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03/05/2022 | FRANCE | N°19/00589

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 1ère chambre civile, 03 mai 2022, 19/00589


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE



--------------------------







ARRÊT DU : 03 MAI 2022



VB





N° RG 19/00589 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-K3AJ









OFFICE NATIONALD'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX - ONIAM



c/



[V] [G] [X] [D]

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA GIRONDE

CAISSE LOCALE DELEGUEE POUR LA SECURITE SOCIALE DES TRAVAILLEURS INDEPENDANTS













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Nature de la décision : AU FOND























Grosse délivrée le :



aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 13 décembre 2018 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (chambre : 6, RG : 17/01...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 03 MAI 2022

VB

N° RG 19/00589 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-K3AJ

OFFICE NATIONALD'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX - ONIAM

c/

[V] [G] [X] [D]

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA GIRONDE

CAISSE LOCALE DELEGUEE POUR LA SECURITE SOCIALE DES TRAVAILLEURS INDEPENDANTS

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 13 décembre 2018 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (chambre : 6, RG : 17/01955) suivant déclaration d'appel du 31 janvier 2019

APPELANT :

OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX - ONIAM, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège sis [Adresse 9]

représenté par Maître Laurène D'AMIENS de la SCP CLAIRE LE BARAZER & LAURÈNE D'AMIENS, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assisté de Maître Pierre RAVAUT de la SELARL BIROT-RAVAUT ET ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de BORDEAUX

INTIMÉS :

[V] [G] [X] [D]

né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 5] (PORTUGAL)

de nationalité Portugaise

demeurant [Adresse 3]

représenté par Maître Hélène SEIGNEURIC, avocat au barreau de BORDEAUX

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA GIRONDE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège sis [Adresse 8]

non représentée, assignée à personne habilitée

CAISSE LOCALE DELEGUEE POUR LA SECURITE SOCIALE DES TRAVAILLEURS INDEPENDANTS D'AQUITAINE, venant aux droits de RSI AQUITAINE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège sis [Adresse 2]

non représentée, assignée à personne habilitée

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 mars 2022 en audience publique, devant la cour composée de :

Roland POTEE, président,

Vincent BRAUD, conseiller,

Bérengère VALLEE, conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Véronique SAIGE

ARRÊT :

- réputé contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSÉ DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

[V] [X] [D], qui présentait une douleur du mollet droit, a consulté le 4 mai 2011 son médecin traitant, le docteur [M], qui l'a adressé au docteur [K], phlébologue, en raison de la suspicion d'une phlébite.

Une échographie réalisée le 5 mai 2011 a confirmé l'existence d'une thrombose veineuse à droite.

Un traitement anticoagulant a été immédiatement institué par le docteur [K].

Par la suite, [V] [X] [D] a été suivi par le docteur [B] qui remplaçait le docteur [M] et qui a poursuivi le traitement anticoagulant.

Le 7 juin 2011, [V] [X] [D], qui présentait des céphalées, a consulté le docteur [L] qui a prescrit un traitement symptomatique et lui a conseillé de se rendre aux urgences si son état ne s'améliorait pas.

Le lendemain, il a présenté à nouveau des céphalées accompagnées de troubles de l'équilibre, de vomissements et d'une hémiplégie gauche ; il a été conduit aux urgences du centre hospitalier universitaire de [Localité 6].

La tomodensitométrie réalisée à son arrivée a mis en évidence un hématome intracérébral qui a dû être évacué chirurgicalement.

[V] [X] [D] est resté hospitalisé jusqu'au 7 juillet 2011, date à laquelle il a été transféré à la clinique des [7] jusqu'au 26 octobre 2011 pour une rééducation fonctionnelle.

Il conserve une hémianopsie gauche, des troubles attentionnels en relation avec une hémi-négligence, un déficit du membre gauche et des troubles de la marche.

