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15/01/2020 | FRANCE | N°18/04457

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 15 janvier 2020, 18/04457


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 15 JANVIER 2020



(Rédacteur : Madame Rouaud-Folliard Catherine, présidente)



PRUD'HOMMES



N° RG 18/04457 - N° Portalis DBVJ-V-B7C-KSGY







Monsieur [R] [E]



c/



SA Française d'investissement et de renouvellement dentaire (SAFIR Dentaire)

















Nature de la décision : AU FOND


















Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 juillet 2018 (R.G. n°F16/01323) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel d...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 15 JANVIER 2020

(Rédacteur : Madame Rouaud-Folliard Catherine, présidente)

PRUD'HOMMES

N° RG 18/04457 - N° Portalis DBVJ-V-B7C-KSGY

Monsieur [R] [E]

c/

SA Française d'investissement et de renouvellement dentaire (SAFIR Dentaire)

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 13 juillet 2018 (R.G. n°F16/01323) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BORDEAUX, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 27 juillet 2018,

APPELANT :

Monsieur [R] [E]

né le [Date naissance 1] 1962 à [Localité 4], de nationalité Française, demeurant [Adresse 3]

assisté et représenté par Me Pierre BURUCOA, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

SAFIR SA Française d'investissement et de renouvellement dentaire aux droits de laquelle vient aujourd'hui la SAS Française d'Investissement et de Renouvellement Dentaire (SAFIR Dentaire), prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social , demeurant [Adresse 2]

N° SIRET : 385 085 121 00031

représentée par Me Pierre-Olivier BALLADE de la SELARL BALLADE-LARROUY, avocat au barreau de BORDEAUX,

assistée de Me Gérard VERGNE, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 novembre 2019 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente chargée d'instruire l'affaire,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente

Madame Annie Cautres, conseillère

Madame Sylvie Héras de Pedro, conseillère

Greffier lors des débats : Rachel Venanci

Greffier lors du prononcé : A.-Marie Lacour-Rivière

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [E] a été engagé en qualité de représentant commercial par la SAFIR (SA française d'investissement et de renouvellement dentaire) aux droits de laquelle vient aujourd'hui la SAS Safir Dentaire, par contrat de travail à durée indéterminée du 4 mai 1992.

Employant plus de dix salariés, la société applique la convention collective nationale du négoce en fournitures dentaires.

Le contrat de travail prévoyait un salaire fixe brut de 8 000 francs, une commission de 2% sur les ventes de matériels réalisées directement ou indirectement auprès de sa clientèle, une commission de 4% sur les ventes de fournitures réalisées directement ou indirectement auprès de sa clientèle et une prime mensuelle brute de 3 000 francs acquise en cas de réalisation de l'objectif fixé chaque mois par la direction.

Le 6 juin 2016, M. [E] a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux de demandes tendant au paiement de rappels de salaire et d' indemnités, à la résiliation du contrat de travail et au paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d' indemnités de rupture.

Par jugement en date du 13 juillet 2018, le conseil de prud'hommes de Bordeaux a :

- dit que M. [E] est fondé à percevoir une rappel d'indemnité au titre de congés payés supplémentaires,

- condamné la SAS Safir Dentaire au paiement d'une somme de 1 088,80 euros à titre de rappel de 9 jours de congés payés conventionnels sur le fondement de l'article 27 de la convention collective nationale du négoce en fournitures dentaires.

- dit que les manquements de non respect du salaire minimum conventionnel, de baisse et suppression unilatérale de la prime mensuelle, de non paiement de la prime d'ancienneté, de non paiement des commissions, de refus de fournir les éléments justificatifs des commissions, de refus d'accorder des jours de réduction du temps de travail, d'ambiance de travail délétère, d'inégalité de traitement avec les nouveaux commerciaux, de multiplication des pressions au rendement ne sont pas fondés ;

- dit que M. [E] ne caractérise aucun manquement grave de la part de la société employeur qui aboutirait à la résiliation judiciaire de son contrat de travail,

- débouté M. [E] de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et de ses demandes subséquentes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité compensatrice de préavis, d' indemnité compensatrice de congés payés afférents et d'indemnité conventionnelle de licenciement.

