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18/06/2020 | FRANCE | N°18/02206

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 18 juin 2020, 18/02206


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



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ARRÊT DU : 18 JUIN 2020



(Rédacteur : Madame Emmanuelle LEBOUCHER, Conseillère)



PRUD'HOMMES



N° RG 18/02206 - N° Portalis DBVJ-V-B7C-KMLH







Monsieur [K] [L]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/008064 du 26/04/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)





c/



SASU SSP [Localité 8]

















Nature de la décision : AU FOND

















Grosse délivrée aux avocats le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 mars 2018 (R.G. n°F 15/00620) par le Conseil de Prud'ho...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 18 JUIN 2020

(Rédacteur : Madame Emmanuelle LEBOUCHER, Conseillère)

PRUD'HOMMES

N° RG 18/02206 - N° Portalis DBVJ-V-B7C-KMLH

Monsieur [K] [L]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/008064 du 26/04/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)

c/

SASU SSP [Localité 8]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée aux avocats le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 mars 2018 (R.G. n°F 15/00620) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BORDEAUX, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 16 avril 2018,

APPELANT :

Monsieur [K] [L]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Nadia CHEKLI, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

SASU SSP [Localité 8] , venant aux droits de la société LES BOUTIQUES BONNE JOURNEE ,prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social, [Adresse 2]

N° SIRET : 53 4 7 04 770

représenté par Me Michel PUYBARAUD de la SCP MICHEL PUYBARAUD, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat postulant, et par Me Kjell KIRKAM, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR POUR LE DELIBERE :

Monsieur Eric Veyssière, président,

Monsieur Nicolas Duchatel, vice-président placé auprès de la première présidente,

Madame Emmanuelle Leboucher, conseillère,

L'affaire a été fixée à l'audience du 02 avril 2020 conformément aux dispositions de l'article 912 du code de procédure civile. Cette audience n'a pas eu lieu en raison de l'état d'urgence sanitaire. Il a été statué par procédure sans audience, sans opposition des parties, conformément aux dispositions de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 et de l'article 8 de l'ordonnnnce n° 304-2020 du 25 mars 2020.

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

L'avis de mise en délibéré a été transmis aux parties le 2 juin 2020.

EXPOSE DU LITIGE

M. [L] a été embauché à compter du 23 septembre 1994 par la société C.R.C. (Compagnie de Restauration et Cafétarias) par contrat à durée indéterminée à temps partiel, en qualité d'employé polyvalent 1er échelon pour son établissement secondaire Tarte Julie situé dans le centre commercial Saint Christoly à [Localité 3].

A compter du 1er avril 1995, M. [L] a été promu employé polyvalent 2éme échelon.

Différents avenants, relatifs à l'horaire mensuel de travail ont été régularisés pour faire face à l'absence d'autres salariés.

Il a été promu employé polyvalent 3è échelon à compter du 1er mars 1996 et employé polyvalent 4è échelon à partir du 1er juillet 1996.

Suite à la mise en place de la nouvelle grille de classification Patisseries, 'Tarte Julie', le nouvel employeur de M. [L], l'a informé, le 1er octobre 1999, du nouvel intitulé de son poste, Assistant Manager, ainsi que de son statut, agent de maitrise Niveau 4 Echelon 2. Il a ensuite obtenu le statut de Assistant Manager, Niveau 3 Echelon 3.

Par courrier date du 12 decembre 2014 et remis en mains propres, M. [L] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour motif economique.

Par courrier en date du 31 decembre 2014, l'employeur a notifié à M. [L] son licenciement pour motif économique lié à la suppression de son poste en raison de l'arrêt de l'activité du point de vente 'Tarte Julie' à [Localité 3] au 31 decembre 2014 et de la nécessité de sauvegarder la compétitivité.

Estimant que son employeur n'avait pas été loyal dans sa recherche de reclassement, M. [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux des demandes suivantes :

dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 65 000 euros,

indemnité au titre de l'article 700 du code de procedure civile : 2 000 euros.

Par jugement de départage en date du 29 mars 2018, le conseil de prud'hommes a :

débouté M. [L] de l'ensemble de ses demandes ;

débouté la société SSP [Localité 8] de sa demande reconventionnelle sur le fondement de l'article 700 du code de procedure civile ;

condamné M. [L] aux depens.

Par déclaration reçue au greffe le 16 avril 2018, M. [L] a régulièrement interjeté appel du jugement de départage en date du 29 mars 2018 en ce qu'il l'a :

débouté de sa demande tendant à déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse;

débouté de sa demande de condamnation de la societe SSP [Localité 8] à lui payer la somme de 65 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

débouté de sa demande de condamnation de la societe SSP PARlS à lui payer la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

condamné aux dépens.

