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19/05/2022 | FRANCE | N°18/06294

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 2ème chambre civile, 19 mai 2022, 18/06294


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

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ARRÊT DU : 19 MAI 2022







N° RG 18/06294 - N° Portalis DBVJ-V-B7C-KXSI









Madame [T] [L] [Z] [U]

Monsieur [Y] [M]

SCI ECURIE COTE D'ARGENT

Etablissement ECURIE M.[M]

EARL ECURIE O'HARA





c/



Monsieur [J] [O]

Société EVENTS KIT BOIS

SAS D-RISK SOLUTIONS
















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Nature de la décision : AU FOND



















Grosse délivrée le :



aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 06 novembre 2018 (R.G. 17/07615) par la 7ème chambre civile du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 19 MAI 2022

N° RG 18/06294 - N° Portalis DBVJ-V-B7C-KXSI

Madame [T] [L] [Z] [U]

Monsieur [Y] [M]

SCI ECURIE COTE D'ARGENT

Etablissement ECURIE M.[M]

EARL ECURIE O'HARA

c/

Monsieur [J] [O]

Société EVENTS KIT BOIS

SAS D-RISK SOLUTIONS

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 06 novembre 2018 (R.G. 17/07615) par la 7ème chambre civile du Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 26 novembre 2018

APPELANTS :

[T] [L] [Z] [U]

née le 09 Janvier 1978 à [Localité 6]

de nationalité Française

Profession : Médecin,

demeurant [Adresse 7]

[Y] [M]

né le 03 Septembre 1969 à [Localité 12]

de nationalité Française

Profession : Exploitant agricole,

demeurant [Adresse 7]

La S.C.I. ECURIE COTE D'ARGENT, inscrite au RCS de DAX sous le numéro D 812 377 042, dont le siège social est [Adresse 8], agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié ès-qualités audit siège

Les Etablissement ECURIE M.[M], dont le siège social est [Adresse 4], agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié ès-qualités audit siège

L'EARL ECURIE O'HARA, inscrite au RCS de DAX sous le numéro 808 557 839, dont le siège social est [Adresse 1], agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié ès-qualités audit siège

Représentés par Me Simon TAKOUDJU, avocat au barreau de BORDEAUX

et assistés de Me Sébastien CHEVALIER, avocat au barreau de NANTES

INTIMÉS :

[J] [O]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 9]

non représenté, assigné selon acte d'huissier en date du 25.03.2019 délivré à l'étude

Société EVENTS KIT BOIS dont le siège social est [Adresse 11]

représentée par la SCP SILVESTRI-BAUJET, [Adresse 2]

mandataire judiciaire de la SARL EVENTS KITS BOIS, en redressement judiciaire.

non représentée, assignée selon acte d'huissier en date du 25.03.2019 délivré à personne morale

D-RISK SOLUTIONS S.A.S immatriculée au RCS de Pau sous le n° 808.768.055 dont le siège social est [Adresse 3]) prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Pierre FONROUGE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX

et assistée de Me Philippe-Charles FANTEL de la SELAS BURGUBURU-BLAMOUTIER-CHARVET-GARDEL ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 22 mars 2022 en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Paule POIREL, Président,

Madame Catherine LEQUES, Conseiller,

Madame Isabelle LOUWERSE, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Audrey COLLIN

ARRÊT :

- par défaut

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

La société civile immobilière Ecurie Côte d'Argent (la SCI Côte d'Argent ), représentée par ses gérants Mme [U] et M. [M] a confié la société à responsabilité limitée Events Kits Bois ( EKB), les travaux de construction d'un bâtiment équestre, d'une habitation et d'aménagements extérieurs à [Localité 5] lieudit [Localité 10], pour exploiter un centre équestre par les sociétés Etablissement Ecurie M. [M] et l'entreprise à responsabilité limitée Ecurie O'Hara.

La société EKB avait souscrit par l'intermédiaire de la société D-Risk Solutions, courtier, un contrat garantissant sa responsabilité civile auprès de la société d'assurances QBE.

