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19/05/2022 | FRANCE | N°18/00450

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 19 mai 2022, 18/00450


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



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ARRÊT DU : 19 MAI 2022







SÉCURITÉ SOCIALE



N° RG 18/00450 - N° Portalis DBVJ-V-B7C-KHZE





















Monsieur [Y] [R]



c/

Monsieur [I] [G]

Entreprise [3]

CPAM DE LA GIRONDE







Nature de la décision : AU FOND









Notifié p

ar LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Directeur des services de greffe judiciaires,





Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à l...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 19 MAI 2022

SÉCURITÉ SOCIALE

N° RG 18/00450 - N° Portalis DBVJ-V-B7C-KHZE

Monsieur [Y] [R]

c/

Monsieur [I] [G]

Entreprise [3]

CPAM DE LA GIRONDE

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Directeur des services de greffe judiciaires,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 janvier 2018 (R.G. n°20163322) par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de GIRONDE, suivant déclaration d'appel du 26 janvier 2018,

APPELANT :

Monsieur [Y] [R]

né le 17 Avril 1973 à [Localité 5]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Aurélie GOT, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉS :

Monsieur [I] [G] exerçant sous l'enseigne [3]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 1]

Entreprise [3] Monsieur [I] [G]

demeurant [Adresse 1]

représentés par Me Mireille JAUDOS-DUPERIÉ, avocat au barreau de BORDEAUX

CPAM DE LA GIRONDE prise en la personne de son directeur domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 4]

représentée par Me Pauline MAZEROLLE substituant Me Sophie PARRENO de la SELARL BARDET & ASSOCIES, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 mars 2022, en audience publique, devant Monsieur Eric VEYSSIERE, Président chargé d'instruire l'affaire, qui a retenu l'affaire

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Eric Veyssière, président

Madame Marie-Paule Menu, présidente

Monsieur Hervé Ballereau, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Evelyne GOMBAUD,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

*********

Exposé du litige

M. [G] exerçant sous l'enseigne Entreprise [3] a employé M. [R] en qualité de chef d'équipe.

Le 22 août 2014, M. [R] a établi une déclaration d'accident du travail survenu le 28 juillet 2014, dans les termes suivants : 'pied droit écrasé par un engin de chantier'.

Le certificat médical initial, établi le 28 juillet 2014, mentionnait une 'fracture base 3 et 4ème métatarsien pied droit'.

Par décision du 9 septembre 2014, la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde (la caisse) a pris en charge cet accident au titre de la législation professionnelle.

L'état de santé de M. [R] a été déclaré consolidé au 30 juin 2017.

Par courrier du 3 janvier 2017, la caisse a notifié à M. [R] la prise en charge de lésions nouvelles.

Un taux d'incapacité permanente partielle de 20 % a été attribué à M. [R] ainsi qu'une rente trimestrielle d'un montant de 536,82 euros à compter du 1er juillet 2017.

Le 24 août 2016, M. [R] a saisi la caisse d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur dans la survenance de l'accident du travail du 28 juillet 2014.

Par courrier du 7 novembre 2016, la caisse a notifié l'échec de la procédure de conciliation à M. [R].

Le 13 janvier 2017, M. [R] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Gironde aux fins de faire reconnaître la faute inexcusable de la société [3] dans la survenance de l'accident du travail du 28 juillet 2014.

Par jugement du 11 janvier 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Gironde a :

- déclaré que le recours de M. [R] était recevable,

- débouté M. [R] de sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de la société [3] et de l'ensemble de ses demandes subséquentes,

- rejeté la demande de la société [3] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu de statuer sur les dépens.

Par déclaration du 26 janvier 2018, M. [R] a relevé appel de ce jugement.

