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12/10/2021 | FRANCE | N°18/06769

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 1ère chambre civile, 12 octobre 2021, 18/06769


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE



--------------------------







ARRÊT DU : 12 OCTOBRE 2021



RP





N° RG 18/06769 - N° Portalis DBVJ-V-B7C-KY3R









SA AXA FRANCE IARD



c/



[O] [D]

[C] [P] épouse [D]

[F] [D]

[H] [T] [W]

SA SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS

























Nature de la décision : AU FOND

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Grosse délivrée le :



aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 05 décembre 2018 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (chambre : 6, RG : 13/10628) suivant déclaration d'appel du 18 décembre 2018





APPELANTE :



SA AXA FRANCE IARD, venant aux ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 12 OCTOBRE 2021

RP

N° RG 18/06769 - N° Portalis DBVJ-V-B7C-KY3R

SA AXA FRANCE IARD

c/

[O] [D]

[C] [P] épouse [D]

[F] [D]

[H] [T] [W]

SA SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 05 décembre 2018 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (chambre : 6, RG : 13/10628) suivant déclaration d'appel du 18 décembre 2018

APPELANTE :

SA AXA FRANCE IARD, venant aux droits de la compagnie AXA COURTAGE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège sis [Adresse 9]

représentée par Maître CASTARRAINGTS substituant Maître Fabrice DELAVOYE, avocats au barreau de BORDEAUX

INTIMÉS :

[O] [D]

né le [Date naissance 1] 1942 à [Localité 10] (93)

de nationalité Française

demeurant [Adresse 6]

[C] [P] épouse [D]

née le [Date naissance 7] 1942 à [Localité 13]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 6]

[F] [D]

né le [Date naissance 4] 1969 à [Localité 10] (93)

de nationalité Française

demeurant [Adresse 8]

représentés par Maître Jean-David BOERNER de la SCP H. BOERNER J.D. BOERNER, avocat au barreau de BORDEAUX

[H] [T] [W]

né le [Date naissance 3] 1963 à [Localité 12] (47)

de nationalité Française

demeurant [Adresse 5]

représenté par Maître Daniel LASSERRE de la SELAS ELIGE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX

SA SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS, venant aux droits de LA UNION ET LE PHENIX ESPAGNOL, mise en cause en qualité d'assureur de M. [W], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 2]

représentée par Maître Philippe ROGER de la SCP KPDB, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Eric MANDIN de la SCP COMOLET-MANDIN ET ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 07 septembre 2021 en audience publique, devant la cour composée de :

Roland POTEE, président,

Vincent BRAUD, conseiller,

Bérengère VALLEE, conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Véronique SAIGE

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

Les consorts [D] ont acquis le 30 octobre 1995 un terrain sis à [Adresse 11] (33) sur lequel ils ont fait édifier un immeuble à usage d'habitation. Ils ont confié les travaux d'installation de chauffage central à M. [V] [W], artisan, assuré pour son activité d'installation de chauffage au titre de sa responsabilité civile professionnelle (contrat n°0274023) et au titre de sa responsabilité civile décennale (contrat n°342398T) auprès de la compagnie L'Union et le Phénix Espagnol aux droits de laquelle vient la compagnie Swiss Life.

M. [W] a procédé, au mois d'octobre 1997, à l'installation d'une chaudière fonctionnant au gaz propane et a conclu avec les époux [D] un contrat d'entretien des appareils de chauffage. Le lot électricité-chauffage-plomberie-sanitaires a fait l'objet d'un certificat de réception le 28 novembre 1997 sous réserves du bon fonctionnement ainsi que de la mise au point et des réglages du chauffage après mise en service complète. L'immeuble a été achevé le 10 avril 1998.

Dans la nuit du 5 au 6 janvier 1999, une explosion est survenue dans l'immeuble des consorts [D] en leur absence, causant la mort de M. [L] [J], agent de sécurité dépêché sur place suite à une coupure de courant signalée par le système d'alarme et détruisant l'immeuble d'habitation, lequel était assuré au titre d'un contrat multirisque habitation auprès de la compagnie d'assurance AXA.

