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09/05/2022 | FRANCE | N°22/00096

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, C.e.s.e.d.a., 09 mai 2022, 22/00096


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

COUR D ' A P P E L D E B O R D E A U X







N° RG 22/00096 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MV65





ORDONNANCE









Le NEUF MAI DEUX MILLE VINGT DEUX à 12 H 00



Nous, Roland POTEE, président de chambre à la Cour d'appel de Bordeaux, agissant par délégation de madame la première présidente de ladite Cour, assisté de François CHARTAUD, greffier,



En l'absence du Ministère Public, dûment avisé,



En présence de Monsieur [T]

[D], représentant du Préfet de La Gironde,



En présence de Monsieur [S] [E], né le 03 Septembre 2001 à ZARZIS (TUNISIE), de nationalité Tunisienne, et de son conseil Maître Ma...

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

COUR D ' A P P E L D E B O R D E A U X

N° RG 22/00096 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MV65

ORDONNANCE

Le NEUF MAI DEUX MILLE VINGT DEUX à 12 H 00

Nous, Roland POTEE, président de chambre à la Cour d'appel de Bordeaux, agissant par délégation de madame la première présidente de ladite Cour, assisté de François CHARTAUD, greffier,

En l'absence du Ministère Public, dûment avisé,

En présence de Monsieur [T] [D], représentant du Préfet de La Gironde,

En présence de Monsieur [S] [E], né le 03 Septembre 2001 à ZARZIS (TUNISIE), de nationalité Tunisienne, et de son conseil Maître Margaux GUILLOUT,

Vu la procédure suivie contre Monsieur [S] [E], né le 03 Septembre 2001 à ZARZIS (TUNISIE), de nationalité Tunisienne et l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière du 03 mai 2022 visant l'intéressé,

Vu l'ordonnance rendue le 05 mai 2022 à 11h14 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Bordeaux, ordonnant la prolongation de la rétention administrative de Monsieur [S] [E] pour une durée de 28 jours à l'issue du délai de 48 heures de la rétention,

Vu l'appel interjeté par le conseil de Monsieur [S] [E], né le 03 Septembre 2001 à ZARZIS (TUNISIE), de nationalité Tunisienne, le 06 mai 2022 à 17h09,

Vu l'avis de la date et de l'heure de l'audience prévue pour les débats donné aux parties,

Vu la plaidoirie de Maître Margaux GUILLOUT, conseil de Monsieur [S] [E], ainsi que les observations de Monsieur [T] [D], représentant de la préfecture de La Gironde et les explications de Monsieur [S] [E] qui a eu la parole en dernier,

A l'audience, Monsieur le Président a indiqué que la décision serait rendue le 09 mai 2022 à 12h00,

Avons rendu l'ordonnance suivante :

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Par ordonnance datée du 5 mai 2022 et notifiée à 11 h 14, rectifiée sur sa date réelle du 6 mai 2022, par ordonnance du même jour, le juge des libertés et de la détention de Bordeaux a déclaré recevables la requête en prolongation de la rétention administrative de M.[S] [E] présentée par la préfète de la Gironde et la requête en contestation du placement en rétention présentée par l'étranger, rejeté les moyens de nullité de la procédure antérieure au placement en rétention administrative du requérant, rejeté la requête en contestation de la régularité de la procédure de placement en rétention, rejeté la demande d'assignation à résidence, autorisé la prolongation de la rétention du requérant pour une durée de 28 jours à l'issue du délai de 48 heures de la rétention et dit n'y avoir lieu de faire droit aux demandes fondées sur les articles 700 du code de procédure civile et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

M. [E] a régulièrement relevé appel de cette décision par déclaration motivée de son conseil transmise par courriel au greffe de la cour le vendredi 6 mai 2022 à 17h09.

À l'audience à laquelle les parties ont été convoquées, M. [E], assisté de son conseil, a repris et développé l'argumentation de la déclaration d'appel nous demandant d'infirmer l'ordonnance déférée et statuant à nouveau, de :

In limine litis,

Déclarer nulle la procédure de garde à vue antérieure au placement en rétention administrative de M. [E],

Déclarer nulle la procédure de placement en rétention administrative,

En conséquence,

Ordonner la mainlevée immédiate de la rétention administrative du requérant,

En tout état de cause,

Déclarer recevable et bien fondée la requête,

Constater l'irrégularité de l'arrêté de placement en rétention,

Ordonner la mainlevée immédiate de la rétention administrative du requérant,

Rejeter la demande de prolongation en rétention de la Préfecture de la GIRONDE,

Accorder au requérant le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire,

Condamner la préfecture à verser au conseil du requérant la somme de 1.500 € au titre des frais non compris dans les dépens, par application des dispositions combinées de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 20 juillet 1991.

