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17/06/2020 | FRANCE | N°18/01958

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 17 juin 2020, 18/01958


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 17 JUIN 2020



(Rédacteur : Madame Nathalie Pignon, présidente)



PRUD'HOMMES



N° RG 18/01958 - N° Portalis DBVJ-V-B7C-KLZN













Madame [Z] dite [D] [W]



c/



SAS MA

SA GROUPE [L]

















Nature de la décision : AU FOND



















Grosse délivrée le :



à :





Décision déférée à la cour : jugement rendu le 02 mars 2018 (R.G. n° F 15/00729) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 05 avril 2018,





APPELANTE :

Madame [Z] d...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 17 JUIN 2020

(Rédacteur : Madame Nathalie Pignon, présidente)

PRUD'HOMMES

N° RG 18/01958 - N° Portalis DBVJ-V-B7C-KLZN

Madame [Z] dite [D] [W]

c/

SAS MA

SA GROUPE [L]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 02 mars 2018 (R.G. n° F 15/00729) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 05 avril 2018,

APPELANTE :

Madame [Z] dite [D] [W], née le [Date naissance 1]

[Date naissance 1] 1961 à [Localité 6], de nationalité Française, Profession Directeur de société, demeurant [Adresse 2],

représentée et assistée de Me Hervé MAIRE, avocat au barreau de BORDEAUX,

INTIMÉES :

SASU MA, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social [Adresse 3],

N° SIRET 347 664 930

SA GROUPE [L], prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège social [Adresse 8],

N° SIRET : Rennes B 309 742 492

représentées par Me Lucie TEYNIE, avocate au barreau de BORDEAUX,

assistées de Me Hélène LAUDIC-BARON, avocate au barreau de RENNES,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 17 février 2020 en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Nathalie Pignon, présidente

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Annie Cautres, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [Z] [W] a été embauchée à compter du 7 août 2000 par la SAS MA.

A la fin de la relation contractuelle, la salariée occupait les fonctions de directrice commerciale export.

Elle exerçait par ailleurs les mandats de membre titulaire du CE Pôle Junior, déléguée du personnel titulaire, membre titulaire du comité central d'entreprise et déléguée syndical.

Par jugement en date du 16 février 2011, le tribunal d'instance de Rennes a notamment constaté que la société Groupe [L] et la SAS MA constituaient, avec 15 autres sociétés, une unité économique et sociale (UES) à compter du 30 novembre 2010.

Le 18 juin 2013, un plan de sauvegarde de l'emploi a été mis en place au sein de l'UES [L].

Le 26 juin 2013, Mme [W] s'est vu proposer une modification de son contrat de travail pour motif économique. La salariée a refusé cette modification le 30 octobre 2013.

Le 8 novembre 2013, la SAS MA a proposé à Mme [W] un poste de reclassement de directrice commerciale export, situé à [Localité 4], en lui joignant à titre d'information la liste des postes disponibles en France. La salariée a refusé la proposition.

Le 15 novembre 2013, elle a été reçue en entretien préalable.

Par lettre du 13 décembre 2013, Mme [W] étant salariée protégée, la SAS MA a sollicité de l'inspection du travail l'autorisation de procéder au licenciement économique de Mme [W].

Le 14 janvier 2014, l'inspection du travail a refusé d'autoriser le licenciement pour motif économique de Mme [W].

Le 12 février 2014, elle a été reçue en entretien préalable et il lui a été remis un document de présentation du contrat de sécurisation professionnelle le 13 février 2014.

Par lettre du 17 février 2014, la SAS MA a sollicité de l'inspection du travail l'autorisation de procéder au licenciement économique de Mme [W].

Le 25 février 2014, deux postes d'attachée commerciale ont été proposés à la salariée qui les a refusés le 17 mars 2014.

Le 28 mars 2014, l'inspection du travail a autorisé le licenciement pour motif économique de Mme [W].

La notification de licenciement a été adressée le 1er avril 2014 et le contrat a pris fin le 1er juillet 2014.