Le 14 janvier 1999, une information judiciaire a été ouverte à l'encontre de M. [V] [W] du chef d'homicide involontaire.

Il a été relaxé par jugement du tribunal correctionnel de Bordeaux du 12 janvier 2001, puis la cour d'appel de Bordeaux, statuant sur intérêts civils, a, par arrêt du 3 décembre 2003, dit que les éléments constitutifs des infractions reprochées à M. [W] étaient réunis et l'a en conséquence déclaré responsable, tant de l'homicide involontaire de [L] [J], que de la destruction involontaire de biens appartenant aux époux [D] par l'effet d'une explosion ou d'un incendie survenu le 6 janvier 1999.

Par arrêt de la Cour de cassation du 3 novembre 2004, cette décision a été partiellement cassée sans renvoi en ce qu'elle retenait que l'infraction de destruction volontaire d'un bien par une explosion ou un incendie était constituée, la condamnation pour homicide involontaire étant en revanche maintenue, l'infraction étant constituée.

Parallèlement, les époux [D] ont saisi en référé le président du tribunal de grande instance de Bordeaux qui a, par ordonnance du 10 février 1999, désigné M. [H] [B] en tant qu'expert en matière d'incendie, lequel a déposé son rapport le 29 juin 2000.

Par acte d'huissier délivré les 16 décembre 2005 et 11 janvier 2006, les époux [D] et leur fils M. [F] [D], ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Bordeaux M. [W] et son assureur, la compagnie Swiss Life, aux fins d'être indemnisés.

Par jugement du 3 septembre 2008, le tribunal a :

- déclaré M. [W] responsable du sinistre ayant détruit l'immeuble des consorts [D] le 6 janvier 1999,

- condamné in solidum M. [W] et la compagnie Swiss Life à payer aux consorts [D] la somme de 211.544,65 ' avec intérêts au taux légal à compter du 20 février 2008, la solidarité de la compagnie Swiss Life étant limitée à la somme de 97.069,40 ' compte tenu des conditions particulières du contrat souscrit par M. [W] en sa qualité de chef d'entreprise prévoyant expressément un plafond de garantie de 304.898,03 ' par sinistre,

M. [W] a interjeté appel de ce jugement le 22 octobre 2008 puis s'est désisté, son désistement étant constaté par ordonnance du 26 mai 2011 du conseiller de la mise en état de la 5e chambre civile de la cour d'appel de Bordeaux.

Parallèlement, la compagnie AXA France IARD, venant aux droits de la compagnie AXA Courtage a, par acte d'huissier délivré le 14 septembre 2006, fait assigner M. [W] et son assureur la compagnie Swiss Life devant le tribunal de grande instance de Bordeaux aux fins de les voir condamnés in solidum sur le fondement de la subrogation légale et à titre subsidiaire sur le fondement de la subrogation conventionnelle à lui payer la somme de 737.845,47 ', correspondant au montant de l'indemnisation qu'elle a versée aux consorts [D].

Un jugement de sursis à statuer jusqu'au prononcé d'une décision définitive dans le cadre de la procédure engagée par les consorts [D] à l'encontre de M. [W] et de la compagnie Swiss Life a été rendu par le tribunal de grande instance de Bordeaux le 17 décembre 2008.

L'affaire a ensuite fait l'objet d'un retrait du rôle par ordonnance du 30 juin 2009, puis par conclusions signifiées le 3 novembre 2011, la compagnie AXA a procédé à la remise au rôle de l'affaire.

Par jugement du 12 juin 2013, le tribunal a déclaré l'action d'AXA irrecevable, cette dernière ne produisant pas la police d'assurance multirisque habitation souscrite par les consorts [D] sur le fondement de laquelle elle leur a versé la somme de 737.845,47 '.

La compagnie AXA a relevé appel de ce jugement le 2 août 2013.

Parallèlement, par assignation en tierce opposition délivrée les 24 et 28 octobre 2013, AXA a fait assigner les consorts [D], M. [W] et la compagnie Swiss Life devant le tribunal de grande instance de Bordeaux aux fins de voir ordonner la rétractation ou à défaut l'inopposabilité du jugement du 3 septembre 2008 qui lui porte préjudice.