Par ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 4 janvier 2019, M. [L] demande à la cour de :

confirmer le jugement de départage en ce qu'il a débouté la société SSP [Localité 8] venant aux droits de la société Les Boutiques Bonne Journée de sa demande reconventionnelle sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

réformer le jugement de départage en date du 29 mars 2018 pour le surplus,

Statuant a nouveau,

juger que la société SSP [Localité 8] venant aux droits de la société Les Boutiques Bonne Journée a manqué à son obligation de reclassement,

juger sans cause reelle et serieuse son licenciement pour motif économique,

condamner la société SSP [Localité 8] venant aux droits de la société Les Boutiques Bonne Journée à lui régler la somme de 65 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause reelle et serieuse,

débouter la société SSP [Localité 8] venant aux droits de la société Les Boutiques Bonne Journée de toutes ses demandes,

condamner la société SSP [Localité 8] venant aux droits de la société Les Boutiques Bonne Journée à lui régler la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner la société SSP [Localité 8] venant aux droits de la société Les Boutiques Bonne Journée à verser à Maitre Nadia Chekli la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991,

condamner la société SSP [Localité 8] venant aux droits de la société Les Boutiques Bonne Journée aux dépens.

M. [L] soutient que non seulement, l'employeur n'a pas exécuté de manière loyale son obligation de reclassement mais surtout, qu'il a fait preuve de discrimination à son encontre.

Il souligne que l'employeur connaissait son souhait de rester dans la région bordelaise mais qu'il lui a seulement proposé des postes d'assistant manager situés à [Localité 8], [Localité 9] et [Localité 6]. Il fait valoir qu'il ne lui a jamais proposé le poste d'hôte de restauration ou de vendeur polyvalent dans les enseignes Starbucks, Café des Grands Hommes ou Brioche Dorée situées à [Localité 7] et à la Gare de [Localité 3] ; que ces postes n'ont été proposés qu'à des collegues féminines, dont certaines avaient la même qualification que lui, voire, pour l'une d'entre elles, une qualification supérieure.

Il ajoute que les deux collègues féminines, également assistant manager, se sont vues proposer des postes de catégorie inférieure situés sur [Localité 3], sans avoir eu besoin d'en faire la demande préalable.

Il précise ses demandes financières.

Par ses dernières conclusions reçues par RPVA le 15 janvier 2019, la société SPP Parins venant aux droits de la société Les Boutiques Bonne Journée demande à la cour de :

confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [L] de l'ensemble de ses demandes,

réformer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant de nouveau,

juger que le licenciement de M. [L] repose sur une cause réelle et sérieuse,

débouter M. [L] de l'ensemble de ses demandes,

le condamner à lui régler la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

le condamner aux dépens.

La société Les Boutiques Bonne Journée expose qu'elle a été dans l'obligation de procéder à l'arrêt de l'activité du point de vente 'Tarte Julie Bordeaux', arrêt motivé par l'arrêt de son exploitation et par la sauvegarde de sa compétitivité. Elle indique que le chiffre d'affaires de la société Les Boutiques Bonne Journée présente sous l'enseigne 'Bonne journée' dans les métros parisien et lillois et sous l'enseigne 'Tarte Julie' dans des centres commerciaux, a fortement chuté entre 2013 et 2014, ce qui est confirmé par le tableau récapitulatif des sept résultats financiers du point de vente 'Tarte Julie Bordeaux' certifié conforme par le contrôle de gestion. Elle précise que les produits proposés, des tartes sucrées et des tartes salées, ne répondaient plus aux tendances de consommation qui se traduisait par une baisse de la fréquentation de la clientèle ; que la dégradation de l'activité économique de ce point de vente était amplifiée par le déclin du centre commercial Saint Christoly ; que la rénovation du centre commercial Meriadeck a engendré la fermeture de 30% des commerces qui étaient situés au sein du centre commercial Saint christoly et que l'aménagement de l'Espace Saint Catherine a encore accentué la baisse de sa fréquentation. Elle estime donc que le motif économique du licenciement de M. [L] est parfaitement démontré, ce qui est par ailleurs illustré par les avis favorables rendus par le comité d'entreprise et les membres du comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail.