Par arrêt du 19 mars 2020, la cour d'appel de Bordeaux a :

- confirmé le jugement déféré en ce qu'il a déclaré l'action de M. [R] recevable,

- infirmé le jugement déféré en ses autres dispositions,

- déclaré que l'accident du travail dont a été victime M. [R] le 28 juillet 2014 était dû à la faute inexcusable de M. [G],

- ordonné la majoration de la rente due à M. [R],

- ordonné une expertise et désigné le docteur [F] pour y procéder afin de donner son avis sur les préjudices subis par la victime,

- rappelé que les frais d'expertise seraient avancés par la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde,

- condamné M. [G] à rembourser à la caisse les sommes dont cette dernière a fait l'avance,

- condamné M. [G] aux dépens de la procédure d'appel.

Le 5 janvier 2022, l'expert a déposé son rapport.

Aux termes de ses dernières conclusions du 2 mars 2022, M. [R] sollicite de la cour qu'elle rejette l'incident de l'intimé et condamne M. [G] au paiement des sommes suivantes :

- 9 000 euros par période, soit 18 000 euros au titre des souffrances endurées,

- 17 140 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

- 5 000 euros (2 000 euros pour le préjudice permanent et 3 000 euros pour le préjudice temporaire) au titre des préjudices esthétiques,

- 5 000 euros au titre du préjudice d'agrément,

- 10 000 euros pour lui et 10 000 euros pour sa femme au titre du préjudice sexuel,

- 12 860 euros au titre de l'assistance à tierce personne,

- 70 000 euros au titre des préjudices professionnels définitifs,

- 1 395 euros au titre des frais de médecin conseil,

- 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions du 3 mars 2022, M. [G] demande à la cour de :

- se déclarer incompétente pour statuer sur les préjudices de M. [R] suite au rapport d'expertise,

- débouter M. [R] de ses fins, moyens et conclusions,

- statuer ce que de droit sur les dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions du 4 mars 2022, la caisse demande à la cour de:

- statuer ce que de droit sur les préjudices de M. [R],

- débouter M. [R] de sa demande au titre du préjudice professionnel,

- en tout état de cause, condamner la société [3] à lui verser la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées et oralement reprises.

Motifs de la décision

Sur l'incident d'appel

M. [G] soulève l'incapacité de la cour pour statuer sur la réparation des préjudices personnels résultant de l'accident du travail dû à la faute inexcusable qui lui est imputable.

L'article 561 du code de procédure civile dispose que 'l'appel remet la chose jugée en question devant la juridiction d'appel.

Il est statué à nouveau en fait et en droit dans les conditions et limites déterminées aux livres premier et deuxième du présent code''.

L'article 562 du même code énonce que 'l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible''.

Conformément aux dispositions du premier alinéa de l'article L452-3 du code de la sécurité sociale, 'indépendamment de la majoration de rente qu'elle reçoit en vertu de l'article précédent, la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle''.

En l'espèce, M. [R] a formé un recours devant le pôle social du tribunal judiciaire aux fins de voir reconnaître d'une part la faute inexcusable de son ancien employeur dans la survenue de l'accident dont il a été victime le 28 juillet 2014, et d'autre part être indemnisé des différents préjudices causés par ledit accident.

Par l'effet dévolutif de l'appel, la cour est saisie de l'entier litige peu important qu'elle ait d'abord statué sur la reconnaissance de la faute inexcusable pour ensuite évoquer l'indemnisation des préjudices subis par l'appelant.

Contrairement à ce que soutient M. [G], il n'y a pas lieu de renvoyer l'examen du litige concernant l'indemnisation des préjudices devant le pôle social du tribunal judiciaire dès lors qu'il existe une indivisibilité entre la reconnaissance de la faute inexcusable et la liquidation des préjudices en résultant.

Sur l'indemnisation de M. [R] au titre de la faute inexcusable de M. [G]

Il résulte de l'article L452-3 du code de la sécurité sociale et de la décision rendue le 18 juin 2010 par le conseil constitutionnel qu'outre la majoration de la rente qu'elle reçoit en vertu de l'article L452-2 du code précité, la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétique et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. Elle peut également lui demander de réparer l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale.

