R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
COUR D ' A P P E L D E B O R D E A U X
N° RG 22/00083 - N° Portalis DBVJ-V-B7G-MVAE
ORDONNANCE
Le VINGT AVRIL DEUX MILLE VINGT DEUX à 10 H 00
Nous, Marie-Dominique BOULARD-PAOLINI, Conseillère à la Cour d'appel de Bordeaux, agissant par délégation de madame la première présidente de ladite Cour, assistée de Martine MASSE, greffier, lors des débats et de Hervé GOUDOT, Greffier lors du délibéré
En l'absence du Ministère Public, dûment avisé,
En présence de Monsieur [O] [P] représentant le Préfet de la Gironde
En présence de Monsieur [H] [E] né le 03 Février 2001 à TRIPOLI (LYBIE) de nationalité Libyenne, et de son conseil Maître Delphine MEAUDE,
En présence de Madame [G] [M] , interprète en langue arabe déclarée comprise par la personne retenue à l'inverse du Français, inscrite sur la liste des experts de la cour d'appel de Bordeaux.
Vu le placement en rétention administrative prise le 16 mars 2022 par Madame le Préfet de la Gironde.
Vu l'ordonnance rendue le 23 mars par madame la Première présidence de la Cour d'appel de Bordeaux prolongeant la rétention administrative pour une durée le maximale de 28 jours, ordonnance confirmant l'ordonnance rendue le 19 mars 2022 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bordeaux .
Vu l'ordonnance rendue le 17 avril 2022 à 12 H 30 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Bordeaux, ordonnant la prolongation de la rétention administrative de Monsieur [H] [E] pour une durée maximale de 30 jours
Vu l'appel interjeté par le conseil de M. Monsieur [H] [E]
né le 03 Février 2001 à TRIPOLI (LYBIE) de nationalité Libyenne
Vu l'avis de la date et de l'heure de l'audience prévue pour les débats donné aux parties,
Avons rendu l'ordonnance suivante:
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE :
M. [H] [E], se disant né le 3 février 2001 à Tripoli (Lybie) se disant de nationalité libyenne a fait l'objet d'une interdiction du territoire français d'une durée de 10 ans prononcée par le tribunal correctionnel de Bordeaux le 25 février 2021 .
Il a fait l'objet d'un placement en rétention administrative pris par la préfète de la Gironde le 17 mars 2022 notifié le 17 mars 2022 à 10h01, à son élargissement.
Saisi d'une requête en prolongation de la rétention administrative pour une durée de 28 jours, reçue , le juge des libertés et de la détention de Bordeaux, par ordonnance du 19 mars 2022 , a autorisé la prolongation pour 28 jours de la rétention administrative de l'intéressé, décision confirmée par la cour d'appel de Bordeaux par ordonnance du 23 mars 2022.
Suivant requête de l'autorité administrative du 16 avril 2022 reçue et enregistrée le jour même à 8h28 tendant à la prolongation de la rétention de [H] [E] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée supplémentaire de 30 jours, le juge des libertés et de la détention, par ordonnance du 17 avril 2022 à 12h30 a rejeté les conclusions d'irrégularité , déclaré recevable la requête de Madame la préfète de la Gironde et autorisé le maintien en rétention administrative de [H] [E] pour une durée maximale de 30 jours.
Par courriel motivé adressé au greffe de la cour le 18 avril 2022 à 10h21, son conseil conclut à la réformation de la décision entreprise et demande de :
'débouter la préfecture de sa demande en prolongation de la rétention administrative de M. [H] [E] ;
-ordonner la remise en liberté immédiate de M. [H] [E] ;
'attribuer à M. [H] [E] le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire,
' condamner le préfet à verser à Me MEAUDE la somme de 800 € au titre des articles 700 du code de procédure civile et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Au soutien de sa déclaration d'appel, l'avocat de [H] [E] fait valoir le défaut de diligence de la préfecture pendant plus de 28 jours à destination des autorités consulaires algériennes, afin d'organiser l' éloignement de son client.
Le représentant du préfet de Gironde conclut à la confirmation de l'ordonnance, en se basant sur sur une décision récente de la cour d'appel de Bordeaux , fondée sur la jurisprudence de la Cour de cassation, qui n'exige pas que des relances soient effectuées auprès des autorités consulaires, dans la mesure où le préfet ne dispose d'aucun pouvoir de contrainte sur celles-ci.
L'affaire a été mise en délibéré et le conseiller délégué de la première présidente a indiqué que la décision sera rendue par mise à disposition au greffe le 20 avril à 10 heures.