Le 30 mars 2015, Mme [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux aux fins de voir dire son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de demander des dommages et intérêts afférents.

La SA Groupe [L], la SAS MA, la SAS Laherrere et la société [L] Logistique ont été appelées à la cause.

Par jugement en date du 2 mars 2018, la formation de départage du conseil de prud'hommes de Bordeaux a constaté que la SA Groupe [L] et la SAS MA sont co-employeurs de Mme [W], dit que le conseil n'est pas compétent pour apprécier la réalité et le sérieux du licenciement, constaté que le licenciement a été autorisé par l'inspection du travail et qu'il n'a pas fait l'objet d'une contestation devant les juridictions compétentes, débouté Mme [W] de ses demandes de dommages et intérêts, débouté les défenderesses de leur demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et condamné Mme [W] au surplus des dépens.

Par déclaration en date du 5 avril 2018, Mme [W] a relevé appel partiel du jugement de première instance dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas discutées.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Aux termes de ses dernières écritures signifiées par RPVA le 13 janvier 2020, auxquelles la cour se réfère expressément, Mme [W] sollicite de la cour la confirmation du jugement du 2 mars 2018 en ce qu'il a constaté que la SA Groupe [L] et la SAS MA sont co-employeurs à son égard, et statuant à nouveau, demande à la cour de :

- condamner les intimées à :

- 85 100 euros, à titre de dommages et intérêts pour nullité du plan de sauvegarde de l'emploi sur le fondement de l'article L.1235-10 du code du travail,

- 10 000 euros à titre de la perte sur indemnité légale de licenciement,

- 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- outre les entiers dépens dont distraction au profit de Maître Maire, en application de l'article 699 du code de procédure civile,

- le cas échéant, débouter les intimées de leur appel incident et demandes

reconventionnelles.

A l'appui de ses prétentions, l'appelante fait essentiellement valoir :

- que la SA Groupe [L] n'était pas l'employeur de droit mais se trouvait en position de co-employeur, qu'à tout le moins la responsabilité extracontractuelle de cette société est engagée,

- que le plan de sauvegarde de l'emploi est nul, pour insuffisance du plan de reclassement, défaut d'information et absence de mesures relatives aux risques psycho-sociaux.

Aux termes de leurs dernières écritures signifiées par RPVA le 28 septembre 2018, auxquelles la cour se réfère expressément, la société MA et la société Groupe [L] sollicitent qu'il soit dit que le licenciement est bien fondé, que Mme [W] soit déboutée de l'ensemble de ses demandes et qu'elle soit condamnée à verser à chacune des sociétés une somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

A l'appui de leurs prétentions, les sociétés MA et Groupe [L] font valoir que la situation financière difficile du groupe a rendu la restructuration nécessaire, que la société MA a parfaitement rempli son obligation de reclassement en proposant des postes de façon écrite et précise, ferme et sans conditions, que les risques psycho-sociaux induits par la réorganisation ont été pris en compte, que la société MA a rempli

son obligation de formation de la salariée, que les sociétés MA et Groupe [L], ni même le groupe lui-même, ne se sont retrouvés en situation de co-emploi et que la responsabilité délictuelle de ce dernier ne saurait être engagée.

La clôture des débats a été ordonnée le 10 février 2020 et le conseiller de la mise en état a fixé l'affaire à l'audience de la cour le 17 février 2020.

MOTIFS

Sur le co-emploi

Le co-emploi par la société mère des salariés de sa filiale n'est caractérisé, hors lien de subordination direct, que s'il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d'intérêts, d'activités et de direction, se manifestant par une immixtion globale et permanente dans la gestion économique et sociale dépassant le périmètre acceptable de son intervention dans la filiale au point de la priver de toute autonomie.

L'existence d'une Unité Economique et Sociale (UES) ne suffit pas à caractériser une situation de co-emploi, dont la preuve incombe au salarié.