Le 19 février 2013, [V] [X] [D] a saisi la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux de la région Aquitaine aux fins d'indemnisation des préjudices subis, mettant en cause les docteurs [L], [M] et [B].

La commission a diligenté une expertise médicale et désigné pour y procéder le docteur [O], médecin spécialiste en neurologie et médecine interne, et le docteur [U], médecin légiste, en qualité d'experts.

Ces derniers ont déposé leur rapport le 8 août 2013, concluant que le dommage était imputable de façon directe et certaine à l'administration d'anticoagulants, laquelle était légitime en raison de l'existence de la phlébite ; et que les conséquences du dommages étaient anormales au regard de l'état antérieur qui n'exposait pas le patient à un risque hémorragique, ainsi que de l'évolution prévisible de la pathologie. Ils ont déduit que l'ensemble des soins apportés par tous les médecins qui sont intervenus ont été conformes aux règles de l'art et aux données acquises de la science, qu'ils étaient en présence d'un accident médical de caractère non fautif.

Le 20 novembre 2013, la commission de conciliation et d'indemnisation a émis l'avis suivant :

' la réparation des préjudices incombe à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (O. N. I. A. M.) au titre de la solidarité nationale,

' les docteurs [L], [M] et [B] sont mis hors de cause,

' l'état de santé de la victime est considéré comme consolidé depuis le 14 juillet 2012,

' les préjudices qu'il convient d'indemniser sont les suivants :

- dépenses de soins actuelles et frais divers : sur justificatifs à compter du 8 juin 2011,

- dépenses de soins futures : sur justificatifs,

- différentes périodes de déficit fonctionnel temporaire total et partiel,

- déficit fonctionnel permanent de 65 %,

- perte de gains professionnels actuels du 8 juin 2011 au 13 juillet 2012,

- incidence professionnelle et perte de gains professionnels futurs en raison de l'inaptitude à exercer son activité professionnelle,

- aide à la tierce personne non spécialisée évaluée à une demi-heure par jour, sept jours sur sept à compter du 26 octobre 2011,

- souffrances endurées évaluées à 4/7,

- préjudice esthétique évalué à 2/7,

- préjudice d'agrément : sur justificatifs,

- frais de domotique pour l'aménagement de la salle de bains et des toilettes : sur justificatifs,

' il appartient à l'O. N. I. A. M. d'adresser une offre d'indemnisation définitive à [V] [X] [D] dans un délai de 4 mois suivant la réception de l'avis.

Le 28 avril 2014, [V] [X] [D] a signé un protocole d'indemnisation transactionnelle, relatif à l'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire pour 5 051,25 euros, des souffrances endurées pour 6 000 euros et du préjudice esthétique pour 1 700 euros.

Jugeant l'offre réalisée par l'O. N. I. A. M. insuffisante s'agissant des autres postes de préjudices, [V] [X] [D] a, par actes d'huissier des 9, 10 et 17 février 2017, assigné l'O. N. I. A. M., la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde et le régime social des indépendants d'Aquitaine devant le tribunal de grande instance de Bordeaux aux fins de voir condamner l'O. N. I. A. M. à l'indemniser de ses préjudices sur le fondement de l'article L.1142-20 du code de la santé publique, comme suit et sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- 6 538,30 euros au titre des frais divers,

- 252,80 euros au tire de dépenses de santé actuelles,

- 249 600 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

- 244 315,68 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs,

- 150 000 euros au titre de l'incidence professionnelle,

- 15 000 euros au titre du préjudice d'agrément,

Soit la somme de 665 706,78 euros, outre celle de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.

