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19/05/2022 | FRANCE | N°19/00212

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 2ème chambre civile, 19 mai 2022, 19/00212


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

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ARRÊT DU : 19 MAI 2022







F N° RG 19/00212 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-KZ6H









Monsieur [T] [V]

Madame [C] [G] épouse [V]





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SA SOCIETE GENERALE

SA CREDIT LOGEMENT



























Nature de la décision : AU FOND










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Grosse délivrée le :



aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 13 décembre 2018 (R.G. 15/00979) par le Tribunal de Grande Instance de LIBOURNE suivant déclaration d'appel du 14 janvier 2019



APPELANTS :



[T] [V]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 4]



[C] [G] é...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 19 MAI 2022

F N° RG 19/00212 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-KZ6H

Monsieur [T] [V]

Madame [C] [G] épouse [V]

c/

SA SOCIETE GENERALE

SA CREDIT LOGEMENT

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 13 décembre 2018 (R.G. 15/00979) par le Tribunal de Grande Instance de LIBOURNE suivant déclaration d'appel du 14 janvier 2019

APPELANTS :

[T] [V]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 4]

[C] [G] épouse [V]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 4]

Représentés par Me Florence BOYE-PONSAN de l'AARPI MONTESQUIEU AVOCATS, avocat au barreau de LIBOURNE

INTIMÉES :

SA SOCIETE GENERALE

[Adresse 1]

Représentée par Me Françoise PILLET de la SELARL COULAUD-PILLET, avocat au barreau de BORDEAUX

SA CREDIT LOGEMENT pris en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

Représentée par Me Carolina CUTURI-ORTEGA de la SCP JOLY - CUTURI ' WOJAS AVOCATS DYNAMIS EUROPE (ADE), avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 04 avril 2022 en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Paule POIREL, Président,

Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller,

Madame Isabelle LOUWERSE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Annie BLAZEVIC

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

M. [T] [V] et Mme [C] [G] épouse [V] ont acquis une propriété en Gironde le 21 décembre 2012 pour le prix de 615 000 euros.

Afin de financer cette acquisition, la société anonyme Société Générale (la Société Générale) a consenti le 20 novembre 2012, deux prêts distincts à M. et Mme [V]:

- un prêt relais d'un montant en principal de 570 000 euros remboursable au taux d'intérêts contractuels de 3,15 % l'an en une année représentant une mensualité, le remboursement du capital restant dû étant exigible à la douzième échéance, exigible le 7 janvier 2014 de 589 150,00 euros,

- un prêt immobilier d'un montant en principal de 121 000 euros remboursable au taux d'intérêt contractuel de 3,80 % l'an en 240 mensualités de 773,98 Euros courant du 7 janvier 2013 au 7 février 2033.

Le prêt relais établi dans l'attente de la vente d'une maison d'habitation leur appartenant, située dans le département du Var à [Localité 3] a fait l'objet d'une caution de la société anonyme Crédit Logement.

Dans le même temps, la Société Générale a octroyé à M. et Mme [V] un prêt de restructuration d'un montant en principal de 66 289,03 euros remboursable au taux d'intérêts contractuels de 5,45 % l'an en 86 mensualités de 980,27 euros courant du 7 février 2013 au 7 avril 2020.

Le 14 décembre 2013, M. et Mme [V] ont écrit à la Société Générale pour leur indiquer que le compromis de vente qu'ils avaient signé pour la vente de leur immeuble de [Localité 3] n'avait pu se concrétiser à la suite d'un refus de demande de prêt.

M. et Mme [V] ont donc sollicité le renouvellement de leur prêt relais pour une durée d'un an.

Le bien immobilier a été vendu le 5 décembre 2014 au prix de 560 000 euros.

Ces fonds ont permis de solder le prêt de restructuration d'un montant en principal de 66 289,03 euros, le reliquat, soit la somme de 466 734, 67 euros étant affecté au remboursement du prêt relais.

Après déduction du crédit, la créance de la Société Générale s'établissait à la somme de 139 824,04 euros.

Par courrier en date du 23 février 2015, la société Crédit Logement a mis en demeure M. et Mme [V] de régler ladite somme, ce qu'ils n'ont pu faire.

