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14/10/2020 | FRANCE | N°19/06313

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 14 octobre 2020, 19/06313


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



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ARRÊT DU : 14 OCTOBRE 2020



(Rédacteur : Madame Annie Cautres, conseillère)





N° RG 19/06313 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LK3O













Madame [F] [R] épouse [W]



c/



SARL [Localité 4] DÉPANNAGE

















Nature de la décision : AU FOND

SUR RENVOI DE CASSATION





















Grosses délivrées le :



aux avocats :



Décision déférée à la cour : jugement rendu le 12 septembre 2016 (RG n° F 12/00033) par le conseil de prud'hommes d'Angoulême - formation paritaire, section Commerce, après arrêt de la Cour de cassation rendu le...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 14 OCTOBRE 2020

(Rédacteur : Madame Annie Cautres, conseillère)

N° RG 19/06313 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LK3O

Madame [F] [R] épouse [W]

c/

SARL [Localité 4] DÉPANNAGE

Nature de la décision : AU FOND

SUR RENVOI DE CASSATION

Grosses délivrées le :

aux avocats :

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 12 septembre 2016 (RG n° F 12/00033) par le conseil de prud'hommes d'Angoulême - formation paritaire, section Commerce, après arrêt de la Cour de cassation rendu le 06 novembre 2019, cassant partiellement l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux en date du 28 juin 2018, suivant déclaration de saisine du 28 novembre 2019 de la cour d'appel de Bordeaux, désignée cour de renvoi,

DEMANDERESSE SUR RENVOI DE CASSATION :

Madame [F] [R] épouse [W], née le [Date naissance 1] 1949 à

[Localité 5], de nationalité française, profession chauffeur de taxi, demeurant [Adresse 2],

représentée par Maître Claire LE BARAZER de la SCP CLAIRE LE BARAZER & LAURÈNE D'AMIENS, avocates au barreau de BORDEAUX,

assistée de Maître Sébastien MOTARD de la SCP CMCP, avocat au barreau de CHARENTE,

DÉFENDERESSE SUR RENVOI DE CASSATION :

SARL [Localité 4] Dépannage, siret n° 507 756 245, prise en la personne de sa représentante légale et statutaire en exercice Madame [U] [T] domiciliée en cette qualité audit siège social, [Adresse 3],

représentée et assistée de Maître Emmanuelle JAVELLO-FAURY de la SELARL JURICA et Maître Caroline PECHIER de la SELARL JURICA, avocates au barreau de CHARENTE,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 1er septembre 2020 en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Nathalie Pignon, présidente

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Annie Cautres, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Anne-Marie Lacour-Rivière

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 28 août 2008 la SARL [Localité 4] Dépannage a rédigé une promesse d'embauche de Madame [F] [R] épouse [W] dans les termes suivants 'je soussigné M. [V] [X], gérant de la SARL [Localité 4] Dépannage, en cours d'immatriculation à la chambre du commerce d'Angoulême sous le numéro siret 507 756 245, déclare embaucher en contrat à durée indéterminée Madame [W] au poste de chauffeur de taxi et diverses fonctions qui seront définies sur le contrat de travail à compter du premier septembre 2008'.

Par acte établi par Maître [E], notaire à [Localité 4], en date du premier septembre 2008 Madame [R] épouse [W] et Monsieur [W] ont cédé à la SARL [Localité 4] dépannage un fonds artisanal de tôlerie, peinture mécanique, carrosserie, dépannage, remorquage moyennant la somme de 270 825 euros (comprenant les éléments corporels et incorporels du fonds). Dans le même acte notarié Madame [R] épouse [W] a également cédé à la société les éléments d'un fonds d'activité d'exploitation de taxi moyennant une somme de 21 295 euros. Cette cession d'exploitation de taxi a été signée sous condition suspensive de la délivrance de l'autorisation de stationnement par le maire de [Localité 4], autorisation devant comprendre les mêmes zones de prise en charge que celles obtenues par Madame [R] épouse [W].

La SARL [Localité 4] Dépannage a sollicité une prolongation de délai aux fins de la réalisation de la condition suspensive, prolongation acceptée sans réserve.

Le 23 mars 2009 la condition suspensive a été réalisée par la délivrance de l'autorisation de stationnement.

Le 5 octobre 2009 la SARL [Localité 4] Dépannage a réglé le prix de cession de l'exploitation à Madame [R] épouse [W].

Le 22 février 2012 Madame [R] épouse [W] a saisi le conseil de prud'hommes aux fins de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail et de paiement de diverses sommes.

Par jugement en date du 12 septembre 2016 le conseil de prud'hommes d'Angoulême a débouté Madame [R] épouse [W] de l'ensemble de ses demandes, l'a condamné aux entiers dépens et à verser à la SARL [Localité 4] Dépannage la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 30 septembre 2016 Madame [R] épouse [W] a relevé appel de cette décision.

