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03/05/2022 | FRANCE | N°19/02774

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 3ème chambre famille, 03 mai 2022, 19/02774


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



TROISIÈME CHAMBRE CIVILE



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ARRÊT DU : 03 MAI 2022









N° RG 19/02774 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LA3F









[K] [L]



c/



[J], [H], [P] [W] [I]



















Nature de la décision : AU FOND







28A



Grosse délivrée le :



aux avocats

Décision déférée à la Co

ur : jugement rendu le 04 avril 2019 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de BORDEAUX (cabinet 1, RG n° 15/11746) suivant déclaration d'appel du 17 mai 2019





APPELANT :



[K] [L]

né le 15 Juillet 1972 à NEUILLY SUR SEINE (92200)

de nationalité Française

demeurant 34 ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

TROISIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 03 MAI 2022

N° RG 19/02774 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LA3F

[K] [L]

c/

[J], [H], [P] [W] [I]

Nature de la décision : AU FOND

28A

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 avril 2019 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de BORDEAUX (cabinet 1, RG n° 15/11746) suivant déclaration d'appel du 17 mai 2019

APPELANT :

[K] [L]

né le 15 Juillet 1972 à NEUILLY SUR SEINE (92200)

de nationalité Française

demeurant 34 rue Feaugas - 33100 BORDEAUX

Représenté par Me Laeticia CADY de la SELAS GAUTHIER DELMAS, avocat au barreau de BORDEAUX et par Me Lucas TABONE, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

[J], [H], [P] [W] [I]

née le 14 Avril 1948 à Congo (CONGO)

de nationalité Française,

demeurant 42 C rue de Vindé - 78170 La Celle St Cloud

Représentée par Me Françoise LENDRES, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 08 mars 2022 hors la présence du public, devant la Cour composée de :

Président : Hélène MORNET

Conseiller: Danièle PUYDEBAT

Conseiller : Isabelle DELAQUYS

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Clémentine JORDAN

lors du prononcé: Florence CHANVRIT

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 al. 2 du code de procédure civile.

Mme [A] [C], née le 20 décembre 1926, divorcée en seconde noce de M. [I], est décédée à Bruges (33), le 11 janvier 2013.

Elle laisse à sa survivance sa fille, [J] [W] [I] divorcée [L], à laquelle elle a légué la moitié de ses biens, et son petit fils [K] [L], auquel elle a légué l'autre moitié de ses biens incluant son portrait peint par [R] [W] en 1949, au terme d'un testament olographe en date du 22 novembre 2011, déposé au rang des minutes de Me [S], notaire, le 24 juillet 2013.

Il s'impose de rappeler que :

- le 23 janvier 1986, Mme [C] avait établi un testament instituant pour son légataire universel son petit-fils [K] et à défaut sa soeur [X],

- le 22 juillet 1991, elle avait rédigé un testament olographe par lequel elle léguait tous ses biens à sa fille unique à l'exception d'un appartement à Belle Plagne, en Savoie, légué à son petit-fils [K]. Sur ce testament, figure un ajout signé le 10 mai 1993 par lequel Mme [C] déclare 'j'ai repris pour annulation l'original de ce testament que j'entends annuler, voulant que ma fille hérite de la totalité de mes biens'.

Par ailleurs, aux termes d'un acte sous seing privé en date du 10 octobre 1985, Mme [W] [I] alors épouse [L] avait consenti à sa mère un prêt d'un montant de 320 000 francs sans intérêt sur une durée de 7 ans, renouvelé ensuite avec intérêts.

Par acte d'huissier du 26 novembre 2015, M. [L] a fait assigner sa mère, Mme [W] [I] aux fins d'ouverture des opérations de liquidation partage de la succession de Mme [C] et d'annulation de la créance dont se prévaut sa mère à l'égard de la succession en vertu de ce prêt.

Mme [W] [I] a formé une demande incidente et demandé l'annulation du testament olographe du 22 novembre 2011.

Par jugement en date du 4 avril 2019, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :

- déclaré nul le testament olographe établi le 22 novembre 2011,

- déclaré irrecevable la contestation de M. [L] relative à la créance que détient Mme [W] [I] à l'encontre de la succession,

- déclaré irrecevable la demande d'ouverture des comptes faite par M. [L],

condamné M. [L] à payer à Mme [W] [I] une somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérets,

- condamné M. [L] au paiement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [L] aux dépens,

- rejeté toutes autres demandes comme non fondées.

Par déclaration d'appel en date du 17 mai 2019, M. [L] a relevé appel de l'ensemble du dispositif du jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux.