C'est dans ces conditions que la société Crédit Logement a été amenée à prendre en charge le principal restant dû s'élevant à 139 824,04 euros, outre des pénalités de retard d'un montant de 325,81 euros, soit une somme totale de 140 149,85 euros.

Par acte d'huissier en date du 21 août 2015, la société Crédit Logement a dénoncé à M. et Mme [V] une inscription d'hypothèque sur leurs biens situés commune de [Localité 5] et les a assignés devant le tribunal de grande instance de Libourne, en sollicitant, au visa des dispositions de l'article 1134 alinéa 3 du code civil et sous le bénéfice de l'exécution provisoire, leur condamnation solidaire à lui payer la somme de 104 428,38 euros avec intérêts au taux légal à compter du 14 mai 2015 outre la somme de 1500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que leur condamnation solidaire aux dépens en ce compris les frais d'hypothèque provisoire et d'hypothèque définitive.

Par acte d'huissier en date du 22 novembre 2016, M. et Mme [V] ont assigné la Société Générale aux fins d'intervention forcée et de jonction avec la procédure engagée par la société Crédit Logement, sollicitant qu'il soit constaté que leur taux d'endettement consécutivement aux trois crédits consentis par la Société Générale le 20 novembre 2012 était manifestement excessif et de dire et juger la Société Générale fautive d'avoir retenu une estimation erronée de leur immeuble, omis de prendre en considération la part du prix de vente qui serait absorbée en plus-value et affecté le produit de la vente à un prêt autre que le prêt-relais.

Par jugement rendu le 13 décembre 2018, le tribunal de grande instance de Libourne, a:

- ordonné le rabat de l'ordonnance et fixé la clôture au jour des plaidoiries,

- condamné solidairement M. et Mme [V] à payer à la société Crédit Logement la somme de 146 111,88 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 février 2018 jusqu'à parfait paiement,

- débouté M. et Mme [V] de l'ensemble de leurs demandes à l'encontre de la société Crédit Logement et de la Société Générale,

- condamné solidairement M. et Mme [V] à payer à la société Crédit Logement la somme de 1 000 euros et à la Société Générale la somme de 1 000 sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire,

- condamné solidairement M. et Mme [V] aux dépens en ce compris les frais d'hypothèque provisoire et d'hypothèque définitive.

Par déclaration en date du 14 janvier 2019, M. et Mme [V] ont relevé appel de l'ensemble du jugement, sauf en ce qu'il a ordonné le rabat de l'ordonnance de clôture et dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire.

M. et Mme [V], dans leurs dernières conclusions d'appelants en date du 4 avril 2019, demandent à la cour, au visa des articles 2305 et 1147 du code civil, de :

- infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Libourne le 13 décembre 2018 en toutes ses dispositions ;

- dire la société Crédit Logement et la Société Générale co-responsables de leur état d'endettement ;

- les condamner à leur payer des dommages et intérêts d'un montant équivalent au total des sommes dont la société Crédit Logement poursuit le recouvrement est à leur encontre ;

- prononcer la compensation des sommes réciproquement dues ;

- condamner solidairement la société Crédit Logement et la Société Générale à leur payer 3 000 euros d'indemnité de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner solidairement la société Crédit Logement et la Société Générale aux entiers dépens.

La Société Générale, dans ses dernières conclusions d'intimée en date du 3 juillet 2019, demande à la cour, au visa des articles 1147 devenu article 1231-1 et 1255 du code civil de :

- la recevoir en ses demandes et l'en déclarer bien fondée,

- rejeter les demandes, fins et prétentions formées par M. et Mme [V],

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Libourne le 13 décembre 2018,

- condamner solidairement M. et Mme [V] au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions d'intimée en date du 4 juillet 2019, la société Crédit Logement demande à la cour, au visa des articles 2305 et 2306 du code civil, de:

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Libourne le 27 septembre 2018, en ce qu'il a :

- condamner solidairement M. et Mme [V] à lui payer la somme de 146 111,88 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 février 2018 jusqu'à parfait paiement,

- débouter M. et Mme [V] de l'ensemble de leurs demandes à l'encontre,

- condamner solidairement M. et Mme [V] à payer au Crédit Logement la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement M. et Mme [V] aux dépens, en ce compris les frais d'hypothèque provisoire hypothèques définitives,

Y ajoutant,

- condamner solidairement M. et Mme [V] à payer à la société Crédit Logement la somme de 2000 euros titre de l'article 700 en cause d'appel,

- les condamner solidairement aux entiers dépens d'appel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 mars 2022.

