La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/01/2020 | FRANCE | N°15/00356

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 2ème chambre civile, 23 janvier 2020, 15/00356


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE



--------------------------







ARRÊT DU : 23 JANVIER 2020



(Rédacteur : Monsieur Roland POTEE, Président)





N° RG 15/00356 - N° Portalis DBVJ-V-B67-IMZG







Madame [F] [I]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2015/756 du 05/03/2015 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)

Monsieur [T] [R]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2015/759 du 05/03/20

15 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)





c/



Monsieur [W] [B]



























Nature de la décision : AU FOND

















Grosse délivr...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 23 JANVIER 2020

(Rédacteur : Monsieur Roland POTEE, Président)

N° RG 15/00356 - N° Portalis DBVJ-V-B67-IMZG

Madame [F] [I]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2015/756 du 05/03/2015 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)

Monsieur [T] [R]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2015/759 du 05/03/2015 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BORDEAUX)

c/

Monsieur [W] [B]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

Décisions déférées à la Cour : sur renvoi de cassation d'un arrêt rendu le 21 janvier 2014 (Pourvoi N° Z 12-17.021) par la 3ème Chambre Civile de la Cour de Cassation sur un arrêt rendu le 11 mai 2011 (RG 09/2467) par la 3ème Chambre Civile de la Cour d'Appel de POITIERS en suite d'un jugement rendu le 29 juin 2009 (R.G. 09/00550) par le Tribunal de Grande Instance de NIORT suivant déclaration de saisine en date du 19 janvier 2015

APPELANTS :

[F] [I]

née le [Date naissance 4] 1976 à [Localité 13] ([Localité 13])

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 6]

[T] [R]

né le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 16] ([Localité 13])

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 5]

Représentés par Me Julien MAZILLE de la SCP LATOURNERIE - MILON - CZAMANSKI - MAZILLE, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉ :

[W] [B]

né le [Date naissance 2] 1962 à [Localité 16] ([Localité 13])

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 3]

Représenté par Me MALBY substituant Me Xavier LAYDEKER de la SCP LAYDEKER - SAMMARCELLI, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 912 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 décembre 2019 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Roland POTEE, Président chargé du rapport, et Madame Isabelle DELAQUYS, Conseiller,

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Roland POTEE, Président,

Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller,

Madame Isabelle DELAQUYS, Conseiller,

Greffier lors des débats : Mme Audrey COLLIN

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

M. [B] est propriétaire indivis avec ses frères d'un bien immeuble situé à [Localité 18] (Deux-Sèvres), composé d'un grand hangar cadastré B [Cadastre 11] situé entre la [Adresse 6] et la [Adresse 17] .

Exposant que le seul accès à la voie publique pour les véhicules de ce bâtiment passe par une allée latérale donnant sur les parcelles n° [Cadastre 15] et [Cadastre 14] appartenant à M. [R] et Mme [I] qui contestent le droit de passage dont M. [B] se prévaut en vertu du titre de propriété de ses voisins et des actes de propriété antérieurs, M.[B] les a fait assigner à jour fixe devant le tribunal de grande instance de NIORT le 24 avril 2009 pour les voir condamner sous astreinte à cesser de faire obstacle à son droit de passage et pour obtenir l'indemnisation de son préjudice.

Par jugement du 29 juin 2009, le tribunal a condamné, avec exécution provisoire M. [R] et Mme [I] à procéder, sous astreinte provisoire, à procéder à l'enlèvement de tout obstacle (chaîne, cadenas, piquets) empêchant l'exercice du droit de passage au profit de la propriété de M.[B] et les a condamnés à lui payer la somme de 150 € à titre de dommages et intérêts, outre les entiers dépens de l'instance, comprenant les frais du constat d'huissier du 4 mars 2009 et 1.200€ au titre des frais irrépétibles de procédure.

Le tribunal a pour l'essentiel considéré, au visa de l'article 1347 du code civil, que les titres incomplets, constitués par l'acte d'acquisition des défendeurs en date du 10 octobre 2002 et par le courrier du 12 octobre 2006 où ils se reconnaissent débiteurs d'une servitude de passage, ont valeur de commencement de preuve par écrit et sont valablement complétés par les attestations produites témoignant, sans être contestés par les défendeurs, de l'usage constant d'une servitude de passage depuis au moins l'année 1962.