Par jugement réputé contradictoire en date du 13 décembre 2018, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :

' Dit que l'O. N. I. A. M. est tenu d'indemniser l'intégralité des préjudices subis par [V] [X] [D] ;

' Fixé le préjudice subi par [V] [X] [D] à la somme totale de 661 670,98 euros, suivant le détail suivant :

- dépenses de santé actuelles : 0 euro

- frais divers : 4 198,30 euros

- pertes de gains professionnels futurs : 322 872,68 euros

- incidence professionnelle : 70 000 euros

- déficit fonctionnel permanent : 249 600 euros

- préjudice d'agrément : 15 000 euros ;

' Condamné l'O. N. I. A. M. à payer à [V] [X] [D] la somme de 661 670,98 euros en réparation de son préjudice corporel ;

' Dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la décision ;

' Déclaré le jugement opposable à la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde et au régime social des indépendants d'Aquitaine ;

' Condamné l'O. N. I. A. M. à payer à [V] [X] [D] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

' Condamné l'O. N. I. A. M. aux dépens ;

' Ordonné l'exécution provisoire du jugement à concurrence de la moitié de l'indemnité allouée et en totalité en ce qui concerne les frais irrépétibles et les dépens.

L'O. N. I. A. M. a relevé appel de ce jugement par déclaration du 31 janvier 2019.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 7 janvier 2020, l'établissement public Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales demande à la cour de :

' Juger l'O. N. I. A. M. recevable et bien fondé en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

' Rejeter l'appel incident de [V] [X] [D] portant sur les frais d'assistance par tierce personne, les pertes de gains professionnels futurs et l'incidence professionnelle ;

' Réformer le jugement rendu le 13 décembre 2018 par le tribunal de grande instance de Bordeaux en ce qu'il a :

- fixé le préjudice subi par [V] [X] [D] à la somme totale de 661 670,98 euros,

- fixé le montant des frais divers à la somme de 4 198,30 euros,

- fixé le montant de la perte de gains professionnels futurs à la somme de 322 872,68 euros,

- fixé le montant de l'incidence professionnelle à la somme de 70 000 euros,

- fixé le montant du déficit fonctionnel permanent à la somme de 249 600 euros,

- condamné l'O. N. I. A. M. à payer à [V] [X] [D] la somme de 661 670,98 euros en réparation de son préjudice corporel ;

' Confirmer le jugement rendu le 13 décembre 2018 par le tribunal de grande instance de Bordeaux en ses autres dispositions ;

Et statuant à nouveau :

' Rejeter la demande d'indemnisation de [V] [X] [D] au titre de l'incidence professionnelle ;

' Rejeter la demande d'indemnisation de [V] [X] [D] au titre des frais d'assistance par tierce personne ;

- à titre subsidiaire, fixer l'indemnisation de ce poste de prejudice à la somme de 1 922,29 euros ;

' Réduire l'indemnisation allouée à [V] [X] [D] au titre des frais divers à la somme de 1 168,00 euros se décomposant comme suit :

- 700,00 euros au titre des frais d'assistance par un médecin-conseil,

- 468,00 euros au titre des frais de séjour hospitalier ;

' Réduire l'indemnisation allouée à [V] [X] [D] au titre de la perte de gains professionnels futurs à la somme de 31 530,67 euros ;

' Réduire l'indemnisation allouée à [V] [X] [D] au titre du déficit fonctionnel permanent à la somme de 162 836,00 euros ;

' Juger que le montant de l'indemnisation allouée à [V] [X] [D] se fera, déduction faite des indemnités de toutes natures versées par les organismes sociaux et tous tiers débiteurs ;

' Juger que l'O. N. I. A. M. ne remboursera pas aux tiers payeurs les indemnités de toutes natures versées à [V] [X] [D] ;

' Statuer ce que de droit quant aux dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 7 février 2020, [V] [G] [X] [D] demande à la cour de :

' Confirmer le jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux du 13 décembre 2018 dont appel en ce qu'il a :

- dit que l'O. N. I. A. M. est tenu d'indemniser l'intégralité des préjudices subis par [V] [X] [D],

- condamné l'O. N. I. A. M. à verser à [V] [X] [D] les sommes suivantes :