MOTIFS DE LA DECISION :
-Sur la recevabilité de l'appel :
L'appel formé par [H] [E] le 18 avril 2022 à 10h21 est recevable comme étant intervenu dans le délai de 24 heures prolongé au premier jour ouvrable suivant, la notification de la décision déférée ayant été faite à l'intéressé le 17 avril 2022 à 12h30 .
Il conviendra, par ailleurs, d'accorder à [H] [E] le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, en raison de l'urgence .
sur le fond :
Aux termes de l'article L 742-4 du CESEDA, le juge des libertés et de la détention peut, dans les mêmes conditions qu'à l'article L. 742-1, être à nouveau saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de trente jours, notamment lorsque la décision d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé ou lorsque la délivrance des documents de voyage est intervenue trop tardivement pour procéder à l'exécution de la décision d'éloignement ;
Sur les diligences
Aux termes de l'article L741-3 nouveau, "Un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration doit exercer toute diligence à cet effet".
La charge de la preuve de ces diligences incombe à l'autorité administrative.
Il appartient donc au juge des libertés et de la détention de s'assurer d'une part que l'administration a tout mis en oeuvre pour procéder à l'éloignement de l'étranger, dès son placement en rétention et tout au long de la période de rétention administrative et qu'il existe des perspectives réelles de reconduite à la frontière.
La seule exigence porte sur la saisine rapide des autorités consulaires. Il a été jugé par la Cour de Cassation (1ère chambre civile 9 juin 2010 pourvoi n°09-12,165) que le préfet n'ayant aucun pouvoir de contrainte sur les autorités consulaires, il ne peut lui être reproché que la saisine soit restée sans réponse et il n'y a pas lieu de vérifier les diligences éventuelles postérieures à la saisine du consulat.
En l'espèce, la nationalité de [H] [E] n'est pas clairement établie, du fait de l'attidude de ce dernier lui-même qui se prétend libyen sans produire de documents de voyage qu'il affirme ne pas détenir . Les incertitudes liées à l'État civil de l'intéressé ne sont pas imputables à l'administration et ne sauraient lui être reprochées.
Les démarches ont cependant été faites auprès de plusieurs pays tel le Maroc et la Tunisie, pays qui ne le reconnaissent pas comme l'un de ses ressortissants suivant réponses fournies respectivement en novembre 2020 et en date du 1er mars 2022.
Les autorités consulaires algériennes ont été sollicitées par mail de relance de la préfecture en date du 13 avril 2022, suite à un courrier du 1er mars 2022.
Suivant mail du 14 avril 2022 la préfecture a, par ailleurs, relancé le consulat de Libye sur la demande de laissez-passer consulaire pour [H] [E], suite à un courrier du 1er mars 2022.
Suivant une main courante du 17 mars 2022, il apparaît que le consulat d'Algérie s'est entretenu au CRA avec [H] [E].
La préfecture a donc mis en 'uvre plusieurs démarches, successives, afin de pouvoir procéder à l'éloignement de [H] [E], en essayant de confirmer sa nationalité réelle et de s'assurer que son pays d'origine accepte de le recevoir, sachant que l'administration ne dispose d'aucun moyen de pression pour obtenir une réponse, laquelle dépend exclusivement du bon vouloir des autorités étrangères.
Aucun texte n'exige que l'autorité administrative relance les autorités consulaires après avoir sollicité une demande de laissez-passer consulaire.
À défaut d'avoir obtenu des réponses formelles de la part de l'Algérie de la Libye quant à la délivrance d'un laissez-passer consulaire et en l'absence de refus dûment établi, il existe toujours une possibilité pour que l'un ou l'autre des deux pays reconnaisse [H] [E] comme l'un de ses ressortissants et délivre ensuite le document utile au retour de [H] [E] dans son pays d'origine.
Ainsi, la préfecture justifie avoir effectué toutes les diligences requises et nécessaires pour reconduire [H] [E] et se trouve dans l'attente des réponses de la Libye et de l'Algérie.
L'ordonnance déférée sera donc confirmée.
[H] [E] sera débouté de sa demande d'indemnité de procédure , au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et fondée sur l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par ordonnance mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort ;
DÉCLARONS l'appel recevable,
ACCORDONS à [H] [E] le bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire,
CONFIRMONS l'ordonnance rendue le 17 avril 2022 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bordeaux autorisant le maintien en rétention administrative pour une durée maximale de 30 jours ,
REJETTONS la demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et fondée sur l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991,
DISONS que la présente ordonnance sera notifiée par le greffe en application de l'article R743-19 du code de l'entrée du séjour des étrangers et du droit d'asile .
Le Greffier,La Conseillère déléguée,