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26/11/2020 | FRANCE | N°20/00707

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 2ème chambre civile, 26 novembre 2020, 20/00707


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE



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ARRÊT DU : 26 NOVEMBRE 2020



(Rédacteur : Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller)





N° RG 20/00707 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LOKE







SARL CELESTINO





c/



Madame [U] [T]

Madame [S] [K] [T] épouse [H]



























Nature de la décision : AU FOND


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Grosse délivrée le :

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 04 février 2020 (R.G. 19/11350) par le Juge de l'exécution de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 10 février 2020





APPELANTE :



SARL CELESTINO agissant poursuites et diligences de ses repr...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 26 NOVEMBRE 2020

(Rédacteur : Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller)

N° RG 20/00707 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LOKE

SARL CELESTINO

c/

Madame [U] [T]

Madame [S] [K] [T] épouse [H]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 04 février 2020 (R.G. 19/11350) par le Juge de l'exécution de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 10 février 2020

APPELANTE :

SARL CELESTINO agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social sis [Adresse 1]

Représentée par Me Valérie DUBOS, avocat au barreau de BORDEAUX

et assistée de Me Jacques GUILLEMIN de la SELAS SAUTIER -GUILLEMIN- MEUNIER, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉES :

[U] [T]

née le [Date naissance 3] 1954 à [Localité 11]

de nationalité Française

Retraitée,

demeurant [Adresse 9]

[S] [K] [T] épouse [H]

née le [Date naissance 2] 1957 à [Localité 8] (QUEBEC)

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 7]

Représentées par Me Elodie VERDEUN, avocat au barreau de BORDEAUX

et assistées de Me Simon ESTIVAL de la SELAFA CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 912 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 novembre 2020 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Marie Jeanne LAVERGNE-CONTAL, Président,

Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller,

Madame Catherine LEQUES, Conseiller,

Greffier lors des débats : Mme Audrey COLLIN

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

Par acte authentique du 6 novembre 1989, les époux [T], aux droits desquels se trouvent aujourd'hui Mme [U] [T] et Mme [S] [K] [H] née [T] (ci-après les consorts [T]), ont consenti un bail à construction à la SCI des [Adresse 4], aux droits de laquelle vient à présent la S.A.R.L. Celestino, sur un terrain situé au numéro [Adresse 4] dans la commune de [Localité 10].

Ce bail, légèrement modifié par un avenant du 10 avril 2007, a été consenti pour une durée de 30 années de sorte qu'il s'est terminé le 31 mai 2019.

Un bâtiment à usage de supermarché exploité sous l'enseigne Carrefour a été construit sur le terrain donné à bail.

Par acte extrajudiciaire du 28 janvier 2010, la société Soval a cédé le bail à construction et les immeubles édifiés sur le terrain à la société Celestino.

Suivant une ordonnance de référé en date du 29 juillet 2019, le président du tribunal de grande instance de Bordeaux a :

- accordé à la S.A.R.L. Celestino un délai jusqu'au 30 novembre 2019 pour restituer aux consorts [T] le bien immobilier qu'elle a reçu en bail à construction,

- dit que passé ce délai, il pourra être procédé à son expulsion et à celle de tout occupant de son chef, en tant que de besoin avec le concours de la force publique,

- dit que, jusqu'à la libération effective des lieux, la S.A.R.L. Celestino sera redevable d'une indemnité d'occupation et l'a condamnée à payer aux consorts [T] une somme égale au dernier loyer contractuel, calculé TTC et charges comprises.

Cette décision a été signifiée à la S.A.R.L. Celestino les 30 août et 6 septembre 2019.

Par acte du 2 décembre 2019, les consorts [T] ont fait délivrer à la S.A.R.L. Celestino un commandement d'avoir à quitter les lieux avant le 10 décembre 2019.

Suivant exploit d'huissier en date du 4 décembre 2019, La S.A.R.L. Celestino a saisi le juge de l'exécution près le tribunal judiciaire de Bordeaux afin d'obtenir notamment un délai jusqu'au 31 janvier 2021 pour quitter les lieux.

Le jugement du 4 février 2020 rendu par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux a :

- débouté la S.A.R.L. Celestino de sa demande tendant à l'obtention de délais pour quitter les lieux et à la désignation d'un séquestre ;

- ordonné à la S.A.R.L. Celestino de restituer aux consorts [T] le bien immobilier qu'elle a reçu en bail à construction, sous astreinte provisoire de 1.000 euros par jour , passé un délai de deux mois après la signification de la décision,

- déclaré irrecevable la demande de condamnation au paiement de la somme provisionnelle annuelle de 180.000 euros hors charges et hors taxes à valoir sur le montant de l'indemnité d'occupation pour son occupation sans droit ni titre des lieux à compter du 1er décembre 2019 et jusqu'à la libération effective des locaux,

- rejeté la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,

- condamné La S.A.R.L. Celestino à payer aux consorts [T] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et au paiement des entiers dépens de l'instance ;

- rappelé que la décision est exécutoire de droit à titre provisoire.

