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13/05/2020 | FRANCE | N°17/02006

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 13 mai 2020, 17/02006


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 13 MAI 2020



(Rédacteur : Madame Nathalie Pignon, présidente)



PRUD'HOMMES



N° RG 17/02006 - N° Portalis DBVJ-V-B7B-JYLY







Monsieur [S] [K]

Monsieur [N] [X]

Monsieur [I] [R]

Monsieur [A] [D]

Monsieur [H] [B]

Monsieur [V] [F]

Monsieur [G] [U]

Monsieur [G] [E]

Monsieur [P] [J]

Monsieur [L] [M]

Monsieur

[Y] [Z]

Monsieur [O] [W]



c/



SASU MONDI LEMBACEL

















Nature de la décision : AU FOND













Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 mars 2017 (R.G. n°F 14/0...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 13 MAI 2020

(Rédacteur : Madame Nathalie Pignon, présidente)

PRUD'HOMMES

N° RG 17/02006 - N° Portalis DBVJ-V-B7B-JYLY

Monsieur [S] [K]

Monsieur [N] [X]

Monsieur [I] [R]

Monsieur [A] [D]

Monsieur [H] [B]

Monsieur [V] [F]

Monsieur [G] [U]

Monsieur [G] [E]

Monsieur [P] [J]

Monsieur [L] [M]

Monsieur [Y] [Z]

Monsieur [O] [W]

c/

SASU MONDI LEMBACEL

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 mars 2017 (R.G. n°F 14/00165) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BORDEAUX, Section Industrie, suivant déclaration d'appel du 31 mars 2017,

APPELANTS :

Monsieur [S] [K]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 11]

Monsieur [N] [X]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

Monsieur [I] [R]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 10]

Monsieur [A] [D]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 3]

Monsieur [H] [B]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 13]

Monsieur [V] [F]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 6]

Monsieur [G] [U]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 12]

Monsieur [G] [E]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 9]

Monsieur [P] [J]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

Monsieur [L] [M]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 5]

Monsieur [Y] [Z]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 8]

Monsieur [O] [W]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 7]

représentés par Me David BERGEON, avocat au barreau de BORDEAUX,

assistés de Me Philippe BRUN, avocat au barreau de REIMS

INTIMÉE :

SASU Mondi Lembacel, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 4]

représentée par Me Pierre FONROUGE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX,

assistée de Me Frédéric RENAUD, avocat au barreau de LYON

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 02 décembre 2019 en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Nathalie Pignon, présidente

Madame Annie Cautres, conseillère

Madame Sylvie Heras de Pedro, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Rachel Venanci,

Greffier lors du prononcé : A.-Marie Lacour-Rivière

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

- prorogé au 13 mai en raison de la charge de travail de la cour.

***

EXPOSE DU LITIGE

La SAS Mondi Lembacel exerce une activité de fabrication et de commercialisation de sacs industriels, et était composée dans les années 2000 de quatre sites de production à [Localité 15] (51), [Localité 16] (26), [Localité 14] (26) et [Localité 18] (33), le siège social étant situé à [Localité 17].

A compter du mois de mai 2010, elle a fait partie du groupe Mondi spécialisé dans la fabrication de papiers et d'emballage.

Un PSE a été mis en place en 2010 par la SAS Mondi Lembacel impliquant le licenciement de 178 salariés sur un effectif global de 367, la suppression de deux sites de production ([Localité 16] et [Localité 14]), et la réorganisation des établissements de [Localité 18] et [Localité 15].

Un nouveau projet de restructuration a été présenté lors du comité d'entreprise du 22 novembre 2012, devant aboutir à la suppression du site de production de [Localité 18], à la réorganisation du site de production de [Localité 15], à la suppression de 95 postes de travail à [Localité 18] et 7 mutations à [Localité 15].

Monsieur [A] [D], embauché le 15 octobre 1979, en qualité de receveur bottomeuse disposait d'un mandat de représentant du personnel en qualité de membre suppléant du comité d'établissement. Il a été convoqué à un entretien préalable le 19 juin 2013. Le comité d'établissement a été consulté lors de la réunion du 27 juin 2013 et a donné un avis défavorable au licenciement pour motif économique.