Sur l'appel des défendeurs, et par arrêt du 11 mai 2011, la cour d'appel de POITIERS a confirmé le jugement du 29 juin 2009 en toutes ses dispositions et condamné M.[R] et Mme [I] à régler à M.[B] une somme de 3.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Sur pourvoi des appelants, et par arrêt du 21 janvier 2014, la cour de cassation a cassé l'arrêt rendu par la cour de POITIERS en toutes ses dispositions, et renvoyé les parties devant la cour d'appel de ce siège et ce, au visa des dispositions de l'article 695 du code civil pour les motifs suivants:

' Attendu que pour accueillir cette demande, l'arrêt retient que l'acte de vente du 10 octobre 2002 rappelle, au titre des servitudes, que l'acte du 15 novembre 1995 mentionne une courette avec passage y attenant auquel Mme [B] née [J] a droit d'ancienneté, qu'il est donc incontestable que le titre de propriété de M.[R] et de Mme [I] fait bien mention d'une servitude de passage sur la parcelle B [Cadastre 14] et que ce titre leur est opposable en qualité de propriétaires du fonds servant, que les parcelles B [Cadastre 14] et B [Cadastre 15] sont issues de la division de la parcelle B [Cadastre 12] dont l'acte de vente comportait la même mention, qu'en conséquence la servitude de passage concerne les deux parcelles et a pour objet de permettre d'accéder au hangar cadastré B [Cadastre 11], puisqu'un droit de passage limité à la seule partie de cour numérotée [Cadastre 14] serait sans intérêt pour le propriétaire du hangar ;

Qu'en statuant ainsi, alors que ni l'acte du 10 octobre 2002 ni l'acte du 15 novembre 1995 ne faisaient références au titre constitutif de la servitude, la cour d'appel a violé le texte susvisé'.

Après saisine de la cour le 19 janvier 2015, M.[R] et Mme [I] demandent à la cour, par dernières conclusions du 28 février 2017, de:

Infirmer le jugement dont appel et statuant à nouveau,

Vu les articles 2 et 3 de la loi du 23 mars 1855, transitoirement applicables,

Vu les articles 28, 1° et 30-1 du décret du 4 janvier 1955,

Vu les articles 688, 691, 694 et 695 du code civil,

Débouter M.[B] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

Condamner M.[B] à leur payer indivisément la somme de 2.000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et injustifiée sur le fondement de l'article 1382 du code civil et celle de 2.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile avec distraction au profit de Maître MAZILLE, outre les dépens de première instance et d'appel.

M.[B] demande à la cour, par dernières conclusions du 26 octobre 2017, de:

A titre principal

Confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;

A titre subsidiaire

Constater l'existence d'une servitude de passage par destination du père de famille ;

Condamner par conséquent et in solidum M.[R] et Mme [I] à procéder à l'enlèvement de tout obstacle (chaine, cadenas, piquets, véhicule') empêchant l'exercice du droit de passage de la propriété de M.[B] sur les parcelles B [Cadastre 14] et B [Cadastre 15], sous astreinte de 150 € par jour de retard passé le délai de 8 jours courant à compter de la signification de la décision ;

En toute hypothèse,

Condamner in solidum M.[R] et Mme [I] à payer à M.[B] la somme de 10.000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi en raison du trouble de jouissance imputable aux appelants, la somme de 6.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de la SCP AYDEKER-SAMMARCELLI.

Par arrêt du 11 janvier 2018, la cour, au vu de l'accord des parties, a ordonné une mesure de médiation confiée à Mme [P] [M] avec mission d'entendre les parties, de confronter leurs point de vue pour leur permettre de trouver une solution totale ou partielle au litige qui les oppose.