- débouté M. [E] du surplus de ses demandes,

- donné acte à la société du règlement intervenu en mars 2018 à M. [E] qui l'a accepté de la somme de 4 080,84 euros au titre de rappel de salaire ;

- condamné la société Safir dentaire aux entiers dépens.

Par déclaration au greffe du 27 juillet 2018, M. [E] a relevé appel de ce jugement sauf en ce qu'il a condamné la société au paiement de la somme de 1 088,27 euros.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 5 octobre 2018, M. [E] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société au paiement de la somme de 1 088, 80 euros au titre de rappel de congés payés et aux entiers dépens ;

- infirmer le jugement pour le surplus et :

1) sur l'exécution du contrat de travail, de condamner la société au paiement des sommes suivantes, au 31 août 2018 :

- à titre de rappels de salaire : 172 033,25 euros bruts,

- à titre d' indemnité de congés payés afférents : 17 203,33 euros,

- à titre de rappel d' indemnité compensatrice de congés payés : 10 414,15 euros bruts,

- à titre d' indemnité compensatrice de réduction du temps de travail : 92 023,58 euros bruts ou subsidiairement, à titre de dommages et intérêts pour défaut de contrôle du temps de travail du salarié la somme de 90 000 euros;

- à titre de rappel de salaire du mois de mai 2017 : 1 624,17 euros;

- à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail : 20 000 euros

2) sur la rupture du contrat de travail

- dire que le salaire mensuel brut reconstitué de M. [E] est égal à 4 840,40 euros bruts ;

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail au jour de l'arrêt ;

- condamner la société SAFIR Dentaire au paiement des sommes de :

- 160 000 euros nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

-14 521,20 euros à titre d' indemnité compensatrice de préavis ;

- 1 452,12 euros bruts à titre d' indemnité compensatrice de congés payés afférents,

- 76 271,25 euros à titre d' indemnité conventionnelle de licenciement,

3) sur les demandes finales

- ordonner à la société de rembourser à Pôle emploi Nouvelle Aquitaine les allocations d'aide au retour à l'emploi versées à M. [E] dans la limite de six mois d'indemnités sur le fondement de l'article L 1235-4 du code du travail ;

- dire que les condamnations de nature salariale porteront intérêts moratoires à compter du 29 mars 2016, date de la mise en demeure de la société employeur par M. [E], conformément à l'article 1153-1 du code civil, avec capitalisation des intérêts ;

- dire que les condamnations de nature indemnitaire porteront intérêts moratoires à compter de l'arrêt avec capitalisation des intérêts ;

- dire que ces condamnations seront également assorties d'une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt, que la cour se réservera le droit de liquider ;

- ordonner à la société de communiquer à M. [E] les bulletins de paie rectifiés, faisant notamment figurer la prime d'ancienneté jusqu'au 1er janvier 2016, ainsi que le solde de tout compte, le certificat de travail et l'attestation Pôle emploi corrigés,

- condamner la société au paiement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles tant en première instance qu'en appel,

- condamner la société aux entiers dépens.

Par ordonnance du 5 juin 2019, les conclusions de la société Safir Dentaire ont été déclarées irrecevables.

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux conclusions des parties pour l'exposé de leurs moyens.

MOTIFS

Les conclusions de la société intimée étant irrecevables, il revient à la cour d'examiner au vu des moyens d'appel, la pertinence des motifs par lesquels le premier juge s'est déterminé.

Pour l'essentiel, M. [E] dit avoir alerté en vain son employeur de difficultés liées à sa rémunération et à son temps de travail par lettre du 29 mars 2016 et reproche à ce dernier l'absence de progression de son salaire de base devenu inférieur aux minima conventionnels, la baisse décidée unilatéralement de sa prime mensuelle, des défauts de paiement de commissions et la privation de jours de réduction du temps de travail. Il considère que ces différents manquements justifient que soit prononcée la résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Les demandes de M. [E] seront successivement examinées.