Par arrêt en date du 28 juin 2018 la cour d'appel de Bordeaux a infirmé le jugement du conseil de prud'hommes d'Angoulême en date du 12 septembre 2016 en ce qu'il a débouté Madame [W] de sa demande de dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1382 du code civil et a statué à nouveau dans cette limite en condamnant la SARL [Localité 4] Dépannage à payer à Madame [R] épouse [W] la somme de 6 000 euros de dommages et intérêts et aux entiers dépens.

Madame [R] épouse [W] a formé un pourvoi en cassation.

Par arrêt en date du 6 novembre 2019 la cour de cassation a :

cassé et annulé, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 juin 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

remis la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt ;

renvoyé l'affaire et les parties devant la cour d'appel de Bordeaux, autrement composée ;

condamné la SARL [Localité 4] Dépannage aux entiers dépens et à verser à Madame [R] épouse [W] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 28 novembre 2019 la cour de renvoi a été saisie.

Aux termes de ses dernières écritures transmises au greffe de la cour par RPVA le 29 juillet 2020 auxquelles la cour se réfère expressément Madame [R] épouse [W] sollicite :

que soit prononcée la résiliation judiciaire de son contrat de travail à la date de l'arrêt à intervenir ;

que la SARL [Localité 4] Dépannage soit condamnée à lui payer les sommes suivantes :

- 194 310,42 euros au titre de rappel de salaire à compter du premier septembre 2008 ;

- 19 431,041 euros au titre des congés payés sur rappel de salaire ;

- 150 000 euros au titre des dommages et intérêts ;

- 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières écritures transmises au greffe de la cour par RPVA en date du 27 mars 2020 auxquelles la cour se réfère expressément, la SARL [Localité 4] Dépannage sollicite la confirmation du jugement du conseil de prud'hommes et la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Subsidiairement elle sollicite que la créance salariale de Madame [R] épouse [W] soit fixée à la somme de 5 775,29 euros, outre celle de 577,53 euros de congés payés afférents.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 18 août 2020.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la promesse d'embauche en date du 28 août 2008

Attendu que l'acte par lequel un employeur propose un engagement précisant l'emploi, la rémunération et la date d'entrée en fonction et exprime la volonté de son auteur d'être lié en cas d'acceptation constitue une offre de contrat de travail qui peut être régulièrement rétractée tant qu'elle n'est pas parvenue à son destinataire ;

Que la promesse unilatérale de contrat de travail est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l'autre, le bénéficiaire, le droit d'opter pour la conclusion d'un contrat de travail, dont l'emploi, la rémunération et la date d'entrée en fonction

sont déterminés et, pour la formation duquel ne manque que le consentement du

bénéficiaire ;

Attendu qu'il résulte de la lecture attentive des pièces du dossier :

que la promesse signée le 28 août 2008 et annexée à l'acte de cession sous condition suspensive ne mentionne aucun détail sur la rémunération de la

salariée ;

que si le compromis de cession, en date du 5 juin 2008 porte la mention, dans le chapitre condition particulière 'dans l'attente de l'habilitation du cessionnaire pour l'exercice de l'activité de taxi, Madame [W], titulaire de la licence visée ci-dessus, exercera cette activité pendant la période intercalaire permettant à l'acquéreur d'obtenir la délivrance de la licence, dans les conditions directement arrêtées par les parties' et la mention manuscrite 'contrat à durée indéterminée- salaire brut de base 16 200 euros', il convient de constater que cette mention manuscrite n'a pas été paraphée par les parties. En tout état de cause cette rémunération n'a aucunement été reprise deux mois plus tard lors de la signature de l'acte au niveau la promesse faisant l'objet d'une annexe ;

Attendu que faute de mentionner la rémunération de la salariée, soit un élément essentiel du contrat de travail, la promesse en date du 28 août 2008 ne peut être qualifiée ni de promesse unilatérale de contrat de travail ni d'offre du contrat de travail ;

Attendu que la promesse en date du 28 août 2008 constitue donc de simples pourparlers n'engageant pas la SARL [Localité 4] Dépannage de façon ferme ;

Sur l'existence d'un contrat de travail entre les parties

Attendu que selon l'article L.1221-1 du code du travail, le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d'autrui moyennant rémunération ;

Que le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ;

Que l'existence d'un contrat de travail dépend, non pas de la volonté manifestée par les parties à la convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité du travailleur ;

Attendu qu'en présence d'un contrat de travail écrit ou apparent, il appartient à celui qui entend en contester l'existence de rapporter la preuve de son caractère fictif ;

Attendu que Madame [W] invoque l'existence d'un contrat de travail et fait valoir, outre par la réalité de la promesse d'embauche valant contrat (qui a été analysée plus haut), que la SARL [Localité 4] Dépannage a délivré des bulletins de salaire, payé deux salaires et a réalisé une déclaration unique d'embauche ;