Seule une intervention constante et permanente de la société-mère dans les décisions concernant la gestion économique et sociale de la filiale, au point de la priver de toute autonomie, devenant par là même le détenteur du pouvoir de décision et de direction sur les salariés, est susceptible de constituer une immixtion caractéristique du co-emploi.

En l'espèce, il est constant que :

- la SA Groupe [L] détient directement ou indirectement 100 % des titres de chacune de ses filiales, dont la société MA, laquelle a pour unique associée la SA Groupe [L],

- il existe une concentration des pouvoirs de direction entre les différentes sociétés du Groupe [L], chacune étant dirigée soit par Monsieur [B] [L] soit par Monsieur [G] [L], la SASU MA étant dirigée par la SA Groupe [L], laquelle a pour président du conseil de surveillance M. [G] [L] et pour président du directoire M. [B] [L],

- les services de direction et administratifs dits de "support" sont centralisés pour les sociétés du groupe : direction commune, DRH centralisée (recrutement, formalisation des contrats, formation professionnelle des salariés), direction financière commune, système administratif et informatique commun, service de communication centralisé, services juridique et comptable centralisés (gestion des salaires, règlements intérieurs des sociétés, participation aux réunions des instances représentatives). La note d'information du projet de réorganisation du Groupe [L] remis aux membres du comité central d'entreprise le 15 mars 2013 précise à cet égard que le groupe comporte un pôle d'activité "support", composé des sociétés Groupe [L] et [L] Logistique qui dispensent aux autres sociétés du groupe des prestations de services de type administratif pour la première et logistique pour la seconde,

- le projet de restructuration dénommé "projet R2015" a été élaboré par la direction générale du Groupe [L], ainsi que cela résulte des termes du courrier en date du 27 juin 2013 versé aux débats,

- le plan de sauvegarde de l'emploi présenté aux instances représentatives du personnel a été élaboré au niveau de l'UES [L].

Par ailleurs, l'avenant au contrat de travail de Mme [W] en date du

1er juin 2012, la proposition de modification de son contrat de travail du 26 juin 2013, la proposition de reclassement du 8 novembre 2013, le courrier du 13 février 2014, la notification de licenciement ainsi que le certificat de travail ont tous été adressés à la salariée par Mme [R] [E], DRH du Groupe [L], dont il n'est ni démontré ni même soutenu qu'elle était salariée de la SASU MA.

Si l'intervention du groupe dans l'accompagnement du PSE ne caractérise pas nécessairement une situation de co-emploi, en revanche, l'immixtion sociale globale et permanente de la société Groupe [L] dans les affaires de sa filiale est démontrée par la direction et la gestion du personnel qui sont assurés par la société mère, laquelle a de ce fait la qualité d'employeur, sa filiale, la SASU MA, ne se comportant plus comme le véritable employeur à l'égard de ses salariés.

La présence de cadres au sein de la SASU MA est indifférente à l'appréciation du co-emploi allégué, dès lors qu'aucun d'eux n'était en charge de la gestion économique et sociale de la société.

Il résulte de ce qui précède que c'est à juste titre que le premier juge a estimé que la SA Groupe [L] devait être considérée comme co-employeur de Mme [W].

Le jugement déféré sera confirmé de ce chef.

Sur le licenciement

Mme [W] ne sollicite pas devant la cour des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et ses développements sur le motif économique de son licenciement et la violation de l'obligation de reclassement sont à cet égard indifférents à la solution du litige.