L'étendue de ces préjudices ont été précisés par quatre arrêts rendus le 4 avril 2012 par la cour de cassation, étant précisé que la victime ne peut pas prétendre à la réparation des chefs de préjudices déjà couverts par les articles L431-1, L434-1, L434-2 et L452-2, à savoir':

- le déficit fonctionnel permanent,

- les pertes de gains professionnels actuelles et futures,

- l'incidence professionnelle indemnisée de façon forfaitaire par l'allocation d'un capital ou d'une rente d'accident du travail et par sa majoration,

- l'assistance d'une tierce personne après consolidation,

- les frais médicaux et assimilés, normalement pris en charge au titre des prestations légales.

En revanche, la victime peut notamment prétendre à l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire, non couvert par les indemnités journalières qui se rapportent exclusivement à la perte de salaire, des dépenses liées à la réduction de l'autonomie, y compris les frais de logement ou de véhicule adapté, et le coût de l'assistance d'une tierce personne avant consolidation et du préjudice sexuel, indépendamment du préjudice d'agrément.

Sur les chefs de préjudice visés à l'article L452-3 du code de la sécurité sociale

- Sur les souffrances physiques et morales endurées

Il s'agit là de réparer toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que les troubles associés endurées par la victime suite à l'atteinte de son intégrité physique.

En l'espèce, l'expert a retenu un préjudice doloris chiffré à 3,5 sur une échelle de 7. M. [R] a été victime d'une fracture des orteils du pied causé par l'écrasement de son pied par un engin de chantier. Ces lésions ont nécessité une prise en charge chirurgicale et médicale lourde, ainsi que de la kinésithérapie. Il est également mentionné une aggravation d'une chondropathie directement imputable à ces fractures et il convient de rappeler que M. [R] a été victime d'une rechute qui a engendré de nouvelles interventions chirurgicales ainsi que des infiltrations.

Pour ce chef d'indemnisation, il lui sera donc alloué la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts.

- Sur le préjudice esthétique

Ce poste de préjudice vise à réparer l'altération de l'apparence physique de la victime avant et après la consolidation. Le préjudice esthétique temporaire est à distinguer du préjudice esthétique permanent et doit être évalué en considération de son existence avant consolidation de l'état de la victime.

L'expert a évalué le préjudice esthétique définitif de M. [R] à 1 sur 7 et son préjudice temporaire à 1,5 sur 7 en raison d'un enraidissement de la cheville dont il résulte une légère boiterie.

Pour ce chef d'indemnisation, la somme de 1 500 euros lui sera allouée au titre du préjudice définitif et 2 500 euros pour le préjudice temporaire, soit un total de 4 000 euros.

- Sur le préjudice d'agrément

Ce poste de préjudice indemnise l'impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs qu'elle pratiquait antérieurement au dommage.

M. [R] sollicite une indemnisation au titre du préjudice d'agrément, soutenant que ses séquelles ne lui permettent plus de s'adonner à la pratique d'activités sportives et de loisirs telles que le footing, le vélo ou la pratique de la moto. Il ajoute qu'il se trouve limité pour aller faire ses courses, la station debout lui étant devenue pénible. À ce titre, il demande que lui soit octroyée la somme de 5 000 euros.

Si le docteur [F] retient bien l'existence d'un préjudice d'agrément, encore faut-il que l'assuré fournisse les preuves des activités alléguées. Or M. [R] ne verse aux débats aucun document en ce sens. Il n'est ainsi produit ni attestations émanant de son entourage, ni preuve d'une inscription à un club sportif ou photos et factures liées à la pratique de la moto.

Dans ces conditions, la demande d'indemnisation de ce chef de préjudice ne pourra être que rejetée.

- Sur l'indemnisation au titre de l'incidence professionnelle et de la perte de promotion professionnelle

En l'espèce, M. [R] demande une indemnisation de 70 000 euros au titre des préjudices résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle.