Attendu que l'appelant produit au dossier :

deux bulletins de salaire émanant de la SARL [Localité 4] Dépannage pour le compte de Madame [W] en qualité de chauffeur des mois de novembre et décembre 2008 mentionnant 4 heures 33 de travail, payé au niveau 1, échelon 1, coefficient 140 ;

deux chèques de novembre et décembre 2008 de la SARL [Localité 4] Dépannage libellés pour le compte de Madame [W] de montants correspondant aux deux bulletins de salaire ;

deux attestations émanant de Messieurs [C] et [B] faisant état 'atteste avoir vu Madame [W] arriver au garage à 8 heures 30 au volant du taxi Toyota et attendre les instructions de Monsieur [V] depuis le premier septembre 2008 jusqu'à début 2009' ;

Attendu que ces éléments démontrent l'existence d'un contrat de travail apparent, par la réalité d'un travail accompli, une rémunération conforme aux bulletins de salaires délivrés ;

Attendu que la SARL [Localité 4] Dépannage produit au dossier les éléments suivants à l'appui du caractère fictif du contrat de travail de Madame [W] :

deux attestations de Messieurs [C] et [B] indiquant qu'ils ont fait des fausses attestations et n'avoir pas vu Madame [W] embaucher tous les jours à l'entreprise ;

le bordereau d'envoi d'une enquête préliminaire des services de la gendarmerie de [Localité 4] dont les conclusions sont les suivantes 'les deux employés reconnaissent avoir écrit un mensonge sous la contrainte de Madame [W]' ;

les auditions de Messieurs [C] et [B] devant la gendarmerie de [Localité 4] réitérant que Madame [W] leur avait demandé de rédiger une première attestation dont les propos étaient rédigés par elle et confirmant que Madame [W] ne se rendait pas tous les jours au garage pour attendre les instructions de Monsieur [V] ;

les écritures de Madame [W] devant le conseil de prud'hommes mentionnant en page 5 'sur une énième interpellation par Madame [W] rappelant son embauche, cette dernière eut alors la surprise de recevoir par voie postale un courrier de la société [Localité 4] Dépannage contenant deux bulletins de

paie, établis pour 4 heures 33 de travail chacun alors qu'elle n'en avait effectué aucune, accompagnés de deux chèques correspondants d'un montant symbolique'. Madame [W] admet donc l'absence de réalité des mentions des bulletins de salaire et de la rémunération correspondante ;

une déclaration unique d'embauche de Madame [W] par la SARL [Localité 4] Dépannage reçu le 7 novembre 2008 et une annulation de celle-ci reçue le 30 janvier 2009. Il s'agit bien d'une annulation et non d'une déclaration de fin de contrat ;

un courrier de la SARL [Localité 4] Dépannage à Madame [W] en date du 19 novembre 2008 mentionnant 'Veuillez trouver ci-joint le contrat de travail conformément aux stipulations de l'acte signé le premier septembre 2008 afin de respecter les clauses suspensives de l'acte de vente. Vous voudrez bien me retourner un exemplaire dûment signé par vos soins, dès réception de la présente'. Ce contrat n'a jamais été signé par Madame [W] et n'a été rédigé que pour respecter les dispositions formelles tendant à la cession de l'exploitation ;

Attendu qu'il ressort de ces éléments que Madame [W] n'a jamais exécuté de travail sous l'autorité de la SARL [Localité 4] Dépannage qui ne lui a donné aucun ordre ou directive relativement aux fonctions de chauffeur ;

Qu'au surplus les pièces du dossier démontrent que la cession du seul véhicule destiné à l'exploitation de l'activité de taxi (toyota) n'est intervenue qu'en mars 2009, Madame [W] en étant toujours propriétaire jusqu'à cette date ;

Attendu que compte tenu de l'ensemble de ces éléments, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le moyen tiré de la cause du contrat, aucun contrat de travail n'a existé entre les parties ;

Attendu que Madame [W] sera donc déboutée de l'ensemble de ses demandes de rappel de salaire et dommages et intérêts, faute de promesse unilatérale de contrat de travail ou d'offre du contrat de travail et faute de contrat de travail ayant existé entre les parties ;

Que le jugement du conseil de prud'hommes d'Angoulême en date du 12 septembre 2016 sera donc confirmé en toutes ses dispositions ;

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Attendu qu'il apparaît équitable en l'espèce d'allouer à la SARL [Localité 4] Dépannage la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

PAR CES MOTIFS

Vu l'arrêt de la cour de cassation en date du 6 novembre 2019,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes d'Angoulême en date du 12 septembre 2016 ;

Et y ajoutant,

CONDAMNE Madame [F] [W] aux entiers dépens d'appel et à payer à la SARL [Localité 4] Dépannage la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Signé par Madame Nathalie Pignon, présidente et par Anne-Marie Lacour-Rivière, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Anne-Marie Lacour-Rivière Nathalie Pignon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 19/06313
Date de la décision : 14/10/2020

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°19/06313 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-10-14;19.06313 ?
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