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06/02/2020 | FRANCE | N°19/04311

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 06 février 2020, 19/04311


COUR D'APPEL DE BORDEAUX





CHAMBRE SOCIALE - SECTION B





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ARRÊT DU : 06 FEVRIER 2020





(Rédacteur : Madame Catherine Mailhes, conseillère)





SÉCURITÉ SOCIALE





N° RG 19/04311 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LFIS
































SA AIRBUS DS GEO





c/





URSSAF DE MIDI-PYRENEES
































Nature de la décision : AU FOND











Notifié par LRAR le :





LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :





La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).





Certifié par le Greffier e...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 06 FEVRIER 2020

(Rédacteur : Madame Catherine Mailhes, conseillère)

SÉCURITÉ SOCIALE

N° RG 19/04311 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LFIS

SA AIRBUS DS GEO

c/

URSSAF DE MIDI-PYRENEES

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 mai 2015 (R.G. n°21300750) par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de HAUTE GARONNE, suivant déclaration de saisine du 20 mars 2017, suite à un arrêt de la Cour de Cassation rendu le 19 janvier 2017, cassant partiellement l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse du 23 novembre 2015 réinscription au rôle le 24 octobre 2018 suite arrêt de radiation rendu le 7 juin 2018 par la chambre sociale section B de la cour d'appel de Bordeaux, cour de renvoi.

APPELANTE :

SA AIRBUS DS GEO prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [...]

assistée et représentée par Me Laurence CHREBOR de la SCP FROMENT BRIENS, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

URSSAF DE MIDI-PYRENEES prise en la personne de sondirecteur domicilié en cette qualité au siège social Service contentieux - [...]

assistée de Me Philippe DUMAINE de la SELARL DUMAINE LACOMBE RODRIGUEZ, avocat au barreau de TOULOUSE

représentée par Me Margaux DELORD, avocat au barreau de TOULOUSE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 décembre 2019 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées devant Madame Marie-Luce Grandemange, présidente chargée d'instruire l'affaire et madame Catherine Mailhes, conseillère,

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Marie-Luce Grandemange, présidente,

Madame Catherine Mailhes, conseillère,

Madame Emmanuelle Leboucher, conseillère,

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Sylvaine Déchamps,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Spot Image, devenue Airbus DS Géo, a fait l'objet d'un contrôle de l'application de la législation de sécurité sociale, assurance chômage et Ags pour la période du 1er mai 2010 au 31 décembre 2011 au sein de son établissement de Ramonville par l'URSSAF Midi-Pyrénées.

Le 22 octobre 2012, l'URSSAF Midi-Pyrénées a notifié à la société Airbus DS Géo une lettre d'observations.

Par courrier du 23 novembre 2012, la société Airbus DS Géo a contesté les chefs de redressement n°9, 10 et 11.

Par courrier du 11 décembre 2012, l'URSSAF Midi-Pyrénées a répondu à la société Airbus DS Géo.

Le 28 décembre 2012, l'URSSAF Midi-Pyrénées a mis en demeure la société Airbus DS Géo de lui régler la somme de 19 586 euros en principal et 2 333 euros au titre des majorations de retard.

Le 17 janvier 2013, la société Airbus DS Géo a procédé au paiement du principal et sollicité une remise gracieuse des majorations de retard.

Le 17 janvier 2013, la société Airbus DS Géo a saisi la commission de recours amiable de l'URSSAF Midi-Pyrénées aux fins de contester les chefs de redressement n° 9, 10 et 11. La commission de recours amiable de l'URSSAF Midi-Pyrénées a rendu une décision implicite de rejet.

Le 29 mai 2013, la société Airbus DS Géo a saisi le tribunal des affaires de la sécurité sociale de Haute-Garonne d'un recours contre cette décision et aux fins de voir annuler le recouvrement des cotisations.

Le 23 décembre 2013, la commission de recours amiable de l'URSSAF Midi-Pyrénées a rendu une décision de rejet.