L'assuré fait valoir qu'il a été licencié pour inaptitude le 28 juillet 2017 en raison des limitations liées à la station debout prolongée, aux déplacements fréquents et à l'impossibilité d'utiliser une échelle étroite, un échafaudage ou de porter des charges lourdes dont le poids excéderait les 25 kilos. Il indique avoir dû monter son entreprise avec l'aide de sa famille pour pallier à ses limitations, ce qui a tout de même diminué ses revenus mensuels. M. [R] ajoute avoir perdu la stabilité financière et professionnelle dont il jouissait jusque-là.

Il convient néanmoins de rappeler que pour prétendre à une indemnisation au titre de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle, la victime doit démontrer que de telles possibilités pré-existaient.

Or la différence entre le salaire qu'il touchait en tant qu'employé et les revenus dont il dispose actuellement en tant que chef d'entreprise ne saurait constituer une incidence relative à la promotion professionnelle en tant que telle. En effet, il n'est ici pas question de revenus mais bien d'une perte ou d'une diminution des chances de promotion professionnelle, dont l'assuré n'apporte pas la preuve. En outre, les pertes salariales ainsi que les incapacités professionnelles qu'il présente désormais sont couvertes au titre du taux d'incapacité permanente partielle fixé par la caisse et réévalué suite à la rechute déclarée.

Par conséquent, le demandeur ne peut être que déboutée de sa demande d'indemnisation à ce titre.

Sur les chefs de préjudice non visés à l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale

- Sur le déficit fonctionnel temporaire

Ce poste de préjudice a pour but d'indemniser l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle jusqu'à sa consolidation. Cette incapacité temporaire est dégagée de toute incidence sur la rémunération professionnelle de la victime et correspond aux périodes d'hospitalisation de la victime, ainsi qu'à la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante rencontrées par la victime durant la maladie traumatique (séparation de la victime de son environnement familial et amical durant les hospitalisations, privation temporaire des activités privées ou des agréments auxquels se livre habituellement ou spécifiquement la victime, préjudice sexuel pendant la maladie traumatique).

L'état de santé de M. [R] a été déclaré consolidé le 30 juin 2017 s'agissant de l'accident initial. La consolidation de sa rechute du 5 novembre 2018 est intervenue le 13 mars 2020.

Aux termes de son rapport en date du 3 janvier 2020, le docteur [F] a retenu :

- un déficit fonctionnel temporaire total de 5 jours (du 28 juillet au 1er août 2014) s'agissant de l'accident initial,

- pas de déficit fonctionnel temporaire total pour la rechute,

- un déficit fonctionnel temporaire partiel de 30 % du 2 août 2014 au 29 juin 2017, soit 1063 jours';

- un déficit fonctionnel temporaire partiel de 35 % du 5 novembre 2018 au 12 mars 2020, soit 494 jours.

Ces éléments ne font l'objet d'aucune contestation.

Le demandeur sollicite une indemnité journalière de 33 euros. Compte tenu des lésions initiales et des soins nécessaires, M. [R] a subi une gêne dans l'accomplissement des actes de la vie courante et une perte temporaire de qualité de vie qui seront indemnisées à hauteur de 23 euros le jour d'incapacité temporaire totale soit:

- 5 jours x 23 euros = 115 euros';

- 1063 jours x 23 euros x 30 % = 7 334, 70 euros';

- 494 jours x 23 euros x 35 % = 3 976, 70 euros;

Soit au total la somme de 11 426, 40 euros sur l'ensemble de la période d'incapacité temporaire considérée.

- Sur le préjudice sexuel

Le préjudice sexuel s'entend d'une altération partielle ou totale de la fonction sexuelle dans l'une de ses composantes :

- atteinte morphologique des organes sexuels,

- perte du plaisir lié à l'accomplissement de l'acte sexuel (perte de l'envie ou de la libido, perte de la capacité physique de réaliser l'acte sexuel, perte de la capacité à accéder au plaisir),

- difficulté ou impossibilité de procréer.