Sur le rappel du salaire de base

M. [E] demande paiement de rappels de salaire depuis le mois de juin 2011 jusqu'au mois de mai 2018. Au cours de cette période, la convention collective nationale du négoce en fournitures dentaires a été modifiée par l'avenant du 14 février 2002, l'accord du 18 novembre 2014 et l'accord du 30 mai 2017.

Les bulletins de paie de M. [E] mentionnent son statut de cadre au coefficient 375.

L'avenant du 14 février 2002 est ainsi rédigé : le présent avenant modifie le 17ème avenant du 26 février 1999, les soussignés s'étant mis d'accord sur les augmentations portant sur les salaires de base aux niveaux ci- après, à partir du 1er janvier 2002 : cadres coefficient 375 salaire 1950 euros ;

L'accord du 18 novembre 2014 est ainsi rédigé : le présent avenant modifie l'avenant n°18 du 14 février 2002, les soussignés s'étant mis d'accord sur les augmentations portant sur les salaires de base aux niveaux ci- après, à partir du 1er janvier 2015.

La notion de salaire de base exclut les primes mais pas la variable du salaire de base telle que le commissionnement.

Cadres coefficient 375 : 2 500 euros.

Cet accord a été étendu par arrêté du 26 novembre 2015.

L'accord du 30 mai 2017 prévoit un salaire de 2 520 euros pour les cadres relevant du coefficient 375. Il a été étendu par arrêté du 26 décembre 2017 et est applicable à compter du 1er janvier 2018.

M. [E] fait valoir que :

- le salaire de base prévu par l'avenant du 14 février 2002 ne comprend ni les commissions ni les primes puisqu'il ne mentionne pas cette inclusion, tandis que l'accord du 18 novembre 2014 mentionne l'inclusion des commissions en contrepartie d'une augmentation significative des minima ;

- l'accord du 18 novembre 2014 n'est pas rétroactif ;

- l'accord du 18 novembre 2014 s'applique ici à compter du 1er janvier 2016 suite à son extension ministérielle publiée le 8 décembre 2015, la société ne justifiant pas être adhérente au COMIDENT, syndicat signataire de l'accord.

Le premier juge a estimé que le salaire de base défini par la convention collective est calculé en additionnant la rémunération fixe et la rémunération variable constituée par le commissionnement, que l'accord du 18 novembre 2014 n'établit pas que l'inclusion des commissions dans le salaire de base a été négocié en contrepartie d'une augmentation significative du minimum conventionnel, qu'il ne lui appartient pas d'interpréter la convention collective en y ajoutant des contreparties non mentionnées, que la rédaction des avenants de 2002 et 2014 est identique, que le salaire conventionnel applicable est de 1950 euros du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2014, de 2 225 euros du 1er janvier au 31 décembre 2015 et de 2 500 euros à compter du 1er janvier 2016, qu'à ces montants, il sera ajouté la prime d' ancienneté incorporée au salaire de base en vertu des dispositions relatives à celle- ci, qu'en conséquence, le salaire minimum applicable à M. [E] est de 2 301 euros du mois de juin 2011 à décembre 2014, de 2 625,50 euros du 1er janvier au 31 décembre 2015 et de 2 950 euros depuis le 1er janvier 2016, qu'au vu des bulletins de paie, aucun rappel de salaire n'est dû à M. [E]

M. [E] demandant paiement de rappel de salaire à compter du mois de juin 2011, il y a lieu d'examiner l'application de l'avenant du 14 février 2002. Ce texte ne mentionne que le salaire de base sans mentionner l'inclusion des commissions comme le fera plus tard l'accord du 28 novembre 2014 (sans que la cour doive expliquer les raisons ou contrepartie d'une telle inclusion). La cour ne peut y ajouter "rétroactivement" les commissions. Ensuite, cet avenant n'a été étendu qu'à compter du 1er janvier 2016 et il n'est pas établi que la société était adhérente du syndicat patronal signataire de l'accord. Les dispositions de l'avenant du 14 février 2012 s'appliqueront ici jusqu'au 31 décembre 2015.

