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18/03/2020 | FRANCE | N°16/04495

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 18 mars 2020, 16/04495


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 18 MARS 2020



(Rédacteur : Madame Annie Cautres, conseillère)



PRUD'HOMMES



N° RG 16/04495 - N° Portalis DBVJ-V-B7A-JKXP











Madame [T] [N]



c/



SARL W & CORB











Nature de la décision : AU FOND













Notifié par LRAR le :


r>LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,





Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 1...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 18 MARS 2020

(Rédacteur : Madame Annie Cautres, conseillère)

PRUD'HOMMES

N° RG 16/04495 - N° Portalis DBVJ-V-B7A-JKXP

Madame [T] [N]

c/

SARL W & CORB

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 juin 2016 (R.G. n°F 15/00086) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LIBOURNE, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 07 juillet 2016,

APPELANTE :

Madame [T] [N]

née le [Date naissance 1] 1975 à [Localité 1] de nationalité Française Profession : Agent de production, demeurant [Adresse 1]

assistée de Me Julie HERBRETEAU substituant Me Frédérique POHU PANIER, avocats au barreau de PERIGUEUX

INTIMÉE :

SARL W & Corb, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 2]

N° SIRET : 398 356 006

assistée de Me Maxime LEBLANC substituant Me Arnaud PILLOIX de la SELARL ELLIPSE AVOCATS, avocats au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 novembre 2019 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Annie Cautres, conseillère, chargée d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Nathalie Pignon, présidente

Madame Annie Cautres, conseillère

Madame Héras de Pedro, conseillère

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

- prorogé au 18 mars 2020 en raison de la charge de travail de la cour.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [T] [N] a été embauchée par la société French Gateway à compter du 6 septembre 2010 suivant contrat à durée indéterminée en qualité d'agent de conditionnement et de production.

Un nouveau contrat a été conclu le 17 novembre 2011, avec reprise de l'ancienneté au 6 septembre 2010, avec la SARL W&Corb (la société) dont le gérant, M. [Y], est le même que celui de la société French Gateway. Mme [N] y effectue les mêmes fonctions.

Mme [N] a exercé ses fonctions au siège de l'entreprise sur la commune de [Localité 2] avec une autre de ses collègues, Mme [C], un autre salarié ainsi que le gérant exerçant leur activité en région parisienne.

En raison du non paiement des loyers du local commercial sur [Localité 2], le tribunal de grande instance a ordonné par jugement du 19 février 2015 l'expulsion de la société du local commercial et un commandement de quitter les lieux était signifié à la société le 26 mai 2015.

Par courrier du 3 juin 2015, M. [Y] a proposé à la salariée une modification de son contrat de travail prévoyant sa mutation en région parisienne à compter du 1er juillet 2015.

Par lettre recommandée du 8 juin 2015, Mme [N] a informé son employeur avoir saisi le conseil de prud'hommes ce même jour pour constater la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur.

Le 12 juin 2015, elle a saisi le conseil des prud'hommes aux fins de constater la rupture du contrat de travail le 8 juillet 2015 à l'initiative de l'employeur, que ce licenciement s'analyse un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et solliciter diverses sommes à titre d'indemnité.

Par courrier du 2 juillet 2015, les documents de fin de contrat ont été adressés à Mme [N].

Par jugement en date du 10 juin 2016, le conseil de prud'hommes de Libourne a rabattu l'ordonnance de conciliation et d'orientation prise au provisoire en date du 4 septembre 2015, dit que Mme [N] a pris acte de la rupture de son contrat de travail à la date du 8 juin 2015 et que cette prise d'acte produit les effets d'une démission.

La salariée a été déboutée de l'intégralité de ses demandes et a été condamnée aux entiers dépens ; la société a été déboutée de ses demandes reconventionnelles.

Par déclaration du 7 juillet 2016, Mme [N] a relevé appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas discutées.

Aux termes de ses dernières écritures en date du 8 août 2018, déposées au greffe, auxquelles la cour se réfère expressément, et des déclarations réalisées à l'audience du 26 novembre 2019, la salariée sollicite la confirmation jugement entrepris uniquement en ce qu'il a débouté la société de ses demandes reconventionnelles.

A titre principal, Mme [N] demande que soit prononcé la résiliation judiciaire de son contrat de travail en date du 8 juillet 2015.

A titre subsidiaire, elle sollicite qu'il soit dit que l'employeur a rompu le contrat de travail le 8 juillet 2015 et que cette rupture s'analyse en un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et irrégulier en la forme.