Le représentant de la préfecture a demandé la confirmation de la décision déférée.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les moyens de nullité de la procédure antérieure à la rétention administrative.

L'irrégularité du contrôle.

L'appelant invoque l'irrégularité du contrôle d'identité faute d'indication au procès verbal de son fondement légal et il fait grief au premier juge de ne pas avoir clairement indiqué sur quel fondement ce contrôle d'identité a été opéré, la référence à des 'recherches' judiciaires n'étant pas assez précise au regard des termes de l'article 78-2 du code de procédure pénale qui visent des situations différentes à l'alinéa 1.5° (recherches d'un suspect ordonnées par

une autorité judiciaire) et à l'alinéa 2 (recherches sur réquisitions écrites du procureur de la République).

L'article 78-2 du code de procédure pénale dispose:

Les officiers de police judiciaire et, sur l'ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux articles 20 et 21-1° peuvent inviter à justifier, par tout moyen, de son identité toute personne à l'égard de laquelle existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner :

-qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction ;

-ou qu'elle se prépare à commettre un crime ou un délit ;

-ou qu'elle est susceptible de fournir des renseignements utiles à l'enquête en cas de crime ou de délit ;

-ou qu'elle a violé les obligations ou interdictions auxquelles elle est soumise dans le cadre d'un contrôle judiciaire, d'une mesure d'assignation à résidence avec surveillance électronique, d'une peine ou d'une mesure suivie par le juge de l'application des peines ;

-ou qu'elle fait l'objet de recherches ordonnées par une autorité judiciaire.

Sur réquisitions écrites du procureur de la République aux fins de recherche et de poursuite d'infractions qu'il précise, l'identité de toute personne peut être également contrôlée, selon les mêmes modalités, dans les lieux et pour une période de temps déterminés par ce magistrat. Le fait que le contrôle d'identité révèle des infractions autres que celles visées dans les réquisitions du procureur de la République ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes.

L'identité de toute personne, quel que soit son comportement, peut également être contrôlée, selon les modalités prévues au premier alinéa, pour prévenir une atteinte à l'ordre public, notamment à la sécurité des personnes ou des biens.(....)

Dans le cas présent, il ressort du procès verbal produit au dossier qu'en exécution d'une fiche de recherche judiciaire, M. [E] a fait l'objet le 2 mai 2022 d'un contrôle d'identité dans le cadre de l'article 78- 2 du code de procédure pénale, permettant le contrôle, dans le cadre d'une enquête préliminaire en cours, d'une personne suspectée d'avoir commis des infractions de dégradation de bien public et de vol commises dans la nuit du 31 décembre 2020 au 1er janvier 2021 à la poste des Aubiers et faisant l'objet d'une diffusion photographique de l'intéressé communiquée par la Division criminelle BRBP.

Le fondement juridique du contrôle d'identité qui ne mentionne nullement des réquisitions écrites du procureur de la République aux fins de recherches et de poursuites d'infractions spécifiques, est ainsi déterminé sans équivoque et le moyen de nullité sera rejeté.

Sur l'absence de recours à un interprète

M. [E] invoque le défaut de recours à un interprète au cours de ses auditions en soutenant qu'il appartient à l'administration de justifier dans la procédure de l'absence de nécessité de ce recours dans la mesure où l'appelant en a bénéficié au cours des précédentes procédures.

La nécessité du recours à un interprète s'apprécie cependant au regard de la présente procédure, la maîtrise de la langue française par l'appelant qui s'est maintenu sur le territoire, ayant pu évoluer depuis les précédentes procédures.

Il est constant que, dans ce cadre, M. [E], à qui a été notifiée lors de sa garde à vue la possibilité d'être assisté par un interprète, n'en a jamais fait la demande au cours de ses multiples auditions en garde à vue dont il a signé l'ensemble des procès verbaux sans réserves, après avoir répondu complètement et de façon intelligible aux questions posées.