Par premières conclusions en date du 25 octobre 2019, Mme [W] [I] a demandé à la cour de :

- la recevoir en ses conclusions,

l'y dire bien fondée et y faisant droit,

- débouter M. [L] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement du 4 avril 2019 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

- condamner M. [L] à payer à la concluante une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- et le condamner aux entiers dépens, dont distration au profit de Me Lendres, avocat postulant, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Selon dernières conclusions en date du 21 février 2022, Mme [W] [I] demande à la cour de :

A titre principal :

-confirmer le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de Bordeaux du 4 avril 2019 en ce qu'il a jugé que les man'uvres dolosives de M. [L] ont vicié le consentement de la disposante, Mme [C],

- débouter M. [L] de sa fin de non-recevoir de la demande de nullité du testament litigieux, compte tenu de l'absence de renonciation de Mme [W] [I] à opposer la nullité dudit testament, et compte tenu des man'uvres frauduleuses de M. [L],

- confirmer le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de Bordeaux du 4 avril 2019 en ce qu'il a annulé le testament olographe de Mme [C] du 22 novembre 2011, sur le fondement des articles 901, 1109 et 1116 du code civil,

- confirmer le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de Bordeaux du 4 avril 2019 en ce qu'il a jugé Mme [W] [I] seule et unique héritière de Mme [C],

- confirmer le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire de Bordeaux du 4 avril 2019 en ce qu'il a jugé irrecevable et mal fondé M. [L] à solliciter l'ouverture des opérations de partage judiciaire de la succession de Mme [C] et de contester la créance de Mme [W] [I] à l'égard de la succession au titre de la convention de prêt établie le 10 octobre 1985,

En conséquence,

- débouter M. [L] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- confirmer le jugement du 4 avril 2019 en toutes ses dispositions,

- à titre subsidiaire, si la Cour déclarait irrecevable la demande de nullité à l'encontre du testament olographe de Mme [C] du 22 novembre 2011, ou si la Cour considérait qu'il n'y a pas eu de vice du consentement et rejetait toute demande de nullité du testament litigieux,

- dire et juger que le courrier du 10 octobre 1985 ne constitue pas une contre-lettre valant renonciation au remboursement du prêt du 10 octobre 1985,

- dire et juger que l'anatocisme des intérêts prévu par les trois conventions de propositions du prêt doit s'appliquer,

- dire et juger qu'aucune prescription ne peut s'appliquer aux intérêts,

- ordonner l'inscription au passif de la succession de Mme [C] du remboursement du prêt du 10 octobre 1985 d'un montant initial de 48 783,70 euros, avec des intérêts de 8% l'an avec anatocisme à compter du 1er février 1996 fixés dans la convention de prorogation du 15 février 1996, puis dans les conventions de prorogation successives, soit une somme de 179 767,93 euros au 11 janvier 2013,

- débouter M. [L] en toutes ses demandes, fins et conclusions sur l'existence et le quantum de la créance de l'intimée à l'égard de la succession au titre de la convention de prêt établie le 10 octobre 1985,

En tout état de cause,

- confirmer le jugement du 4 avril 2019 en ce qu'il a condamné M. [L] à payer à la concluante une somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice résultant du préjudice moral subi et de la privation à ce jour de l'actif successoral,

-confirmer le jugement du 4 avril 2010 en ce qu'il a condamné M. [L] à payer à la concluante une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [L] à payer à la concluante une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles relatifs à la procédure d'appel, et le condamner aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maitre Lendres, avocat postulant, conformément aux dispositions de l'article 690 du code de procédure civile.

Selon dernières conclusions en date du 21 février 2022 M. [L] demande à la cour de :

- réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de Bordeaux le 4 avril 2019,

Statuant de nouveau,

- déclarer irrecevables les demandes nouvellement formées par Mme [W] [I] au dispositif de ses conclusions n°4 signifiées le 21 février 2022,

- à titre principal, déclarer irrecevable la demande de nullité formée par Mme [W] [I] à l'encontre du testament olographe rédigé par Mme [C] en date du 22 novembre 2011,

- à titre subsidiaire, constater l'absence de vulnérabilité et de dépendance de Mme [C] ainsi que l'absence de man'uvres dolosives de la part de M. [L] à l'époque de la rédaction du testament litigieux,

- confirmer l'absence de vice du consentement,

- en conséquence, rejeter toute demande de nullité formées à l'encontre du testament litigieux,

Et par suite:

- dire et juger que M. [L] est légataire à titre universel de la quotité disponible de la succession de Mme [C],

- déclarer M. [L] recevable en toutes ses demandes,

- ordonner l'ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession de M. [C],

- désigner pour y procéder la Chambre des Notaires de la Gironde, avec faculté de délégation à l'exception de Maître Jocelyne Labbé,

- à titre principal, dire et juger la convention de prêt du 10 octobre 1985 et les actes sous seing privé de prorogation dissimulent une donation,

- en conséquence, dire et juger que toutes sommes relatives à cette convention, en capital ou intérêts, seront exclues par le notaire commis du passif de la succession,

- à titre subsidiaire, dire et juger qu 'aucune des conventions ne stipule une clause d'anatocisme,

- en conséquence, dire et juger que la somme inscrite au passif de la succession au titre du remboursement du prêt sera uniquement du montant du capital initial soit de 48.783,70 euros, les intérêts étant prescrits,

- rejeter toutes les demandes formées par Mme [W]-[I],

- écarter des débats les pièces 8 à 17, 22 à 30 et 55, 70 et 71 produites par Mme [W] [I] en ce qu'elles sont étrangères aux débats,

- rejeter les demandes de dommages et intérêts de Mme [W] [I] ainsi que celles fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner [W] [I] à payer à M. [L] la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire et juger que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 février 2022.