L'évaluation de ce préjudice doit être modulée en fonction du retentissement subjectif de la fonction sexuelle selon l'âge et la situation familiale de la victime.

M. [R] est âgé de 49 ans et vit maritalement. Le docteur [F] note, dans son rapport que l'assuré se plaint d'une baisse de libido qui peut être retenue en l'espèce, dans la mesure où M. [R] souffre d'algodystrophie et que cette atteinte est susceptible d'engendrer un syndrome dépressif, dont souffre effectivement l'intéressé. Ces éléments sont repris dans le certificat du 13 mai 2016 établi par le docteur [E] qui fait un état d'une détérioration de l'état psychique de M. [R] engendrant une certaine anhédonie et une baisse de libido.

Pour ce chef d'indemnisation, il lui sera donc alloué la somme de 2 000 euros.

En application des dispositions de l'article L452-3 du code de la sécurité sociale, les ayants droit ne peuvent prétendre à une indemnisation des préjudices subis qu'en cas de décès de la victime de la faute inexcusable de l'employeur, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

En conséquence, M. [R] est débouté de sa demande d'indemnisation du préjudice sexuel au bénéfice de son épouse.

- Sur l'indemnisation au titre du recours temporaire à une tierce personne

Dans le cas où la victime a besoin du fait de son handicap d'être assistée pendant l'arrêt d'activité et avant la consolidation par une tierce personne, elle a le droit à l'indemnisation du financement du coût de cette tierce personne.

Les frais d'assistance tierce personne à titre temporaire ne sont pas couverts au titre du livre IV et doivent être indemnisés sans être pour autant réduits en cas d'assistance d'un membre de la famille ni subordonnés à la production de justificatifs des dépenses effectives.

L'expert a retenu la nécessité d'une tierce personne pour assister M. [R]':

- pour l'accident initial': 5 heures par semaine durant trois mois et demi, puis 3 heures par semaine durant 31 mois et demi';

- pour la rechute, 3 heures par semaine durant 16 mois.

M. [R] ne conteste pas le nombre d'heures déterminé par l'expert et sollicite une indemnisation sur une base horaire de 20 euros, soit un montant total de 12 860 euros. La caisse indique s'en remettre sur ce point.

Au regard des conclusions du médecin expert, il convient de fixer l'indemnisation à 7 080 euros correspondant à 708 heures au taux horaire de 10 euros.

- Sur les frais du médecin conseil

M. [R] est fondé à obtenir la prise en charge des frais d'assistance aux procédures d'expertise par le docteur [W] dont il justifie pour un montant de 1 395 euros.

***

En application des dispositions de l'article 1231-7 nouveau du code civil, s'agissant d'une indemnité, les sommes dues porteront intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

Sur les demandes accessoires

En application de l'article 700 du code de procédure civile, M. [G], qui succombe, sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel.

Il sera également condamné à verser à M. [R] la somme de 2 500 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Fixe l'indemnisation à laquelle a droit M. [R] au titre de la faute inexcusable commise par M. [G] le 28 juillet 2014 comme suit':

-10 000 euros au titre des souffrances morales et physiques endurées,

- 4 000 euros au titre du préjudice esthétique,

- 11 426, 40 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

- 2 000 euros au titre du préjudice sexuel,

- 7080 euros au titre de l'assistance tierce personne,

- 1 395 euros au titre du remboursement des frais d'assistance à l'expertise,

Déboute M. [R] de sa demande d'indemnisation au titre de la diminution de la possibilité de promotion professionnelle,

Déboute M. [R] de sa demande d'indemnisation au titre du préjudice d'agrément,

Condamne M. [G] à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [G] à verser à M. [R] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Rappelle que M. [G] devra rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde les sommes dont cette dernière aura fait l'avance,

Condamne M. [G] aux dépens de la procédure d'appel.

Signé par monsieur Eric Veyssière, président, et par madame Evelyne Gombaud, greffière, à

laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

E. Gombaud E. Veyssière


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 18/00450
Date de la décision : 19/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-19;18.00450 ?
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