Le 6 février 2014, la société Airbus DS Géo a saisi le tribunal des affaires de la sécurité sociale de Haute-Garonne d'un recours contre cette décision.

Par jugement du 4 mai 2015, le tribunal des affaires de la sécurité sociale de la Haute-Garonne a confirmé le redressement et condamné la société airbus DS Géo au paiement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Airbus DS Géo a interjeté appel de ce jugement.

Par arrêt du 3 novembre 2015, la cour d'appel de Toulouse a confirmé le jugement déféré.

La société Airbus DS Géo a formé un pourvoi en cassation.

Par arrêt du 19 janvier 2017, la chambre sociale de la cour de cassation a cassé en toutes ses dispositions l'arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de Bordeaux.

Par déclaration de saisine du 17 mars 2017, la société Airbus DS Géo a saisi la cour d'appel de Bordeaux.

Par arrêt du 7 juin 2018, la cour d'appel de Bordeaux a prononcé la radiation de l'affaire.

L'affaire a été réinscrite au rôle suivant dépôt de conclusions par la société Airbus DS Géo le 24 octobre 2018.

Aux termes de ses dernières conclusions du 26 juin 2019, la société Airbus DS Géo sollicite de la cour qu'elle infirme le jugement déféré et, statuant à nouveau :

s'agissant du chef de redressement n°10 :

à titre principal, qu'elle :

constate que l'administration a sécurisé les accords de participation n°2 du 27 juin 2006 et n°4 du 29 juin 2010 ayant régi les sommes portées à la RSP en 2009, 2010 et 2011,

constate que ces sommes bénéficient en conséquence de l'exonération de l'assiette de cotisations de sécurité sociale,

annule le chef de redressement n°12 pour un montant de 739 555 euros et les pénalités et majorations,

ordonne le remboursement par l'URSSAF Midi-Pyrénées de la somme de 735 555 euros dont elle s'est acquittée le 17 janvier 2013 au titre de ces chefs de redressement et juge n'y avoir pas lieu à majorations et pénalités de retard,

en tout état de cause, qu'elle :

constate que l'URSSAF Midi-Pyrénées base son redressement sur des dispositions prises par le pouvoir réglementaire non conformes aux lois,

constate que le calcul et la répartition de la RSP sont conformes au caractère collectif nécessaire à l'application du régime social d'exonération,

ordonne le le remboursement par l'URSSAF Midi-Pyrénées de la somme de 735 555 euros dont elle s'est acquittée le 17 janvier 2013 au titre de ces chefs de redressement et juge n'y avoir pas lieu à majorations et pénalités de retard,

ou à défaut constate qu'il existe une contestation sérieuse concernant la légalité de l'article D. 3324-10 du code du travail, sursoie à statuer et saisisse la juridiction administrative,

à titre subsidiaire, qu'elle :

constate que l'avenant du 29 juin 2010 bénéficiait du dispositif de sécurisation juridique, qu'il a régi les sommes portées à la RSP en 2010 et 2011,

constate que ces sommes étaient exclues de l'assiette de cotisations de sécurité sociale,

annule partiellement le chef de redressement en ce qu'il porte sur les sommes versées en 2010 et 2011 au titre de la RSP, pour un montant de 441 332 euros et les pénalités et majorations de retard,

ordonne le remboursement par l'URSSAF Midi-Pyrénées de la somme de 441 332 euros dont elle s'est acquittée le 17 janvier 2013 au titre de ces chefs de redressement et juge n'y avoir pas lieu à majorations et pénalités de retard,

à titre plus subsidiaire, qu'elle :

ordonne la réduction, en application du principe de proportionnalité, de l'assiette des sommes servant de base au calcul au redressement, afin que l'assiette corresponde aux seules fractions des sommes individuelles indûment perçues soit:

- 13 571 euros au titre de l'année 2009,

- 13 485 euros au titre de l'année 2010,

- 7 860 euros au titre de l'année 2011,

ordonne le remboursement par l'URSSAF Midi-Pyrénées des sommes suivantes:

- 284 652 euros au titre du redressement portant sur l'année 2009,

- 274 871 euros au titre du redressement portant sur l'année 2010,

- 145 116 euros au titre du redressement portant sur l'année 2011,

et juge n'y avoir lieu à majorations et pénalités de retard.

s'agissant du chef de redressement n°11, qu'elle :

- l'annule pour un montant de 19 586 euros,

- ordonne le remboursement par l'URSSAF Midi-Pyrénées de la somme de 19 586 euros dont elle s'est acquittée le 17 janvier 2013 au titre de ces chefs de redressement et juge n'y avoir pas lieu à majorations et pénalités de retard,

en tout état de cause, qu'elle :

- rejette la demande formulée par l'URSSAF Midi-Pyrénées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne l'URSSAF Midi-Pyrénées au paiement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens dont distraction au profit de la société Fromont Briens conformément à l'article 699 du même code.

Par ses dernières conclusions enregistrées le 28 octobre 2019, l'URSSAF Midi Pyrénées demande à la cour de :

dire n'y avoir lieu à statuer,

confirmer le jugement déféré,

rejeter la demande de remise gracieuse.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées et oralement reprises.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le chef de redressement n°10 : calcul de la réserve spéciale de participation (RSP)

L'Urssaf a constaté qu'en application de l'accord de participation du 14 mai 1992 modifié par divers avenants, le personnel de la société avait bénéficié de la répartition de la réserve spéciale de participation calculée sur la base de la formule légale et que :

- pour les salariés bénéficiaires, l'accord de participation du 14 mai 1992 dispose que dans le cadre du calcul de la RSP, la variable 'S' constituée par les salaires versés ne comprend pas le montant des salaires éventuellement versés aux personnels employés sous contrat de travail conclu avec elle et qui exercent leur activité au sein de filiales ;

- pour l'ensemble du personnel,

consécutivement à la signature de l'avenant du 27/06/2006, il a été décidé que la répartition de la RSP se ferait pour partie en fonction du seul salaire de base ;

l'avenant du 29 juin 2009 a décidé d'exclure du calcul de la RSP les primes intitulées 'management fees Astrium-Eads' ;

- pour les personnels de la société fusionnée Infoterra France, par avenant du 29 juin 2010, suite à l'intégration du personne de la société Infoterra France au 1er mai 2010, il a été décidé pour ce seul personnel faisant désormais partie de la société, que les modalités de répartition de la RSP au regard de la rémunération, ne tiendraient pas compte des primes individuelles éventuelles, notamment des parts variables.

Elle a réintégré dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale et d'assurance chômage, les sommes portées à la réserve spéciale de participation (RSP) en considérant notamment que :

- seuls les nouveaux accords conclus à la suite de la parution de la loi n°2006-1770 sont sécurisés, les avenants déposés par la suite ne l'étant pas ;

- le silence de l'administration sur l'avenant de mise en conformité déposé ne garantit pas l'entreprise contre le risque de redressement si l'avenant ne met pas l'accord en conformité sur tous les points relevés par la demande de l'administration ; le silence de l'administration sur les accords ultérieurs à la parution de la loi ne saurait être assimilé à une validation tacite de l'accord ;

- lorsque la réserve spéciale de participation est calculée selon la formule légale, l'élément relatif à la masse salariale doit correspondre aux rémunérations constituant l'assiette des cotisations de sécurité sociale ;

- les modalités de répartition de la RSP prévues par l'accord de participation du 14 mai 1992 qui pris en son article 2, exclut de manière non équivoque les rémunérations éventuellement versées par la société aux personnels employés sous contrat de travail conclu avec elle et qui exercent leur activité au sein de filiales, ne sont pas conformes car elles ne respectent pas sur le fond le caractère collectif requis pour pouvoir bénéficier de l'exonération des cotisations sociales ;

- l'ensemble des rémunérations au sens de l'article L.242-1 du code de la sécurité sociale n'est pas pris en compte dans le calcul de la RSP ainsi que lors de la répartition entre les salariés, pour l'ensemble du personnel consécutivement à l'avenant du 27 juin 2006 et pour les personnels de la société fusionnée Infoterra France consécutivement à l'avenant du 29 juin 2010.