Monsieur [V] [F], embauché le 8 octobre 1979 en qualité d'aide conducteur disposait d'un mandat de représentant du personnel en qualité de membre élu suppléant du comité d'établissement. Il a été convoqué à un entretien préalable le 19 juin 2013. Le comité d'établissement a été consulté lors de la réunion du 27 juin 2013 et a donné un avis défavorable au licenciement pour motif économique.

Monsieur [H] [B], embauché le 3 novembre 1980, en qualité de Manoeuvre Emballeur et occupant au dernier état de la relation de travail le poste de Chef d'équipe Transformation, disposait de deux mandats de représentant du personnel en qualité de représentant syndical au comité d'entreprise et en qualité de représentant syndical au comité central d'entreprise. Il a été convoqué à un entretien préalable le 19 juin 2013. Le comité d'établissement a été consulté lors de la réunion du 27 juin 2013 et a donné un avis défavorable au licenciement pour motif économique.

Monsieur [L] [J], embauché le 17 juillet 1984 en qualité de receveur contrôleur disposait d'un mandat de représentant du personnel en qualité de délégué du personnel. Il a été convoqué à un entretien préalable le 19 juin 2013. Le comité d'établissement a été consulté lors de la réunion du 27 juin 2013 et a donné un avis défavorable au licenciement pour motif économique.

Monsieur [G] [E], embauché le 29 octobre 1990 en qualité de conducteur en formation et occupant au dernier état de la relation de travail le poste de Préparateur clichés et sacs témoins, disposait d'un mandat de représentant du personnel en qualité de membre élu titulaire du comité d'établissement. Il a été convoqué à un entretien préalable le 20 juin 2013. Le comité d'établissement a été consulté lors de la réunion du 27 juin 2013 et a donné un avis défavorable au licenciement pour motif économique.

Monsieur [O] [W], embauché le 3 mars 2003 en qualité d'électro mécanicien disposait d'un mandat de représentant du personnel en qualité de délégué du personnel titulaire. Il a été convoqué à un entretien préalable le 20 juin 2013. Le comité d'établissement a été consulté lors de la réunion du 27 juin 2013 et a donné un avis défavorable au licenciement pour motif économique.

Monsieur [G] [U], embauché le 18 juin 1982, en qualité de receveur Machine disposait de deux mandats de représentant du personnel en qualité de membre titulaire du comité d'établissement et de délégué du personnel suppléant. Il a été convoqué à un entretien préalable le 20 juin 2013. Le comité d'établissement a été consulté lors de la réunion du 28 juin 2013 et a donné un avis défavorable au licenciement pour motif économique.

Monsieur [S] [K], embauché le 5 mai 1980, en qualité de receveur bottomeuse, disposait de trois mandats de représentant du personnel en qualité de Membre élu titulaire du comité d'entreprise, membre élu titulaire du comité central d'entreprise, délégué du personnel suppléant. Il a été convoqué à un entretien préalable le 20 juin 2013. Le comité d'établissement a été consulté lors de la réunion du 28 juin 2013 et a donné un avis défavorable au licenciement pour motif économique.

Monsieur [L] [M], embauché le 2 septembre 1985 en qualité de receveur contrôleur disposait de deux mandats de représentant du personnel en qualité de membre élu suppléant du comité d'établissement et de membre élu suppléant du comité central d'entreprise. Il a été convoqué à un entretien préalable le 20 juin 2013. Le comité d'établissement a été consulté lors de la réunion du 28 juin 2013 et a donné un avis défavorable au licenciement pour motif économique.

Monsieur [Y] [Z] embauché le 18 janvier 1982 en qualité de receveur machine disposait d'un mandat de représentant du personnel, en qualité de membre titulaire du comité d'entreprise. Il a été convoqué à un entretien préalable le 20 juin 2013. Le comité d'établissement a été consulté lors de la réunion du 28 juin 2013 et a donné un avis défavorable au licenciement pour motif économique.