Sur la nullité du PSE

Conformément à l'article L.1235-10 du code du travail, dans sa version applicable au présent litige, dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciements concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, la procédure de licenciement est nulle tant que le plan de reclassement des salariés prévu à l'article L.1233-61 et s'intégrant au plan de sauvegarde de l'emploi n'est pas présenté par l'employeur aux représentants du personnel, qui doivent être réunis, informés et consultés.
Ce texte précise que la validité du plan de sauvegarde de l'emploi est appréciée au regard des moyens dont dispose l'entreprise ou l'unité économique et sociale ou le groupe.
L'article L.1233-61, dans sa version applicable, dispose : "Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en oeuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre.
Ce plan intègre un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité, notamment celui des salariés âgés ou présentant des caractéristiques sociales ou de qualification rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile."
L'article L.1233-62 (version antérieure à la loi du 14 juin 2013) précise : "Le plan de sauvegarde de l'emploi prévoit des mesures telles que :
1' Des actions en vue du reclassement interne des salariés sur des emplois relevant de la même catégorie d'emplois ou équivalents à ceux qu'ils occupent ou, sous réserve de l'accord exprès des salariés concernés, sur des emplois de catégorie inférieure ;
2' Des créations d'activités nouvelles par l'entreprise ;
3' Des actions favorisant le reclassement externe à l'entreprise, notamment par le soutien à la réactivation du bassin d'emploi ;
4' Des actions de soutien à la création d'activités nouvelles ou à la reprise d'activités existantes par les salariés ;
5' Des actions de formation, de validation des acquis de l'expérience ou de reconversion de nature à faciliter le reclassement interne ou externe des salariés sur des emplois équivalents ;

6' Des mesures de réduction ou d'aménagement du temps de travail ainsi que des mesures de réduction du volume des heures supplémentaires réalisées de manière régulière lorsque ce volume montre que l'organisation du travail de l'entreprise est établie sur la base d'une durée collective manifestement supérieure à trente-cinq heures hebdomadaires ou 1 600 heures par an et que sa réduction pourrait préserver tout ou partie des emplois dont la suppression est envisagée."
Enfin, l'article L.1233-63 indique : "Le plan de sauvegarde de l'emploi détermine les modalités de suivi de la mise en oeuvre effective des mesures contenues dans le plan de reclassement prévu à l'article L.1233-61.

Ce suivi fait l'objet d'une consultation régulière et détaillée du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel.

L'autorité administrative est associée au suivi de ces mesures."Le plan de sauvegarde de l'emploi qui ne répond pas aux exigences de ces textes est nul.
La salariée fait valoir que le plan devait notamment prévoir des actions en vue de reclassement interne des salariés, sur des emplois relevant de la même catégorie d'emploi ou équivalents à celui qu'ils occupent, mais que le périmètre de reclassement pris en compte ne correspond pas à l'ensemble des entreprises du Groupe et au motif que les propositions de reclassement à l'étranger sont imprécises.

Elle soutient que la nullité du PSE résulte aussi du défaut d'information et de l'absence de mesures relatives aux risques psycho-sociaux.

Les sociétés intimées soutiennent en réponse avoir recherché des postes disponibles au sein de l'ensemble des sociétés du Groupe,
Le plan de reclassement intégré au plan de sauvegarde de l'emploi doit, à peine de nullité, comporter des mesures précises et concrètes propres à permettre le reclassement effectif des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité et il doit, notamment, préciser le nombre, la nature et la localisation des emplois proposés en vue d'un reclassement dans les sociétés du Groupe dont relève l'employeur.
Le respect de cette obligation doit s'apprécier en tenant compte des moyens dont dispose
l'entreprise ou le Groupe.
Ainsi, la pertinence d'un plan de sauvegarde de l'emploi doit s'apprécier, s'agissant des

postes proposés pour le reclassement interne, non en fonction du nombre total

d'emplois dans le Groupe, mais en fonction des emplois effectivement disponibles et

adaptés au profil des catégories professionnelles concernées par le projet de

licenciement.

En l'espèce, c'est à tort que la salariée fait valoir l'imprécision du PSE en ce qui concerne les propositions de reclassement à l'étranger, dès lors qu'aux termes de l'article L.1233-4-1 du code du travail dans sa version applicable à la présente instance, la proposition d'un poste de reclassement à l'étranger doit être précédé de l'accord exprès du salarié de recevoir des offres de reclassement hors du territoire national.

