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17/09/2020 | FRANCE | N°18/01256

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 17 septembre 2020, 18/01256


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



--------------------------







ARRÊT DU : 17 SEPTEMBRE 2020



(Rédacteur : Monsieur Eric VEYSSIERE, Président)



PRUD'HOMMES



N° RG 18/01256 - N° Portalis DBVJ-V-B7C-KJ3Y







SARL ACTI-SER





c/



Monsieur [Y] [S]

















Nature de la décision : AU FOND

















Grosse délivrée aux avocats le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 janvier 2018 (R.G. n°F 16/02357) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section commerce, suivant déclaration d'appel du 01 mars 2018,



APPELANTE :



SARL ACTI-SER agissant en...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 17 SEPTEMBRE 2020

(Rédacteur : Monsieur Eric VEYSSIERE, Président)

PRUD'HOMMES

N° RG 18/01256 - N° Portalis DBVJ-V-B7C-KJ3Y

SARL ACTI-SER

c/

Monsieur [Y] [S]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée aux avocats le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 janvier 2018 (R.G. n°F 16/02357) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section commerce, suivant déclaration d'appel du 01 mars 2018,

APPELANTE :

SARL ACTI-SER agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 2]

Représentée par Me Stéphane MESURON de la SELARL CAPLAW, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉ :

[Y] [S]

né le [Date naissance 1] 1970 en ALGERIE

de nationalité Française

Profession : Agent de service, demeurant [Adresse 3]

Représenté par Me Laëtitia SCHOUARTZ, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

Les débats se sont déroulés le 1er juillet 2020 en publicité restreinte conformément aux dispositions de l'article 6-1 de l'ordonnance n°2020-304 créé par ordonnance n°2020-595 du 20 mai 2020, devant la Cour composée de :

Monsieur Eric Veyssière, président

Madame Marie-Luce Grandemange, présidente

Monsieur Nicolas Duchâtel, vice-président placé auprès de la première présidente

qui en ont délibéré.

greffière lors des débats : Sylvaine Déchamps

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

Exposé du litige

Selon un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel du 1er septembre 2009, la société Acti-ser, entreprise relevant de la convention collective nationale des entreprises de propreté, a engagé M. [S] en qualité d'agent de service.

A compter du 1er juin 2012, la société Acti-ser a employé M. [S] à temps complet en qualité de chef d'équipe pour les activités d'espaces verts et de nettoyage.

Le 6 juin 2016, M. [S] a refusé un changement d'affectation qui lui avait été notifié le 13 mai.

Par courrier recommandé du 6 juin 2016, la société Acti-ser a convoqué M. [S] à un entretien préalable à son éventuel licenciement fixé le 16 juin 2016.

Le 28 juin 2016, la société Acti-ser a licencié M. [S] pour cause réelle et sérieuse.

Le 2 septembre 2016, M. [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux aux fins de voir condamner la société Acti-ser au paiement des sommes suivantes :

18 560 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif en application de l'article L 1235-3 du code du travail,

1 856 euros à titre d'indemnité pour licenciement irrégulier,

10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

11 136 euros à titre d'indemnité de travail dissimulé,

2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

Par jugement du 23 janvier 2018, le conseil de prud'hommes de Bordeaux a :

condamné la société Acti-ser au paiement des sommes suivantes :

- 500 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article L 1235-2 du code du travail pour licenciement irrégulier,

- 13 000 euros à titre de dommages et intérêts selon les dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail pour licenciement abusif,

- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du non respect des dispositions de l'article L 1222-1 du code du travail pour exécution déloyale du contrat de travail,

- 11 136 euros à titre d'indemnité prévue par l'article L 8223-1 du code du travail pour travail dissimulé,

- 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens,

rejeté le surplus des demandes formulées par les parties.

Par déclaration du 1er mars 2018, la société Acti-ser a régulièrement relevé appel du jugement en ce qu'il :

l'a condamnée au paiement de la somme de 500 euros sur le fondement de l'article L 1235-2 du code du travail pour licenciement irrégulier,

jugé abusif le licenciement de M. [S] et l'a condamnée au paiement de la somme de 13 000 euros à titre de dommages et intérêts fondés sur les dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail,

jugé qu'elle aurait été défaillante et violé les dispositions de l'article L 1222-1 du code du travail et l'a condamnée au paiement de la somme de 5 000 euros pour exécution déloyale du contrat de travail,

jugé qu'elle se serait rendue coupable de travail dissimulé au sens de l'article L 8221-5 du code du travail et l'a condamnée au paiement d'une indemnité de 11 136 euros sur le fondement de l'article L 8223-1 du code du travail,

l'a condamnée au paiement de la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