L'affaire a été fixée à l'audience collégiale du 8 mars 2022 et mise en délibéré au 12 avril 2022.

SUR QUOI, LA COUR :

Pour déclarer nul le testament établi par Mme [C] le 22 novembre 2011, la décision déférée a retenu que, si aucun certificat médical n'attestait que Mme [C] ne disposait plus de toutes ses facultés, il était en revanche indéniable qu'âgée et affaiblie par la maladie et les changements intervenus dans sa vie, coupée de son environnement familier, elle présentait une particulière vulnérabilité aux pressions et se trouvait psychologiquement sous la dépendance de son petit-fils et a ainsi considéré que son consentement avait été vicié.

Sur les demandes de partage judiciaire et relative au prêt, la décision déférée a considéré que M. [L], n'ayant plus la qualité d'héritier, était tiers à la succession de sa grand-mère par suite de l'annulation de son testament et qu'il n'avait pas qualité pour former ces demandes.

Elle a enfin condamné M. [L] à réparer le préjudice moral et financier que son comportement à l'encontre de sa mère lui avait causé.

- Sur la recevabilité des demandes formées par Mme [W]-[I] le 21 février 2022

En appel, M. [L] soutient que selon l'article 910-4 du code de procédure civile, une partie des demandes formées par Mme [W] [I] dans ses dernières conclusions est irrecevable puisqu'elles n'étaient pas formées dans les premières conclusions de l'intimée.

En vertu de l'article 910-4 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.

En l'espèce, il est constant que les dernières conclusions de l'intimée contiennent des demandes qui ne figuraient pas dans ses premières conclusions devant la cour notifiées par voie électronique le 25 octobre 2019, par lesquelles elle se contentait de conclure à la confirmation du jugement querellé.

Ces demandes nouvelles sont précédées d'un trait permettant aisément à la cour de les distinguer des premières prétentions.

Il est tout aussi constant que les demandes nouvelles de Mme [W] [I] reprises dans ses dernières conclusions du 21 février 2022 portant sur sa créance étaient dans le débat devant le premier juge puisqu'en effet, Mme [W] [I] demandait à titre principal l'annulation du testament du 22 novembre 2011 et à titre subsidiaire de statuer sur sa créance et que ce n'est qu'en raison de la nullité du testament que le premier juge en a déduit que M. [L] n'avait plus la qualité d'héritier, qu'il était tiers à la succession de sa grand-mère et qu'ainsi, il n'avait pas qualité pour demander l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession, ni contester la créance invoquée par sa mère à l'encontre de celle-ci.

Advenant l'appel du fils portant sur l'annulation et l'irrecevabilité de ses demandes, les premières conclusions de l'appelante ont consisté à demander la confirmation pure et simple de la décision sans former de demande portant sur le prêt alors même que la décision déférée n'a pas statué sur le fond de ce chef, se contentant de déclarer les demandes irrecevables et alors qu'au surplus, partie de ses premières écritures (pages 22 à 31) concerne le litige relatif au prêt.

Il s'en déduit qu'ainsi que le soutient l'appelant, les demandes nouvelles de l'intimée figurant dans ses dernières conclusions sont irrecevables en ce qu'elle ne sont pas destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou encore à faire juger des questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait (article 910-4 alinéa 2).

Dès lors, la cour ne statuera que sur les demandes de Mme [W] [I] figurant au dispositif de ses conclusions du 25 octobre 2019.

- Sur la recevabilité de la demande de nullité du testament de Mme [C]

L'appelant fait valoir que le tribunal a fait droit à la demande de nullité du testament de sa grand-mère alors que sa mère n'avait plus intérêt à former une telle demande.

Il soutient en effet que le testament avait déjà reçu exécution, que sa mère n'avait jamais remis en cause la validité du testament jusqu'à l'action judiciaire qu'il a engagée.

Il ajoute que sa mère avait reconnu expréssement ses droits de légataire par la signature de l'acte de délivrance du legs, reconnaissance expresse renouvelée par la signature des actes de succession emportant exécution volontaire du testament.

Il précise que selon lui cette ratification du testament est intervenue en parfaite connaissance des prétendues 'manoeuvres' aujourd'hui alléguées par sa mère, constatant que tous les éléments qu'elle invoque sont antérieurs au décès de sa grand-mère, et qu'il existait déjà antérieurement au décès de sa grande-tante en août 2015 un litige sur le prêt entre les parties.

Mme [W] [I] réplique qu'il ne peut être considéré qu'en acceptant la délivrance du legs, elle aurait renoncé à invoquer la nullité du testament au motif que l'exécution volontaire d'un testament ne peut emporter renonciation à opposer sa nullité que si celui qui pouvait s'en prévaloir avait à la fois la connaissance du vice l'affectant et l'intention de le réparer.