Le marché de base portant sur la construction d'écuries avec couloir de 16 boxes, d'une zone technique de 134 m², de deux carrières de 2500 m² et 1281 m² , d'un rond de longe et d'un logement de fonction a été conclu selon un devis accepté du 7 septembre 2015 pour un montant de 363 297,18 euros TTC, la fin des travaux étant contractuellement fixée au 15 mai 2016.

Un acompte de 12 400 euros a été versé au mois d'août 2015 et un second de 140 358 euros le 18 septembre 2015.

Les travaux ont débuté le 5 octobre 2015.

Le chantier a été arrêté du 17 novembre 2015 au 15 décembre 2015 en raison d'une erreur d'implantation de la ligne du Réseau de Transport d'électricité (RTE).

Un nouveau planning provisionnel a été établi par la société EKB pour une fin des travaux en mai 2016.

Une nouvelle provision de 125 268,92 € a été réglée en mars 2016.

Déplorant le retard conséquent d'exécution du chantier, leurs conditions d'hébergement et les annulations de réservations de boxes par leurs clients, les maîtres d'ouvrage ont bloqué le paiement des travaux supplémentaires.

La société par actions simplifiées D-Risks Solutions est intervenue en qualité de courtier et conseil juridique de la société EKB mais aucune solution amiable de règlement du litige n'a été trouvée.

Les parties ont alors convenu d'organiser une expertise contradictoire qui a eu lieu le 3 mai 2017.

Saisi par les appelants, le tribunal de grande instance de Bordeaux par jugement du 6 novembre 2018 :

- a prononcé la résiliation judiciaire du marché de travaux liant la SCI Ecurie Côte d'Argent à la société EKB à compter du 1er juillet 2017,

- rejeté l'ensemble des demandes dirigées contre la société D-Risk Solutions

- rejeté l'ensemble des demandes dirigées contre M. [O], gérant de la société EKB

- condamné la société EKB à verser à la SCI Côte d'Argent les sommes suivantes:

- 123 794,11 euros TTC au titre du trop perçu

- 30 909,24 euros TTC au titre des travaux de réparation,

- débouté la SCI Ecurie Côte d'Argent et les écuries O'Hara et [M] de leurs demandes d'indemnisation du préjudice financier,

- débouté Mme [U] et M. [M] de leurs demandes d'indemnisation au titre du préjudice moral,

- débouté la société D-Risks Solutions de sa demande au titre de la procédure abusive,

- condamné la société EKB à verser à la SCI Côte d'Argent la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et rejeté toute autre demande à ce titre,

- dit que la société EKB sera condamnée aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire de la décision.

Le tribunal a notamment retenu que la société D-Risk Solutions n'avait commis aucune faute, et qu'aucune demande d'indemnisation de la perte de chance née du défaut de souscription d'une assurance décennale n'avait été formé à l'égard de M [O], gérant de la société EKB.

Par déclaration du 26 novembre 2018, la SCI Côte d'Argent , la société Etablissement Ecurie M.[M], l'Earl Ecurie O'Hara, Mme [U] et M. [M] ont relevé appel du jugement en ce qu'il a a rejeté les demandes formulées à l'encontre de la société D-Risks Solutions, à l'encontre de M. [O], les demandes d'indemnisation du préjudice financier des demandeurs, d'indemnisation au titre du préjudice moral des demandeurs, et en ce qu'il a limité des frais irrépétibles à la somme de 2 000 euros.