Par ses dernières conclusions du 13 janvier 2020, la société Acti-ser sollicite de la cour qu'elle infirme le jugement déféré et, statuant à nouveau :

juge que le licenciement de M. [S] repose sur une cause réelle et sérieuse,

rejette l'ensemble des demandes formulées par M. [S],

condamne M. [S] au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions du 17 février 2020, M. [S] sollicite de la cour qu'elle :

confirme le jugement déféré en ce qu'il a jugé son licenciement irrégulier et abusif, jugé que la société Acti-ser avait exécuté de manière déloyale le contrat de travail et jugé l'infraction de travail dissimulé constituée et condamné la société Acti-ser au paiement de la somme de 11 136 euros à ce titre,

à titre incident, condamne la société Acti-Ser au paiement des sommes suivantes:

- 18 560 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

- 1 856 euros à titre d'indemnité pour licenciement irrégulier,

- 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice subi,

- 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens et frais éventuels d'exécution.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 février 2020.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées.

Motifs de la décision

Sur le licenciement

Selon l'article L.1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi l'administration de la preuve en ce qui concerne le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis et matériellement vérifiables.

En l'espèce, la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige reproche à M. [S] d'avoir refusé d'assurer les prestations demandées par sa hiérarchie alors que celles-ci ne modifiaient pas la substance du contrat de travail.

M. [S] conteste le bien fondé du licenciement en faisant valoir que la nouvelle affectation décidée unilatéralement par l'employeur constituait une modification des termes de son contrat de travail dans la mesure où ce changement impliquait à la fois d'exercer des tâches nouvelles puisqu'il passait des entretiens des espaces verts au nettoyage des intérieurs et de renoncer à ses fonctions d'encadrement.

Si, au regard des dispositions des articles 1134 ancien du code civil et L 1221-1 du code du travail, l'employeur ne peut modifier sans l'accord du salarié un élément essentiel du contrat de travail, il conserve, cependant, la possibilité, en vertu de son pouvoir de direction, de changer de façon unilatérale les conditions de travail de l'intéressé. Si la nouvelle tâche confiée au salarié, quoique différente de celle qu'il effectuait antérieurement, correspond à sa qualification, il n'y a pas modification du contrat de travail, mais simple changement des conditions de travail.

Aux termes du contrat de travail, M. [S] est recruté en qualité d'agent de service ATQS2-B de la convention collective. Les parties reconnaissent et les bulletins de paie en attestent qu'il exerçait, par ailleurs, la fonction de chef d'équipe CE niveau 3.

Le courrier du 13 mai 2016 par lequel l'employeur a notifié au salarié son changement d'affectation est ainsi rédigé : ' la conjoncture économique actuelle de la société nous oblige à une réorganisation de nos équipes. Nous vous précisons que nous avons décidé de procéder au changement suivant de vos conditions de travail. Affectation suivante à compter du 2 juin 2016 : chantier de vitres (suivant planning), collecte et ramassage des poubelles sur la commune d'Ambarès, chantier EPJ nettoyage à l'autolavage, intermarché à [Localité 4]. Les autres dispositions de votre contrat de travail restent inchangées...'

En ce qui concerne les tâches exercées, il résulte des pièces du dossier et, notamment, des plannings de travail de M. [S] portant sur 21 semaines entre 2015 et 2016 que si, à titre principal, celui-ci travaillait dans le domaine de l'entretien des espaces verts, il participait régulièrement à des travaux de nettoyage de bâtiments dans différentes localités de l'agglomération bordelaise de sorte qu'il ne peut valablement soutenir que l'entretien des espaces verts était une attribution exclusive contractuellement garantie, étant observé que le contrat de travail ne comporte aucune clause relative à des attributions spécifiques et que la convention collective s'applique aux activités de propreté et de prestations associées telles que l'entretien des espaces verts. En affectant M. [S] à d'autres chantiers, l'employeur a, donc, modifié ses conditions de travail et non un élément essentiel du contrat de travail.

S'agissant des tâches d'encadrement, la lettre de l'employeur affectant M. [S] à d'autres chantiers précise bien que les autres dispositions du contrat de travail demeurent inchangées, ce qui signifie que les niveaux de qualification et de rémunération ne sont pas modifiés. Aucun élément du dossier n'indique que les fonctions d'encadrement du salarié étaient supprimées et, d'ailleurs, M. [S] n'a pas contesté ce point dans son courrier de refus de la nouvelle affectation qui énonçait comme seule revendication son souhait d'être employé dans le domaine des espaces verts ne mettant pas ainsi l'employeur dans la position de lui répondre sur la question des fonctions d'encadrement de sorte que l'on ne peut conclure, comme l'a retenu le conseil de prud'hommes, que les travaux réalisés dans le cadre de la nouvelle affectation étaient limités à des tâches d'exécution. En outre, la grille de classification des emplois de la convention collective autorise les chefs d'équipe à participer à des travaux de nettoyage. Or, il résulte des plannings signés du salarié que, jusqu'à sa nouvelle affectation, il exerçait à la fois les fonctions de chef d'équipe et d'agent participant aux travaux de nettoyage. Il s'en déduit que, s'agissant de la fonction d'encadrement, ni les conditions de travail, ni un élément essentiel du contrat de travail n'ont été modifiés par la nouvelle affectation.