Monsieur [I] [R], embauché le 5 avril 1982, en qualité d'opérateur et occupant au dernier état de la relation de travail le poste de Conducteur Bottomeuse, disposait d'un mandat de représentant du personnel en qualité de membre du personnel au CHSCT. Il a été convoqué à un entretien préalable le 20 juin 2013. Le comité d'établissement a été consulté lors de la réunion du 27 juin 2013 et a donné un avis défavorable au licenciement pour motif économique.

Monsieur [N] [X], embauché le 4 septembre 2006, en qualité d'aide Tubeur et occupant au dernier état de la relation de travail le poste de Conducteur tubeuse, disposait d'un mandat de représentant du personnel en qualité de délégué du personnel suppléant. Il a été convoqué à un entretien préalable le 21 juin 2013. Le comité d'établissement a été consulté lors de la réunion du 28 juin 2013 et a donné un avis défavorable au licenciement pour motif économique.

Par décisions en date du 6 novembre 2013, l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement pour motif économique de l'ensemble de ces salariés.

Par lettres recommandées avec demande d'avis de réception en date du 25 novembre 2013, ces salariés protégés ont été licenciés pour raison économique.

Le 20 janvier 2014, les salariés précités ont saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux aux fins de contester leurs licenciements.

Par jugement de départage en date du 23 mars 2017, le conseil de prud'hommes a :

- ordonné la jonction des suivies sous les numéros 14/166 à 14/174, n°14/181 et n°14/773, à l'instance suivie sous le numéro 14/165 ;

- déclaré irrecevable la demande de Monsieur [P] [J] au titre des heures supplémentaires portant sur les périodes antérieures au 25 novembre 2010 ;

- déclaré recevable les autres demandes des salariés ;

- débouté Messieurs [A] [D], [V] [F], [H] [B], [P] [J], [G] [E], [G] [U], [S] [K], [L] [M], [I] [R], [N] [X], [Y] [Z] et [O] [W] de leurs demandes de dommages et intérêts ;

- débouté Messieurs [A] [D], [P] [J] et [G] [U] de leurs demandes au titre des heures supplémentaires ;

- débouté la SAS Mondi Lembacel de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit que l'exécution provisoire est sans objet ;

- condamné Messieurs [A] [D], [V] [F], [H] [B], [P] [J], [G] [E], [G] [U], [S] [K], [L] [M], [I] [R], [N] [X], [Y] [Z] et [O] [W] aux dépens.

Par déclaration en date du 31 mars 2017, les salariés ont relevé appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas discutées.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Aux termes de leurs dernières conclusions transmises par RPVA au greffe de la cour d'appel de Bordeaux le 31 mai 2017, Messieurs [A] [D], [V] [F], [H] [B], [P] [J], [G] [E], [G] [U], [S] [K], [L] [M], [I] [R], [N] [X], [Y] [Z] et [O] [W] concluent à la réformation du jugement dont appel et, statuant à nouveau, demandent à la cour de :

- juger que le licenciement pour motif économique est intervenu en violation des dispositions des articles L1233-61 et L1233-62 du code du travail ainsi que de l'obligation conventionnelle de reclassement ;

- condamner, en conséquence, la société à leur verser les sommes suivantes à titre de dommages et intérêts de ce chef :

- Monsieur [R] : 146.404,32 euros ;

- Monsieur [A] [D] : 182.980,8 euros ;

- Monsieur [V] [F] : 119.762,4 euros ;

- Monsieur [H] [B] : 147.360 euros ;

- Monsieur [P] [J] : 116.662,32 euros ;

- Monsieur [G] [E] : 92.871,36 euros ;

- Monsieur [O] [W] : ...