Dans leurs dernières conclusions d'appelants en date du 13 août 2019, la SCI Côte d'Argent , la société Etablissement Ecurie M.[M], l'Earl Ecurie O'Hara, Mme [U] et M. [M] demandent à la cour, au visa des articles 1382 et 1383 (anciens) du code civil et L.141-1 du code des assurances, de :

- recevoir les demandeurs en leur appel partiel,

Y faisant droit,

- réformer partiellement le jugement

- condamner solidairement avec la société EKB, M. [J] [O] et la société D-Risks Solutions à payer les sommes suivantes :

- 123 794,11 euros à la SCI Côte d'Argent au titre du trop perçu,

- 30 909,24 euros à la SCI Côte d'Argent au titre des travaux de reprise des malfaçons,

- 30 000,00 euros à la SCI Côte d'Argent au titre de la perte de loyers,

- 19 349,95 euros à l'Ecurie [M] au titre de sa perte d'exploitation,

- 22 998,48 euros à l'Ecurie O'Hara au titre de sa perte d'exploitation,

- 5 000,00 euros à Mme [T] [U] au titre de son préjudice moral,

- 5 000,00 euros à M. [Y] [M] rau titre de son préjudice moral,

- condamner solidairement les défendeurs au paiement de 11 976,00 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au profit des cinq parties demanderesses,

- condamner solidairement les défendeurs aux dépens d'appel.

Ils exposent que :

- la société D-Risk Solutions a manqué à ses obligations en ayant omis de faire souscrire à la société EKB une assurance de responsabilité décennale

- contrairement à ce qu'affirme la société D-Risk Solutions, ce courtier était parfaitement informé de la nature du chantier

- la résiliation judiciaire du contrat liant les appelants à la société EKB a été prononcée pour ce seul motif d'absence de souscription par l'entrepreneur d'une assurance décennale.

- cette faute est donc en lien direct de causalité avec les préjudices subis par eux : en effet, le défaut de conseil du courtier est bien antérieur à l'ouverture du chantier, et se trouve être la cause de l'impasse dans laquelle se sont trouvées les parties pour exécuter le marché et terminer le chantier puisque la privation du bénéfice de la garantie décennale est la seule cause de l'échec de la transaction initiée à l'issue de l'expertise amiable.

-la responsabilité de M [O], gérant de la société EKB, est engagée ; il est tenu de réparer le préjudice directement causé par le défaut de souscription de l'assurance décennale, à savoir le blocage du chantier, son retard et la résiliation judiciaire.

- la société D-Risk Solutions et M [O] doivent d'une part être condamnés solidairement avec la société EKB à leur payer le trop perçu par la société EKB et le coût des travaux de reprise mais aussi et d'autre part à les indemniser de leurs préjudices

-la société Ecurie [M] et la société Ecurie O'Hara devaient exercer leur activité dans les écuries à partir du 15 août 2016, et des apprentis avaient été recrutés à cet effet; les défections des clients entraînées par les retards de chantier ont généré une perte d'exploitation d'un montant de 19 349,95 € pour la société Ecurie [M] et 22 998,48 € pour la société Ecurie O'Hara, sommes correspondant au montant des pensions des chevaux non perçues

-les gérants des SCI maîtres d'ouvrage, Mme [U] et M [M] , ont subi un préjudice personnel : ils ont en effet fait le choix de résider sur le chantier ; l'incurie du constructeur les a contraints à rester sur place pour surveiller le chantier et le matériel y compris en période de vacances

-le retard du chantier a prolongé la précarité de leurs conditions de vie quotidienne, puisqu'ils ont été dans l'obligation de vivre dans un mobil home au lieu d'emménager comme convenu dès le mois de septembre 2016 dans la partie habitation.

- l'indemnité allouée par le premier juge sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile est insuffisante , alors qu'ils ont exposé des frais de constat d'huissier pour 251,31 €, d'expertise pour 5676 €, et d'assistance juridique pour 6300 €.

Dans ses dernières conclusions du 20 juin 2019, la société D-Risk Solutions demande à la cour, de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SCI Côte d'Argent , les Etablissements Ecurie, M. [M], l'Earl Ecurie O'Hara, Mme [T] [U] et M. [Y] [M], de leurs demandes formées à son encontre.

- condamner la SCI Côte d'Argent , les Etablissements Ecurie M. [M], l'Earl Ecurie O'Hara, Mme [T] [U] et M. [Y] [M] à lui payer la somme de 5000 euros pour procédure manifestement abusive poursuivie à son encontre.