Aux termes de l'article L. 3322-1 du code du travail, la participation a pour objet de garantir collectivement aux salariés le droit de participer aux résultats de l'entreprise. Elle prend la forme d'une participation financière à effet différé, calculée en fonction du bénéfice net de l'entreprise constituant la réserve spéciale de participation.

Elle est obligatoire dans les entreprises mentionnées au présent chapitre. Elle concourt à la mise en oeuvre de la gestion participative dans l'entreprise.

Selon les dispositions de l'article L.3324-1 du code du travail, la réserve spéciale de participation des salariés est constituée comme suit :

1° Les sommes affectées à cette réserve spéciale sont, après la clôture des comptes de l'exercice, calculs sur le bénéfice réalisé en France métropolitaine et dans les départements d'outre-mer, tel qu'il est retenu pour être imposé à l'impôt sur le revenu ou aux taux de l'impôt sur les sociétés prévus au deuxième alinéa et au b du I de l'article 219 du code général des impôts et majoré des bénéfices exonérés en application des dispositions des article 44 sexies, 44 sexies A, 44 septies, 44 octies, 44 octies A, 44 undecies et 208 C du code général des impôts. Ce bénéfice est diminué de l'impôt correspondant qui, pour les entreprises soumises à l'impôt sur le revenu est déterminé dans les conditions déterminées par décret en Conseil d'Etat ;

2° Une déduction représentant la rémunération au taux de 5% des capitaux propres de l'entreprise est opérée sur le bénéfice net ainsi défini ;

3° Le bénéfice net est augmenté du montant de la provision pour investissement prévue à l'article L.3325-3. Si cette provision est rapportée au bénéfice imposable d'un exercice déterminé, son montant est exclu, pour le calcul de la réserve de participation, du bénéfice net à retenir au titre de l'exercice au cours duquel ce rapport a été opéré ;

4° La réserve spéciale de participation des salariés est égale à la moitié du chiffre obtenu en appliquant au résultat des opérations effectuées conformément aux dispositions des 1° et 2° le rapport des salaires à valeur ajoutée de l'entreprise.

Selon les dispositions de l'article D.3324-1 du même code, les salaires à retenir pour le calcul du montant de la réserve spéciale de participation des salariés mentionnés à l'article L. 3324-1 sont les rémunérations au sens de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale.

L'article L. 3324-2 prévoit que l'accord de participation peut établir un régime de participation comportant une base de calcul et des modalités différentes de celles définies à l'article L. 3324-1 et que dans ce cas l'accord ouvre droit au régime social et fiscal prévu au chapitre V sous certaines conditions.

Selon les dispositions de l'article L. 3325-1 du code du travail compris dans le chapitre V, les sommes portées à la réserve spéciale de participation au cours d'un exercice sont déductibles pour l'assiette de l'impôt sur les société ou de l'impôt sur le revenu exigible au titre de l'exercice au cours duquel elles sont réparties entre les salariés. Elles ne sont pas prises en considération pour l'application de la législation sur le travail et de la sécurité sociale.

Pour ouvrir droit au bénéfice de cette exonération, les accords de participation doivent être déposés auprès de l'autorité administrative en application des articles L.3323-4 et D.3323-1 du code du travail.

Les accords de participation au sein de la société s'appliquant aux périodes de cotisations sont les suivants : l'avenant n°2 du 27 juin 2006 à l'accord de base du 14 mai 1992 pour les cotisations 2009, l'avenant n°3 du 29 juin 2009 et l'avenant n°4 du 29 juin 2010 à l'accord de base du 14 mai 1992.