La société Celestino a relevé appel de cette décision le 10 février 2020.

Dans ses dernières conclusions en date du 22 octobre 2020, la S.A.R.L. Celestino souhaite être déclarée recevable et bien fondée en son appel. Elle réclame l'entière infirmation du jugement attaqué et demande à la cour de :

- lui accorder un délai jusqu'au 31 janvier 2021 pour quitter les lieux, faculté lui étant accordé de les restituer avant cette date en cas de transfert de fonds de commerce, dans les nouveaux locaux qu'elle doit prendre à bail à [Localité 10] ;

- condamner les consorts [T] au paiement d'une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et des entiers dépens de procédure.

Suivant leurs dernières écritures en date du 13 mai 2020, les consorts [T] demandent à la cour de :

- débouter la S.A.R.L. Celestino de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- confirmer le jugement attaqué ;

- condamner l'appelante à leur verser la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et au paiement de tous les dépens de première instance et d'appel.

L'examen de l'affaire a été fixé à la date du 5 novembre 2020 conformément aux dispositions de l'article 905 du code de procédure civile avec fixation de la date de clôture des débats quinze jours avant l'audience.

MOTIVATION

Sur la date de clôture des débats

A l'audience, les parties s'accordent pour reporter la date de clôture des débats, initialement fixée par l'ordonnance du 5 juin 2020 au 22 octobre 2020, dans la mesure où les dernières conclusions de l'appelante ont été déposées le même jour mais après 18 heures de sorte que les consorts [T] n'ont pas été en capacité d'y répondre dans le délai imparti. Il y a donc lieu de faire droit à cette prétention afin d'assurer le respect du principe du contradictoire.

Sur la demande de délais pour quitter les lieux

L'article L 412-3 du code des procédures civiles d'exécution énonce que le juge peut accorder des délais renouvelables pour quitter les lieux à des personnes dont l'expulsion a été judiciairement ordonnée, chaque fois que le relogement des intéressés ne pourra avoir lieu dans des conditions normales, sans que ces occupants aient à justifier d'un titre à l'origine de l'occupation.

L'article L 412-4 du même code dispose que la durée des délais prévus à l'article précédent ne peut, en aucun cas, être inférieure à un mois ni supérieure à un an, et que pour la fixation de ces délais, il doit être tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement.

L'application de ces textes à l'occupant d'un local commercial n'est pas contestée par les parties.

A l'appui de sa demande d'un délai supplémentaire afin de quitter les lieux, la S.A.R.L. Celestino affirme avoir entrepris des démarches dans le délai qui lui était imparti par le juge des référés afin de trouver un nouveau local lui permettant de poursuivre l'exploitation de son activité commerciale. Elle indique que des travaux doivent être cependant réalisés, après obtention des autorisations administratives y afférentes, afin de permettre l'accueil de son fonds de commerce.

En réponse, les consorts [T] estiment que l'appelante se montre défaillante dans l'entretien des locaux toujours occupés par son ancien locataire et ajoutent que ce dernier ne justifie pas de l'impossibilité d'une solution de relogement dans des conditions normales.

La rareté des emplacements commerciaux sur le territoire de la commune de [Localité 10] est admise par les parties.

Après avoir vainement recherché avec les consorts [T] une solution amiable, la S.A.R.L. Celestino justifie avoir mandaté dès le mois d'octobre 2018 une agence immobilière locale pour des recherches d'un nouveau local commercial.

Nonobstant le caractère infructueux de celles-ci comme le relate le courrier du mandataire en date du 13 mai 2019, l'appelante se prévaut de la proposition émanant des gérants d'une SCI afin de lui mettre à disposition un emplacement situé au [Adresse 12] dans la commune considérée.

Une première étude de faisabilité a été réalisée le 7 octobre 2019 par un cabinet d'Architecture sollicité par la S.A.R.L. Celestino.

Les gérants de la SCI, l'appelante et l'architecte ont ultérieurement participé le 29 octobre 2019 à une rencontre sur le site envisagé.

Par la suite, une nouvelle étude de faisabilité a été réalisée et communiquée à la S.A.R.L. Celestino le 8 novembre 2019.