A titre infiniment subsidiaire, la salariée demande qu'il soit dit que la prise d'acte de la rupture par Mme [N] s'analyse en un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse.

En tout état de cause, elle sollicite la condamnation de la société à lui verser les sommes suivantes :

- 1 777 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement irrégulier ;

- 1 601,22 euros bruts au titre du rappel de salaire du 12 juin 2015 au 8 juillet 2015 ;

- 160,22 euros bruts au titre des congés payés sur le rappel de salaire ;

- 20 000 euros au titre des dommages et intérêts pour rupture abusive ;

- 3 554 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis ;

- 355,40 euros bruts au titre des congés payés sur l'indemnité compensatrice de

préavis ;

- 1 688,15 euros au titre de l'indemnité de licenciement ;

- 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

La salariée demande également la remise sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir d'une attestation pôle emploi et d'un certificat de travail rectifiés, que les sommes allouées portent intérêts au taux légal à compter de la demande en justice ainsi que la capitalisation des intérêts.

Aux termes de ses dernières écritures du 19 septembre 2018, déposées au greffe, auxquelles la cour se réfère expressément, et des déclarations réalisées à l'audience du 26 novembre 2019, la SARL W&Corb sollicite la confirmation du jugement entrepris sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande reconventionnelle.

Elle demande donc que Mme [N] soit déboutée de l'ensemble de ses demandes et qu'elle soit condamnée à lui verser la somme de 3 544 euros bruts à titre d'indemnité compensant le préavis non effectué, outre la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la rupture du contrat de travail

La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail.

La prise d'acte de la rupture du contrat par le salarié est le fait, pour ce dernier, d'annoncer à son employeur qu'il quitte l'entreprise en prenant acte de la rupture de son contrat. Le salarié impute à l'employeur la charge de cette rupture.

La prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail aux torts de l'employeur en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail ; une prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits évoqués le justifiaient ou, dans le cas contraire, les effets d'une démission.

La prise d'acte de la rupture du contrat de travail n'est soumise à aucun formalisme. Le document doit manifester la volonté du salarié de rompre le contrat et être adressé directement à l'employeur.

Les parties au contrat peuvent également, pour rompre ce dernier, avoir recours à la procédure de résiliation judiciaire en invoquant, sur la base de l'article 1217 du code civil, le fait que l'autre partie n'a pas satisfait à son engagement ce dont le demandeur devra apporter la preuve.

Le salarié peut saisir le conseil des prud'hommes afin d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat aux torts de l'employeur lorsque celui-ci n'exécute pas ces obligations contractuelles si les manquements de l'employeur sont d'une gravité suffisante pour justifier la résiliation du contrat de travail à ses torts.

La saisine du juge pour résiliation du contrat n'emporte pas rupture immédiate du contrat de travail. L'exécution de celui-ci se poursuit jusqu'au prononcé du jugement.

En l'espèce, suite au commandement de quitter les lieux qui a été signifié à la société le 26 mai 2015 et qui a fait suite à l'expulsion de la société du local commercial de la commune de [Localité 2], ordonné par le tribunal de grande instance de Libourne le 19 février 2015, M. [Y] a proposé à la salariée, par courrier du 3 juin 2015, une modification de son contrat de travail prévoyant sa mutation en région parisienne à compter du 1er juillet 2015.

En réponse, Mme [N] écrit en recommandé à la société le 8 juin 2015 :

"Je vous rappelle que nous avons dû saisir le conseil de prud'hommes pour obtenir le règlement régulier de nos salaires, chose qui n'est toujours pas à l'heure actuelle conforme.

Vous ne nous avez jamais informées qu'il y aurait des difficultés dans le local dans lequel est situé notre établissement.

Vous nous informez par ce courrier que nous serions expulsés du local.

Pourtant, vendredi par téléphone, vous ne nous en avez non plus rien dit.

Ce matin, à notre embauche, nous constatons qu'il n'y a strictement aucun travail à exécuter.

Je vous rappelle que votre obligation d'employeur est de fournir du travail à vos salariés.

Nous ne pouvons que constater ce manquement flagrant.

Nous sommes particulièrement surprises de votre attitude alors que selon ce courrier nous disposons d'un délai d'un mois avant que notre mutation soit effective.

Quel travail comptez-vous nous fournir d'ici le mois de juillet prochain '

Nous constatons que ce courrier ne répond pas aux stipulations de l'article L. 1222-6 du code du travail.

Vous ne nous laissez même pas un mois pour réfléchir.