Ensuite, les minima doivent être majorés de la prime d'ancienneté proportionnelle plafonnée à 18%.

Dès lors, le salaire minimum de base de M. [E] devait être de :

- 2 301 euros du 1er juin 2011 au 31 décembre 2015, les commissions et primes (sauf d' ancienneté) n'étant pas incluses ;

- 2 950 euros à compter du 1er janvier 2016, prime d'ancienneté et commissions incluses, ainsi que retenu dans le tableau coté 6 du salarié.

Le salaire minimum conventionnel étant fixé par mois, le différentiel portera sur les salaires mensuels perçus, sans égard pour le salaire annuel perçu.

M. [E] produit deux tableaux : le premier n'inclut pas les commissions perçues y compris à compter du 1er janvier 2016 et il ne peut être retenu à partir de cette date ; le second inclut les commissions depuis le mois de juin 2011 et ne peut être retenu jusqu'au 31 décembre 2015.

Au vu des bulletins de paie, la société qui a versé à M. [E] un salaire de base de

1 219,59 euros du mois de juin 2011 au mois de décembre 2015 au lieu du salaire majoré de 2 301 euros reste lui devoir 1 081,14 euros sur 4 ans et 7 mois soit 1 081,14 euros x 55 mois ou 59 462,27 euros et les congés payés afférents de 5 946,22 euros.

Sur la période du 1er janvier 2016 au 31 août 2018, la société devait verser à M. [E] un salaire majoré de 2 950 euros. Au vu des bulletins de paie, la société reste devoir une somme de 6 071,95 euros et les congés payés afférents de 607,19 euros.

Ces sommes seront réduites à hauteur de 4 080,84 euros correspondant au paiement effectué par la société devant le conseil de prud'hommes et porteront intérêts à compter de la saisine du conseil de prud'hommes du 6 juin 2016.

La prime mensuelle

M. [E] demande paiement d'un rappel de prime à hauteur totale de 8 765,76 euros et les congés payés afférents. Il fait valoir que l'employeur a unilatéralement réduit le montant de cette prime contractuellement prévue de 457,35 euros à 381,12 euros (soit un différentiel mensuel de 76,23 euros) avant de la supprimer en février 2017 puis d'avril à novembre 2017 et depuis le mois d' avril 2018.

Le premier juge a débouté M. [E] motifs pris que cette prime a "manifestement été modifiée en 1997", que M. [E] lui même a demandé paiement de la somme de 381,12 euros par lettre à son employeur datée d'octobre 2014 et que le doute ne saurait ici bénéficier au salarié.

Aux termes du contrat de travail, l'employeur s'est engagé à payer au salarié une prime mensuelle de 3 000 francs (457,35 euros) et les bulletins de paie confirment que la société n'a versé à M. [E] qu'un montant de 381,12 euros, aucun paiement n'étant effectué certains mois. Aucune pièce n'établit qu'un accord serait intervenu entre les parties pour réduire le montant de la prime contractuellement prévue et une demande antérieure de paiement d'une prime de 381,12 euros ne vaut pas renonciation au droit de réclamer paiement du montant prévu au contrat. Le jugement sera réformé de ce chef et la société sera condamnée à payer à M. [E] la somme réclamée de 8 765,76 euros majorée des congés payés afférents de 876,57 euros.

Les commissions

M. [E] fait valoir qu'il n'est pas au courant des achats réalisées par certains de ses clients entre deux visites, que l'employeur ne fournit plus de justificatifs des bases de calcul de ses commissions depuis 1996 et applique un taux inférieur aux taux prévus au contrat de travail (4%, 2%) de manière injustifiée voire le prive de toute commission en éditant des devis au nom d'un technicien commercial qui n'y a pas droit. Reprochant à la société de ne pas verser les comptes clients qui permettraient de vérifier le taux applicable sur les achats effectuées par ses clients, M. [E] demande paiement d'une somme de 87 000 euros- soit 1 000 euros par mois- majorée des congés payés afférents de 8 700 euros.