Pour une plus ample connaissance du litige et des prétentions et moyens des parties, il est fait expressément référence aux dernières conclusions et pièces régulièrement communiquées par les parties.

MOTIFS DE LA DECISION

En défense à la demande principale de la société Crédit Logement portant sur leur condamnation à lui payer la somme de 146 111,88 euros outre les intérêts à la suite du paiement qu'elle a effectué en sa qualité de caution entre les mains de la Société Générale, organisme prêteur, M. et Mme [V], qui ne contestent pas le montant de la somme réclamée par la société Crédit Logement, invoquent tant la responsabilité de la Société Générale que celle du Crédit Logement dont les défaillances les ont conduits à un endettement excessif, leur reprochant pour l'essentiel de ne pas avoir rempli leur devoir de mise en garde.

Sur la responsabilité de la Société Générale.

Le tribunal a débouté M. et Mme [V] de leur demande à l'encontre de la Société Générale sur le fondement de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, en retenant que n'était pas démontré le risque d'endettement excessif que leur faisait courir leur engagement au titre des prêts souscrits, la Société Générale n'étant pas tenue à un devoir de mise en garde.

Relevant que l'estimation de la valeur de la maison située dans le Var appartenant à M. et Mme [V], devant être vendue afin de financer leur projet immobilier en Gironde, n'émanait pas de la Société Générale mais de plusieurs agences immobilières, qu'au moment de la demande de financement en octobre 2017, le couple bénéficiait de revenus mensuels s'élevant à la somme de 5785 euros, que la perte d'emploi de M. [V] n'était pas démontrée et que cette information n'apparaissait pas avoir été portée à la connaissance du prêteur, que les créances pré-existaient à l'octroi du financement immobilier et qu'en outre, le grief tiré de la non-prise en compte des sommes à devoir à titre de plus-value n'était pas non plus démontré, le tribunal a considéré que le risque d'endettement excessif de M. et Mme [V] n'était pas démontré et qu'aucune faute liée au devoir de mise en garde de la banque n'était caractérisée.

M. et Mme [V] critiquent le jugement en faisant essentiellement valoir, reprenant à cet égard les moyens développés devant le tribunal, que la Société Générale est responsable de leur situation d'endettement pour :

- ne pas les avoir mis en garde sur le taux d'endettement auquel les portaient les engagements qu'elle leur faisait souscrire,

- avoir surévalué la valeur du bien qu'ils portaient à la vente dans le cadre du prêt relai,

- n'avoir pris en considération la taxation sur la plus-value à laquelle ils allaient être tenus,

- avoir affecté le solde disponible du prix de vente au remboursement du prêt de restructuration plutôt qu'à celui du prêt-relai.

La Société Générale conclut à la confirmation du jugement.

Il est de jurisprudence établie que le banquier est tenu, sur le fondement de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, dans le cadre de la souscription d'un contrat de crédit, d'un devoir de mise en garde à l'égard des emprunteurs non avertis, lequel consiste dans le devoir pour l'établissement de crédit d'alerter l'emprunteur au regard de ses capacités financières sur le risque d'endettement excessif.

L'emprunteur qui se prévaut d'un crédit excessif pour pouvoir bénéficier du devoir de mise en garde doit produire des documents de nature à établir la réalité de sa situation économique à la date de la souscription du crédit, à laquelle doit être appréciée sa situation. Le crédit excessif est celui qui doit conduire à l'endettement dans la mesure où il dépasse les facultés financières de l'emprunteur, le crédit n'étant pas disproportionné dès lors que l'emprunteur est propriétaire d'un immeuble dont la valeur est en adéquation avec la somme empruntée.

Le banquier n'est tenu d'un devoir de mise en garde que si le crédit souscrit conduit à un endettement excessif.

