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06/11/2020 | FRANCE | N°20/00194

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, C.e.s.e.d.a., 06 novembre 2020, 20/00194


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

COUR D ' A P P E L D E B O R D E A U X







N° RG 20/00194 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LYO6





ORDONNANCE









Le SIX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT à 10 H 00



Nous, Sylvie HERAS DE PEDRO, conseillère à la Cour d'appel de Bordeaux, agissant par délégation de madame la première présidente de ladite Cour, assistée de François CHARTAUD, greffier,



En présence du Ministère Public représenté par Monsieur Philippe VIQUE, substitut généra

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En présence de Madame Corinne NAUD, représentante du Préfet de La Haute-Vienne,



En présence de Monsieur [I] [E], interprète en langue russe déclarée comprise p...

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

COUR D ' A P P E L D E B O R D E A U X

N° RG 20/00194 - N° Portalis DBVJ-V-B7E-LYO6

ORDONNANCE

Le SIX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT à 10 H 00

Nous, Sylvie HERAS DE PEDRO, conseillère à la Cour d'appel de Bordeaux, agissant par délégation de madame la première présidente de ladite Cour, assistée de François CHARTAUD, greffier,

En présence du Ministère Public représenté par Monsieur Philippe VIQUE, substitut général,

En présence de Madame Corinne NAUD, représentante du Préfet de La Haute-Vienne,

En présence de Monsieur [I] [E], interprète en langue russe déclarée comprise par la personne retenue à l'inverse du Français, inscrite sur la liste des experts de la cour d'appel de Bordeaux,

En présence de Monsieur [P] [H], né le [Date naissance 1] 1984 à [Localité 3] (RUSSIE), de nationalité Russe, et de son conseil Maître Delphine MEAUDE,

Vu la procédure suivie contre Monsieur [P] [H], né le [Date naissance 1] 1984 à [Localité 3] (RUSSIE), de nationalité Russe et l'arrêté préfectoral de reconduite à la frontière du 17 avril 2019 visant l'intéressé,

Vu l'ordonnance rendue le 03 novembre 2020 à 10h35 par le juge des libertés et de la détention au tribunal de grande instance de Bordeaux, ordonnant la prolongation de la rétention administrative de Monsieur [P] [H] pour une durée de 28 jours à l'issue du délai de 48 heures de la rétention,

Vu l'appel interjeté par le conseil de Monsieur [P] [H], né le [Date naissance 1] 1984 à [Localité 3] (RUSSIE), de nationalité Russe le 04 novembre 2020 à 10h32,

Vu l'avis de la date et de l'heure de l'audience prévue pour les débats donné aux parties,

Vu la plaidoirie de Maître Delphine MEAUDE, conseil de Monsieur [P] [H], ainsi que les observations de Madame [N] [J], représentante du Préfet de La Haute-Vienne et les explications de Monsieur [P] [H] qui a eu la parole en dernier,

A l'audience, Madame la Conseillère a indiqué que la décision serait rendue le 06 novembre 2020 à 10h00,

Avons rendu l'ordonnance suivante :

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE :

Monsieur [P] [H], né le [Date naissance 1] 1984 à [Localité 3] (Russie) de nationalité russe a fait l'objet d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire français prononcé par la préfète de la Haute-Vienne le 22 janvier 2019 avec interdiction de retour pendant trois ans.

Par jugement du 28 janvier 2019, le tribunal administratif de Limoges a annulé cet arrêté en ce qu'il a fixé le pays de destination.

Un nouvel arrêté d'interdiction de retour pendant deux ans a été pris par le préfet de la Haute-Vienne le 17 avril 2019, notifié le 18 avril 2019 à Monsieur [P] [H].

Le tribunal administratif de Limoges par décision du 12 juillet 2019, a rejeté la requête en annulation de cet arrêté formée par Monsieur [P] [H].

Le préfet de la Haute-Vienne a pris le 22 juillet 2020 un arrêté d'assignation à résidence de Monsieur [P] [H] notifié le même jour.

Le 31 octobre 2020, Monsieur [P] [H] a été placé en rétention administrative par le préfet de la Haute-Vienne, décision qui lui a été notifiée à 14h05.

Par ordonnance en date du 03 novembre 2020, le juge des libertés et de la détention de Bordeaux a :

- ordonné la jonction des dossiers numéro RG 20/ 8060 et RG 20/8061 ;

- déclaré la requête en prolongation de la rétention administrative recevable ;

- déclaré la requête en contestation de la rétention administrative recevable ;

- rejeté les moyens relatifs à l'irrégularité de la procédure de placement en rétention administrative de Monsieur [P] [H] ;

- rejeté la requête en contestation du placement en rétention administrative de Monsieur [P] [H] ;

- autorisé la prolongation de la rétention administrative de Monsieur [P] [H] pour une durée de 28 jours ;

- dit n'y avoir lieu à faire droit à la demande de Monsieur [P] [H] sur le fondement des articles 700 du code de procédure civile et 37 alinéa deux de la loi du 10 juillet 1991.