1/ Sur la sécurisation juridique des avenants

Pour contester le jugement entrepris, la société Airbus DS Geo soutient que le dispositif de sécurisation s'applique à tous les avenants ayant régi le versement de la RSP en 2009, 2010 et 20011 et à tous le moins à l'avenant n°4 du 29 juin 2010, aux motifs que ce dispositif existait dès avant 2006, n'ayant été qu'étendu aux accords de participation par la loi du 31 décembre 2006, que l'accord de base existait avant 2006 et qu'un avenant à un accord est un accord au sens des articles L. 3345-2 du code du travail. Elle ajoute que la Cour de cassation dans son arrêt du 19 janvier 2017, a considéré que l'accord du 29 juin 2010, entrait dans le champ d'application de ces textes.

L'Urssaf considère que ces avenants ne peuvent bénéficier de la sécurisation juridique en faisant valoir, d'une part que le dispositif de sécurisation ne s'applique pas aux accords de participation antérieurs à l'entrée en vigueur de la loi n°2006-1770 du 30 décembre 2006 ni à leur avenants même déposés après cette loi et d'autre part que la procédure mise en oeuvre n'a pas été régulière en ce qu'elle n'a pas été consultée par la Direccte lors du dépôt de l'accord, empêchant le cotisant d'opposer la sécurisation juridique de l'accord.

La société Airbus DS Geo objecte qu'un avenant est un accord en sorte que le dispositif de la loi de 2006 s'applique aux accords comme aux avenants et que l'Urssaf n'a pas tiré les conséquences de l'arrêt de cassation du 19 janvier 2017.

La loi n°2006-1770 du 30 décembre 2006 ne prévoit pas son application aux accords en cours d'exécution. Aussi les contrats de participation demeurent soumis à la loi en vigueur lors de leur conclusion et il en va de même pour les avenants afférents à ces contrats qui se rattachent aux contrats qu'ils visent à modifier, nonobstant leur substitution de plein droit aux stipulations de la convention ou de l'accord qu'ils modifient.

Certes la Cour de cassation a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse dans son intégralité. Toutefois, elle ne s'est prononcée qu'en ce qu'il avait fait reposer exclusivement sur la société Airbus DS Geo, la charge de la preuve de la formulation éventuelle après consultation de l'Urssaf, d'observations par l'autorité publique et aucun des moyens ne portait sur l'application dans le temps du dispositif de sécurisation. Non saisie d'un moyen portant sur l'application dans le temps du dispositif de sécurisation issu de la loi sus-visée, de manière distributive à l'accord de base et aux avenants qui s'y rattachent, la Cour de cassation ne s'est pas prononcée sur ce point et il ne saurait être tiré argument du visa de l'article L.3345-2 alinéa 1er et de l'article L.3345-3 du code du travail, ensemble l'article 1315 devenu 1353 devenu 1353 devenu 1353 du code civil pour conclure le contraire.

Les avenants se rattachent tous à l'accord de participation du 14 mai 1992 antérieur à l'entrée en vigueur de la loi n°2006-1770 du 30 décembre 2006 en sorte que le dispositif de sécurisation issu de cette loi ne leur est pas applicable, les autres moyens liés à l'application du dispositif de sécurisation ou à la validation implicite des accords étant en conséquence inopérants.

Ce faisant, c'est à bon droit que l'Urssaf a considéré qu'elle était en droit de vérifier la conformité de l'accord de participation du 14 mai 1992 et des avenants sus-visés aux règles applicables pour pouvoir bénéficier des exonérations sociales.

2/ Sur le caractère collectif de la RSP

Pour contester le jugement qui a considéré que l'accord de participation du 14 mai 1992 ne permettait pas un mode de distribution collective des résultats de l'entreprise, la société Airbus DS Geo soulève l'illégalité de l'article D.3324-10 du code du travail au motif que le décret assoit la répartition sur 'la rémunération au sens de l'article L. 242-1" qui est une notion beaucoup plus large que celle de 'salaire perçu' visée à l'article L.3324-5, violant ainsi les articles 34 et 37 de la Constitution, le pouvoir réglementaire qui ne pouvait pas modifier la disposition législative, a outrepassé le mandat qui lui était donné par le législateur.