- condamner la SCI Côte d'Argent les Etablissements Ecurie M. [M], l'Earl Ecurie O'Hara, Mme [T] [U] et M. [Y] [M] chacun à lui payer la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner la SCI Côte d'Argent , les Etablissements Ecurie M. [M], l'Earl Ecurie O'Hara, Mme [T] [U] et M. [Y] [M] aux dépens dont distraction au profit de Lexavoue représentée par Maître Philippe Leconte avocat au barreau de Bordeaux.

Elle fait essentiellement valoir que :

- il est constant que la société EKB n'a pas exécuté ses obligations et a cessé d'intervenir sur le chantier le 24 février 2017 ainsi que le confirme la lettre officielle du conseil de la SCI Côte d'Argent à celui de la société EKB le 21 juin 2017 : c'est en raison de ce manquement que l'action a été introduite

- la société EKB n'ayant jamais terminé le chantier, aucun réception n'a eu lieu et la garantie décennale n'aurait donc pas pu être actionnée

- il appartenait aux maîtres d'ouvrage de souscrire une assurance dommages ouvrage qui leur aurait seule permis de bénéficier d'une garantie dans une telle situation

- le contrat de responsabilité civile souscrit initialement par la société EKB l'a été pour l'activité qu'elle déclarait alors exercer soit la fourniture d'équipements équestres en bois ; lorsque la société EKB a déclaré ultérieurement une activité de construction, le courtier lui a proposé une garantie plus complète incluant la responsabilité décennale, souscrite par contrat à effet du 9 février 2016.

-les pièces verséesaux débats par les appelantes ne permettent pas d'établir qu'un conseil erroné aurait été donné par le courtier à la société EKB

L'intimée ajoute qu'elle n'a aucune obligation contractuelle envers les appelants, qu'il appartient à la société Ecurie [M] et la société Ecurie O'Hara de diriger leurs demandes d'indemnisation de leur prétendues pertes d'exploitation contre leur bailleur, que les autres demandes sont infondées à défaut de lien de causalité entre le grief infondé qui lui est fait et le prétendu préjudice moral des gérants, et le trop perçu par la société EKB.

La déclaration d'appel et leurs conclusions du 27 novembre 2018 ont été régulièrement signifiées par les appelants, par actes du 25 mars 2019 à M [O], la SARL Events Kit Bois et la SCP Silvestri Baujet, en sa qualité de mandataire de la SARL Events Kit Bois en redressement judiciaire ; ces intimés n'ont pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 mars 2022.

Pour une plus ample connaissance du litige et des prétentions et moyens des parties, il est fait expressément référence aux dernières conclusions et pièces régulièrement communiquées par les parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Le jugement n'est pas critiqué en ce qu'il a prononcé la résiliation judiciaire du marché de travaux liant la SCI Côte d'Argent et la société EKB , et condamné la société EKB à payer à SCI la somme de 123 794,11 € TTC correspondant à un trop perçu sur le montant des travaux et celle de 30 909,24 € correspondant au coût de travaux de reprises de désordres et celle de 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ; le tribunal a en effet constaté sur la base du rapport d'expertise produit que les travaux avaient pris un retard considérable, n'étaient réalisés qu'à hauteur de 49 % du marché et que des travaux de remises en état étaient nécessaires avant la poursuite du chantier.

Le premier juge a aussi constaté qu'au commencement du chantier, soit au mois d'octobre 2015, la société EKB n'avait pas souscrit d'assurance décennale et a pour ce seul fait prononcé la résiliation judiciaire du contrat.

Sur les demandes dirigées à l'encontre de la société EKB

Les appelants reprochent au premier juge d'avoir rejeté leurs demandes d'indemnisation de préjudice financier, de leur perte de loyers et de leur préjudice moral et demandent la condamnation de la société EKB solidairement avec la société D-Risk Solutions et M. [O] à leur payer diverses sommes de ces chefs.

Les parties ont été invitées par note en délibéré à faire toutes observations pour le 8 avril 2022 dernier délai sur la recevabilité de ces demandes au regard de la procédure collective de la société EKB , placée en redressement judiciaire et des articles L 622-24 et suivants du code de commerce.