Enfin, M. [S] n'allègue aucun motif personnel ou familial faisant obstacle à son affectation sur les nouveaux chantiers qui étaient situés dans son périmètre habituel de travail.

Il découle de ce qui précède que M. [S] a refusé une modification de ses conditions de travail sans motif légitime et que dés lors le motif du licenciement est réel et sérieux.

M. [S] sera, en conséquence, débouté de ses demandes indemnitaires relatives à un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement sera réformé sur ce point.

Sur la régularité de la procédure de licenciement

Faisant valoir que la lettre de convocation préalable à son licenciement ne comportait pas la mention de l'adresse de la mairie, ni l'adresse de la DDTE et qu'il a été ainsi privé de l'assistance d'un conseiller du salarié, M. [S] sollicite la somme de 1856 euros en réparation du préjudice résultant de cette irrégularité de la procédure.

L'employeur conclut au rejet de cette demande en raison de l'absence de préjudice prouvé.

Aux termes de l'article L 1232-4 du code du travail, lors de son audition, le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise.

Lorsqu'il n'y a pas d'institutions représentatives du personnel dans l'entreprise, le salarié peut se faire assister soit par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise, soit par un conseiller du salarié choisi sur une liste dressée par l'autorité administrative. La lettre de convocation à l'entretien préalable adressée au salarié doit mentionner la possibilité de recourir à un conseiller du salarié et préciser l'adresse des services dans lesquels la liste de ces conseillers est tenue à sa disposition.

En l'espèce, la lettre de convocation à l'entretien préalable en date du 6 juin 2015 indique à M. [S] qu'il peut être assisté, s'il le souhaite, au cours de l'entretien par un conseiller inscrit sur la liste départementale qu'il peut consulter à la DDTE de la Gironde située à [Localité 5] ou à la mairie de sa ville.

Si ce courrier ne précise pas l'adresse de la DDTE ni celle de la mairie, en méconnaissance des dispositions sus-visées, il est, toutefois, suffisamment clair pour que M. [S] obtienne aisément auprès de ces organismes toutes les informations utiles sur la liste des conseillers de sorte que la preuve d'un préjudice subi par l'intéressé du fait de cette omission n'est pas rapportée.

M. [S] sera, en conséquence, débouté de sa demande de dommages et intérêts. Le jugement sera réformé en ce sens.

Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

M. [S] réclame la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail aux motifs que l'employeur a manqué à son obligation de protéger sa santé et sa sécurité en lui confiant des travaux d'élagage des arbres mesurant plusieurs dizaines de mères avec une simple échelle, sans formation préalable et avec une tronçonneuse dépourvue de dispositif de protection, circonstances ayant provoqué trois accidents du travail entre 2011 et 2015.

Il résulte des pièces du dossier que M. [S] a été victime d'un accident du travail le 16 mars 2011 et le 21 février 2013 dont les circonstances ne sont pas, cependant, déterminées faute d'éléments probants fournis par le salarié et, notamment, les déclarations d'accident du travail. Il ne peut, en conséquence, être tirée de ces accidents la preuve en soi d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, étant observé, de surcroît, que le salarié n'a pas recherché la faute inexcusable de l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale seule compétente pour statuer sur les dommages résultant d'un accident du travail.

En ce qui concerne l'accident qui serait survenu en mars 2015, le salarié ne justifie ni en avoir avisé l'employeur qui en conteste l'existence, ni avoir subi d'arrêts de travail consécutifs à cet accident. Le témoignage d'un autre salarié de l'entreprise attestant qu'il a assisté à la chute d'une branche sur le casque de M. [S] alors qu'il élaguait en févier 2015 des arbres à 35 mètres de hauteur avec une nacelle de 22 mètres ne suffit pas, en l'absence de lésion médicalement constatée, à caractériser l'existence d'un accident du travail dont les conséquences devraient, en tout état de cause, comme indiqué ci-dessus, être soumises à l'appréciation de la juridiction de sécurité sociale.

Si ce dernier fait établit que M. [S] était chargé de réaliser des travaux d'élagage en hauteur, ce qui n'est pas contesté par l'employeur, il démontre aussi que, contrairement à ce que prétend le salarié, il était muni d'un équipement de sécurité, en l'espèce un casque, et travaillait sur une nacelle, engin pour lequel l'employeur justifie, que M. [S] a suivi en 2014 une formation CACES PEMP en vue de sa conduite.