Le premier juge a débouté M. [E] de sa demande en se fondant sur les pièces alors versées et notamment sur l'annexe de chaque bulletin de paie portant le chiffre d'affaires réalisé par le salarié le mois précédent avec mention du nom du client et ventilation des commissions à 2% ou 4%.

Le contrat de travail de M. [E] prévoit une commission de 2% sur les ventes directes ou indirectes de matériel et de 4% sur les ventes directes ou indirectes de fournitures.

L' employeur est tenu à une obligation de transparence qui le contraint à communiquer au salarié les éléments servant de base au calcul des commissions et en cas de litige sur la partie variable de la rémunération, lorsque son calcul dépend d'éléments détenus par l' employeur, c'est à celui-ci qu'il appartient de les produire en vue d'une discussion contradictoire.

Les bulletins de paie ici produits ne sont pas accompagnés d'une annexe indiquant le chiffre d'affaires réalisé par M. [E] le mois précédent. Le salarié produit des devis facturés à des clients sans que son nom soit mentionné ou portant sur un montant inférieur à celui des factures correspondantes( Dr [S]), des devis mentionnant le nom d'un autre salarié ou un pourcentage ( 1,5%) inférieur au taux de commission prévu au contrat ( 2% voire 4% pour les fournitures), enfin, la société a appliqué un chiffre d'affaires minoré d'avoirs dont la réalité n'est pas établie.

Au regard des pièces versées et à défaut de tout justificatif de la part de l'employeur, la cour évalue à hauteur mensuelle de 50 euros le montant des commissions dues soit à la somme de 4 350 euros majorée des congés payés afférents soit 435 euros.

La prime d' ancienneté

M. [E] demande que la prime d'ancienneté figure sur une ligne distincte en se fondant sur les dispositions de l'accord du 18 novembre 2014 applicable jusqu'en juillet 2016.

Le premier juge a débouté M. [E] de sa demande en se reportant aux dispositions de l'avenant du 14 octobre 2015 selon lesquelles la prime d'ancienneté doit figurer à part sur le bulletin de paie à l'exception des entreprises qui appliquaient auparavant pour les cadres l'incorporation de la prime d'ancienneté dans le salaire de base au regard de l'ancienne rédaction de la convention collective et qui pourront en conséquence continuer à verser pour les cadres une rémunération globale sans distinguer sur les bulletins de paie la prime d'ancienneté, sous réserve que soit respecté le minimum conventionnel majoré de la prime d' ancienneté incluse.

Il sera fait droit à la demande de M. [E] dans la mesure où les dispositions de l'avenant du 14 octobre 2015, étendues par arrêté du 4 juillet 2016 n'ont été applicables à la société Safir dentaire -qui ne verse pas de pièce d'adhésion au syndicat patronal signataire- qu'à compter du 13 juillet 2016.

Les congés payés conventionnels

M. [E] demande paiement d'une indemnité compensatrice de congés payés conventionnels sur le fondement de l'article 27 de la convention collective qui prévoit deux jours ouvrables pour les employés ayant 20 ans d' ancienneté dans l'entreprise et trois jours ouvrables pour ceux ayant une ancienneté de 25 ans dans l'entreprise.

Le premier juge a fait partiellement droit à la demande de M. [E] à hauteur de 1 088, 80 euros en considérant que le salarié n'ignorait pas la convention collective dont il réclame l'application et qui est visée dans le contrat de travail et les bulletins de paie et dès lors une prescription de trois ans (années 2014, 2015 et 2016) soit 9 jours ou 63 heures au salaire horaire de 17,28€.

M. [E] estime que seule la prescription de vingt ans peut être appliquée parce qu'il n'avait pas été informé de ses droits et que deux jours de congés payés complémentaires sont applicables.

La convention collective du négoce en fournitures dentaires dont M. [E] demande l'application de l'article 27 est indiquée au contrat de travail et sur tous les bulletins de paie. M. [E] pouvait donc en avoir connaissance. Il ne peut demander l'application de la prescription de vingt ans. Les bulletins de paie ne mentionnent pas l'octroi de ces jours de congés payés supplémentaires qui lui seront dus - en vertu de la prescription triennale ayant couru depuis l'expiration de la période au cours de laquelle les congés payés devaient être pris- au titre des années 2014 à 2017 à raison de deux jours par an. La société sera condamnée à lui verser la somme de 2481,76 euros dont 1 088,27 euros accordés par le premier juge soit un solde de 1 393,49 euros.