Suivant ordonnance du 29 juillet 2014, le juge de la mise en état a ordonné le sursis à statuer jusqu'à ce que la cour d'appel de Bordeaux statue sur le jugement du 12 juin 2013 qui lui a été déféré.

Dans le cadre de la procédure pendante devant la cour d'appel, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de sursis à statuer formée par AXA dans l'attente du résultat de la procédure en tierce-opposition pendante devant le tribunal de grande instance de Bordeaux, mais par arrêt du 24 janvier 2017, la cour d'appel a sursis à statuer jusqu'à ce qu'il ait été statué sur la tierce-opposition formée par AXA contre le jugement du tribunal de grande instance de Bordeaux du 3 septembre 2008.

Par jugement du 5 décembre 2018, le tribunal de grande instance de Bordeaux a :

- déclaré la tierce-opposition de la compagnie AXA France IARD irrecevable,

- dit n'y avoir lieu à statuer sur les demandes présentées par la compagnie Swiss Life, M. [O] [D], Mme [Y] [P] épouse [D], M. [F] [D] et M. [V] [W] en réponse aux prétentions de la compagnie AXA,

- condamné la compagnie AXA à payer à la compagnie Swiss Life la somme de 3.000 ' sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la compagnie AXA à payer aux consorts [D] la somme de 3.000 ' sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la compagnie AXA à payer à M. [W] la somme de 1.500 ' sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la comapagnie AXA aux dépens,

- dit que les avocats en la cause lui en ayant fait la demande pourront, chacun en ce qui le concerne, recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision en application de l'article 699 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire du jugement.

La compagnie AXA a relevé appel de ce jugement par déclaration du 18 décembre 2018.

Par conclusions déposées le 19 août 2021, AXA demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu le 5 décembre 2018 en ce qu'il a jugé que la compagnie AXA France IARD n'était ni partie ni représentée au jugement du 3 septembre 2008 et qu'elle avait donc qualité à agir en tierce opposition contre cette décision,

- réformer le jugement rendu le 5 décembre 2018 en ce qu'il a jugé que la compagnie AXA France IARD n'avait pas d'intérêt à agir, déclaré irrecevable la tierce opposition qu'elle a formé contre le jugement du 3 septembre 2008 et condamné la concluante au paiement de diverses indemnités sur le fondement de l'article 700 CPC ainsi qu'aux entiers dépens,

Vu les dispositions des articles 121.12 du code des assurances et subsidiairement de l'article 1250 du code civil,

Vu les dispositions des articles 582 & 583 du code de procédure civile,

- juger recevable et bien fondée la compagnie AXA en sa tierce opposition contre le jugement rendu par le TGI de Bordeaux le 3 septembre 2008,

- juger ce jugement inopposable à la compagnie AXA en ce qu'il a condamné 'M.[H]-

[T] [W] et la société SWISS LIFE à payer in solidum, -la solidarité de SWISS LIFE étant limitée à la somme de 97.069,40 ' - à M. [O] [D], Mme [C] [P] son épouse et à [F] [D] la somme de 211.544,65 ' avec intérêts au taux légal à compter du 20 février 2008',

- condamner la compagnie SWISS LIFE à payer à la compagnie AXA ASSURANCE la somme de 207 828.63 ',

- la condamner également à payer à la compagnie AXA la somme de 20 000 ' sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- juger que les intérêts des sommes allouées porteront intérêts en application des dispositions de l'article 1154 du code civil,

- condamner SWISS LIFE aux entiers dépens,

- rejeter les demandes de condamnation présentées à titre subsidiaire contre la société SWISSLIFE par les consorts [D] comme étant irrecevables en application des dispositions de l'article 564 du code de procédure civile,

- débouter les consorts [D] de leurs demandes d'allocation d'une indemnité article 700 du code de procédure civile de 5.000 ' et de condamnation aux entiers dépens,

- condamner toute partie succombante à verser à la compagnie AXA la somme de 5.000 ' au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société SWISSLIFE aux entiers dépens.