Après prolongation de la mission au 31 janvier 2019, la médiatrice désignée a été dessaisie de sa mission le 6 février 2019.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 18 novembre 2019 sans nouvelles conclusions des parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande principale

M. [B] estime que le procès-verbal de conciliation dressé par le tribunal civil de Melle le 14 décembre 1937, aux termes duquel est déterminée l'assiette du droit de passage litigieux, est un titre constitutif de la servitude sur le fonds des consorts [E] dont il revendique le bénéfice.

Il considère aussi que le nombre d'actes dans lesquels il est fait mention de la servitude litigieuse est suffisamment important pour établir la réalité de celle-ci. Il verse au dossier un acte de partage daté du 22 juin 1861 et des actes authentiques datés des 6 mai 1988, 15 novembre 1995 et 10 octobre 2002.

Il ajoute que la reconnaissance de son existence par les appelants eux-mêmes dans une déclaration consignée dans un procès-verbal de gendarmerie, les nombreux témoignages versés au dossier et l'enclavement de la parcelle n° [Cadastre 11] section B sont autant de commencements de preuve par écrit pouvant se substituer aux titres.

A titre subsidiaire, M. [B] revendique l'existence d'une servitude par destination du père de famille.

Selon les consorts [E], la copie de l'acte de 1861 versée au dossier est incomplète et illisible, et, tout comme le procès-verbal judiciaire de 1937, il ne leur est pas opposable pour n'avoir pas été publié à la conservation des hypothèques.

Il ajoutent que les actes authentiques susmentionnés ne font référence à aucun titre constitutif émanant d'un titre du propriétaire du fond asservi, si bien qu'ils ne peuvent être regardés comme étant des actes recognitifs de servitude.

S'agissant d'une servitude discontinue et apparente, le droit de passage ne peut s'établir que par titres, conformément à l'article [Cadastre 11] du code civil.

L'article 695 du même code ajoute qu'un tel titre constitutif de servitude ne peut être remplacé que par un titre récognitif de la servitude, et émané du propriétaire du fond asservi.

Il y a lieu de préciser que de jurisprudence constante, il est exigé que le titre recognitif fasse référence au titre constitutif de la servitude, ce qu'a rappelé la cour de cassation dans l'arrêt du 21 janvier 2014.

Ainsi donc, aucun écrit constituant un commencement de preuve ne pourrait remplacer l'un ou l'autre de ces titres.

Il convient, dès lors, de rechercher parmi les différents actes soumis à la cour, un titre constitutif de la servitude litigieuse et, à défaut, la récognition de cette servitude par référence au titre constitutif.

Il apparaît dans l'acte de partage daté du 22 juin 1861 et selon numérotation effectuée par le conseil de M. [B] :

- au feuillet 7, que la masse des biens partagés dans le secteur concerné par l'espèce est ainsi désignée : 'un vaste corps de bâtiments situé au centre du bourg de Secondigné comprenant trois locations [...] le tout se tenant et compris dans les numéros [Cadastre 8], [Cadastre 9] et [Cadastre 10] et sous partie du numéro [Cadastre 7] section B du plan cadastral de ladite commune.'

- au feuillet 14, que le deuxième lot se compose : 'de la partie à prendre au couchant des bâtiments, cours et jardins désignés à l'article 17 de la masse des biens [...] le tout compris sous partie des numéros [Cadastre 7] et [Cadastre 8] du plan cadastral section B de ladite commune [...].'

- au feuillet 16, que le troisième lot se compose : 'de partie à prendre au levant des bâtiments, cours et jardins désignés à l'article 17 de la masse des biens [...] le tout se tenant et compris [Cadastre 9] et [Cadastre 10] et partie du numéro [Cadastre 8] du plan cadastral section B de ladite commune [...].'

- aux pages 17 et 18 que : 'le propriétaire [du deuxième lot] aura la faculté de pouvoir déplacer l'entrée de sa cour comme bon lui semblera, mais il en tiendra toujours l'accès facile, de manière à ce que le propriétaire du troisième lot puisse circuler librement et perpétuellement avec charrette attelée. Seulement, s'il juge convenable de la clore par des barrières, elle seront construites à ses frais. Il en sera de même de leur entretien.'