' 249 600 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

' 15 000 euros au titre du préjudice d'agrément ;

' Faire droit à l'appel incident de [V] [X] [D] et infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a fixé son préjudice à la somme totale de 661 670,98 euros ;

En conséquence et statuant à nouveau,

' Condamner l'O. N. I. A. M. à verser à [V] [X] [D] la somme totale de 808 567,50 euros au titre de l'indemnisation de ses préjudices, se décomposant comme suit :

- 6 538,30 euros au titre des frais divers,

- 249 600 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

- 387 429,20 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs,

- 150 000 euros au titre de l'incidence professionnelle,

- 15 000 euros au titre du préjudice d'agrément ;

' Débouter l'O. N. I. A. M. de ses demandes au titre des frais divers, de la perte de gains professionnelle future, de l'incidence professionnelle ainsi que du déficit fonctionnel permanent ;

' Condamner l'O. N. I. A. M. à payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

La déclaration d'appel, les conclusions de l'appelant et de l'intimé ont été régulièrement signifiées à la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde et à la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants d'Aquitaine, venant aux droits du régime social des indépendants d'Aquitaine.

La caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde n'a pas constitué avocat. Par télécopie transmise au greffe le 25 mars 2019, elle a indiqué ne pas intervenir à l'instance et a communiqué le montant définitif de ses débours, qui s'élève à 120 657,26 euros.

Le régime social des indépendants d'Aquitaine, devenu la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants d'Aquitaine, n'a pas constitué avocat. Il a été régulièrement assigné à personne.

L'instruction a été close par ordonnance en date du 1er mars 2022.

L'affaire a été fixée à l'audience collégiale du 15 mars 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'évaluation des préjudices :

L'obligation de l'O. N. I. A. M. de réparer l'entier dommage de la victime n'est pas contestée.

Aux termes des conclusions médico-légales des docteurs [O] et [U], [V] [X] [D], né le [Date naissance 4] 1965, a été victime le 8 juin 2011 d'une hémiplégie gauche due à une hémorragie intra-cérébrale pour laquelle il a été hospitalisé. À la date de la consolidation fixée le 14 juillet 2012, [V] [X] [D] présente des troubles visuels à gauche et une hémiparésie latérale.

Les experts concluent ainsi que suit :

' Déficit fonctionnel temporaire total du 8 juin 2011 au 26 octobre 2011 ;

' Déficit fonctionnel temporaire partiel de classe IV (75 %) du 27 octobre 2011 au 13 juillet 2012 ;

' Arrêt de travail du 8 juin 2011 au 13 juillet 2012 ;

' Aide pour les actes de la vie courante du 26 octobre 2011 au 13 juillet 2012 à raison d'une demi-heure par jour, sept jours sur sept ;

' Déficit fonctionnel permanent : 65 % ;

' Souffrances endurées : 4/7 ;

' Préjudice esthétique permanent : 2/7 ;

' Préjudice d'agrément ;

' Nécessité d'aménager le logement ;

' Impossibilité de reprendre son activité professionnelle de maçon.

Le rapport des médecins experts, contre lequel aucune critique médicalement fondée ne peut être retenue, constitue une base valable d'évaluation du préjudice corporel subi.

Au vu des conclusions expertales, des justificatifs produits et sur la base des offres et prétentions des parties, le préjudice de [V] [X] [D] a été fixé par le tribunal comme suit :

1) Préjudices patrimoniaux :

' dépenses de santé actuelles : néant

' frais divers : 4 198,30 euros

' perte de gains professionnels futurs : 322 872,68 euros

' incidence professionnelle : 70 000 euros

2) Préjudices extrapatrimoniaux :

' déficit fonctionnel permanent : 249 600 euros

' préjudice d'agrément : 15 000 euros

Total : 661 670,98 euros.

Les parties ne remettent pas en cause l'évaluation des chefs de préjudice suivants :

' dépenses de santé actuelles : néant

' préjudice d'agrément : 15 000 euros.