Par conclusions déposées le 27 mars 2019, les époux [D] et leur fils M. [F] [D] demandent à la cour de :

A titre principal:

- juger que AXA France IARD ne justifie pas d'un intérêt légitime à agir en tierce opposition,

- juger que le jugement rendu le 3 septembre 2008 n'a pas été rendu en fraude des droits d'AXA France IARD, du fait de l'attitude des consorts [D],

- juger que AXA France IARD n'invoque aucun moyen qui lui est propre pour former tierce opposition,

- déclarer irrecevable la tierce opposition formée par AXA France IARD,

- en conséquence, confirmer en toutes ses dispositions, le jugement rendu le 5 décembre 2018 et débouter AXA France IARD de l'intégralité de ses demandes,

- condamner AXA France IARD à payer aux consorts [D] à la somme de 5.000 ' au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de la SCP Boerner .

A titre subsidiaire:

- déclarer nul, le jugement du 03 septembre 2018 et statuant à nouveau,

- condamner SWISSLIFE à payer aux consorts [D], sur la somme de 207.828,63 ' encore disponible sur les contrats d'assurances souscrits par M. [W], le montant du préjudice qu'ils ont subi, et qui n'a pas été indemnisé par AXA, à savoir, la somme de 114.475,25 ' (soit 207.828,63 ' - 114.475,25 ') augmentée des intérêts de droit depuis le 6 janvier 1999, et la capitalisation des intérêts au titre de l'article 1154 du Code Civil,

- juger que AXA ne pourra être subrogée, que sur le solde disponible.

Par conclusions déposées le 14 juin 2019, M. [V] [W] demande à la cour de :

- lui donner acte qu'il s'en remet sur l'action engagée par la compagnie AXA,

- condamner la partie succombant à lui régler le somme de 1 500' ainsi que les entiers dépens.

Par conclusions déposées le 12 septembre 2019, la compagnie Swiss Life demande à la cour de :

Sur l'appel formé par AXA FRANCE IARD,

- confirmer le jugement rendu le 5 décembre 2018 en ce qu'il a déclaré la tierce-opposition de la Compagnie AXA France IARD irrecevable tout en la condamnant à verser à SWISSLIFE Assurances de Biens une indemnité de 3.000 ' sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, au besoin par substitution de motifs,

A cet égard, y ajoutant,

Vu ensemble les articles 122, 31 et 351 du code de procédure civile,

- déclarer irrecevable la demande de tierce-opposition formée par AXA France IARD pour défaut de qualité à agir et non-respect de l'article 583 du code de procédure civile,

- juger qu'AXA France IARD ne pourrait être reçue en sa tierce-opposition que si elle justifiait d'une qualité à agir par subrogation dans les droits et actions de ses assurés,

- juger que cette preuve n'est pas rapportée,

- juger par suite de tout sens AXA France IARD irrecevable en sa tierce-opposition,

Le cas échéant,

- déclarer AXA France IARD irrecevable à former une tierce-opposition en raison de sa renonciation à exercer ce recours,

- juger qu'AXA France IARD, qui se prévaut de l'article L 121-12 du code des assurances, peut se voir opposer le bénéfice du jugement rendu le 3 septembre 2008 dans les rapports entre M. [W], SWISSLIFE Assurances de Biens et les consorts [D] puisqu'il y a identité d'objet,

- juger que la situation serait rigoureusement identique si AXA France IARD pouvait prétendre au bénéfice de la subrogation conventionnelle de l'article 1250 du code civil,

- juger mal fondées les prétentions d'AXA France IARD,

- débouter en conséquence AXA France IARD de l'intégralité de ses demandes,

- rejeter les demandes de condamnation formalisées à titre subsidiaire par les consorts [D] à l'encontre de SWISSLIFE Assurances de Biens comme étant nouvelles au sens de l'article 564 du code de procédure civile et se heurtant à l'autorité de la chose jugée attachée au jugement irrévocable rendu par le tribunal de grande instance de Bordeaux le 3 septembre 2008, RG n° 06/02038, par application de l'article 1351, devenu 1355, du code civil,

En tout état de cause,

- condamner AXA France IARD à verser à SWISSLIFE Assurances de Biens une indemnité complémentaire de 7.000 ' par application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens d'appel avec bénéfice de distraction.