Comme le note également à raison le premier juge, l'appelant a également signé les documents relatifs à son placement en rétention et le registre du centre de rétention en mentionnant qu'il parle le français, l'absence de cochage des cases 'parlé' ou ' écrit' dans le formulaire n'étant pas de nature à remettre en cause la maîtrise suffisante de la langue française de M. [E], vérifiée à nouveau à l'audience de ce jour, pour qu'il estime lui même pouvoir se passer d'un interprète.

Ce moyen de nullité sera donc également rejeté.

Sur la régularité de la procédure de placement en rétention

Sur l'erreur de fait et l'erreur manifeste d'appréciation

L'appelant conteste son absence de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite, fondée sur des éléments factuels erronés, savoir une absence de logement et de ressources légales sur le territoire national et une opposition à son éloignement du territoire français alors qu'il ne s'oppose pas à cette mesure, que la non exécution des deux précédentes OQTF ne peut suffire à elle seule à justifier l'absence de garantie effective, qu'il a déposé son passeport valide à la préfecture, qu'il dispose d'un hébergement en GIRONDE et de ressources puisqu'il a travaillé chez UBER.

Toutefois, les débats et les pièces produites en appel ne sont pas de nature à remettre en cause les exacts constats du premier juge selon lequel, si M. [E] a remis à la préfecture son passeport tunisien valide, il ne présente pas pour autant de garanties de représentation sérieuses pour être sans ressources légales actuelles, ni domicile personnel et stable puisqu'il vivrait chez un ami à Bègles depuis deux semaines après avoir vécu dans un squat et qu'il s'oppose en outre à son éloignement du territoire francais.

Il n'est en effet pas contesté qu'il n'a pas déféré aux deux précédentes OQTF prises à son encontre par la préfecture de 1'Essone le 10 janvier 2020 et par la préfecture de la Gironde le 17 février 2021 et qu'il n'a pas respecté ses obligations de pointage liées aux arrêtés d'assignation à résidence des 17 février 2021 et du 3 mars 2022, étant rappelé que le risque de fuite est regardé comme établi, au sens des articles L741-1 et L612-3 de CESEDA lorsque l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ou à une obligation de pointage.

C'est ainsi à juste titre que le premier juge a considéré établi le risque de fuite en écartant le moyen soulevé.

Sur les diligences et les perspectives d'éloignement

L'appelant fait valoir que dans la mesure où le juge des libertés et de la détention doit s'assurer que l'administration a tout mis en 'uvre pour procéder à l'éloignement de l'étranger, dès son placement en rétention et tout au long de la période de rétention administrative, il doit être retenu que les diligences de l'administration sont insuffisantes dans la mesure où la demande de routing a été effectuée tardivement, le lendemain du placement en rétention administrative du requérant.

Selon les dispositions de l'article L.741-3 du CESEDA, un étranger ne peut être placé en rétention ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration doit exercer toute diligence à cet effet.

En l'espèce, M. [E] a été placé en rétention administrative le 3 mai 2022 à 16h50 et un routing a été demandé dès le lendemain 4 mai 2022.

Ce délai d'une journée ne peut être considéré comme tardif ou abusif et l'ordonnance rejetant le moyen sera également confirmée de ce chef.

Sur l'assignation à résidence

Au regard du risque de fuite retenu plus haut et du non respect des précédentes assignations à résidence, une nouvelle assignation à résidence ne peut être ordonnée, comme l'a retenu à juste titre l'ordonnance déférée.

Sur les autres demandes

L'admission à l'aide juridictionnelle provisoire accordée par le premier juge sera confirmée en appel.

Il n'y a pas lieu à indemnités pour frais irrépetibles.

PAR CES MOTIFS

Déclare l'appel régulier, recevable mais mal fondé ;

Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions ;

Accorde l'aide juridictionnelle provisoire en appel ;

Dit n'y avoir lieu à indemnités pour frais irrépetibles ;

Dit que la présente décision sera notifiée à l'appelant, à son conseil, à la préfète de la GIRONDE ainsi qu'au ministère public.

Le greffier, Le président de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : C.e.s.e.d.a.
Numéro d'arrêt : 22/00096
Date de la décision : 09/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-09;22.00096 ?
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