Il convient, afin de déterminer si la Société Générale était tenue d'un devoir de mise en garde, de rechercher si les prêts souscrits par M. et Mme [V] devaient les conduire à un endettement excessif, en tenant compte de l'ensemble de l'opération financière et immobilière projetée, étant observé que leur qualité d'emprunteurs non avertis n'est pas contestée.

En l'espèce, la Société Générale a consenti fin 2012 à M. et Mme [V] trois prêts:

- un prêt relais d'un montant en principal de 570 000 euros remboursable au taux d'intérêts contractuels de 3,15 % par an en une année représentant une mensualité, le remboursement du capital restant dû étant exigible à la douzième échéance, exigible le 7 janvier 2014 pour le montant de 589 150,00 euros, des échéances de remboursement étant prévues à compter de janvier 2013 d'un montant de 251,69 euros par mois mais leur remboursement étant différé de 11 mois ainsi qu'il résulte de l'offre de prêt,

- un prêt immobilier d'un montant en principal de 121 000 euros remboursable au taux d'intérêts contractuels de 3,80 % par an en 240 mensualités de 773,98 euros courant du 7 janvier 2013 au 7 février 2033,

- un prêt de restructuration d'un montant en principal de 66 289,03 euros remboursable au taux d'intérêts contractuels de 5,45 % l'an en 86 mensualités de 980,27 euros courant du 7 février 2013 au 7 avril 2020.

Ainsi que l'expliquent M. et Mme [V], leur projet était la vente de leur bien immobilier situé à [Localité 3] afin de financer l'achat d'un bien immobilier en Gironde acquis le 21 décembre 2012 pour un montant total de 691.000 euros pour y exercer une activité de chambres d'hôtes, le prêt relais de 570.000 euros ayant été souscrit dans l'attente de la vente du bien de [Localité 3].

S'agissant du taux d'endettement de M. et Mme [V] consécutif à l'octroi de ces trois prêts, sur lequel ils n'ont pas spécialement conclu en première instance, ils font valoir que l'échéance totale de remboursement représentait 34,9 % de leurs revenus pour l'année 2012, excédant ainsi le taux d'endettement admis de 33% et ce, alors que leurs revenus étaient incertains puisque dépendant du succès de leur projet de chambres d'hôtes, la banque étant ainsi tenue au regard de cet endettement d'une obligation de mise en garde à laquelle elle n'a pas satisfait.

Il ressort à cet égard de leur avis d'imposition pour l'année 2012 sur lequel figure les revenus connus lors de la souscription des crédits, qu'ils disposaient alors de revenus annuels d'un montant total de 69.419 euros, soit 5784,91 euros par mois. M. et Mme [V] ne produisent pas davantage qu'en première instance d'éléments démontrant que M. [V] était alors en train de perdre son emploi, l'activité de chambres d'hôtes devant lui procurer des revenus de substitution.

Le prêt relais n'était exigible que le 7 janvier 2014, en sorte qu'au 1er janvier 2013, date de début du remboursement du prêt immobilier de 121 000 euros et du prêt de restructuration, le montant des mensualités de remboursement à leur charge était de (773,98+ 980,27) 1754,25 euros, soit 30 % de leurs revenus de 2012, seuls devant être pris en considération pour apprécier l'existence de l'endettement excessif. Leur endettement à la date de souscription des prêts est ainsi inférieur au taux couramment admis de 33 %.

Il convient ensuite de rechercher si le seul prêt relais pouvait conduire M. et Mme [V] à un endettement excessif au regard de la valeur du bien mis en vente.

Sur le reproche fait à la Société Générale d'avoir mal apprécié le prix de vente du bien de [Localité 3], élément qui aurait conduit à un endettement excessif à compter de janvier 2014 puisque le prix de vente de l'immeuble n'a pas permis le remboursement du prêt relais, M. et Mme [V] expliquent que la banque aurait dû procéder à des investigations plus poussées s'agissant de la valeur de l'immeuble puisque les estimations proposées faisaient ressortir un prix de vente au mètre carré de l'immeuble de 5988 à 6030 euros du m² alors que le prix moyen du mètre carré pour une maison à [Localité 3] s'élevait à 4700 euros du mètre carré soit une surévaluation de 1300 euros du mètre carré.