L'affaire a été fixée à l'audience collégiale du 7 septembre 2021.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 24 août 2021.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la clôture

Pour assurer le respect du principe du contradictoire et permettre l'admission aux débats des conclusions de la compagnie Swiss Life signifiées le 12 septembre 2021, en réponse aux conclusions de la compagnie AXA signifiées le jeudi 19 août 2021, soit 5 jours avant l'ordonnance de clôture, celle ci sera révoquée et la clôture reportée au jour de l'audience.

Sur la recevabilité de la tierce opposition

La compagnie AXA fait grief au premier juge de l'avoir dite dépourvue du droit d'agir et d'avoir ainsi déclaré sa tierce opposition irrecevable en application des dispositions de l'article 583 du code de procédure civile, motif pris de ce qu'elle ne faisait pas valoir de moyens propres qui n'auraient pas été débattus devant le tribunal lors de la procédure ayant abouti au jugement litigieux du 3 septembre 2008 et qu'elle ne prouvait pas de fraude à ses droits .

Les consorts [D] et la compagnie Swiss Life concluent à la confirmation du jugement sur ce point en soutenant qu'AXA n'invoque aucun moyen propre pour former tierce opposition et que le jugement précité n'a pas été rendu en fraude de ses droits.

M.[W] s'en remet à l'appréciation de la cour sur l'action engagée par AXA tout en indiquant qu'aucune discussion n'est intervenue entre les parties sur l'application des deux plafonds de garantie lors de la procédure litigieuse.

L'article 583 du code de procédure civile énonce qu'est recevable à former tierce opposition toute personne qui y a intérêt, à la condition qu'elle n'ait été ni partie ni représentée au jugement qu'elle attaque. Les créanciers et autres ayants cause d'une partie peuvent toujours former opposition au jugement rendu en fraude de leurs droits ou s'ils invoquent des moyens qui leur sont propres.

Pour soutenir que sa tierce opposition serait recevable au regard des conditions posées par ce texte, la compagnie AXA fait valoir en premier lieu que les moyens qu'elle invoque n'ont jamais été débattus dans le cadre de la procédure ayant donné lieu au jugement du 3 septembre 2008 .

Elle soutient en effet qu'on ne trouve pas trace dans les conclusions des parties présentées dans ce cadre de la question de l'existence de deux plafonds de garantie applicables aux versements de la société Swiss Life, en sa qualité d'assureur de M.[W], ce que la cour d'appel de Bordeaux a d'ailleurs constaté dans son arrêt du 24 janvier 2017.

La compagnie AXA indique que le jugement du 3 septembre 2008 a ainsi limité l'obligation à garantie de la société Swiss Life à la somme de 97.069,40' en l'absence de toute contestation de M.[W] ou des consorts [D] du plafond de garantie unique invoqué par Swiss Life de sorte que la compagnie AXA, qui n'était pas partie à ce jugement, n'a pas pu faire valoir ses droits alors qu'elle soutient que les indemnités réglées aux ayants-droit de la victime de l'explosion et celles revenant aux consorts [D] ou à leur assureur, relèvent de deux plafonds différents, chacun d'un montant de deux millions de francs et qu'elle a vocation à obtenir paiement, dans ces limites, de partie des sommes versées à ses assurés dans le cadre de l'assurance habitation couvrant le bien sinistré.

En second lieu, la compagnie AXA considère que l'existence de ces deux plafonds de garantie distincts et par voie de conséquence, l'exacte étendue de la garantie due par la société Swiss Life ont été sciemment dissimulées par celle ci lors de la procédure litigieuse ce qui permet d'assimiler cette attitude à une fraude au jugement ouvrant droit à la tierce opposition pour l'appelante qui en subit les conséquences, la présentation fallacieuse par la société Swiss Life des limites de garantie applicables causant à l'appelante une perte de plus de 200.000 ' au titre d'une partie des prestations servies à ses assurés et qu'elle réclame à l'assureur du responsable du sinistre.