- Monsieur [G] [U] : 199.636,32 euros ;

- Monsieur [S] [K] : 108.272,64 euros ;

- Monsieur [L] [M] : 109.274,88 euros ;

- Monsieur [Y] [Z] : 112.409,76 euros ;

- Monsieur [N] [X] : 39.822,72 euros ;

- condamner la société à leur verser, à chacun, la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société aux dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par RPVA au greffe de la cour d'appel de Bordeaux le 28 juillet 2017, la société conclut à la confirmation intégrale de la décision entreprise et demande à la cour de :

S'agissant de la prétendue insuffisance du PSE :

-constater que le PSE a fait l'objet de négociations, qu'il a été validé par l'Inspection du travail, qu'il comprenait des offres de reclassement, de nombreuses mesures précises et concrètes favorisant le reclassement interne et externe, ainsi que des mesures d'accompagnement avant, pendant et après la notification des licenciements des salariés, ainsi que le suivi des actions de l'Antenne-Emploi ;

- juger que le PSE était proportionné aux capacités du groupe Mondi mais également au contexte financier et à la restructuration auquel faisait face ce groupe ;

- débouter les appelants de leurs demandes à ce titre ;

S'agissant du reclassement :

- dire que la demande des appelants à ce titre est irrecevable et que seul le tribunal administratif serait compétent pour statuer sur ce point ;

- juger qu'aucune obligation issue de la convention collective n'imposait de saisir quelque commission que ce soit ;

- juger qu'elle a respecté la nature et la consistance des engagements pris par elle sur ce point ;

Subsidiairement :

- réduire à six mois les indemnisations sollicitées ;

En tout état de cause :

- débouter les appelants de leurs demandes annexes et supplémentaires comme étant non fondées ni justifiées ;

- condamner les appelants à payer chacun la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 31 octobre 2019.

MOTIFS

La cour constate en premier lieu que les conclusions d'appel des salariés ne critiquent pas la décision déférée en ce que les demandes en paiement d'heures supplémentaires présentées par Messieurs [A] [D], [P] [J] et [G] [U] ont été rejetées et celle présentée par M. [P] [J] au titre des heures supplémentaires portant sur les périodes antérieures au 25 novembre 2010 déclarée irrecevable.

Sur l'insuffisance du PSE :

Les salariés font valoir en premier lieu le caractère illicite des licenciements intervenus à raison du caractère insuffisant du PSE, en ce que :

* s'agissant du reclassement interne :

- l'employeur n'a pas respecté son obligation dès la première réunion du comité d'entreprise d'identifier dans le PSE le nombre, la nature et la localisation des emplois disponibles dans l'entreprise et au sein du groupe, et que pour certains emplois identifiés, il n'y a pas de précision sur la nature de ces contrats de travail (CDD/ CDI, temps partiel ou temps complet ou encore le niveau de rémunération) ;

- au niveau de l'accompagnement et de l'incitation à la mobilité géographique et/ou professionnelle, le plan ne prévoit pas le maintien de salaire dans l'emploi de reclassement au-delà de la durée du préavis, ne prévoit aucune prime de mobilité,

- il n'existe en matière d'action de formation qu'un budget « exceptionnel » de

3 000 euros soumis à l'avis positif de l'Espace Information Conseil,

- il n'existe de surcroît aucune indemnité ou prime à la sauvegarde de l'emploi,

* pour ce qui est du reclassement externe :

- l'employeur limite le congé de reclassement à 9 mois (ou 14 mois maximum pour les salariés âgés de plus de 50 ans) alors qu'il s'agit d'une fermeture de site impactant des travailleurs ayant un âge et une ancienneté très importante dans un bassin d'emploi particulièrement difficile,

- le niveau de rémunération dans le cadre de ce congé de reclassement est limité à 65%

au-delà de la période de préavis,

* la société n'a pas prévu la capitalisation du solde de congé afin d'en faire un outil également incitatif à une reprise rapide du travail ;

* les aides à la formation et à la mobilité géographique sont insuffisantes ;

* une cellule de reclassement n'est prévue que pour une durée limitée à 12 mois

(comprenant la période de congé de reclassement) avec pour engagement la proposition de trois offres valables d'emploi (ou quatre pour les salariés âgés de plus de 45 ans), pouvant reposer sur un contrat précaire de 6 mois ;

* une indemnité différentielle de salaire est limitée à 3 mois pour une prise en charge totale, et en tout état de cause à 12 mois, les trois derniers mois se limitant à une prise en charge du différentiel à hauteur de 40%.