Cependant, ainsi que l'a relevé à juste titre le tribunal, les éléments d'estimation de l'immeuble ont été fournis à la Société Générale par M. et Mme [V] eux-mêmes, ceux-ci consistant en quatre mandats de vente selon lesquels le bien était mis en vente à un prix allant de 988.000 à 995.000 euros, établis par des agents immobiliers à qui M. et Mme [V] avaient eux-mêmes confié la vente.

Outre que la banque n'avait pas à se substituer à un agent immobilier, ni à vérifier si le prix de mise en vente correspondait au prix du marché et quelles étaient les probabilités de la vente qui était confiée à plusieurs professionnels de l'immobilier, M. et Mme [V] ne produisent aucune pièce pour justifier du prix du marché et de la surestimation de l'immeuble lors de sa mise en vente, ne s'expliquant pas spécialement sur les raisons de la vente du bien à un prix effectivement très largement inférieur au prix estimé par les agents immobiliers en 2012.

Il doit au surplus être observé que le prêt relais était d'un montant de 570 000 euros largement inférieur au prix de mise en vente du bien, que le prix de vente de 560.000 euros était proche du montant du prix relais, sans que la prise en compte de l'obligation de payer une plus-value sur cet immeuble à hauteur de 37396 euros puisse être imputée à tort à la Société Générale, dès lors que lors de la souscription des prêts, l'économie générale du projet permettait le financement du prêt relais.

Concernant l'affectation de la vente du prix de vente du bien de [Localité 3], le tribunal a retenu à cet égard par application de l'article 1255 du code civil, l'acceptation des débiteurs ainsi que le fait que les échéances du prêt étaient impayées ce qui devait conduire à bref délai à la déchéance du terme et qu'il ne s'agissait donc pas d'un remboursement anticipé de ce prêt.

M. et Mme [V] reprochent à la Société générale d'avoir affecté en priorité les fonds au remboursement du prêt anticipé du prêt de restructuration alors qu'elle aurait dû affecter prioritairement le prix de vente du bien au remboursement du prêt relais, soutenant que si la banque avait procédé ainsi, ils n'auraient été débiteurs que de la somme de 53.127 euros au titre du prêt relais, qu'ils auraient pu sans peine solliciter une restructuration de leur dette et continuer à rembourser les échéances mensuelles, le comportement fautif de la Société Générale étant directement à l'origine de leur surendettement.

La Société Générale soutient que l'imputation ainsi réalisée était dans l'intérêt de M. et Mme [V], le taux d'intérêts du prêt de restructuration étant supérieur à celui du prêt relais, le prêt de restructuration étant devenu exigible et cette imputation n'ayant pas été contestée par eux avant leur assignation devant le tribunal.

Cependant, la Société Générale si elle produit un décompte du prêt de restructuration faisant ressortir des échéances impayées à compter du 7 septembre 2014, ne justifie pas qu'elle s'est prévalue de la déchéance du terme ni que le contrat a été résilié.

Il est exact que le fonctionnement du prêt relais impliquait de rembourser en priorité le montant dû en vertu de ce prêt alors qu'il est constant qu'une somme de 66289,03 euros a été affectée au prêt de restructuration, la quittance subrogative signée par la Société Générale s'élevant à la somme de 139.624,04 euros au titre du capital restant dû et 725,81 euros au titre de pénalités de retard.

Toutefois, cet événement est postérieur à la souscription des crédits à la date desquels doit être apprécié le caractère excessif de l'endettement et le devoir de mise en garde de la banque en sorte qu'il ne peut en être tiré aucune conséquence s'agissant de l'endettement excessif lequel doit être apprécié à la date de la souscription des crédits et non ultérieurement, d'autant plus que M. et Mme [V] ne s'expliquent pas sur les motifs du défaut de paiement des échéances du prêt de restructuration, ni ne reprochent aucune faute à la Société Générale ayant entraîné un préjudice distinct de celui causé par le défaut de respect du devoir de mise en garde.

Il s'évince de ce qui précède que M. et Mme [V] ne rapportent pas la preuve du caractère excessif de leur endettement à la date à laquelle les prêts ont été souscrits en sorte que la Société Générale n'était pas tenue d'un devoir de mise en garde.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. et Mme [V] de leurs demandes à l'encontre de la société générale.