La cour constate sur ce point que, lors de la procédure litigieuse, la société Swiss Life avait communiqué toutes les pièces contractuelles relatives à l'assurance de responsabilité souscrite par M.[W] et notamment les conditions particulières de la police et ses annexes comportant le tableau des risques garantis et des limites d'engagement de l'assureur et du montant des franchises, tableau qu'AXA produit elle même en pièce 10.

L'appelante se fonde sur l'analyse de ce tableau pour en déduire qu'outre le plafond de garantie de 2 millions de francs par sinistre prévu à l'article 2.1.1 au titre des dommages matériels et immatériels consécutifs causés aux biens mobiliers et immobiliers préexistants chez les tiers par incendie, explosion ou action d'un liquide, un second plafond de deux millions de francs prévu à l'article 2.2.1 serait aussi applicable pour les dommages matériels et immatériels consécutifs après livraison, causés par incendie, explosion, électricité ou dus à l'action d'un liquide.

Les pièces contractuelles et en particulier le tableau des limites et plafonds de garantie applicables au contrat ont donc été intégralement produits et soumis à la libre discussion des parties et le jugement du 3 septembre 2008 s'est prononcé au vu de ces pièces en appliquant l'un des plafonds de garantie de deux millions de francs par sinistre, comme le lui demandait la société Swiss Life dans le dispositif de ses conclusions du 20 novembre 2007 cité intégralement par le jugement.

Il ne peut être soutenu dans ces conditions que la société Swiss Life aurait sciemment commis une fraude aux droits de la compagnie AXA en dissimulant l'étendue exacte de sa garantie alors que celle ci procède de la seule analyse des pièces contractuelles soumises à la discussion des parties et prises en compte par le tribunal pour rendre se décision.

Par ailleurs, dans l'hypothèse, d'ailleurs contestée par la société Swiss Life, où deux plafonds de garantie seraient applicables au sinistre en cause, la compagnie AXA ne démontre pas en quoi ce moyen lui serait propre, au sens de l'article 583 du code de procédure civile.

Un tel moyen s'entend en effet d'un moyen personnel que seul le tiers opposant peut faire valoir alors qu'en l'espèce, les consorts [D], qui y avaient intérêt, pouvaient parfaitement invoquer l'application de plusieurs plafonds de garantie.

S'ils ont omis de le faire, cette omission n'en ouvre pas pour autant droit à former tierce opposition pour leur assureur puisque les dispositions de l'alinéa 2 de l'article 583 du code de procédure civile n'ont pas pour finalité de réparer une erreur et de faire valoir un moyen qui aurait pu être avancé mais qui a été oublié.

Enfin, le fait que la cour d'appel de ce siège, par un arrêt du 24 janvier 2017 rendu dans le cadre de l'action distincte en paiement formée par la compagnie AXA contre M. [W] et son assureur, ait sursis à statuer jusqu'à l'issue de la présente procédure de tierce-opposition au motif que la question de l'existence de deux plafonds de garantie n'avait pas été abordée, est sans incidence sur la recevabilité de la tierce opposition dont l'arrêt précité n'était pas saisi.

Il y a donc lieu de confirmer le jugement qui a déclaré la tierce opposition de la compagnie AXA irrecevable faute de justifier de moyens propres et de prouver une fraude à ses droits, sans qu'il soit utile d'examiner les autres moyens d'irrecevabilité.

Sur les demandes annexes

Il sera alloué aux intimés les indemnités fixées au dispositif du présent arrêt au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelante supportera les dépens.

PAR CES MOTIFS

La COUR

Révoque l'ordonnance de clôture et fixe la clôture au jour de l'audience;

Confirme le jugement entrepris;

Condamne la compagnie AXA France Iard à payer , au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :

- à la SA Swiss Life Assurance de Biens la somme de 4.000 '

- aux consort [D] ensemble la somme de 4.000 '

- à M. [W] la somme de 1.000 '

Condamne la compagnie AXA France Iard aux dépens qui pourront être recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 18/06769
Date de la décision : 12/10/2021

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 1A, arrêt n°18/06769 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-10-12;18.06769 ?
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