Monsieur [P] [H], qui s'est vu régulièrement notifier, ainsi qu'à l'interprète, cette ordonnance, à 10h35 le même jour, a relevé appel de cette décision par courriel motivé adressé au greffe de la cour le 04 novembre 2020 à 10h32.

Il conclut à la réformation de la décision entreprise et demande :

- En conséquence, d'ordonner la remise en liberté immédiate de Monsieur [P] [H] ;

- de condamner l'Etat à verser à l'avocat de Monsieur [P] [H] la somme de 1200 € au titre des frais irrépétibles pour l'instance non compris dans les dépens, par application des dispositions combinées de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 37 alinéa deux de la loi du 10 juillet 1991.

Au soutien de sa déclaration d'appel tendant à la réformation de la décision entreprise, son conseil fait valoir essentiellement :

- l'irrecevabilité de la requête :

- pour absence de justificatif de nomination du préfet l'ayant signée,

- pour absence de pièces utiles jointes, à savoir les diligences accomplies par la préfecture pour reconduire Monsieur [P] [H],

- l'illégalité du placement en rétention administrative :

- externe au motif de :

- l'incompétence de l'auteur de l'acte en l'absence de production de la délégation de signature et de la publication de cette délégation,

- du défaut de demande d'observations de Monsieur [P] [H] sur son placement en rétention administrative en violation des dispositions des articles L121-1 et L122-1 du code des relations entre le public et l'administration,

- interne :

- pour défaut de base légale :

- la décision d'interdiction de retour ne peut à elle seule justifier le placement en rétention administrative à moins que l'étranger ait exécuté la mesure d'éloignement, ce qui n'est pas le cas, et la décision d'éloignement date de plus d'un an,

- Monsieur [P] [H] faisait l'objet de la protection de demandeur d'asile puisqu'à la date de son placement en rétention administrative et il pouvait exercer un recours contre la décision de rejet de l'OFPRA,

-il n'a pas été tenu compte des garanties de représentation de Monsieur [P] [H] qui a respecté son assignation à résidence,

- sur le fond :

- aucune diligence n'est justifiée par la préfecture,

- il n'existe aucune perspective d'éloignement.

Il fait valoir sa crainte pour son intégrité physique et sa vie en cas de retour en Russie.

Le représentant de l'administration conclut à la confirmation de la décision déférée aux motifs que:

- l'obligation de quitter le territoire français date du 22 janvier 2019 pour une durée de deux ans et fonde valablement le placement en rétention administrative,

- Monsieur [P] [H] n'a pas de garanties de représentation et constitue une menace pour l'ordre public,

- son identification est en cours ce qui nécessite la prolongation de la mesure de rétention.

Le ministère public a fait sienne les observations de la préfecture.

L'affaire a été mise en délibéré et le conseiller délégué de la première présidente a indiqué que la décision sera rendue par mise à disposition au greffe le 6 novembre 2020 à 10 heures.

MOTIFS DE LA DECISION :

- Sur la recevabilité de l'appel

L'appel formé par Monsieur [P] [H] le 04 novembre 2020 à 10h32 est recevable comme étant intervenu dans le délai de 24 heures prolongé au premier jour ouvrable suivant, la notification à l'intéressé de l'ordonnance frappée d'appel ayant été faite le 03 novembre 2020 à 10h35.

- Sur la recevabilité de la requête

- sur l'incompétence de l'auteur de l'acte :

Le signataire du placement en rétention administrative et M. [C] [Y], le préfet de la Haute-Vienne, qui a donc compétence de plein droit pour prononcer un placement en rétention administrative.

Ce moyen sera donc rejeté.

- Sur le défautde communication de la demande d'identification avec la requête en prolongation :

L'article R552-3 du CESEDA énonce qu'à peine d'irrecevabilité, la requête est motivée, datée, signée et accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L553-1.

Le code ne détaille pas les pièces justificatives utiles et on doit considérer qu'il s'agit des pièces nécessaires à l'appréciation par le juge des libertés et de la détention des éléments de fait et de droit dont l'examen lui permet d'exercer pleinement ses pouvoirs.

Il résulte par ailleurs de ces dispositions légales que l'absence d'une pièce justificative utile lors du dépôt de la requête en prolongation de la rétention administrative d'un étranger constitue une fin de non- recevoir, sanctionnée par une irrecevabilité de la demande, sauf si l'autorité requérante justifie de l'impossibilité de joindre une telle pièce concomitamment à la requête.

Selon l'article L552-13 du CESEDA, en cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation d'une formalité substantielle, toute juridiction, y compris la cour de cassation, qui est saisie d'une demande d'annulation ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée de la mesure de placement rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l'étranger.

Monsieur [P] [H] ne démontre pas ni même n'allègue en quoi le défaut de communication de ces éléments lui aurait fait grief.

La production de ces pièces n'est pas requise à ce stade de la procédure.

Il échet seulement à la préfecture de justifier, en cas de contestation du placement en rétention administrative par l'étranger, des diligences qu'elle a accomplies pour le reconduire.

Ce moyen sera rejeté.