La SCI Côte d'Argent a produit en cours de délibéré une déclaration entre les mains de la SCP Silvestri-Baujet, mandataire judiciaire de la société EKB, placée en redressement judiciaire, de sa créance de 156 773,75 €, montant des condamnations prononcées par le tribunal de grande instance de Bordeaux le 6 novembre 2018, soit 123 794,11 € au titre du trop perçu, 30 909,24 € au titre des travaux de réparation, 2000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et 70,40 € au titre des dépens.

La déclaration étant limitée au montant des condamnations prononcées en premier ressort au profit de la SCI Côte d'Argent, les demandes dirigées contre la société EKB aux fins d'obtenir la réparation de préjudices supplémentaires, perte de loyers, perte d'exploitation et préjudice moral sont irrecevables en application des articles L 622-24 et suivants du code de commerce.

Sur les demandes dirigées contre la société D-Risk Solutions

Les appelants soutiennent que la société D-Risk Solutions a commis une faute en ne conseillant pas à la société EKB de souscrire une assurance décennale.

Le contrat souscrit le 14 septembre 2015 par la société EKB auprès de la société QBE par l'intermédiaire de la société D-Risk Solutions est un contrat de responsabilité civile des entreprises industrielles et commerciales ; l'activité de l'entreprise y est ainsi décrite :

'fourniture et installation d'équipements équestres en bois tels que pour abris de prairie, boxes, barns, hangars de stockage pour paille et foin, pare bottes de manèges, lisses de clôture de carrière et de paddocks'.

Cette activité telle que déclarée par l'assuré consiste en la fourniture et l'installation de simples équipements équestres en bois ne pouvant être qualifiés d'ouvrages de nature à engager la responsabilité décennale de l'entreprise et il ne peut être reproché à la société D-Risk Solutions de n'avoir pas conseillé à ce stade à la société EKB la souscription d'une assurance de responsabilité décennale.

Les travaux objets du marché passé par la société EKB avec SCI étaient d'une toute autre nature et d'une toute autre ampleur puisqu'ils portaient sur la construction de plusieurs bâtiments , dont un logement de fonction, pouvant être qualifiés d'ouvrages au sens de l'article 1792 du code civil.

A l'appui de leur argumentation, les appelants produisent une consultation juridique dont ils indiquent eux même qu'elle date du 1 mars 2017 envoyée à la société EKB par la société D-Risk Solutions ; le courtier y indique à tort à son client que l'écurie et le logement de fonction ne seraient pas qualifiés en justice d'ouvrages donnant lieu à garantie décennale,

La date de ce courriel et son contenu révèlent qu'il a été écrit et envoyé bien après le commencement des travaux, et alors que la société EKB était en butte aux réclamations de la SCI Côte d'Argent.

Il n'est toutefois pas démontré que la société D-Risk Solutions ait été consultée ou même informée par la société EKB de la nature du chantier lors de la signature du contrat et du commencement des travaux et donc à une date utile pour couvrir le risque encouru au titre du chantier litigieux par la souscription d' une assurance appropriée.

Aucun manquement de la société D-Risk Solutions à son devoir de conseil lors de la souscription par la société EKB de son assurance professionnelle n'est établi.

Les demandes dirigées contre la société D-Risk Solutions seront rejetées par confirmation du jugement.

Sur les demandes dirigées contre M. [O]

Le premier juge a relevé à bon droit que l'absence de souscription par M. [O], gérant de la société EKB, d'une assurance de responsabilité décennale, est constitutive d'une faute séparable de ses fonctions sociales, de nature à engager sa responsabilité.

Il a rejeté les demandes d'indemnisation en relevant que la faute de M. [O] n'était pas directement en lien avec les préjudices invoqués, en l'absence de réception des travaux, et qu'il n'était formé aucune demande d'indemnisation de la perte de chance née du défaut de souscription d'une assurance décennale.