La société Mondi Lembacel réplique avoir mis, en amont, des moyens pour préserver le site, par le biais de différentes études préalables commandées et financées auprès d'un cabinet indépendant, par la mise en place d'un espace d'aide et de soutien psychologique, la proposition d'un espace Info-Conseil financé par elle et d'aides à l'anticipation des opportunités professionnelles rapides.

Elle indique avoir proposé au titre du reclassement interne 22 postes disponibles au titre du reclassement en France et 155 postes dans le groupe MONDI, avoir intégré des mesures d'aide et d'incitation au reclassement interne : reprise d'ancienneté en cas de reclassement dans une autre société du Groupe, espace Information-Conseil mis en place par la cellule de reclassement choisie par les Représentants du personnel, aides à la mobilité géographique, actions de formations spécifiques, indemnité temporaire dégressive de déclassement, accompagnement du conjoint dans la recherche d'un nouveau travail, indemnité spécifique de 5.000 euros pour le conjoint qui aurait quitté son emploi du fait du reclassement du salarié de la société Mondi Lembacel.

S'agissant du reclassement externe, elle expose avoir mis en 'uvre des mesures plus favorables que ce que prévoit le Code du travail, et même plus favorables que les préconisations faites par la DIRECCTE : congé de reclassement suffisant et conforme à la loi, cabinet spécialisé, choisi par les représentants du personnel pour assurer l'Antenne-Emploi avec les moyens nécessaires à son fonctionnement, remboursement des frais de déplacement pour entretien, indemnité différentielle de salaire, aides à la mobilité géographique, crédit individuel de formation, aide à l'embauche à destination des entreprises extérieures, aides et actions en vue du retour à l'emploi et de la création d'entreprises.

Elle ajoute avoir prévu des mesures d'accompagnement social, avec des modalités plus favorables pour les salariés âgés de plus de 45 ans et la mise en place d'une commission de suivi.

Elle souligne enfin que le PSE avait été soumis à toutes les institutions compétentes, ainsi qu'aux salariés de [Localité 18], sans que personne n'ait, à aucun moment, pu dire qu'il aurait été insuffisant ou irrégulier.

L'article L. 1235-10 du Code du travail, dans sa version applicable au présent litige, disposait que : "Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciements concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, la procédure de licenciement est nulle tant que le plan de reclassement des salariés prévu à l'article L. 1233-61 et s'intégrant au plan de sauvegarde de l'emploi n'est pas présenté par l'employeur aux Représentants du personnel, qui doivent être réunis, informés et consultés.

La validité du plan de sauvegarde de l'emploi est appréciée au regard des moyens dont dispose l'entreprise ou l'unité économique et sociale ou le groupe."

En vertu de l'article L. 1233-62 :

« Le plan de sauvegarde de l'emploi prévoit des mesures telles que :

1° Des actions en vue du reclassement interne des salariés sur des emplois relevant de la même catégorie d'emplois ou équivalents à ceux qu'ils occupent ou, sous réserve de l'accord exprès des salariés concernés, sur des emplois de catégorie inférieure ;

2° Des créations d'activités nouvelles par l'entreprise ;

3° Des actions favorisant le reclassement externe à l'entreprise, notamment par le soutien à la réactivation du bassin d'emploi ;

4° Des actions de soutien à la création d'activités nouvelles ou à la reprise d'activités existantes par les salariés ;

5° Des actions de formation, de validation des acquis de l'expérience ou de reconversion de nature à faciliter le reclassement interne ou externe des salariés sur des emplois équivalents ;

6° Des mesures de réduction ou d'aménagement du temps de travail ainsi que des mesures de réduction du volume des heures supplémentaires réalisées de manière régulière lorsque ce volume montre que l'organisation du travail de l'entreprise est établie sur la base d'une durée collective manifestement supérieure à trente-cinq heures hebdomadaires ou 1 600 heures par an et que sa réduction pourrait préserver tout ou partie des emplois dont la suppression est envisagée".