Les arguments et les pièces présentés à la cour n'apportent pas d'élément nouveau qui justifierait de revenir sur l'exacte évaluation faite par le premier juge du chef de préjudice suivant :

' déficit fonctionnel permanent : 249 600 euros.

Considérant l'âge de la victime (46 ans à la consolidation), la nature des lésions, le traitement médical mis en 'uvre pour y remédier, la nature de l'infirmité, la gêne affectant la vie quotidienne, l'impossibilité ou les difficultés de se livrer à certaines activités physiques, la cour possède les éléments d'appréciation suffisants pour fixer les autres chefs de préjudice comme suit, en tenant compte du principe posé par l'article L. 1142-17, alinéa 2, du code de la santé publique, suivant lequel l'évaluation retenue pour chaque chef de préjudice ainsi que le montant des indemnités qui reviennent à la victime, ou à ses ayants droit, s'opère déduction faite des prestations énumérées à l'article 29 de la loi no 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation, et plus généralement des indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d'autres débiteurs du chef du même préjudice.

Sur les préjudices patrimoniaux temporaires :

Sur les frais divers :

Ce sont les frais autres que les frais médicaux restés à la charge de la victime.

a) [V] [X] [D] sollicite à ce titre le remboursement des honoraires du médecin qui l'a assisté, et dont il produit les notes d'honoraires d'un montant total de 3 064 euros. Pour l'appelant, il convient de limiter cette indemnisation à la somme de 700 euros fixée par son référentiel d'indemnisation.

Dès lors que la victime justifie avoir dû s'acquitter de ces frais, le principe de réparation intégrale veut qu'elle en soit indemnisée. Le jugement critiqué sera confirmé de ce chef.

b) Sont également compris les frais liés à l'hospitalisation tels que la location d'un téléviseur ; il convient en effet d'accorder à la victime le confort dont elle aurait bénéficié si l'accident ne s'était pas produit.

De même, les frais correspondant au forfait hospitalier constituent un préjudice indemnisable (2e Civ., 3 mai 2006, no 05-12.617).

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a fait droit à la demande d'une somme de 1 134,30 euros présentée à ce titre par la victime.

c) Ce poste couvre en outre les dépenses liées à la réduction d'autonomie, entre le dommage et la consolidation. Le montant de l'indemnité allouée au titre de l'assistance d'une tierce personne ne saurait être réduit en cas d'assistance d'un membre de la famille ni subordonné à la production de justificatifs des dépenses effectives. Les experts retiennent en l'espèce la nécessité d'une aide pour les actes de la vie courante du 26 octobre 2011 au 13 juillet 2012 à raison d'une demi-heure par jour, sept jours sur sept.

[V] [X] [D] sollicite à ce titre une indemnité de 2 340 euros ainsi calculée :

18 €/h × 0,5 h/j × 260 j = 2 340 euros.

L'O. N. I. A. M. s'oppose à cette demande au motif que la prestation de compensation du handicap doit se déduire de l'indemnisation mise à sa charge au titre des frais d'assistance par tierce personne.

[V] [X] [D] reconnaît avoir perçu la prestation de compensation du handicap (ses pièces nos 18 et 19). Il estime toutefois que :

' cette prestation était insuffisante en comparaison de ses besoins réels ;

' cette prestation ne saurait être déduite du poste de l'assistance par une tierce personne, car sa nature indemnitaire est discutable, et son cumul est admis en présence notamment du fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages.

Il est constant qu'il résulte des articles L. 245-1 et suivants du code de l'action sociale et des familles que la prestation de compensation, servie en exécution d'une obligation nationale de solidarité, qui est accordée sans condition de ressources, et dont le montant est fixé en fonction des besoins individualisés de l'allocataire, constitue une prestation indemnitaire (2e Civ., 16 mai 2013, no 12-18.093 ; 12 juin 2014, no 13-12.185 ; 1er sept. 2015, no 14-82.251). En application de l'article L. 1142-17 précité du code de la santé publique, il s'ensuit qu'elle doit être déduite de l'indemnisation versée par l'O. N. I. A. M. au titre de l'assistance par une tierce personne.