L' indemnisation des RTT

M. [E] fait valoir qu'un accord de branche a été conclu le 19 juin 2000 relativement à l'aménagement et à la réduction du temps de travail et a été étendu par arrêté ministériel du 6 mars 2001 ; qu'aux termes de son article 7, devaient en bénéficier les cadres disposant d'une autonomie dans la gestion de leur temps de travail sur une base de 211 jours, cet aménagement leur donnant droit à 16 jours ouvrés de repos par an, qu'il n'a jamais bénéficié de ces dispositions alors que le contrat de travail ne prévoyait ni ses horaires ni la durée de son travail et qu'il travaille 50 heures par semaine. Selon M. [E], une convention de forfait jours avait bien été conclue entre les parties en 1992 alors qu'aucune convention individuelle n'était exigée.

Le premier juge a débouté M. [E] de sa demande au motif que la forfaitisation de la durée du travail doit faire l'objet d'une convention individuelle de forfait établie par écrit, que l'employeur n'a aucune obligation légale de la mettre en place y compris pour les cadres autonomes dans l'organisation de leur temps de travail et que M. [E] n'est pas fondé à s'en réclamer.

M. [E] ne peut demander le bénéfice d'une convention de forfait jours qui n'a jamais été conclue avec son employeur, l'absence de précision des horaires de travail et la mention de la convention collective n'y suppléant pas. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté le salarié de cette demande, aucun préjudice n'étant établi à ce titre.

M. [E] sera aussi débouté de sa demande tendant au paiement d'une somme de 90 000 euros pour défaut de contrôle de son temps de travail, en l'absence de préjudice établi.

Le salaire du mois de mai 2017

M. [E] sera débouté de sa demande en l'absence d'explications claires et exploitables de sa demande. Le jugement sera confirmé de ce chef.

L'exécution déloyale du contrat de travail

M. [E] demande paiement d'une indemnité en faisant état des manquements sus étudiés, des mauvaises conditions de travail ayant contraint des salariés à démissionner et à l'absence de délégués du personnel.

Il a été vu que la société n'a pas respecté le salaire minimum prévu à la convention collective, ne verse pas de documents établissant les bases de calcul des commissions dues à M. [E] n'a pas fait bénéficié celui-ci des jours de congés payés supplémentaires, le tout en dépit de la lettre de mise en demeure adressée le 29 mars 2016. L'employeur n'a pas exécuté le contrat de travail de bonne foi et cette situation qui a duré depuis plusieurs années a causé à M. [E] un préjudice qui sera réparé à hauteur de 1 000 euros.

La résiliation du contrat de travail

M. [E] fait valoir que les manquements de l'employeur, notamment dans l'exécution de son obligation de paiement du salaire, justifient le prononcé de la résiliation de son contrat de travail aux torts de l'employeur. Il demande paiement de dommages et intérêts et des indemnités de rupture.

Le premier juge a débouté M. [E] de cette demande aux motifs que les griefs allégués ne sont pas établis et que la société a régularisé les jours de congés payés supplémentaires.

L' article 1184 du code civil dans sa rédaction applicable au contrat de travail de M. [E], permet à ce dernier de demander la résiliation de ce dernier dès lors que sont établis des manquements de l'employeur, d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de la relation de travail.