Une réunion avec le Maire de la commune concernée et son adjoint chargé de l'urbanisme est intervenue seulement quatre jours plus tard. A cette occasion, les autorités municipales ont sollicité de l'appelante la communication de son projet afin de le soumettre aux services préfectoraux avant tout dépôt d'un permis de construire, démarche dans le but d'obtenir leur appréciation sur les façades du bâtiment envisagé.

L'absence de toute acquisition du nouveau terrain ni la conclusion d'un bail avec le propriétaire des lieux ne peut donc être à ce stade reprochée à la S.A.R.L. Celestino. Les diligences accomplies par celle-ci en vue du relogement de son activité commerciale sont réelles et sérieuses. Elle justifie dès lors que son relogement ne peut pour le moment être réalisé dans des conditions normales compte-tenu de la spécificité de la zone urbaine concernée et des contraintes inhérentes à son activité commerciale.

Pour contester cette situation, les consorts [T] ne peuvent invoquer des courriers et sommations interpellatives antérieurs à l'ordonnance de référé du 29 juillet 2019 dans la mesure où cette décision, en accordant un délai à l'ancienne locataire pour quitter les lieux loués, a nécessairement écarté ces éléments.

Certes, les procès-verbaux 28 mai 2018 et 23 mai 2019 attestent le mauvais état du bâtiment dans lequel la S.A.R.L. Celestino exerce jusqu'à présent son activité commerciale. Cependant, les manquements de l'appelante à son obligation d'entretien des lieux loués prévue au bail commercial ne sont pas encore réellement établis. La mesure d'expertise judiciaire en cours a effectivement permis d'observer un certain nombre de dégradations et détériorations affectant le local commercial et son environnement proche sans qu'il soit pour autant possible à ce stade d'en imputer la responsabilité à la S.A.R.L. Celestino. Il en est par exemple ainsi de l'affaissement de la charpente qui pourrait tout aussi bien être reprochée au bailleur en raison de la gravité du phénomène constatée par l'expert judiciaire et au regard de ses obligations en sa qualité de propriétaire. Il sera ajouté que l'appelante justifie avoir entrepris des travaux dans le courant de l'année 2016 même si leur ampleur, jugée insuffisante par les consorts [T], devra être appréciée par l'expert judiciaire.

Si le rapport émanant de la Socotec, produit par les propriétaires des lieux, fait effectivement état de la nécessité d'une mise en oeuvre très rapide de solutions réparatoires, aucun danger sur les personnes ou obstacle à la poursuite de l'activité commerciale n'a été relevé par la commission de sécurité.

Au regard de l'état actuel du bâtiment et plus généralement des lieux anciennement loués, les consorts [T] ne peuvent se prévaloir d'un préjudice résultant de l'impossibilité de proposer de nouveau le bien à la location. En effet, il apparaît clairement à la lecture de ses propres conclusions et de la première note de synthèse de l'expert judiciaire que les importants travaux de remise en état ne peuvent qu'entraver toute démarche en ce sens. Il en est de même pour ce qui concerne l'hypothèse d'une vente du terrain et de la construction implantée sur celui-ci.

Enfin, les consorts [T] apparaissent responsables du préjudice financier qu'elles allèguent en raison de leur refus réitéré de percevoir tout versement par la S.A.R.L. Celestino correspondant au montant de l'indemnité d'occupation.

Ces éléments ne peuvent dès lors que motiver l'infirmation de la décision attaquée. La S.A.R.L. Celestino sera donc autorisé à quitter les lieux occupés avant le 31 janvier 2021.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Le jugement entrepris sera infirmé. Il n'apparaît pas opportun de mettre à la charge de l'une ou de l'autre des parties le versement d'une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

- Fixe la date de clôture des débats au 5 novembre 2020 ;

- Infirme en toutes ses dispositions le jugement en date du 4 février 2020 rendu par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bordeaux ;

Et, statuant à nouveau

- Accorde à S.A.R.L. Celestino un délai jusqu'au 31 janvier 2021 pour quitter le terrain et les locaux commerciaux édifiés sur celui-ci cadastrés EW n°[Cadastre 5] et EW n°[Cadastre 6] situés au numéro [Adresse 4] dans la commune de [Localité 10] appartenant à Mme [U] [T] et Mme [S] [K] [H] née [T] ;

- Rejette les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne in solidum Mme [U] [T] et Mme [S] [K] [H] née [T] au paiement des dépens de première instance ;

Y ajoutant ;

- Rejette les demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne in solidum Mme [U] [T] et Mme [S] [K] [H] née [T] au paiement des dépens d'appel.

La présente décision a été signée par madame Marie-Jeanne Lavergne-Contal, présidente, et madame Audrey Collin, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/00707
Date de la décision : 26/11/2020

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 1B, arrêt n°20/00707 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-11-26;20.00707 ?
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