Vous ne nous indiquez pas le lieu où nous devrons, le cas échéant, travailler, ni à quelles conditions.

Nous ne pouvons que constater que la raison de notre transfert est votre propre défaillance à remplir vos obligations.

Vous ne nous donnez d'autre choix et nous saisissons ce jour le conseil de prud'hommes pour constater la rupture de notre contrat de travail de votre fait.

Nous transmettons la présente à notre conseil et au conseil de prud'hommes".

Dans son courrier du 12 juin 2015, cosigné avec Mme [C], Mme [N] a écrit à son employeur : "Nous vous confirmons que nous avons saisi le conseil de prud'hommes de Libourne pour constater la rupture de notre contrat de travail de votre fait".

Le conseil de prud'hommes de Libourne a effectivement été saisi le 12 juin 2015.

Par courrier du 17 juin 2015, M. [Y] répond : "J'en conclus que vous souhaitez rompre votre contrat de travail et qu'il n'est donc plus question pour vous de rejoindre le nouvel atelier de l'entreprise. J'en prends acte, mais je conteste que la rupture de votre contrat soit de mon fait, la décision de le rompre vous incombe totalement".

Le bureau de conciliation a convoqué le 23 juin 2015 la SARL W&Corb des chefs de demande suivants : "rupture du contrat de travail du fait de l'employeur pour non fourniture de travail, dommages et intérêts pour rupture abusive...".

Puis, le 2 juillet 2015, le gérant transmet les documents de fin de contrat à Mme [N], lui précisant : "vous m'avez signifié la rupture de votre contrat de travail par courrier le 8 juin reçu le 11 juin. Vous avez quitté l'entrepôt de [Localité 2] et m'avez rendu les clés le 10 juin. Vous n'avez pas répondu à ma proposition de rejoindre notre nouveau lieu de travail envoyée par courrier RAR le 3 juin. Vous ne faites plus donc partie de l'effectif de la société depuis le 11 juin. Vous trouverez ci-joint les documents suivants : fiche de paie, certificat de travail, solde de tout compte et attestation Assedic".

Mme [N] a attendu le 10 juillet 2015 pour indiquer à la SARL W&Corb : "Nous vous avons informé que nous avons saisi le conseil de prud'hommes de Libourne compte-tenu de votre attitude à notre égard.

Nous n'avons en aucun cas constaté la rupture de notre contrat de travail.

Nous sollicitons le conseil de statuer sur ce point au regard de vos manquements".

Le 21 juillet 2015, Mme [N] et sa collègue ont écrit de nouveau à leur employeur pour lui indiquer que le courrier qu'elles ont écrit le 12 juin 2015 ne constitue ni une démission ni une prise d'acte mais qu'elles considèrent que l'envoi des documents de fin de contrat constituent une rupture abusive de leurs contrats de travail par la société alors qu'aucun courrier de licenciement a été adressé.

Le jugement de première instance, du 10 juin 2016, fait état des prétentions suivantes de la demanderesse, Mme [N], aux termes de ses conclusions récapitulatives et responsives : "Dire que l'employeur a rompu le contrat de travail le 8 juillet 2015 en adressant à la salariée les documents de rupture, dire que la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, dire que le licenciement est irrégulier en la forme" et solliciter la condamnation de la société à lui verser des indemnités diverses.

Les mêmes demandes sont portées devant la cour dans les premières écritures de Mme [N] en juillet 2018. Seules les dernières écritures de la salariée du 8 août 2018 font état d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail.

Confirmant le jugement du conseil de prud'hommes de Libourne du 10 juin 2016, il résulte de l'ensemble de ces éléments que par son courrier du 8 juin 2015 listant les manquements de son employeur à ses obligations, confirmé par le courrier du 12 juin 2015 et la saisine du même jour du conseil de prud'hommes, que Mme [N] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur et n'a jamais sollicité le conseil de prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail lors de sa saisine du 12 juin 2015.

Sur la prise d'acte de rupture du contrat de travail

Il résulte de la combinaison des articles L. 1231-1, L. 1237-1 et L. 1235-1 du code du travail que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail. Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de son employeur.

En cas de prise d'acte de rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, soit, au contraire, d'une démission.

Il appartient au salarié d'établir les faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur, l'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, ne fixe pas les limites du litige.

Le juge est tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans un écrit.

En l'espèce, par courrier en date du 8 juin 2015, Mme [N] a pris acte de la rupture de son contrat de travail. Les manquements de l'employeur allégués par la salariée dans ses écriture sont l'absence de fourniture de travail, l'absence de lieu de travail et de moyens pour travailler, l'absence de propositions sérieuses de modification du contrat de travail.