La Société SSP [Localité 8] venant aux droits de la société Les Boutiques Bonne Journée soutient qu'elle a recherché toutes les possibilités de reclassement au sein des différentes sociétés du groupe auquel elle appartient et qu'elle a loyalement exécuté son obligation. Elle expose que M. [L] a refusé tout reclassement à l'étranger et en France alors qu'elle lui a proposé cinq postes - premier assistant manager à [Localité 8], gare [5] à [Localité 8], gare [4] à [Localité 8] et à [Localité 6] et assistant manager à [Localité 9]. Elle fait valoir que l'employeur doit, en priorité, rechercher à reclasser le salarié dans un poste équivalent à celui occupé et que lorsqu'il ne dispose pas de postes de reclassement de la même catégorie que ceux occupés par les salariés dont le licenciement est envisagé, l'employeur doit leur proposer tous les emplois de catégorie inférieure en rapport avec leurs compétences et leurs aptitudes et qu'il n'a aucune obligation légale de leur proposer des postes de catégories inférieures, ce qui exclut toute discrimination. Elle souligne que M. [L] ne l'a jamais saisi pour que des propositions de postes de catégorie inférieure lui soient aussi faites. Elle expose qu'il est indifférent que deux collègues n'aient formulé aucune demande concernant ces postes de catégories inférieures, dès lors que l'employeur n'était pas tenu de leur proposer.

Elle s'oppose aux demandes indemnitaires de M. [L].

La clôture a été fixée au 2 avril 2020.

MOTIVATION

Le motif économique du licenciement n'est pas contesté.

Sur l'obligation de reclassement :

L'article L 1233-4 du code du travail énonce que le licenciement pour motif économique ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement du salarié ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. L'employeur doit exécuter avec loyauté cette obligation et présenter des offres de reclassement écrites, précises, concrètes et personnalisées, concernant un emploi relevant de la même catégorie que celui occupé par le salarié, ou un emploi équivalent, et à défaut un emploi d'une catégorie inférieure, ce sous réserve de l'accord exprès du salarié.

En l'espèce, il ressort du courrier du 10 novembre 2014 que la société Les Boutiques Bonne Journée a interrogé M. [L] sur la possibilité de lui proposer des solutions de reclassement à l'étranger, ce qu'il a refusé. Par courrier du 27 novembre 2014, l'employeur lui a fait cinq propositions de reclassement, quatre postes de premier assistant manager à [Localité 8], [Localité 9] et [Localité 6] et un poste d'assistant manager à [Localité 9], postes qu'il a également refusés.

S'il apparaît que l'employeur peut faire des propositions de reclassement à des postes avec des qualifications, responsabilités, rémunérations inférieures à celles que le salarié occupe avant le licenciement pour motif économique, cette possibilité est seulement ouverte lorsque l'employeur ne peut proposer à titre de reclassement un emploi relevant de la même catégorie ou un emploi équivalent.

Ainsi, le fait que la société Les Boutiques Bonne Journée n'ait pas proposé de poste de vendeur à M. [L] alors qu'il occupait un poste de premier assistant manger, catégorie cadre, ne peut être considéré comme un comportement déloyal dans la recherche de reclassement.

Il est constant que Mme [E], bien que hiérarchiquement au-dessus de M. [L], a demandé un poste de reclassement très inférieur et a obtenu satisfaction. Il est également constant que M. [L] n'a fait aucune démarche similaire auprès de son employeur.

Concernant les deux autres collègues de M. [L], il affirme qu'elles avaient des postes d'assistant manager mais ne le démontre pas. De plus, leurs attestations mentionnent qu'elles ont reçu des propositions de postes sur [Localité 3] sans en faire la demande mais aucun élément ne permet d'affirmer, contrairement à ce qu'affirme M. [L] qu'il leur a été proposé spontanément des postes de catégorie inférieure.

De plus, l'article L 1132-1 du code du travail dans sa version applicable au litige dispose notamment qu'aucune personne ne peut être licenciée ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, en raison de son sexe, il appartient à ce salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte.

Or, comme l'a justement relevé le premier juge, le seul fait que deux anciennes collègues se soient vues proposer des postes sur [Localité 3] sans le demander ne suffit pas à démontrer des éléments de faits laissant supposer l'existence d'une discrimination en raison de son sexe.

En conséquence, le jugement est confirmé.

Sur les dépens :

M. [L] succombant est condamné aux dépens.

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

L'équité et les circonstances économiques commandent de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Confirme le jugement de départage du conseil de prud'hommes de Bordeaux du 29 mars 2018,

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à condamnation en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [K] [L] aux dépens de la procédure d'appel.

Signé par Eric Veyssière, président et par Sylvaine Déchamps, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

S. Déchamps E. Veyssière


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 18/02206
Date de la décision : 18/06/2020

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4B, arrêt n°18/02206 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-06-18;18.02206 ?
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