Elle soutient que la juridiction judiciaire est compétente pour statuer sur la légalité de l'acte administratif en application d'une jurisprudence établie de la juridiction administrative à la condition que l'acte revête une illégalité manifeste et que le type d'irrégularité soulevée ait été constatée par une jurisprudence établie du Conseil d'Etat et subsidiairement, elle soulève une question préjudicielle et sollicite la saisine du juge administratif sur cette question. Elle expose qu'il est de jurisprudence constante du Conseil d'Etat d'annuler tous les actes administratifs réglementant une matière relevant du domaine de la loi.

L'Urssaf estime que ce moyen est sans portée dès lors que l'article D.3324-10 en définissant la notion de salaire visée à l'article L. 3324-5 du code du travail comme étant les rémunérations au sens de l'article L.242-1 du code de la sécurité sociale n'a fait que préciser la loi sans la violer, que l'illégalité n'est pas sérieuse et manifeste.

L'article L.3324-5 du code du travail prévoit que : 'La répartition de la réserve spéciale de participation entre les bénéficiaires est calculée proportionnellement au salaire perçu dans la limite de plafonds déterminés par décret (...)'

L'article D.3324-1 du code du travail dispose que : 'Les salaires à retenir pour le calcul du montant de la réserve spéciale de participation des salariés mentionnée à l'article L. 3324-1 sont les rémunérations au sens de l'article L.242-1 du code de la sécurité sociale.'

Il rentre dans les pouvoirs du juge judiciaire d'opérer un contrôle de légalité de l'acte administratif lorsqu'il apparaît manifestement au vu d'une jurisprudence établie, que la contestation peut être accueillie par le juge saisi au principal.

Selon les dispositions de l'article 34 de la Constitution, la loi détermine les principes fondamentaux du droit du travail, du droit syndical et de la sécurité sociale.

L'article 37 de la Constitution prévoit que les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère réglementaire.

En mentionnant que Les salaires à retenir pour le calcul du montant de la réserve spéciale de participation des salariés mentionnée à l'article L. 3324-1 sont les rémunérations au sens de l'article L.242-1 du code de la sécurité sociale, le pouvoir réglementaire n'a fait que préciser la notion de salaire applicable entre celle du droit du travail et celle de la sécurité sociale, sans déterminer le contenu de celle-ci, en sorte que l'irrégularité invoquée, non seulement n'est pas manifeste mais encore, ne caractérise pas une difficulté sérieuse au regard de la solution du litige. Ce faisant, il ne sera pas fait droit à la demande de transmission de la question préjudicielle à la juridiction administrative et il n'y a pas lieu à sursis à statuer.

3/ Sur le principe de proportionnalité

La société Airbus DS Geo soutient qu'il n'y a pas lieu à réintégrer dans l'assiette de cotisations de sécurité sociale l'ensemble des droits versés en invoquant les dispositions de la circulaire du 14 septembre 2005 relative à l'épargne salariale et en invoquant le principe de proportionnalité de la sanction, protégé par la Constitution.

Non seulement le principe de limitation de la réintégration dans l'assiette des cotisations à la fraction des versements individuels indûment perçus au lieu de la réintégration de l'ensemble des droits versés prévu par la circulaire du 14 septembre 2005 relative à l'épargne salariale ne peut être invoqué que dans l'hypothèse où les termes de l'accord sont réguliers soient, conformes au caractère collectif, ce dont il est constant que ce n'est pas le cas en l'espèce, mais encore, les termes de la circulaire, prévoyant une tolérance par rapport aux règles légales ne s'imposent pas à la juridiction et sans que la réintégration dans l'assiette de cotisations de l'ensemble des droits versés constitue une sanction permettant l'application du principe de proportionnalité.

La demande de la société Airbus DS Geo tendant à la minoration de l'assiette des sommes réintégrées à l'assiette des cotisations sera rejetée.

En conséquence, l'accord de participation du 14 mai 1992 en ce compris les avenants appliqués sus-visés, ne permet pas un mode de distribution collective des résultats de l'entreprise et le redressement sera validé sur ce chef.