Mme [N] indique également que malgré la condamnation de la société par le jugement du conseil de prud'hommes de Libourne du 13 mars 2015 qui avait constaté que la SARL W&Corb ne réglait pas l'intégralité des salaires ne remettait pas systématiquement les bulletins de salaire et n'avait pas toujours déclaré la salariée, Mme [N] continuait à rencontrer des difficultés pour obtenir son salaire régulièrement ainsi que des bulletins de paie conformes.

Aucune preuve n'est versée par la salariée à l'appui de ces affirmations.

Mme [N] dit avoir constaté la disparition des machines sur lesquelles elle travaillait le 5 juin 2015, à son embauche, avant de recevoir quelques jours plus tard un courrier expliquant la modification du lieu de son travail dans un établissement de la région parisienne et donc la fermeture du site de [Localité 2].

Le déménagement a été commencé dès le 9 juin 2015 et M. [Y] a exigé de Mme [N] qu'elle remette les clefs du local dès le 10 juin 2015, la laissant sans lieu de travail et sans travail à effectuer.

De plus la proposition de modification du contrat de travail effectuée pour raison économique ne précisait pas le lieu exact des nouveaux locaux, se contentant d'une localisation vague en région parisienne et ne précisait pas non plus les motifs économiques à l'origine de cette modification.

De plus, le courrier, daté du 3 juin ne laisse pas le délai de réflexion d'un mois puisqu'il est fait état d'une date de mutation au 1er juillet 2015.

La salariée fait grief à la société de ne pas avoir anticipé les choix induits par l'expulsion pourtant ordonnée dès le mois de février 2015.

La cour relève qu'en raison des difficultés économiques que connaissait la société, elle n'a pu honorer le paiement des loyers du local commercial sur [Localité 2] et que le tribunal de grande instance a alors ordonné par jugement du 19 février 2015 l'expulsion de la société du local commercial.

Le commandement de quitter les lieux a été signifié à la société le 26 mai 2015, M. [Y] a alors été contraint d'organiser rapidement le déménagement des locaux au début du mois de juin 2015 et fermer les locaux de travail générant ainsi l'absence de fourniture de travail.

Mme [N] ne peut pas affirmer qu'elle a découvert avec les événements de juin les difficultés économiques de la société dans la mesure où elle s'est vu notamment remettre des chèques partiellement impayés ou encore une signification par huissier d'un commandement de payer lui a été remise en main propre par un huissier en août 2014.

Par ailleurs, la salariée n'a pas questionné son employeur sur la modification du contrat de travail proposée, ni pris le temps de la réflexion, elle a, pris acte de la rupture du contrat de travail dès le 8 juin 2015, soit cinq jours après l'envoi du courrier par la société.

En conséquence, confirmant le jugement du conseil de prud'hommes de Libourne du 10 juin 2016, Mme [N] ne rapporte pas la preuve de manquements suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

Il en résulte que, compte tenu de ces éléments, la prise d'acte de rupture du contrat de travail doit s'analyser en une démission et Mme [N] sera déboutée de ses demandes au titre de la prise d'acte de la rupture.

Sur la demande reconventionnelle au titre de l'indemnité compensatrice de préavis

Lorsque la prise d'acte produit les effets d'une démission, le salarié est redevable de l'indemnité correspondant au préavis qu'il n'a pas exécuté. Cette indemnité est due dès lors que l'employeur en réclame le paiement, même en l'absence d'un quelconque préjudice.

La SARL W&Corb sollicite à ce titre la somme de 3 544 euros bruts, somme non contestée par Mme [N].

Toutefois, ne pouvant faire exécuter la prestation de travail à ses salariés du site de [Localité 2], M. [Y] leur a demandé, par courrier manuscrit du 10 juin 2015, de ne pas revenir sur leur lieu de travail jusqu'à nouvel ordre, les salariées ayant par ailleurs remis les clés du local.

En conséquence, confirmant le jugement du conseil de prud'hommes de Libourne du 10 juin 2016, la société sera déboutée de sa demande de ce chef.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Il apparaît équitable en l'espèce de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Libourne du 10 juin 2016 en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Condamne Madame [T] [N] aux entiers dépens d'appel ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Signé par Madame Nathalie Pignon, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Nathalie Pignon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 16/04495
Date de la décision : 18/03/2020

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-03-18;16.04495 ?
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