugement contradictoire rendu le 31 décembre 2018 par le tribunal d'instance de Bergerac a :

- constaté la résolution de l'accord de conciliation du 5 décembre 2013 ;

- condamné M. [T] à payer à Mme [E] les sommes de :

- 3 575 euros en principal, pour la réparation des dégradations occasionnées à la propriété de celle-ci ;

- 1 393 euros pour compenser la perte de subvention ;

- 1 000 euros au titre du préjudice moral ;

- 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Mme [E] à payer à M. [T] la somme de 5 354 euros au titre du rachat de la fosse sceptique ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;

- ordonné la compensation des sommes dues en application de l'article 1347 du code civil, conformément au dispositif ;

- condamné M. [T] aux dépens.

Mme [E] a relevé appel de cette décision le 14 février 2019 limité aux chefs du jugement :

- l'ayant condamnée à payer à M. [T] la somme de 5 354 € au titre du rachat de la fosse septique ;

- ayant condamné M. [T] à lui payer la somme de 1 000 € au titre du préjudice moral ;

- ayant ordonné la compensation des sommes dues en application de l'article 1347 du Code civil.

Dans ses dernières conclusions en date du 16 mars 2022, Mme [E] demande à la cour de : 

- la dire et juger recevable et bien fondée en son appel ;

- réformer partiellement le jugement attaqué conformément à sa déclaration d'appel ;

- débouter M. [T] de toutes ses demandes, fins et conclusions, lesquelles seront déclarées irrecevables et mal fondées ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

condamné M. [T] à lui payer les sommes de :

- 3 575 euros en principal, pour la réparation des dégradations occasionnées à sa propriété ;

- 1 393 euros pour compenser la perte de subvention ;

- 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [T] aux dépens de la présente instance.

- condamner M. [T] à lui rembourser l'acompte de 5 000 euros qu'elle lui a versé ;

- dire qu'elle ne doit que 4 532,84 euros et non 5 354 euros à M. [T] au titre du rachat de la fosse sceptique ;

- ordonner la compensation des sommes dues ;

- condamner M. [T] à lui payer la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral;

- condamner M. [T] à lui payer la somme de 5 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [T] aux entiers dépens de l'instance.

Elle fait notamment valoir que :

- il s'est opéré une compensation entre la somme de 5 000 euros due par M. [T] en vertu de l'accord homologué par le tribunal d'instance et la valeur de la fosse septique qu'elle a utilisée ;

- la valeur de la fosse sceptique ne représente que la somme de 4 532,84 euros et non 5 354 euros comme l'atteste la facture et le bon de livraison ;

- compte tenu des fautes commises par M. [T], des détériorations commises par celui-ci sur sa propriété, de l'état dans lequel elle a été privée d'un système d'assainissement, elle a subi un préjudice moral considérable ;

- ayant été installée, la fosse ne peut plus lui être restituée ; M. [T] ne produit aucune pièce permettant de justifier de la valeur de son matériel, qu'il a en outre pu récupérer.

Suivant ses dernières conclusions du 7 août 2019, M. [T] demande à la cour : 

- de constater que Mme [E] ne conteste pas :

- ne pas avoir exécuté les obligations de restitution à sa charge ;

- qu'il a exécuté des travaux conformément au devis du 13 juin 2013 ;

- de constater que le coût total des travaux et matériaux apportés s'élève à 8 000 euros dans des conditions de chantier particulièrement difficiles ;

- de constater que Mme [E] a mis fin de manière brutale et sans préavis à sa mission lui interdisant de terminer le chantier selon les termes du devis du 13 juin 2013 ;

- de juger qu'elle est principalement responsable du dommage qu'elle allègue ;

En conséquence :

- de rejeter les demandes de Mme [E] concernant le préjudice moral ;

- d'infirmer le jugement critiqué en ce qu'il a accordé la somme de 1 000 euros à ce titre ;

- de juger qu'il n'y a pas lieu à indemniser de préjudice moral, Mme [E] étant la principale responsable de l'impossibilité de finir les travaux ;

- d'infirmer le jugement critiqué en ce qu'il a condamné Mme [E] à lui payer la somme de 5 354 euros au titre de la valeur du matériel qu'elle a conservé ;

- condamner Mme [E] à lui payer la somme de 8 083,26 euros correspondant au montant du matériel resté sur place ;

Pour le surplus :

- confirmer le jugement déféré ;

- condamner l'appelante à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'au paiement des entiers dépens de la présente instance.

Il fait notamment valoir que :

- il n'a pas été en mesure de terminer les 10% des travaux restants qui nécessitaient deux jours supplémentaires de travail ; Mme [E] lui a soudainement interdit l'accès à sa propriété ; cette dernière a dès lors fait preuve selon lui d'une faute contractuelle au sens de l'article 1231-1 du code civil ; Mme [E] ne pouvait mettre fin au contrat de manière unilatérale ;

- elle a résolu de manière injustifiée la relation contractuelle pour des dégâts mineurs; elle est donc pleinement responsable de son préjudice moral ;

- Mme [E] a réutilisé la fosse ; il lui appartenait de lui permettre de récupérer la fosse si elle n'était pas d'accord avec le prix d'autant qu'elle a signé le devis du 13 juin 2013 qui fixait le prix de la fosse à 6 300 euros ;

- en l'absence de toute restitution des matériels listés dans le constat d'accord, il était en droit de rejeter les demandes de Mme [E] ;

- le matériel laissé sur le chantier est d'un montant de plus de 8 000 euros ;

- les travaux effectués par lui sont évalués à la somme de 6 200 euros ; la restitution de l'acompte n'est donc pas justifiée.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 mars 2022.