Le jugement entrepris sera confirmé à ce titre.

Sur le chef de redressement n°11 : contrat de prévoyance et frais de santé IPECA

D'une part l'inspecteur de l'Urssaf a constaté que le contrat de Prévoyance et de frais de santé souscrit auprès de la société IPECA bénéficiant aux salariés de la société Infoterra France, avait été maintenu durant plusieurs mois suite à l'opération de fusion intervenue au mois de mai 2010, que ce contrat avait ainsi coexisté avec celui applicable au personnel de Spot Image (contrat Taitbout) de la date de l'absorption le 1er mai 2010 à la date de mise en place d'un nouveau contrat collectif le 31 décembre 2011. Il a considéré par analogie avec les dispositions prévues par les articles L.2261-9 et L.2261-13 du code du travail que le maintien du régime ayant duré 18 mois et excédant la limite de 15 mois prévue par ces textes permettait de remettre en cause l'exonération du financement patronal en ce que le caractère collectif des garanties n'était pas rempli.

D'autre part il a également constaté que ce contrat prévoyait au titre de la garantie arrêt de travail, l'exclusion des salariés de plus de 65 ans et qu'aucun avenant de mise en conformité n'avait été établi, outre pour la garantie invalidité permanente, l'exclusion des salariés de plus de 60 ans sans avenant de mise en conformité. Il a considéré que le caractère collectif n'était pas respecté dès lors qu'étaient exclus des salariés en fonction de leur âge, en visant l'article L.1132-1 du code du travail.

Les premiers juges ont considéré que le régime souscrit ne présentait pas de caractère collectif et a validé le redressement.

Pour contester le jugement entrepris, la société Airbus DS Geo fait valoir que dans le cadre de la fusion absorption de la société Info Terra France par Spot Image, un accord collectif a été conclu le 1er juin 2010, dans le mois de la fusion portant sur le statut collectif pendant la période transitoire, lequel prévoit expressément la volonté de mettre en place un statut collectif commun avant le 31 juillet 2011, soit avant le terme du délai légal et que la période transitoire pourra être prorogée conformément à l'article L. 2261-14 du code du travail jusqu'à la fin de l'année 2011. Elle soutient ainsi avoir conclu un accord d'harmonisation dans le délai légal de 15 mois, lequel a pris effet le 1er juillet 2011, à l'exception des dispositions relatives à la prévoyance qu'il a prorogées jusqu'au 31 décembre 2011 afin de pouvoir mettre un terme au contrat d'assurance contesté dans les conditions contractuelles. Subsidiairement, elle soutient que les clauses d'exclusion des salariés en fonction de leur âge ont été supprimées par voie d'avenant adopté par l'assemblée générale de l'institution de prévoyance Ipeca et notifiée à la société le 24 juillet 2008 conformément aux dispositions de l'article L.932-3 du code de la sécurité sociale.

L'Urssaf prétend qu'en cas de fusion, les dispositions résultant des accords collectifs de l'entreprise absorbante s'appliquent de plein droit à la société absorbée et que l'accord collectif de la société absorbée ne continue de s'appliquer pendant le délai de l'article L. 2261-14 que s'il est plus favorable que l'accord de la société absorbante, en sorte que la société Airbus DS Geo ne peut invoquer l'application de l'article L.2261-14 qu'à la condition de démontrer que les dispositions de l'accord de la société était moins favorables que celles de l'accord Info Terra. Elle soutient par ailleurs que la demande réduction du quantum du redressement est irrecevable comme s'agissant d'une demande nouvelle présentée pour la première fois en appel.

En ce qui concerne les exclusions liées à l'âge, l'Urssaf soutient qu'il s'agit de constatations de l'inspecteur qui font foi et que la lettre de l'IPECA produite, si elle se réfère au numéro du contrat de base Infoterra, ne renvoie à aucun indice de conventions générales, interdisant de faire un lien entre les deux pièces. Elle ajoute que le contrat stipule la cessation des garanties et la suppression du versement des prestations à la date de la liquidation des pensions CNAV, constituant une cause de suppression liée à l'âge alors que rien n'interdit au même salarié de poursuivre se activités.