Pour répondre aux exigences de l'article L 1233-62 du code du travail, le plan social doit comporter des mesures précises et concrètes, proportionnées aux moyens de l'entreprise ou, le cas échéant, de l'unité économique et sociale ou du groupe auquel elle appartient, et contenir d'abord des mesures susceptibles d'assurer le reclassement des salariés à l'intérieur de l'entreprise et du groupe de reclassement et, à défaut de postes disponibles, des mesures facilitant les départs à l'extérieur du groupe.

Il incombe au juge de vérifier la proportionnalité entre les mesures du plan de sauvegarde et les moyens de l'entreprise. Les mesures mises en 'uvre sur le fondement du plan de sauvegarde de l'emploi doivent être proportionnées aux moyens de l'employeur, autrement dit le plan de sauvegarde de l'emploi doit être suffisant au regard des moyens dont dispose l'employeur pour parvenir aux solutions auxquelles tend l'exécution d'un plan social.

En l'espèce, pour contester le jugement déféré, les salariés soumettent à la Cour les mêmes moyens et prétentions que ceux soumis à l'appréciation des premiers juges qui ont, par des motifs pertinents que la Cour fait siens, estimé que :

- la liste des postes de reclassement a été annexée au plan présenté aux élus le 22 novembre 2012 et comportait 22 postes disponibles au titre du reclassement en France et 155 postes dans le groupe Mondi, cette liste étant précise tant quant au nombre, à la nature et la localisation des emplois disponibles, ainsi que les éventuelles conditions pour y prétendre (colonne commentaires) ;

- des mesures d'accompagnement et d'incitation à la mobilité géographique et professionnelle étaient incluses dans le plan et notamment une reprise d'ancienneté en cas de reclassement, un espace information/conseil, des aides à la mobilité géographiques (voyage de reconnaissance, prise en charge des frais de recherche d'un nouveau logement, démarches d'installation à l'étranger, formation linguistique, congés de déménagement, prise en charge des frais de déménagement, remboursement des charges liées à un double loyer, remboursement des frais d'installation), actions de formation pour un montant de 3.000 euros par salarié, accompagnement du conjoint dans la recherche d'un nouvel emploi, indemnité spécifique de 5 000 euros pour le conjoint qui aurait quitté son emploi,

- au titre du reclassement externe, il était prévu :

- un congé de reclassement de 9 mois minimum (12 mois pour les salariés de plus de 45 ans et pour les salariés souffrant d'un handicap ; 14 mois pour les salariés de plus de 55 ans) ;

- un niveau de rémunération fixé à 65 % du salaire brut au delà du préavis dans le cadre du congé de reclassement ;

- une cellule de reclassement confiée à un cabinet spécialisé pour une durée de 12 mois

- la prise en charge des frais de déplacement pour entretien,

- des aides à la mobilité géographique en cas de nouvel emploi situé à plus de 40 km ;

- un crédit individuel de formation d'un montant global de 350.000 euros ;

- des aides en vue du retour à l'emploi et à la création d'entreprise.

Dès lors, si des mesures complémentaires telles qu'invoquées par le salarié auraient toujours pu être envisagées afin de favoriser encore davantage le reclassement, il ne peut être reproché à l'employeur d'avoir privilégié d'autres mesures aux fins de reclassement, celles qui ont été mises en oeuvre se révélant substantielles.

La durée de l'accompagnement et l'ampleur des moyens alloués pour l'exécution des mesures proposées par l'employeur dans le cadre du plan de sauvegarde de l'emploi, particulièrement nombreuses et variées, qui ont fait l'objet de négociations avec les institutions représentatives du personnel et n'ont pas été critiquées de la part de celles-ci, démontrent la suffisance du PSE élaboré.

L'employeur a pris des mesures d'accompagnement social, notamment par le biais d'indemnités supra conventionnelles d'un montant important.

Ce choix de privilégier les mesures d'accompagnement social issues de la négociation avec les représentants du personnel ne saurait être reproché à l'employeur au regard notamment des caractéristiques des salariés du site fermé, s'agissant en outre d'une obligation de moyens, les mesures mises en 'uvre par l'employeur étant proportionnées à ses moyens, notamment au regard des mesures d'accompagnement social pris par ailleurs.