Elle soutient qu'elle ne connaissait pas les circonstances de la rédaction du testament et ne pouvait connaître le vice qui l'affectait le 30 juillet 2013, que son état de santé ne lui permettait pas à cette date de comprendre les manoeuvres de son fils, qu'elle ne les a découvertes qu'après le décès de sa grande-tante et que pour ne pas 'éveiller les soupçons de sa mère', M. [L] s'est bien gardé de l'informer du testament de sa grande-tante en sa faveur du 11 juin 2013 et de contester le prêt entre sa mère et sa grand-mère avant la délivrance du legs.

D'autre part, elle considère que le bénéficiaire du testament dont la nullité doit être prononcée n'est pas fondé à invoquer la renonciation à l'action en contestation du testament car la ratification doit être accomplie dans l'intention de le réparer. Or, elle soutient que 'l'on ne trouve aucune référence à une quelconque renonciation par Mme [W] [I] à contester le testament litigieux de sa mère dans l'intention de le réparer ni même une simple allusion', la nature du vice et l'intention de le réparer n'étant nullement mentionnées dans l'acte de délivrance du legs du 30 juillet 2013, au visa des dispositons des articles 1338 ancien du code civil et 1182 nouveau.

Elle ajoute que la renonciation à un droit de ne présume pas et ne peut résulter que d'un acte juridique manifestant une volonté dépourvue d'équivoque et qu'en l'espèce 'il ne peut être considéré qu'en acceptant la délivrance du legs, la demanderesse en annulation a renoncé à invoquer la nullité du testament dès lors que la délivrance est une mesure essentiellement provisoire' et que 'de surcroît, l'acte de délivrance du legs ne contient aucune mention d'une renonciation au droit de contester le testament litigieux'.

Enfin, elle termine en indiquant qu'il n'y a pas de ratification dans le cas d'un acte équivoque pouvant s'expliquer par une 'autre intention' en soutenant que 'le fait que [K] [L] soit mentionné dans l'acte de vente de l'appartement de sa grand-mère ne peut être retenu pour conclure à la renonciation à l'action en contestation du testament' et que ' de même la déclaration de succession visée par [K] [L] imposée au successible à des fins fiscales ne vaut pas acceptation tacite'.

Sur ce,

En application de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, défaut de qualité, défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

L'article 123 précise que la fin de non recevoir peut être proposée en tout état de cause.

Il convient de rappeler que Mme [C] est décédée le 11 janvier 2013 et que le testament querellé par Mme [W] [I] est daté du 22 novembre 2011.

Advenant ce décès, Mme [W] [I] a découvert le testament par lequel sa mère, Mme [C], a choisi de gratifier son petit-fils, M. [L], sans pour autant désavantager sa fille, ce qui était le droit le plus strict de la testatrice.

Le 30 juillet 2013, soit plus de six mois après le décès, par devant Me [O], notaire, Mme [W] [I] a déclaré consentir à l'exécution pure et simple du testament du 22 novembre 2011 et faire délivrance au légataire universel du legs à lui consenti.

Cette reconnaissance expresse des droits du légataire a été renouvelée par les actes suivants :

- dépôt du testament au rang des minutes d'un notaire le 30 juillet 2013 sans opposition de Mme [W] [I] (pièce 2 de l'appelant),

- acte de notoriété du 30 juillet 2013 constatant les droits de M. [L] en application du testament signé par Mme [W] [I] le 30 juillet 2013 confirmant qu'elle reconnait la qualité de légataire de son fils et par suite la validité du testament (pièce 3),

- déclaration de succession du 30 juillmet 2013 chiffrant les droits de M. [L] en fonction de sa part signée par sa mère (pièce 4).

Puis, presqu'un an plus tard, le 27 juin 2014, Me [O] a établi une attestation de propriété concernant l'appartement de feue Mme [C] à Bordeaux en rappelant la délivrance de legs, et, en suivant, le 30 juin 2014, Mme [W] [I] et M. [L] ont vendu cet appartement, exécutant ainsi ensemble le testament (pièces 26 et 23).

L'intimée soutient cependant qu'en acceptant cette délivrance de legs, elle n'a pu avoir renoncé à invoquer la nullité du testament dès lors qu'à la date de la délivrance, 30 juillet 2013, elle ne connaissait pas les circonstances de la rédaction de ce testament et le 'vice' l'affectant.

Force est de constater qu'elle ne qualifie pas ce 'vice' mais, au vu de la rédaction des écritures de l'intimée, qui a conclu d'abord sur la nullité du testament sur le fondement de l'article 901 du code civil, puis ensuite sur la recevabilité de son action, il s'impose d'en déduire que le vice allégué est celui qu'elle a développé pour conclure à la nullité du testament, ce qui implique une discussion sur les circonstances de la rédaction de ce testament et le vice l'affectant.

Au terme de l'article 901 du code civil, 'pour faire une libéralité, il faut être sain d'esprit. La libéralité est nulle lorsque le consentement a été vicié par l'erreur, le dol ou la violence' .

La charge de la preuve de l'insanité d'esprit du testateur incombe à celui qui agit en annulation du testament. Il en est de même en ce qui concerne les autres vices du consentement.