MOTIVATION

Il convient, à titre liminaire, de rappeler que les demandes tendant à voir constater un fait ne sont pas des prétentions au sens de l'article 30 du code de procédure civile et sont dépourvues d'effet juridique. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur celles-ci.

Le jugement entrepris ayant considéré que l'accord de conciliation du 5 décembre 2013 était résolu en l'absence de son exécution par les deux parties n'est pas remis en cause par celles-ci dans le dispositif de leurs dernières conclusions.

Sur le montant du matériel demeuré sur les lieux du chantier

Mme [E] reconnaît être uniquement redevable envers M. [T] d'une somme au titre du rachat de la fosse septique. Elle sollicite cependant que la condamnation qui doit être prononcée à son encontre soit limitée à un montant de 4 532,84 euros.

En réponse, l'intimé réclame au contraire le versement d'une somme supérieure et demande la fixation de la valeur de l'intégralité des matériaux restés sur les lieux à la somme de 8 083,26 euros.

M. [T] ne fournit pas la facture d'acquisition de la fosse septique dont le coût, au regard des documents fournis par l'appelante, en l'occurrence la facture du 8 mars 2013, représente la somme de 4 532,84 euros.

Quant au matériel demeuré sur les lieux du chantier, listé dans le protocole d'accord dont la résolution a été définitivement prononcée, le seul listing informatique établi unilatéralement par M. [T] ne constitue pas un élément suffisant pour en apprécier la réelle valeur en l'absence de tout document objectif tels que factures ou bons de commande. Cette prétention, insuffisamment motivée, sera dès lors rejetée.

Sur la restitution de l'acompte

En application de l'article 1184 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance numéro 2016-131 du 10 février 2016 applicable au présent litige, si la condition résolutoire est toujours sous entendue dans les contrats synallagmatiques pour le cas où l'une des parties s'avère défaillante dans le respect de ses engagements, la gravité du comportement de l'un des contractants peut justifier une résiliation unilatérale, aux risques et périls de celui qui en prend l`initiative.

Les travaux débutés par M. [T] ont rapidement été interrompus par le SIAEP de Lalinde en raison de leur non-conformité comme le confirme le courrier de l'organisme du 19 septembre 2013. Il n'ont jamais repris de sorte que le système d'assainissement n'a pas été installé par l'entrepreneur mais le sera ultérieurement par un autre professionnel.

Le protocole du 5 décembre 2013 avait initialement prévu la restitution à Mme [E] du montant de l'acompte représentant la somme de 5 000 euros.

M. [T] admet ne pas avoir honoré son engagement avant le prononcé par le tribunal de la résolution du protocole d'accord.

Au regard de la défaillance de M. [T] dans l'exécution du contrat initial, des détériorations occasionnées à certains biens de Mme [E] évalués définitivement par le tribunal à la somme de 3 575 euros, de son absence de qualification et de la non-conformité des travaux entrepris, l'appelante est bien fondée à solliciter la résolution du contrat conclu en raison des manquements graves commis par l'entrepreneur.

Ce dernier doit donc être condamné au remboursement de la somme perçue à titre d'acompte.

Sur le préjudice moral

La perturbation dans les conditions de vie de Mme [E] au regard des conditions d'exécution du chantier et des nombreuses démarches, tant amiables que judiciaires, entreprises par celle-ci constituent des éléments qui motivent la condamnation de M. [T] au paiement de l'indemnité retenue par le tribunal au titre de son préjudice moral.

Sur la compensation

Celle-ci ayant été ordonnée par le premier juge et n'étant pas remise en cause, le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Si la somme mise à la charge de M. [T] en première instance doit être confirmée, il n'y a pas lieu en cause d'appel de mettre à la charge de l'une ou l'autre des parties le versement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

- Infirme, dans les limites de l'appel, le jugement en date du 31 décembre 2018 rendu par le tribunal d'instance de Bergerac en ce qu'il a :

- condamné Mme [F] [E] à payer à M. [Y] [T] la somme de 5 354 euros au titre du rachat de la fosse sceptique ;

- débouté Mme [F] [E] de sa demande de restitution du montant de l'acompte versé à M. [Y] [T] ;

et, statuant à nouveau dans cette limite :

- Condamne Mme [F] [E] à payer à M. [Y] [T] la somme de 4 532,84 euros au titre du rachat de la fosse sceptique ;

- Condamne M. [Y] [T] à restituer à Mme [F] [E] la somme de 5 000 euros versée à titre d'acompte ;

- Rejette la demande en paiement présentée par M. [Y] [T] au titre de l'indemnisation du montant des matériaux demeurés sur la propriété de Mme [F] [E] ;

- Confirme le jugement déféré pour le surplus ;

Y ajoutant ;

- Rejette les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne M. [Y] [T] au paiement des dépens d'appel.

La présente décision a été signée par madame Paule POIREL, présidente, et madame Annie BLAZEVIC, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 19/00854
Date de la décision : 19/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-19;19.00854 ?
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