Le plan de sauvegarde de l'emploi du Groupe [L] prévoit dans son chapitre 3 intitulé 'Mesures destinées à éviter le nombre de licenciements' un paragraphe consacré au plan de reclassement interne au Groupe.

Il y est rappelé 'que le reclassement correspond à une opportunité d'emploi sur un poste disponible relevant de la même catégorie ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente ou, à défaut, sur un poste de catégorie inférieure assorti d'une rémunération inférieure, susceptible d'être occupé par le salarié, éventuellement après suivi d'une formation d'adaptation si nécessaire.'

Les listes des postes disponibles et/ou dont la création sont envisagées dans le Groupe

figurent en annexe du document de présentation du PSE.

A la lecture des annexes jointes, il apparaît qu'un seul poste disponible est mentionné au sein de la société MA.

Si plusieurs postes disponibles ont été listés ultérieurement lors des propositions de reclassement en exécution du plan, tous situés à [Localité 4], le PSE établi par le Groupe apparaît à cet égard manifestement insuffisant.

Par ailleurs, aucun poste n'est envisagé pour la société [L] logistique, et il n'est envisagé qu'un seul poste dans la société [L] SAS.

Or des pièces produites aux débats par l'employeur, il ressort que quatre postes de magasinier au sein de la société [L] logistique ont été omis de la liste intégrée au PSE des postes disponibles dans le Groupe, et que parmi eux deux postes, l'un situé à [Localité 7] (62), l'autre à [Localité 5] (12), effectivement disponibles, n'ont été in fine proposés qu'à deux salariés de la société [L] logistique.

En outre, cette liste ne comprend aucun poste de la catégorie 'opérateur', alors pourtant que cette catégorie est celle qui est la plus impactée par le licenciement collectif , avec 31 suppressions de postes dans la société MA.

Par ailleurs, les postes disponibles listés dans le PSE correspondent à des fonctions faisant appel à des compétences très diverses, en inadéquation avec les compétences de, la plupart des salariés dont la suppression de poste est envisagée.

Ainsi sont inventoriés par exemple, des postes de responsable marketing communication, assistant commercial, styliste, juriste en droit de la propriété intellectuelle, comptable, chef de produit web, magasinier, responsable comptes clés, chef projet informatique ou encore assistant de direction.

A l'évidence, ces postes requièrent pour la plupart un niveau de compétence et de technicité que la plupart des salariés dont le licenciement était envisagé auraient été dans l'incapacité d'atteindre dans un délai raisonnable.

Ainsi, sur l'ensemble des postes disponibles listés par les sociétés MA et Groupe [L], tous n'étaient pas susceptibles d'être effectivement proposés à au moins un des salariés concernés par le PSE. Tel est le cas, par exemple, du poste de juriste en droit de la propriété intellectuelle, mentionné comme disponible, mais ne correspondant au profil d'aucun des salariés visés par le PSE, de sorte que la liste des postes disponibles apparaît avoir été artificiellement gonflée.

Il ressort en outre de la décision de l'inspection du travail, dont les termes sur ce point ne sont pas contestés par l'employeur, que le comité central d'entreprise n'a pas été informé de la conduite d'un projet de reprise de l'activité du site par les salariés de la société MA avec l'appui des collectivités territoriales et de l'Etat, ce dont il résulte que les instances représentatives du personnel ont été privées des informations économiques relevant de leur compétence.

En conséquence, outre ce défaut d'information, au regard des moyens du Groupe [L], dont les sociétés employaient en France à fin février 2013, 718 salariés, la cour estime que c'est à juste titre que la salariée soutient qu'en raison de l'inconsistance des mesures de reclassement prévues, le plan de sauvegarde de l'emploi, dont la pertinence s'apprécie en fonction des moyens dont dispose l'entreprise, est insuffisant notamment faute de réelles mesures de reclassement à l'intérieur du Groupe auquel la société appartient, et qu'ainsi, il ne répond pas aux exigences de la loi, de sorte que la nullité du PSE doit être prononcée, en infirmation de la décision déférée à la cour.