L'employeur établit, par ailleurs, qu'il s'est assuré du respect par le salarié du port des équipements de protection individuels puisqu'il lui a adressé, le 17 avril 2015, un courrier lui rappelant l'obligation d'être muni des chaussures de sécurité, du casque avec visière, de la protection auditive, du gilet fluorescent, des gants et des lunettes de protection.

Il découle de ce qui précède que le salarié ne rapporte pas la preuve d'un manquement de l'employeur à son obligation de loyauté ni à son obligation de sécurité énoncée à l'article L 4121-1 du code du travail en termes de prévention ou d'outils adaptés destinées à assurer la protection de sa santé et de sa sécurité.

Le jugement sera en conséquence réformé sur ce point et M. [S] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts.

Sur le travail dissimulé

M. [S] prétend que lorsqu'il travaillait à temps partiel entre le 1er septembre 2009 et le 1er juin 2012, des heures complémentaires lui ont été réglées par chèque pour un montant total de 3500 euros sans être déclarées sur les bulletins de paie. Il sollicite, en conséquence, l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé prévue à l'article L 8223-1 du code du travail en cas de rupture du contrat de travail.

L'employeur objecte que non seulement les faits sont prescrits mais que ces chèques correspondent à des prêts consentis par le dirigeant de la société, M. [J].

L'article L 1471-1 du code du travail prévoit que toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

Le point de départ de la prescription de l'action en paiement de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé prévue à l'article L 8223-1 du code du travail est la date de la rupture du contrat de travail.

En l'espèce, la rupture du contrat de travail est intervenue le 28 juin 2016. M. [S] a saisi le conseil de prud'hommes le 2 septembre 2016, soit moins de deux ans après en avoir eu connaissance. L'action n'est donc pas prescrite.

Sur le fond, est réputé travail dissimulé, en application de l'article L 8221-5 al 2 et 3 du code du travail, le fait pour tout employeur de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli ou de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales.

En l'espèce, M. [S] produit la copie de 14 chèques émis à son nom sur le compte de la société Acti-Ser ou sur le compte du gérant, M. [J], entre le 3 novembre 2009 et le 4 juin 2013 :

- 06/09/2009 : 400 euros (Acti-Ser)

- 03/11/2009 : 700 euros ( [J])

- 29/01/2010 : 394,09 euros ( Acti-Ser)

- 01/02/2010 : 483,31 euros ( Acti-Ser)

- 04/03/2010 : 700 euros ([J])

- 09/09/2010 : 483,31 euros ( Acti-Ser)

- 07/04/2010 : 566,47 euros ( Acti-Ser)

- 18/09/2010 : 800 euros ([J])

- 31/08/2010 : 700 euros (Acti-Ser)

- 12/11/2010 : 1500 euros (Acti Ser)

- 07/12/2010 : 1300 euros ( Acti-Ser)

- 02/02/2011 : 521,46 euros ( Acti-Ser)

- 06/04/2011 : 1263 euros ([J])

- 03/06/2013 : 633 euros ([J])

Ces sommes versées au salarié par l'employeur que ce soit sur le compte courant du gérant ou celui de la société correspondent, au regard de leur montant et des échéances régulières de leur versement, à la contre partie d'un travail. Le moyen de défense de l'employeur selon lequel ces chèques ont été émis à titre de prêt personnel n'est étayé par aucun élément de preuve.

Il est constant, par ailleurs, que ces sommes ne figurent pas sur les bulletins de paie et n'ont pas été déclarées aux organismes sociaux.

Dès lors, l'intention de se soustraire intentionnellement aux obligations édictées à l'article L 8221-5 du code du travail est établie et M. [S] peut prétendre à l'indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire prévue à l'article L 8223-1. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les autres demandes

L'employeur qui succombe en partie dans ses prétentions supportera la charge des dépens.

L'équité commande d'allouer à M. [S] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs

confirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Acti-Ser à payer à M. [S] la somme de 11.136 euros pour travail dissimulé

le réforme pour le surplus

et statuant à nouveau dans cette limite

dit que le licenciement de M. [S] repose sur une cause réelle et sérieuse

déboute M. [S] de ses demandes indemnitaires pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

déboute M. [S] de ses demandes de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement et pour exécution déloyale du contrat de travail

y ajoutant

condamne la société Acti-Ser à payer à M. [S] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

condamne la société Acti-Ser aux dépens

Signé par Eric Veyssière, président et par Sylvaine Déchamps, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

S. Déchamps E. Veyssière


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 18/01256
Date de la décision : 17/09/2020

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4B, arrêt n°18/01256 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-09-17;18.01256 ?
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