Mme [W] [I] soutient que son fils (dont la profession de formateur en méthodologie commerciale et forces de vente lui permettait selon elle de convaincre aisément sa grand-mère) a programmé et organisé méthodiquement la venue de celle-ci sur Bordeaux pour l'influencer, et une fois qu'elle a été isolée dans cette ville, exercer sur elle un 'conditionnement psychologique la conduisant à une situation d'emprise, de dépendance affective et de vulnérabilité', ce qui lui était d'autant plus aisé qu'elle était influençable et affaiblie par l'âge, les maladies et les vicissitudes de 'plusieurs déménagements et emménagements en douze mois'. Elle ajoute que son fils a choisi une période d'extrême vulnérabilité de sa grand-mère hospitalisée, pour 'demander à Me [S] (notaire de M. [L]) de lui faire établir un nouveau testament le 22 novembre 2011", cette signature à l'hôpital démontrant à elle-seule 'une machination et des agissements malhonnêtes'. Elle ajoute que ce nouveau testament, deux mois après l'arrivée de sa grand-mère sur Bordeaux, est intervenu alors qu'en mai 1993, Mme [C] avait révoqué toute disposition en faveur de son petit-fils pour son comportement 'très dépensier et désinvolte'.

La bonne compréhension du litige conduit à préciser que Mme [C], qui vivait au Chesnay (78) depuis 1984, date non contestée, sa fille habitant à la Celle-Saint-Cloud, dans le même département, a vendu son appartement pour s'installer d'abord en septembre 2011, 9 rue Sainte Elisabeth à Bordeaux, puis a de nouveau vendu cet appartement, qui ne lui plaisait pas, pour s'installer en janvier 2012, dans un nouvel appartement 400 rue Pasteur à Bordeaux.

Les attestations versées aux débats par l'appelant ( 9 à 11) démontrent que Mme [C] a décidé de son plein gré de quitter la région parisienne pour s'installer en région bordelaise, auprès de son petit-fils, avec lequel elle entretenait des liens étroits.

En effet, les pièces versées aux débats par l'appelant démontrent l'existence de liens affectifs anciens entre [K] et sa grand-mère (ses pièces 9, 12 et 13) alors que d'autres attestations établissent que les liens entre [J] [W] [I] et son fils n'étaient pas chaleureux, pas plus que ceux entre l'intimée et sa mère (pièces 9 à 13 de l'appelant), ce que ne démentent qu'insuffisamment de simples photographies telles que celles communiquées par l'intimée.

Seules Mmes [Z] et [N], pour l'intimée, prétendent que Mme [C] leur aurait indiqué que 'comme tout était organisé' (la vente de son appartement de la région parisienne et l'achat d'un appartement sur Bordeaux) par son petit-fils et son épouse, 'elle ne pouvait pas revenir sur sa décision' mais la cour constate qu'aucune pièce ne vient démontrer une quelconque intervention de M. [L] dans les opérations immoblières successives de sa grand-mère.

Au contraire, Mme [U] confirme que les deux déménagements successifs de Mme [C] ont été voulus par elle malgré les avertissements de celle-ci sur la fatigue liée à un second déménagement sur une aussi courte période.

D'autre part, Mme [D] témoigne que Mme [C] en 2011, lui a dit 'être enchantée de la décision qu'elle avait prise de quitter la région parisienne et de s'installer à Bordeaux, près de son petit-fils et de ses arrières-petits-fils' ajoutant qu'elle s'entendait très bien avec l'épouse de [K] [L] et que tous deux assuraient auprès de Mme [C] 'une présence familiale régulière et attentive'.

Et s'il est possible que Mme [C] ait ensuite parfois regretté sa décision (pièces 52 53 et 93 de l'intimée), ces regrets passagers ne font pas preuve pour autant de manoeuvres dolosives de son petit-fils pour qu'elle s'installe à ses côtés, Mme [C] n'ayant jamais choisi de repartir en région parisienne.

D'autre part, l'intimée ne démontre nullement que sa mère aurait été 'influençable' au visa de ses pièces 56 à 58 (mentions de prétendues consultations de magnétiseur et voyante sur des agendas censés appartenir à Mme [C]) alors même que Mme [C] s'intéressait personnellement à l'astrologie (même attestation n°9) et qu'elle était décrite par Mme [U] (pièce 10 de l'appelant) comme ayant une forte personnalité, volontaire, autonome et très déterminée.

Ainsi, force est de constater que l'intimée échoue à démontrer que son fils aurait 'programmé et organisé méthodiquement la venue de sa grand-mère à Bordeaux' et que cette dernière, prétendûment influençable, aurait été 'isolée' et aurait subi 'un conditionnement psychologique la conduisant à une situation d'emprise, de dépendance affective et de vulnérabilité'.

S'agissant de l'état de santé de Mme [C] le jour de la rédaction du testament, la cour constate qu'aucune pièce médicale versée aux débats par l'intimée ne vient établir que sa mère n'était pas saine d'esprit le 22 novembre 2011.