Cet acte de partage daté de 1861 est ainsi constitutif, au sein de l'espace formé par les parcelles alors cadastrées section B n°[Cadastre 7] en partie, n°[Cadastre 8], n°[Cadastre 9] et n°[Cadastre 10], d'une servitude de passage sur le lot n°2 au profit du propriétaire du lot n°3.

Toutefois, même à considérer que la numérotation des parcelles susmentionnées correspond aux actuelles parcelles [Cadastre 11], [Cadastre 14] et [Cadastre 15] ou que la nature des biens désignés et leur disposition dans l'espace sont restées inchangées depuis lors, ce qui n'est pas contesté par les appelants, force est de constater que M. [B] ne rapporte pas la preuve que cet acte a été enregistré au bureau des hypothèques.

Or, ainsi que le font valoir les appelants, l'article 2 de la loi du 23 mars 1855 en vigueur au moment de l'acte de partage dispose que doivent être transcrits au bureau des hypothèques 'tout acte constitutif d'antichrèse, de servitude, d'usage et d'habitation' faute de quoi, selon l'article 3 de la même loi, 'jusqu'à la transcription, les droits résultant des actes et jugements énoncés aux articles précédents ne peuvent être opposés aux tiers qui ont des droits sur l'immeuble et qui les ont conservés en se conformant aux lois [...]'.

Dans ces conditions, l'acte de partage daté du 22 juin 1861 n'est pas opposable aux consorts [E].

Le procès-verbal de transaction daté du 14 décembre 1937 établit l'assiette du droit de passage dont bénéficiait alors M. [U] [J] sur une cour appartenant aux époux [A], et situé au sud-ouest de la propriété de ces derniers. Le plan annexé au procès-verbal montre des tracés de bâtiments et de limites de propriétés sont en tous points correspondants à ceux figurant sur l'actuel plan cadastral.

Il n'est donc pas douteux que cet acte est également un acte constitutif de la servitude litigieuse.

Cependant, M. [B] ne rapporte pas davantage la preuve de la publication au bureau des hypothèques de cet acte conformément à la même loi du 23 mars 1855 en vigueur à cette date.

Dans ces conditions, le procès-verbal de transaction daté du 14 décembre 1937 n'est pas opposable aux consorts [E].

L'acte de vente daté du 6 mai 1988 est celui par lequel M. [Y] a vendu la parcelle anciennement numérotée [Cadastre 12], divisée pour donner les parcelles [Cadastre 14] et [Cadastre 15], à la SA Immobilier Raynal Geoffroy. Il mentionne 'une cour par derrière avec passage y attenant auquel Mme [J] a droit d'ancienneté'.

L'acte de vente daté du 15 novembre 1995 est celui par lequel les époux [V] ont vendu aux époux [L] la parcelle n°[Cadastre 14]. Il mentionne également une courette avec passage y attenant auquel Mme [J] a droit d'ancienneté.

L'acte de vente daté du 21 novembre 2002 est celui par lequel les époux [L] ont vendu aux consorts [E] les parcelles [Cadastre 14] et [Cadastre 15]. Il est encore mentionné l'existence de la courette avec passage y attenant auquel Mme [J] a droit d'ancienneté.

Si tous ces actes de vente mentionnent la servitude litigieuse, force est de constater qu'aucun ne fait référence à l'un des deux titres constitutifs étudiés plus haut, si bien qu'ils ne peuvent être considérés comme des titres récognitifs valables.

Ainsi, c'est à bon droit que les consorts [R] font valoir que M. [B] n'est pas fondé en sa demande de reconnaissance sur les parcelles n°[Cadastre 14] et n°[Cadastre 15] leur appartenant, d'une servitude de passage à son profit.

Sur la destination du père de famille

L'article 693 du code civil prévoit qu'il n'y a destination du père de famille que lorsqu'il est prouvé que les deux fonds actuellement divisés ont appartenu au même propriétaire.

Par l'expression 'deux fonds', il faut entendre le fonds dominant et le fonds servant et non pas, comme le fait M. [B], les deux parcelles issues d'une division postérieure du seul fonds servant.