La nullité du PSE entraîne la nullité subséquente du licenciement de Mme [W] et le droit pour celle-ci de percevoir une indemnisation équivalente à celle à laquelle elle aurait pu prétendre en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les dommages et intérêts

Compte tenu du nombre de salariés dans l'entreprise, supérieur à 11 salariés, de l'ancienneté de treize années de Mme [W] au moment de son licenciement, des circonstances de la rupture, du montant de sa rémunération, de son

âge, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son

expérience professionnelle, tels qu'ils résultent des pièces et explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L.1235-3 du code du travail, une somme de 59 000 euros à titre d'indemnité.

Sur le remboursement des allocations chômage

Aux termes de l'article L.1235-4 du code du travail, dans les cas prévus aux articles L.1235-3 et L.1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de 6 mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé.

Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'audience ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

En application de ces dispositions, la SAS MA et la SA Groupe [L] seront condamnées à procéder au remboursement auprès de l'organisme Pôle Emploi des indemnités de chômage versées à la salariée dans la limite de trois mois d'indemnités.

Sur la perte sur l'indemnité légale de licenciement

Mme [W] sollicite la somme de 10 000 euros au titre de la perte sur l'indemnité légale de licenciement.

Elle fait valoir que si elle avait été licenciée au cours de l'année 2013, la société relevait de la convention collective de la chaussure plus favorable aux salariés sur le calcul de l'indemnité de licenciement mais qu'ayant été licenciée tardivement, soit en 2014, la société relevait alors de la convention collective du négoce et commerce de gros et n'a ainsi pas pu bénéficier de la convention collective de la chaussure.

Etant salariée protégée, la société a nécessairement dû attendre d'avoir l'autorisation de licencier Mme [W].

L'inspection du travail a autorisé le licenciement pour motif économique de Mme [W] le 28 mars 2014 et la lettre de notification de licenciement a été adressée à la salariée le 1er avril 2014. Son contrat a pris fin le 1er juillet 2014.

Aussi, la société était tenue à la convention collective applicable au moment du licenciement soit la convention collective du négoce et commerce de gros.

En conséquence, c'est à bon droit que les premiers juges ont débouté Mme [W] de sa demande de ce chef.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Compte tenu de la décision intervenue, les dépens de première instance et d'appel seront laissés à la charge des sociétés MA et Groupe [L], avec distraction au profit de Me Maire, en ce qui concerne les seuls dépens d'appel, la représentation par ministère d'avocat n'étant pas obligatoire devant le conseil de prud'hommes.

Il est équitable d'allouer à Mme [W] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, que les sociétés MA et Groupe [L] seront condamnées in solidum à lui payer.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Bordeaux en date du 2 mars 2018 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a constaté que la SA Groupe [L] et la SAS MA sont co-employeurs de Madame [Z] [W] et qu'il a débouté Madame [Z] [W] de sa demande au titre de la perte sur indemnité légale de licenciement ;

Statuant à nouveau des chefs réformés :

Prononce la nullité du plan de sauvegarde de l'emploi ;

Condamne in solidum la SA Groupe [L] et la SAS MA à payer à Madame [Z] [W] la sommes de 59 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Ordonne le remboursement in solidum par la SA Groupe [L] et la SAS MA aux organismes concernés des indemnités de chômage qu'ils ont versées le cas échéant à la salariée à compter du jour de son licenciement dans la limite de trois mois d'indemnité de chômage ;

Condamne in solidum la SA Groupe [L] et la SAS MA à payer à Madame [Z] [W] la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum la SA Groupe [L] et la SAS MA aux dépens de première instance et d'appel, avec distraction de ces derniers au profit de Me Maire, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Signé par Madame Nathalie Pignon, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Nathalie Pignon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 18/01958
Date de la décision : 17/06/2020

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°18/01958 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-06-17;18.01958 ?
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