Malgré les affirmations de l'intimée aux termes desquelles sa mère souffrait de 'troubles neurologiques (AVC en 2006)', aucun certificat médical n'a été établi en ce sens ni avant, ni pendant l'hospitallisation de sa mère ni après, et aucune mesure de protection n'a jamais été sollicitée jusqu'à son décès.

D'autre part, aucune des nombreuses pièces médicales versées aux débats par l'intimée concernant la maladie de Vaquez dont souffrait sa mère ne vient démontrer que cette maladie aurait eu des conséquences sur les capacités intellectuelles des patients atteints et en l'espèce spécifiquement de Mme [C] et il en est de même des 'problèmes pulmonaires récurrents' allégués de Mme [C].

Au contraire, cette même année, Mme [D] (pièce 9 de l'appelant) atteste avoir rencontré Mme [C] au baptême de [V], le second fils de M. [L], en 2011 et la décrit comme 'parfaitement saine d'esprit, vive comme à son habitude'.

Et c'est aussi en 2011, plus précisément le 11 janvier, que Mme [C] a réitéré la convention initiale de prêt du 10 octobre 1985 sur laquelle Mme [W] [I] se fonde pour revendiquer une créance et aurait même, selon l'intimée, prétendûment calculé le solde dû avec anatocisme (pièce 67), ce qui démontre à tout le moins qu'à cette époque, Mme [C] disposait de toutes ses capacités intellectuelles.

Advenant l'hospitalisation de Mme [C], le 5 novembre 2011, il n'est pas contesté que celle-ci a fait venir un notaire, Me [S], auprès d'elle pour rédiger le 22 novembre, le testament querellé.

Cependant, aucune pièce ni attestation ne vient établir que M. [L] aurait manoeuvré en faveur de la venue de ce notaire, dont la présence est au contraire un gage de la capacité à ester de Mme [C], peu important que Me [S] ait été 'le notaire de M.[L]' pour l'acquisition de sa maison.

Aucune pièce ne démontre par ailleurs que le testament aurait été rédigé 'avec l'aide intellectuelle' de Me [S] encore moins qu'il aurait 'dicté ce testament' à Mme [C], ce qui constituent des accusations graves à l'encontre d'un officier public, qui n'est pas en la cause, ni que Mme [C] se serait alors trouvée 'dans un état grave, de faiblesse extrême et donc particulièrement influençable et vulnérable' .

Par la suite, l'année 2012 s'est écoulée sans que Mme [W] [I] ne se plaigne d'un comportement de son fils visant à s'accaparer sa grand-mère et la détourner de sa propre fille et sans qu'elle s'inquiéte jamais de son état de santé notamment mental et il est vain de reprocher ensuite à l'appelant le décès de sa grand-mère en soulignant qu'il est intervenu 'un an et quatre mois' après son arrivée à Bordeaux alors que l'état de santé de Mme [C] s'est tout simplement progressivement dégradé jusqu'à son décès à un âge honorable de 87 ans, décès survenu en la présence de sa fille (et de son petit-fils).

Ainsi, Mme [W] [I] échouant à démontrer l'existence des manoeuvres frauduleuses de son fils, ne peut en déduire que 'ne pouvant connaître le vice affectant le testament', elle n'a pu valablement renoncer à invoquer sa nullité par la délivrance du legs.

Par ailleurs, alors que le notaire est garant de la capacité des parties à l'acte, aucune pièce ne vient corroborer les allégations de l'intimée concernant son propre état de santé, qui aurait été, à la date du 30 juillet 2013, tellement dégradé par les décès successifs de sa mère et d'un oncle, le 3 février 2013, puis par son licenciement, le 18 juin 2013, qu'il l'aurait empêché de réaliser les 'manoeuvres' de son fils ni d'envisager une action judiciaire.

D'autre part, Mme [W] [I] soutient que ce n'est qu'au jour du décès de sa tante [X], soeur jumelle de Mme [C], le 29 août 2015, soit plus de deux années après le décès de sa mère, qu'elle aurait compris les manoeuvres auxquelles se serait livré [K] [L] auprès de sa grand-mère, manoeuvres qu'elle déduit du constat que l'appelant est aussi légataire universel de sa grande-tante et bénéficiaire de tous ses contrats d'assurance-vie et ainsi qu'elle aurait pu à cette date uniquement 'mettre à jour le mode opératoire de son fils pour se rapprocher des personnes âgées et vulnérables, comme sa grand-mère et sa grande-tante, afin d'obtenir des testaments en sa faveur'.

S'en suivent des développements dans les écritures ainsi qu'une communication de pièces concernant le litige opposant Mme [W] [I] à son fils quant au testament de [X] [C] (pièces 8 à 17, 22 à 30, 55 , 70, 71 ) qui ne concernent pas le présent litige et qui contribuent à brouiller la présentation des faits dont cette chambre est saisie, ce qui, pour autant, ne constitue pas un motif légal d'écarter des débats les dites pièces, cette demande de l'appelant n'étant au demeurant pas juridiquement fondée.

Mais en tout état de cause, cette découverte, si tant est que Mme [W] [I] soit suivie en appel dans l'affaire '[X] [C]' alors que sa thèse a été rejetée en première instance, n'a aucune influence sur le fait qu'elle ait accepté de délivrer le legs à son fils deux années auparavant le 30 juillet 2013 alors qu'elle n'était pas nécessairement unique héritière de sa tante.