Le premier juge en a exactement déduit que le plan de reclassement inclus dans le plan de sauvegarde de l'emploi comporte donc les mesures proportionnées aux moyens du groupe afin de remplir son objectif de préservation de l'emploi, et le plan de sauvegarde de l'emploi est donc régulier quant à la proportionnalité des mesures mises en oeuvre au regard des moyens de l'employeur, étant précisé que la validité du plan est indépendante de la cause du licenciement.

Il sera ajouté que le nombre de postes proposés au titre du reclassement interne, les mesures d'accompagnement, l'importance des aides, qu'elles soient relatives aux conditions financières (aides à la mobilité, à la formation, durée du congé de reclassement) ou aux mesures d'accompagnement social démontrent que les moyens mis en oeuvre étaient adaptés à l'objectif poursuivi par l'élaboration du plan social.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes des salariés tendant à voir juger le PSE insuffisant, et, par voie de conséquence les a déboutés de leurs demandes de dommages et intérêts.

Sur le non-respect de l'obligation conventionnelle de reclassement par l'employeur

A l'appui de leurs prétentions, les salariés font valoir que l'obligation conventionnelle de reclassement n'a pas été respectée dans la mesure où la saisine de la commission paritaire de l'emploi n'a pas reposé sur une recherche personnalisée de reclassement, alors que la recherche de reclassement externe doit se faire, de bonne foi, sur les mêmes modalités que la recherche de reclassement interne.

La société Mondi Lembacel soutient quant à elle qu'il appartient à l'autorité administrative de contrôler les procédures conventionnelles de sorte que la demande qui a trait au non-respect de l'obligation conventionnelle de reclassement est irrecevable.

Lorsqu'une autorisation administrative de licenciement a été accordée à l'employeur, le juge judiciaire ne peut sans violer le principe de la séparation des pouvoirs apprécier le caractère réel et sérieux de la cause du licenciement ni la régularité de la procédure antérieure à la saisine de l'inspecteur du travail dont le contrôle porte, notamment, sur le respect par l'employeur des obligations que des dispositions conventionnelles mettent à sa charge préalablement au licenciement pour favoriser le reclassement.

Les salariés ne contestent pas le respect par la société Mondi Lembacel de son obligation de saisir la CPNE, mais la tardiveté de cette saisine, et le fait qu'elle ne s'est pas inscrite dans une démarche de recherche personnalisée de reclassement.

Cependant, il est de droit que, lorsqu'une autorisation administrative de licenciement d'un salarié protégé a été accordée, le principe de la séparation de pouvoirs s'oppose à ce que le juge judiciaire se prononce sur le respect par l'employeur des obligations que des dispositions conventionnelles mettent à sa charge préalablement au licenciement pour favoriser le reclassement.

En conséquence, c'est à tort que le premier juge s'est estimé compétent pour statuer sur les demandes des salariés de ce chef, et il convient, en infirmation de la décision déférée, de dire ces demandes irrecevables.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Compte tenu de la décision intervenue, les dépens d'appel seront laissés à la charge des appelants, et leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de la société Mondi Lembacel les frais exposés et non compris dans les dépens, et sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme en toutes ses dispositions déférées à la cour le jugement du conseil de prud'hommes de Bordeaux en date du 30 juin 2017, sauf en ce qu'il a déclaré recevable la demande relative au non-respect de l'obligation conventionnelle de reclassement ;

Statuant de nouveau de ce chef ;

Déclare irrecevables les demandes de Messieurs [I] [R], [A] [D], [V] [F], [H] [B], [P] [J], [G] [E], Monsieur [O] [W], [G] [U], [S] [K], [L] [M], [Y] [Z], [N] [X] relatives au non-respect de l'obligation conventionnelle de

reclassement ;

Y ajoutant ;

Dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Messieurs [I] [R], [A] [D], [V] [F], [H] [B], [P] [J], [G] [E], Monsieur [O] [W], [G] [U], [S] [K], [L] [M], [Y] [Z], [N] [X] aux entiers dépens d'appel.

Signé par Madame Nathalie Pignon et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Nathalie Pignon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 17/02006
Date de la décision : 13/05/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-05-13;17.02006 ?
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