Sur les demandes à l'encontre du Crédit logement.

Le tribunal a débouté M. et Mme [V] de leur demande à ce titre, au motif qu'ils n'en précisent pas le fondement juridique et qu'ils n'avaient pas l'obligation de recourir au Crédit logement pour garantir leur prêt pouvant préférer une hypothèque sur leur bien, l'obligation de mise en garde ne reposant en outre que sur l'organisme prêteur et non sur la caution.

M. et Mme [V], s'ils fondent leurs demandes aux termes du dispositif de leurs conclusions sur les articles 2305 et 1147 du code civil, ne développent pas davantage en cause d'appel dans le corps de leurs écritures le fondement juridique de leur demande, soutenant seulement que le Crédit logement a commis une faute en leur accordant sa garantie au même titre que la Société Générale pour leur avoir accordé des crédits, la disproportion de l'opération projetée ressortant de la demande de financement.

Le Crédit logement conteste toute faute en soutenant qu'il agit au titre de son recours personnel et que les fautes du prêteur sont inopposables à l'organisme de garantie.

Bien que M. et Mme [V] ne caractérisent pas précisément la faute invoquée à l'encontre du Crédit logement, ils lui reprochent d'avoir accepté de garantir leur prêt et de n'avoir pas constaté la disproportion du crédit accordé avec leurs revenus, se référant ainsi au devoir de mise en garde.

Ainsi que le relève à juste le Crédit logement, aucune obligation de mise en garde n'est due par l'organisme de caution. En tout état de cause, le caractère excessif de l'endettement n'étant pas établi par M. et Mme [V] et le devoir de mise en garde n'ayant pas été retenu à la charge de la Société Générale, il ne saurait l'être davantage à l'encontre de la caution. M. et Mme [V] ne fondant pas autrement leur demande à l'encontre du Crédit logement que par les mêmes reproches que ceux formulés à l'encontre de la Société Générale, il ne saurait être reproché au Crédit logement de leur avoir accordé sa garantie.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté M. et Mme [V] de leurs demandes à l'encontre du Crédit logement.

Sur la demande du Crédit logement.

M. et Mme [V] ne contestent aucunement le montant de la créance du Crédit logement dont il est justifié par la production de l'engagement de caution du Crédit logement annexé au contrat de prêt relais , par la quittance subrogative signée par la Société Générale au bénéfice du Crédit logement pour un montant de 140.149,85 euros et par le décompte définitif qui fait ressortir une somme totale de 146.111,88 euros. Toutefois, la demande du Crédit logement qui repose sur la quittance subrogative signée par la Société Générale ne peut excéder le montant pour lequel celle-ci a subrogé le Crédit logement. Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a condamné M. et Mme [V] au paiement de la somme de 146.111,88 euros. M. et Mme [V] seront condamnés à payer à la société Crédit logement la somme de 140.149,85 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 20 février 2018 tel que sollicité par le Crédit logement.

Sur les mesures accessoires.

Partie perdante, M. et Mme [V] seront condamnés aux dépens d'appel ainsi qu'à verser à la Société Générale et au Crédit logement une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en sus des sommes allouées à ce titre par le jugement entrepris.

Par ces motifs,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné solidairement M. et Mme [V] à payer à la SA Crédit logement la somme de 146.111,88 euros avec intérêts au taux légal à compter du 20 février 2018,

Statuant à nouveau de ce seul chef et y ajoutant,

Condamne solidairement Mme [C] [G] épouse [V] et M. [T] [V] à payer à la SA Crédit logement la somme de 140.149,85 euros avec intérêts au taux légal à compter du 20 février 2018,

Condamne solidairement Mme [C] [G] épouse [V] et M. [T] [V] à payer à la SA Société générale et à la SA Crédit logement une somme de 1000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne solidairement Mme [C] [G] épouse [V] et M. [T] [V] aux dépens d'appel.

La présente décision a été signée par madame Paule POIREL, présidente, et madame Annie BLAZEVIC, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 19/00212
Date de la décision : 19/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-19;19.00212 ?
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