Mme [W] [I] reproche enfin à son fils de ne pas avoir contesté le prêt litigieux entre sa mère et elle, avant la délivrance du legs , ce qui laisse sous entendre de sa part qu'elle n'aurait pas délivré le legs si elle avait su que son fils contestait son droit à créance.

Or, quelque soit le litige existant entre les parties sur ce prêt, il ne remet pas en cause la validité de la délivrance du legs par Mme [W] [I] alors même que, si cette créance figure au passif de la succession de Mme [C], rien n'empêchait M. [L] de la contester ultérieurement.

Enfin, pour répondre aux derniers moyens de l'intimée :

-tiré de l'intention de réparer de Mme [W] [I] (point b) page 15 de ses écritures), il suffit de rappeler qu'aucune nullité n'entâchant le testament, elle n'avait pas à réparer le vice prétendu,

-tiré du caractère équivoque de l'acte de délivrance (point c) page 16), qu'elle ne caractérise même pas la prétendue 'équivoque',

-tiré du caractère provisoire de la délivrance (même point c) ), que si la délivrance d'un legs particulier est effectivement une mesure essentiellement provisoire, il s'en déduit qu'elle n'enlève aux héritiers aucun moyen pour faire établir leurs droits dans la succession mais pas qu'elle autorise celui qui a volontairement délivré le legs à soulever ensuite la nullité du testament,

-tiré de l'absence de mention d'une renonciation du droit de contester le testament dans l'acte de délivrance (même point c) ), qu'en l'espèce la délivrance est justement univoque,

-et enfin tiré de l'absence de ratification dans le cas d'un acte équivoque pouvant s'expliquer par une autre intention (point d) ), de constater qu'elle ne précise pas quelle serait cette 'autre intention' ( ainsi dans la jurisprudence qu'elle cite, l'urgence de la vente de l'immeuble ou le souci de prévenir tout risque d'irrégularité de la vente).

- Sur le principe fraus omnia corrumpit

C'est vainement que l'intimée soutient enfin que les actes (et notamment l'acte de délivrance du legs du 30 juillet 2013, le procès-verbal d'ouverture et de description du testament reçu par Me [S] le 24 Juillet 2013, l'acte de notoriété du 30 juillet 2013, la déclaration de succession du 30 juillet 2013, l'acte de Me [O] du 27 juin 2014 et l'attestation de propriété délivrée par Me [G] relative à la vente du 30 juin 2014 de l'appartement de Mme [C]), ont été réalisés en fraude de ses droits en raison des 'manoeuvres frauduleuses' dès lors qu'elle a échoué à les démontrer.

En conséquence il résulte de cette analyse, alors que la délivrance d'un legs ne constitue pas un acte conservatoire mais un acte accompli en qualité d'héritier valant reconnaissance des droits du légataire et renonciation à se prévaloir des causes d'inefficacité du legs, qu'en délivrant volontairement et spontanément son legs à M. [L], Mme [W] [I] a reconnu la validité du testament et que dès lors, elle n'était plus recevable à en soulever la nullité , la fin de non recevoir opposée par M. [L] devant être retenue pour infirmer la décision déférée et juger à nouveau que l'action de Mme [W] [I] est irrecevable.

- Sur l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de Mme [C]

Il existe une indivision successorale entre M. [L] et Mme [W] [I] et nul n'étant tenu de rester dans l'indivision, il sera fait droit à cette demande.

Me [O] étant notaire à Maintenon (28 130) ne pourra être désigné par le président de la chambre des notaires de la Gironde dans le cadre de cette succession et il n'y a donc pas lieu de répondre favorablement à la demande d'exclusion de l'appelant.

En revanche, la cour précisera l'exclusion de Me [E] [S], notaire à Bordeaux, afin d'éviter tout litige ultérieur avec l'intimée.

- Sur la créance de Mme [W] [I]

Cette demande est recevable au regard de la qualité de légataire à titre universel de l'appelant.

Au fond, une convention de prêt a été conclue le 10 octobre 1985 entre Mme [A] [C] emprunteur et Mme [W] [I] prêteur portant sur une somme de 320 000 francs, sans intérêt pour 7 années soit jusqu'au 31 janvier 1996.

Ce prêt a été prorogé par trois fois, la dernière fois le 11 janvier 2011 jusqu'au 31 janvier 2017, Mme [C] s'engageant dans le dernier document à rembourser à cette date du 31 janvier 2017 la somme de 48 783, 70 euros augmentée d'un intérêt au taux de 8 % l'an calculé à compter du 1er février 1996 (pièces 36 à 39 de l'intimée).

Il est constant qu'à la déclaration de succession, ce prêt figure au passif pour 179 767, 93 euros. Mais la déclaration de succession est par nature un document purement déclaratif destiné à l'administration fiscale au fin de déterminer le montant des droits de mutation et ne vaut pas reconnaissance par M. [L] de la créance de sa mère.