En l'espèce, il est rapporté la preuve que le fonds dominant, la parcelle n°[Cadastre 11] et le fonds servant, l'ensemble formé par les parcelles n°[Cadastre 14] et n°[Cadastre 15], ont été détenues par un seul et même propriétaire jusqu'au 22 juin 1861, date du partage de succession analysé plus haut.

La cour précise que l'opposabilité de cet acte est sans conséquence, pour ce qui concerne l'application du texte précité dès lors que ce ne sont pas les droits qu'il est susceptible de créer qui sont invoqués, mais la situation de fait qu'il révèle.

M. [B] fait justement valoir que, par dérogation à l'article 692 du code civil, la destination du père de famille vaut titre non seulement à l'égard des servitudes continues et apparentes, mais également aux servitudes discontinues lorsque, cumulativement, existent, des signes apparents de servitude lors de la division et que l'acte de division ne contient aucune stipulation contraire.

Pour rappel, l'acte de partage de succession de 1861 prévoit que 'le propriétaire [du deuxième lot] aura la faculté de pouvoir déplacer l'entrée de sa cour comme bon lui semblera, mais il en tiendra toujours l'accès facile, de manière à ce que le propriétaire du troisième lot puisse circuler librement et perpétuellement avec charrette attelée. Seulement, s'il juge convenable de la clore par des barrières, elle seront construites à ses frais. Il en sera de même de leur entretien.'

Ce faisant, cet acte témoigne du fait qu'un chemin reliant la voie publique à la cour du lot n°2 et desservant de lot n°3 existait déjà à cette époque, ce qui constitue un signe apparent de servitude.

Par ailleurs, l'acte ne contient aucune stipulation contraire à l'existence d'une servitude puisque, au contraire, il la consacre.

Il convient donc de constater l'existence d'une servitude de passage par destination du père de famille au profit de M. [B] s'exerçant sur les parcelles n°[Cadastre 14] et n°[Cadastre 15].

Il y a ainsi lieu de condamner les appelants à procéder à l'enlèvement de tout obstacle empêchant l'exercice de celle-ci, en confirmant par motifs substitués, le jugement déféré dont les modalités de l'astreinte seront toutefois modifiées dans les termes du dispositif.

Sur les demandes indemnitaires

M. [B] demande à la cour de condamner les appelants à lui verser la somme de 10.000 € en réparation de son trouble de jouissance qu'il estime avoir subi en ne pouvant user convenablement de la servitude de passage.

Ce trouble de jouissance relatif au droit de passage dure depuis au moins le mois de mars 2009, date à laquelle un huissier de justice a constaté la réduction du passage par différents obstacles, soit plus de 10 ans.

Il convient de réparer ce préjudice par l'octroi d'une somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Les appelants qui succombent en leurs prétentions seront déboutés de leur demandes indemnitaires et ils verseront à M.[B] une somme de 2.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré sauf au titre des modalités de l'astreinte ordonnée et au titre du montant des dommages et intérêts alloués à M.[B];

Statuant à nouveau dans cette limite;

Condamne in solidum M. [R] et Mme [I], à procéder sous astreinte provisoire de 80 euros par jour de retard pendant 2 mois, passé le délai de 15 jours à compter de la signification du présent arrêt, à l'enlèvement de tout obstacle empêchant l'exercice du droit de passage au profit de la propriété de M. [B], parcelle cadastrée section B n°[Cadastre 11], sur les parcelles cadastrées section B n° [Cadastre 14] et [Cadastre 15];

Condamne in solidum M. [R] et Mme [I] à verser à M. [B] la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Déboute M. [R] et Mme [I] de l'ensemble de leurs demandes ;

Condamne M. [R] et Mme [I] in solidum à verser à M. [B] la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;

Condamne M. [R] et Mme [I] aux dépens qui seront recouvrés selon la règlementation applicable en matière d'aide juridictionnelle.

La présente décision a été signée par monsieur Roland Potée, président, et madame Audrey Collin, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 15/00356
Date de la décision : 23/01/2020

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 1B, arrêt n°15/00356 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-01-23;15.00356 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award