Or, [V] [X] [D] a attesté sur l'honneur que « tous les frais d'assistance tierce personne ont été entièrement régularisés par la M. D. P. H. 33 [Maison départementale des personnes handicapées de la Gironde] » (pièce no 15 de l'appelant). Le jugement frappé d'appel mérite donc confirmation en ce qu'il a considéré que la victime était d'ores et déjà dédommagée des frais d'assistance par tierce personne, et en ce qu'il a fixé en conséquence le poste de préjudice des frais divers à la somme de 4 198,30 euros.

Sur les préjudices patrimoniaux permanents :

Sur la perte de gains professionnels futurs :

La perte de gains professionnels futurs vise à indemniser la victime de la perte ou de la diminution de ses revenus consécutive à l'incapacité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du dommage.

[V] [X] [D] entend voir calculer ce poste de préjudice à partir de la moyenne de ses revenus des trois années précédant l'accident, jusqu'à l'âge de la retraite à taux plein, soit 65 ans.

L'appelant estime que du fait des changements de situation professionnelle de la victime, il convient de ne retenir que ses revenus de l'année précédant l'accident, soit 2010, juqu'à l'âge légal de la retraite, soit 62 ans.

[V] [X] [D] a été ouvrier maçon salarié jusqu'en 2001, puis artisan jusqu'à fin 2008. De janvier à juillet 2009, il a été salarié, avant d'être licencié. Par la suite, il a été au chômage puis a travaillé en intérim jusqu'en avril 2011. En avril 2011, il a créé son entreprise (société à responsabilité limitée en cogérance). Il n'avait pas d'employé, étant lui-même salarié.

Au cours des trois années précédant son accident, la victime a donc travaillé un an comme artisan, puis deux ans comme salarié, de manière irrégulière. Dans ces circonstances, le tribunal a opportunément retenu pour revenu de référence la moyenne des trois dernières années avant la survenance du dommage, soit 2 462,05 euros.

Devant la cour, l'intimé justifie qu'en se retirant à 62 ans, il ne totaliserait que 111 trimestres d'assurance (sa pièce no 22). Aussi convient-il de considérer, pour évaluer sa perte de gains professionnels futurs, qu'il aurait dû travailler jusqu'à l'âge de 65 ans.

La cour fera donc droit aux demandes de la victime en suivant le mode de calcul adopté par le premier juge.

La perte de gains professionnels futurs subie entre la consolidation et la décision, soit pendant 78 mois, s'élève à :

2 462,05 € ×78 = 192 039,90 euros.

La perte de gains professionnels futurs subie après la décision sera capitalisée à partir de l'euro de rente indiqué par le dernier barème publié en septembre 2020 dans la Gazette du palais pour un homme âgé de 53 ans :

2 462,05 € ×12 ×11,208 = 331 135,87 euros.

Il convient de déduire de ces sommes :

' les indemnités journalières reçues du régime social des indépendants depuis la consolidation de la victime, soit 3 636,86 euros suivant le calcul exact de l'appelant (sa pièce no 11) ;

' la pension d'invalidité servie par la caisse primaire d'assurance maladie, soit 119 699,45 euros suivant le calcul exact de l'intimé (sa pièce no 17), étant observé que cette pension, qui répare un préjudice permanent, quand bien même son versement aurait commencé avant la date de consolidation retenue, ne peut être imputée que sur un poste de préjudice patrimonial permanent.

La perte de gains professionnels futurs sera liquidée en conséquence à :

(192 039,90 € + 331 135,87 €) - (3 636,86 € + 119 699,45 €) = 399 839,46 euros,

ramenés à 387 492,20 euros conformément à la demande et au principe dispositif.