- Sur la légalité du placement en rétention administrative

- Sur la légalité externe :

Le placement en rétention administrative a été pris par le préfet lui-même de sorte qu'il n'a pas à justifier d'une délégation.

Ce moyen sera rejeté.

Aucune disposition du CESEDA ne contraint à auditionner l'étranger avant son placement en rétention administrative et la procédure contradictoire requise par l'article L 121'1 du code des relations entre le public et l'administration est prévue par l'article L552'1 du CESEDA, qui satisfait aux exigences du conseil constitutionnel.

D'autre part, il n'est pas établi que l'audition de l'intéressé aurait entraîné pour Monsieur [P] [H] une mesure moins coercitive que le placement en rétention administrative.

Ce moyen sera rejeté.

- Sur la légalité interne :

La mesure d'obligation de quitter le territoire français du 22 janvier 2019 prise par le préfet de la Haute-Vienne a été annulée par le tribunal administratif de Limoges le 28 janvier 2019 seulement en ce qu'elle a fixé le pays à destination duquel Monsieur [P] [H] est susceptible d'être éloigné à défaut de satisfaire à l'obligation de quitter le territoire français.

L'interdiction du territoire français était donc toujours valable à ce jour et la durée de l'interdiction de retour a été fixée à deux ans par un nouvel arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 17 avril 2019, décision confirmée par le tribunal administratif de Limoges le 12 juillet 2019.

La durée de deux ans expirant le 17 avril 2021 n'était pas écoulée le 31 octobre 2020, à la date à laquelle Monsieur [P] [H] a été placé en rétention administrative.

La demande d'asile n'est pas suspensive de l'exécution de la mesure de reconduite à la frontière.

Le placement en rétention administrative a donc valablement été pris en exécution d'une mesure d'éloignement.

La mesure de reconduite qui n'aurait pas pris en compte le danger pour la vie de Monsieur [P] [H] ne peut être critiquée par le juge judiciaire en application du principe de séparation des pouvoirs.

Ces moyens seront rejetés.

-Sur les diligences

Selon l'article L554-1 du CESEDA, un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration doit exercer toutes diligences à cet effet.

Or, s'il résulte bien des dispositions de l'article L554-1 du Ceseda qu'un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que le temps strictement nécessaire à son départ et que l'administration doit justifier de ses diligences.

Dés lors le moyen tiré du défaut de diligences de l'autorité administrative s'apprécie au regard de l'objectif qui lui est assigné à savoir l'organisation du départ de l'étranger en situation irrégulière vers son pays d'origine.

Il appartient au juge de s'assurer que l'administration a tout mis en 'uvre pour procéder à l'éloignement de l'étranger, dès son placement en rétention et tout au long de la période de rétention administrative.

Il est justifié au dossier de l'envoi d'une demande de réadmission de Monsieur [P] [H] dans le cadre de l'article 7 de l'accord du 25 mai 2006 entre la Communauté européenne et la fédération de Russie, de sorte que l' autorité administrative a satisfait aux exigences légales relatives aux diligences qui doivent être effectuées.

S'agissant des garanties de représentation, selon l'article L551-1-I du CESEDA, dans les cas prévus aux 1° à 7 ° de l'article L561-2, l'étranger qui ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque mentionné au 3° du II de l'article L511-1 peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de 48 heures, en prenant en compte son état de vulnérabilité et tout handicap.

L'article L552-4 dispose qu'à titre exceptionnel le juge peut ordonner l'assignation à résidence de l'étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives, après remise aux services de police ou à une unité de gendarmerie de l'original du passeport et de tout document justificatif de son identité.

Monsieur [P] [H] est dépourvu de tout document d'identité ou de voyage en cours de validité, de sorte que le placement en rétention administrative est justifié par l'absence de garanties de représentation suffisantes.

En conséquence, l'ordonnance déférée sera confirmée en toutes ses dispositions.

Il conviendra, par ailleurs, d'accorder à Monsieur [P] [H] le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire, en raison de l'urgence, et en application de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991, et de le débouter de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 -2° du code de procédure civile et fondé sur l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par ordonnance contradictoire, mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

- DECLARE l'appel régulier, recevable et mal fondé ;

- ACCORDE à Monsieur [P] [H] le bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire ;

- DECLARE recevable la requête du préfet de la Haute-Vienne ;

- CONFIRME en toutes ses dispositions l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de BORDEAUX en date du 03 novembre 2020 ;

- CONFIRME, en conséquence, le maintien en rétention de Monsieur [P] [H] dans les locaux du centre de rétention administrative de [Localité 2] pendant une durée maximale de 28 jours à l'issue du délai de 48 heures à compter de la notification du placement en rétention administrative ;

- REJETTE la demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et fondé sur l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

- DIT que la présente ordonnance sera notifiée par le greffe en application de l'article R552'15 du code de l'entrée du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Le Greffier, La Conseillère déléguée,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : C.e.s.e.d.a.
Numéro d'arrêt : 20/00194
Date de la décision : 06/11/2020

Références :

Cour d'appel de Bordeaux SE, arrêt n°20/00194 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-11-06;20.00194 ?
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