Selon l'article L. 242-1 alinéa 6 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige, sont exclues de l'assiette des cotisations les contributions des employeurs au financement des prestations complémentaires de prévoyance et de retraite lorsqu'elles revêtent un caractère collectif et obligatoire.

1/ Sur la coexistence des deux contrats de prévoyance

En cas de coexistence de deux contrats de prévoyance issue de la fusion de deux sociétés, la circulaire DSS 2006-330 du 21 juillet 2006 accepte, par analogie avec l'article L. 132-8 du code du travail, que le bénéfice de l'exonération des cotisations de sécurité sociale soit maintenu pendant un délai de quinze mois au profit du régime continuant à bénéficier aux salariés de l'entreprise ayant été absorbée.

Cette circulaire, dérogatoire, est d'interprétation stricte. C'est donc le délai de quinze mois depuis la date de fusion assimilable à la date de dénonciation qui doit être retenu et non les dispositions de l'article L. 2261-14 du code du travail.

En l'occurrence, le contrat de prévoyance Ipeca a continué à coexister avec le contrat de prévoyance de la société Spot Image et a été appliqué jusqu'au 31décembre 2011, soit au-delà du délai de quinze mois à compter de la fusion du 1er mai 2010 et le moyen selon lequel l'accord serait intervenu dans le délai légal est inopérant.

La demande de réduction du redressement à la part de financement patronal des garanties de prévoyance versées entre le 1er août et le 31 décembre 2011 constitue, en application des dispositions de l'article 566 du code de procédure civile, l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire de la demande d'annulation du redressement, en sorte qu'elle est recevable même présentée pour la première fois en appel.

Toutefois la demande de réduction au motif que le redressement est excessif, n'est pas fondée juridiquement et sera rejetée.

2/ Sur les critères d'âge

Les constatations de l'inspecteur de l'Urssaf valent jusqu'à preuve du contraire.

En l'occurrence, IPECA Prévoyance a, par courrier du 24 juillet 2008 signé pour l'Institution, portant sur le régime de prévoyance- conditions générales du contrat n°4125/420/421/120/121, notifié à la société Infoterra France la suppression de la notion d'âge comme critère de cessation des garanties et de versement des prestations et de son remplacement par la date de liquidation de la pension servie par la CNAV, en indiquant que la non application des nouvelles dispositions pourrait entraîner un redressement fiscal.

Si cette lettre se réfère au numéro de contrat de base Infoterra, ce qu'admet l'Urssaf, seules les conditions générales du règlement collectif de prévoyance dans sa version 2007/2008, soit antérieures à la modification de l'IPECA, ont été produites. Aucun avenant signé et daté n'est versé aux débats, en sorte que cette pièce est insuffisamment probante pour renverser les constations de l'inspecteur portant sur l'existence d'un traitement différencié en raison de l'âge.

Il s'ensuit que le caractère collectif du contrat de prévoyance n'est pas rempli et que c'est à bon droit que l'Urssaf a réintégré dans l'assiette des cotisations les sommes versées par l'employeur pour son financement.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a validé le redressement sur ce chef.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

La société Airbus Ds Geo succombant sera condamnée aux entiers dépens de l'appel. Elle sera en conséquence déboutée de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande de faire bénéficier l'Urssaf de ces mêmes dispositions et de condamner la société Airbus DS Geo à lui verser la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement entrepris,

Y ajoutant,

Condamne la société Airbus DS Geo à verser à l'Urssaf de Midi-Pyrénées la somme complémentaire de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Airbus DS Geo aux entiers dépens de l'appel.

Signé par madame Marie-Luce Grandemange, présidente, et par madame Sylvaine Déchamps, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

S. Déchamps ML. Grandemange


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 19/04311
Date de la décision : 06/02/2020

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4B, arrêt n°19/04311 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-02-06;19.04311 ?
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