Sur l'incidence professionnelle :

Ce poste de préjudice vise à indemniser, non la perte de revenus liée à l'invalidité consécutive à l'accident, mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle, comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail et de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi occupé imputable au dommage, ou encore le préjudice subi résultant de l'obligation d'abandonner la profession qu'elle exerçait avant le dommage au profit d'une activité professionnelle imposé par la survenance d'une infirmité.

L'appelant conteste l'indemnisation accordée à ce titre au motif que seul un préjudice de retraite peut se cumuler avec les pertes de gains professionnels, préjudice de retraite dont la preuve n'est pas rapportée.

[V] [X] [D] sollicite néanmoins à raison la réparation de ce préjudice en faisant valoir que l'abandon complet, de manière brusque et définitive, d'une activité professionnelle qu'il exerçait depuis longtemps entraîne nécessairement une dévalorisation et une perte d'identité. Le préjudice résultant de la dévalorisation sociale ressentie par la victime du fait de son exclusion définitive du monde du travail est en effet indemnisable au titre de l' incidence professionnelle (2e Civ., 6 mai 2021, no 19-23.173, 20-16.428).

[V] [X] [D] justifie notamment avoir créé en avril 2011 avec un associé une entreprise de travaux de gros 'uvre, qui avait réalisé, dans les deux mois précédant l'accident, un chiffre d'affaires important, et a d'ailleurs prospéré par la suite (pièces nos 8, 9 et 21 de l'intimé). Le tribunal a justement estimé ce poste de préjudice à la somme de 70 000 euros.

Les postes de préjudice seront récapitulés comme suit :

Dépenses de santé actuelles : néant

Frais divers : 4 198,30 euros

Perte de gains professionnels futurs : 387 492,20 euros

Incidence professionnelle : 70 000 euros

Déficit fonctionnel permanent : 249 600 euros

Préjudice d'agrément : 15 000 euros

Total : 726 290,50 euros.

Le préjudice corporel global subi par [V] [X] [D] s'établit ainsi à la somme de 726 290,50 euros lui revenant.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

Aux termes de l'article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. L'O. N. I. A. M. en supportera donc la charge.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Sur ce fondement, l'O. N. I. A. M. sera condamné à payer la somme de 1 500 euros à [V] [X] [D].

LA COUR, PAR CES MOTIFS,

Infirme partiellement le jugement en ce qu'il :

' Fixe le préjudice subi par [V] [X] [D] à la somme totale de 661 670,98 euros, suivant le détail suivant :

- dépenses de santé actuelles : 0 euro

- frais divers : 4 198,30 euros

- pertes de gains professionnels futurs : 322 872,68 euros

- incidence professionnelle : 70 000 euros

- déficit fonctionnel permanent : 249 600 euros

- préjudice d'agrément : 15 000 euros ;

' Condamne l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à payer à [V] [X] [D] la somme de 661 670,98 euros en réparation de son préjudice corporel ;

Statuant à nouveau dans cette limite,

Fixe le préjudice subi par [V] [X] [D] à la somme totale de 726 290,50 euros, suivant le détail suivant :

- dépenses de santé actuelles : 0 euro

- frais divers : 4 198,30 euros

- pertes de gains professionnels futurs : 387 492,20 euros

- incidence professionnelle : 70 000 euros

- déficit fonctionnel permanent : 249 600 euros

- préjudice d'agrément : 15 000 euros ;

Condamne l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à payer à [V] [X] [D] la somme de 726 290,50 euros en réparation de son préjudice corporel ;

Confirme toutes les autres dispositions non contraires ;

Y ajoutant,

Condamne l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à payer à [V] [X] [D] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales aux dépens ;

Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 19/00589
Date de la décision : 03/05/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-05-03;19.00589 ?
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