Il a été vu que l'employeur n'a pas respecté les salaires minima fixés par la convention collective, a réduit unilatéralement sans justification apportée le montant de la prime mensuelle sur objectifs, ne permet pas à M. [E] de vérifier le calcul de ses commissions dont il le prive parfois de manière injustifiée. La société a convoqué M. [E] à un entretien préalable fixé le 23 février 2017( pièce 40) dont le salarié dit qu'il n'y a été donné aucune suite. L'attitude de la société a généré une méfiance justifiée de la part du salarié à l'égard de son employeur qui n'apporte aucune pièce établissant la normalisation de la relation salariale par la prise en compte des droits de son salarié. Devant le premier juge, la société a reconnu le départ du délégué du personnel sans remplacement immédiat. Aucune pièce n'est produite qui établirait que des élections ont été organisées qui permettent aux salariés dont M. [E] d'avoir l'écoute attentive nécessaire face à la direction dont l'attitude a causé le départ d'une ancienne salariée qui atteste de la dégradation des relations dans l'entreprise. La relation de travail ne peut être poursuivie dans ces conditions.

Pour ces raisons, la cour prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [E].

Cette rupture doit être indemnisée de la même manière qu'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. M. [E] a une ancienneté de 27 années et 8 mois, il est âgé de 57 ans. Son préjudice sera réparé à hauteur de 90 000 euros.

Le salaire mensuel rectifié de M. [E] est de 3 890 euros et les documents de rupture seront établis sur cette base.

L' indemnité compensatrice de préavis sera due à M. [E] à hauteur de 11 670 euros avec les congés payés afférents de 1167 euros et l'indemnité conventionnelle de licenciement s'élève à la somme de 64 574 euros nets en vertu de l' article 14 de le convention collective relative à l' indemnité de congédiement.

La société devra rembourser au pôle emploi l'équivalent des six premiers mois d'indemnités qui seront versées à M. [E].

Aucune astreinte ne sera ordonnée sur le paiement des sommes dues qui porteront intérêts de retard.

Vu l'équité, la société sera condamnée à payer à M. [E] la somme totale de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés dans le cadre des procédures de première instance et d'appel.

Succombant, la société supportera les entiers dépens des procédures de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement sauf en ce qu'il a donné acte à la SA SAFIR Dentaire du paiement de la somme de 4 080,84 euros, débouté M. [E] de ses demandes relatives à l'indemnisation des jours de RTT, au défaut de contrôle du temps de travail et au salaire du mois de mai 2017 et statuant à nouveau sur les autres chefs :

Condamne la SAS SAFIR Dentaire à payer à M. [E] les sommes suivantes :

- 59 462,27 euros et 5 946,22 euros au titre de rappel de salaire pour la période du mois de juin 2011 au mois de décembre 2015 ;

- 6 071,95 euros et 607,19 euros au titre de rappel de salaire pour la période du 1er janvier 2016 au 31 août 2018 ;

- 8 765,76 euros et 876,57 euros au titre de la prime mensuelle ;

- 4 350 euros et 435 euros au titre de rappel de commissions et congés payés afférents

- 2 481,76 euros au titre des jours de congés payés complémentaires comprenant la somme de 1 088, 80 euros allouée par le premier juge ;

- 1 000 euros au titre de l'exécution déloyale du contrat de travail ;

dont il sera déduit la somme de 4 080,84 euros versée par la société en cours de procédure.

avec intérêts à compter du 6 juin 2016 et capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1153 du code civil ;

Prononce la résiliation du contrat de travail de M. [E] ;

Condamne la SAS SAFIR dentaire à payer à M. [E] les sommes de :

- 90 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 11 670 euros et 1 167 euros à titre d' indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents ;

- 64 574 euros nets à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement ;

Ordonne à la SAS SAFIR Dentaire de délivrer à M. [E] les documents de fin de contrat et les bulletins de paie ( faisant figurer la prime d' ancienneté jusqu'au 1er janvier 2016) sur la base d'un salaire mensuel de 3 890 euros ;

Dit que la SAS SAFIR Dentaire devra rembourser au pôle emploi les six premiers mois d'indemnités qui seront versés à M. [E] ;

Condamne la SAS SAFIR Dentaire à payer à M. [E] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l' article 700 du code de procédure civile.

Condamne la SAS SAFIR Dentaire aux entiers dépens des procédures de première instance et d'appel.

Signé par Madame Catherine Rouaud-Folliard, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Catherine Rouaud-Folliard


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 18/04457
Date de la décision : 15/01/2020

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°18/04457 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-01-15;18.04457 ?
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