Les appelants soutiennent que l'absence de souscription d'une assurance décennale est directement à l'origine de la rupture du marché de travaux et des conséquences qui en ont découlé, soutenant que si l'assurance avait été souscrite, le chantier n'aurait pas été bloqué, et que les travaux auraient pu être repris et terminés à temps par la société EKB.

Toutefois, il ressort des développements exposés dans les écritures des appelants que la défaillance de la société EKB a commencé dès le mois de juillet 2016, date à laquelle les maîtres d'ouvrage ont fait constater par huissier le grand retard pris par le chantier, puisqu' à cette date seule une petite partie des fondations de la maison et la dalle des écuries étaient réalisées, alors que la société EKB s'était engagée à livrer les écuries en juin 2016 ; qu'au mois de février 2017, la société EKB avait réalisé des travaux supplémentaires pour compenser le retard de chantier qui n'avait toujours pas avancé de sorte que les réservations de boxes par les clients avaient été annulées ; que la société EKB en cours d'expertise s'est limitée en mai 2017 à offrir de mettre hors d'eau le bâtiment, a soutenu avoir été contrainte de quitter le chantier par lettre recommandée, et n'a pas fourni les informations supplémentaires sollicitées par l'expert; les appelants relatent aussi avoir découvert à cette période les difficultés financières de la société EKB.

Ces éléments démontrent que les manquements de la société EKB à ses obligations contractuelles étaient loin de se limiter à l'absence de souscription d'une assurance décennale, puisque les travaux étaient interrompus, que cette société n'avait fait preuve en cours d'expertise d'aucune volonté réelle d'exécuter les prestations mises à sa charge et rencontrait de grandes difficultés confirmées par son placement ultérieur en redressement judiciaire.

Ces circonstances ne permettent pas de retenir que la souscription de l'assurance exigée par la loi aurait de façon certaine évité le préjudice subi par la SCI Côte d'Argent du fait du retard puis de l'abandon de chantier, et ses diverses conséquences; il n'est notamment pas établi que, même si la société EKB avait justifié de cette assurance, une issue amiable aurait été trouvée et que le chantier aurait pu être mené à terme.

Il n'est donc rapporté la preuve d'aucun lien de causalité direct entre les dommages causés par la résiliation du contrat et l'absence d'assurance décennale.

La faute de M. [O] n'aurait pu donner lieu comme l'a fait remarquer le premier juge, qu'à l'indemnisation d'une perte de chance de subir certain dommages, indemnisation qui n'a pas été sollicitée.

Les demandes dirigées contre M. [O] sont mal fondées et seront rejetées par confirmation du jugement.

Sur la demande de dommages-intérêts formée par la société D-Risk Solutions

L'abus du droit d'ester en justice n'est pas caractérisé en l'espèce et cette demande sera rejetée par confirmation du jugement.

Sur les dépens et l'application du jugement

Les appelants seront condamnés in solidum aux dépens d'appel et à payer à la société D-Risk Solutions la somme de 1500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Déclare irrecevables les demandes en paiement de dommages-intérêts en réparation de la perte de loyers de la SCI Ecurie Côte d'Argent, des pertes d'exploitation de l'écurie [M] et de l'écurie O'Hara et du préjudice moral de Mme [U] et de M [M], dirigées contre la société EKB

Confirme le jugement de ses chefs déférés

Y ajoutant

Condamne in solidum la SCI Ecurie Côte d'Argent, la société Etablissement Ecurie M.[M], l'Earl Ecurie O'Hara, Mme [T] [U] et M. [Y] [M] à payer à la société D-Risk Solutions la somme de 1500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

Condamne in solidum la SCI Ecurie Côte d'Argent, la société Etablissement Ecurie M.[M], l'Earl Ecurie O'Hara, Mme [T] [U] et M.[Y] [M] aux dépens d'appel avec autorisation de recouvrement direct au profit des avocats de la cause en application de l'article 699 du code de procédure civile.

La présente décision a été signée par madame Paule POIREL, présidente, et madame Audrey COLLIN, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 18/06294
Date de la décision : 19/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-19;18.06294 ?
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