Par ailleurs, s'il est constant que M. [L] a initalement contesté le mode de calcul de la créance, il n'en a pas pour autant admis le principe même de la créance, s'interrogeant (sa pièce 32) sur sa possibilité, à défaut d'accord amiable, de contester la validité du prêt en raison de la contre-lettre écrite par sa mère et les raisons qui ont conduit à la prorogation du prêt en dépit de ce renoncement (simulation fiscale ou autre) et proposant d'abandonner ses contestations (sa pièce 33) dans un cadre transactionnel uniquement.

Sa demande étant ainsi recevable sur le principe, il convient de constater que M. [L] verse aux débats en pièce 21 une lettre de Mme [W] [I] datée du 10 octobre 1985 adressée à sa mère par laquelle elle indique :

'Je suis d'accord pour te remettre sur la totalité du prix une somme totale de 320 000 frs en trois fois ... bien entendu il n'est pas question que je te réclame le remboursement de cette somme'.

Il résulte de ce document que Mme [W] [I] a rédigé le même jour que le contrat de prêt initial (10 octobre 1985) un document qu'elle a signé seule, ce qui n'est pas incompatible avec une acceptation tacite de sa mère valant accord de volonté, (démontrée par l'absence de remboursement) mais qui établit qu'elle n'avait pas l'intention de demander le remboursement du prêt à sa mère.

Nonobstant les prorogations intervenues entre les parties, dont le contenu n'est pas incompatible avec ce document, Mme [W] [I] restant taisante sur l'explication avancée par son fils de l'opération, à savoir de simples considérations fiscales afin d'échapper au paiement des droits de mutation à titre gratuit, il n'en demeure pas moins que Mme [C] devait atteindre, au final, l'âge de 91 ans au terme de la convention ( 31 janvier 2017) pour rembourser et qu'aucun remboursement n'est jamais intervenu de la part de la mère jusqu'à son décès, ni aucune demande de la part de la fille, et ce pendant 28 années, la première demande de Mme [W] [I] faisant suite au décès de sa mère.

La seule explication fournie par l'intimée sur cet écrit, à savoir qu'elle aurait voulu se prémunir d'une demande de remboursement adressée à sa mère par son époux, M. [L], compte tenu de leur régime matrimonial de communauté réduite aux acquêts, n'est guère convaincante aux yeux de la cour.

La pièce 67 versée aux débats par l'intimée présentée comme une note manuscrite de Mme [C] de janvier 2011 par laquelle elle avait 'calculé le montant de la dette à environ 154 000 euros, ce qui correspond à un calcul avec anatocisme' n'implique pas ipso facto ni que la fille avait réclamé le remboursement ni que la mère l'avait proposé, les circonstances dans lesquelles cette note aurait été rédigée étant tues.

Il en résulte que Mme [W] [I] était incontestablement animée d'une intention libérale en prêtant la somme de 320 000 francs à sa mère et que Mme [C] avait accepté de recueillir les fonds sans les rembourser, le contrat de prêt litigieux constituant ainsi une donation déguisée de Mme [W] [I] au profit de Mme [C], aucune créance en faveur de Mme [W] [I] ne pouvant en conséquence être inscrite au passif de la succession de Mme [C].

- Sur les dommages-intérêts et les frais irrépétibles de première instance

Il s'impose d'infirmer la décision déférée en ce qu'elle a condamné M. [L] au paiement d'une somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts, la cour retenant qu'il n'a commis aucune faute.

De même, la décision sera infirmée en ce qu'elle l'a condamné au titre des frais irrépétibles à une indemnité en faveur de Mme [W] [I] 'en équité'.

Mme [W] [I], qui succombe en appel, versera à M. [L] une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Conformément à la demande de l'appelant, les dépens seront employés en frais privilégiés de partage.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant après rapport fait à l'audience,

DECLARE irrecevables les demandes nouvelles figurant dans le dispositif des conclusions 4 de l'intimée du 21 février 2022 qui ne figuraient pas aux conclusions initiales du 25 octobre 2019 ;

INFIRME la décision déférée ;

Statuant de nouveau,

DECLARE irrecevable la demande de nullité formée par Mme [W] [I] à l'encontre du testament olographe rédigé par [A] [C] le 22 novembre 2011 ;

ORDONNE l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de Mme [A] [C] ;

DESIGNE pour y procéder le président de la chambre des notaires de la Gironde avec faculté de délégation à l'exception de Me [E] [S] notaire à Bordeaux ;

DIT que la convention de prêt en date du 10 octobre 1985 est une donation déguisée;

DIT qu'aucune créance en faveur de Mme [W] [I] ne peut être inscrite au passif de la succession de Mme [C] en raison de cette donation déguisée ;

REJETTE toutes autres demandes ;

CONDAMNE Mme [W] [I] à verser à M. [L] une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

ORDONNE l'emploi des dépens en frais privilégiés de partage.

Signé par Hélène MORNET, Présidente de chambre et par Florence CHANVRIT, Adjointe Administrative principale faisant fonction de Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre famille
Numéro d'arrêt : 19/02774
Date de la décision : 03/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-03;19.02774 ?
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