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07/01/2020 | FRANCE | N°19/02378

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 1ère chambre civile, 07 janvier 2020, 19/02378


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE



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ARRÊT DU : 07 JANVIER 2020



(Rédacteur : Béatrice PATRIE, présidente)





N° de rôle : N° RG 19/02378 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-K7ZA









SAS CHATEAU LYNCH BAGES



c/



SA CHATEAU ANGELUS

INSTITUT [5]

























Nature de la décision : AU FOND



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Notifié aux parties par LRAR le :





Grosse délivrée le :



aux avocats



Décision déférée à la cour : décision rendue le 28 mars 2019 par le Directeur Général de l'Institut [5] de [Localité 6] (OPP18-4104) suivant recours en date du 24 avril 2019





DEMANDERES...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 07 JANVIER 2020

(Rédacteur : Béatrice PATRIE, présidente)

N° de rôle : N° RG 19/02378 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-K7ZA

SAS CHATEAU LYNCH BAGES

c/

SA CHATEAU ANGELUS

INSTITUT [5]

Nature de la décision : AU FOND

Notifié aux parties par LRAR le :

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : décision rendue le 28 mars 2019 par le Directeur Général de l'Institut [5] de [Localité 6] (OPP18-4104) suivant recours en date du 24 avril 2019

DEMANDERESSE :

SAS CHATEAU LYNCH BAGES prise en la personne de son Président en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 4]

régulièrement convoquée par lettre recommandée avec accusé de réception

représentée par Maître Franck AUCKENTHALER, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Guillaume MARCHAIS de la SELARL MARCHAIS & ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de PARIS

DEFENDEURS :

SA CHATEAU ANGELUS prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 3]

régulièrement convoquée par lettre recommandée avec accusé de réception

représentée par Maître Hugo Tahar JALAIN, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître CHAMPANHET substituant Maître Gwendal BARBAUT, avocats plaidants au barreau de PARIS

INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIETE INDUSTRIELLE pris en la personne de son Directeur Général domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 1]

régulièrement convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception

représenté par Mme [P] [W], juriste, munie d'un pouvoir spécial

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 12 novembre 2019 en audience publique, devant la cour composée de :

Béatrice PATRIE, président,

Jean-Pierre FRANCO, conseiller,

Catherine BRISSET, conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Véronique SAIGE

Ministère Public :

L'affaire a été communiquée au Ministère Public qui a fait connaître son avis le 27 septembre 2019.

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE

La société [Adresse 2] (ci-après le [Adresse 2]) a déposé le 13 juillet 2018, la demande d'enregistrement n°4 468 987 portant sur le signe verbal ECHO D'ANGELUS, auprès de l'Institut [5] (ci-après l'INPI).

Ce signe est présenté comme destiné à distinguer les produits suivants : 'boissons alcoolisées (à l'exception des bières), cidres, digestifs (alcool et liqueurs); vins, spiritueux, extraits ou essences alcooliques'.

Le 1er octobre 2018, la société [Adresse 4] (ci-après le [Adresse 4]) a formé opposition à l'enregistrement de cette marque.

La marque antérieurement invoquée dans cet acte est la marque verbale de l'Union Européenne ECHO DE LYNCH BAGES déposée le 26 mars 2009, enregistrée sous le n°8 182 453 et régulièrement renouvelée.

Cet enregistrement porte sur les produits suivants : 'vins'.

L'opposition a été notifiée à la société déposante par courrier émis le 4 octobre 2018, sous le n°18-4104. Cette notification lui impartissait un délai pour présenter des observations en réponse à l'opposition.

La société [Adresse 2], titulaire de la demande contestée, a présenté des observations en réponse à l'opposition. Dans ses observations, elle a invité la société Lynch Bages, opposante, à produire des preuves d'usage de la marque antérieure. Suite à cette invitation qui lui a été notifiée le 17 décembre 2018, des pièces ont été fournies par l'opposant dans le délai imparti.

Le 31 janvier 2019, l'INPI a notifié aux parties un projet de décision établi au vu de l'opposition et des observations en réponse.

La société opposante a contesté le bien-fondé du projet de décision. La société déposante a présenté des observations en réponse à la contestation.

Par décision du 28 mars 2019, l'INPI a rejeté l'opposition.

Par courrier du 28 mars 2019, l'INPI notifiait cette décision aux parties et indiquait à la société opposante qu'elle disposait d'un délai d'un mois pour effectuer un recours à compter de la notification.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 24 avril 2019, enregistré au greffe le 25 avril 2019, le [Adresse 4] a formé un recours contre la décision rendue par l'INPI, reprochant à l'Institut d'avoir écarté tout risque de confusion entre les marques en cause.

Par mémoire en réponse transmis au greffe le 23 octobre 2019, le [Adresse 4] demande à la cour de :

- juger irrecevable le moyen d'irrecevabilité soulevé par la société [Adresse 2] intervenante volontaire,

- juger que l'opposition est bien recevable et qu'en conséquence la décision de Monsieur le Directeur de l'INPI attaquée est valable et recevable,

- juger que la demande de marque contestée Echo d'Angelus n°18 4 468 987 constitue l'imitation de la marque européenne antérieure ECHO DE LYNCH BAGES n°008 182 453 du fait des similitudes entre les produits visés par les marques ainsi qu'entre les signes, qu'il en résulte un risque de confusion pour le consommateur, que l'opposition formée à son encontre est donc fondée,

- annuler la décision attaquée en ce qu'elle a rejeté l'opposition formée l'encontre de la demande d'enregistrement contestée,

- réformer en conséquence la décision de Monsieur le Directeur de l'INPI et prononcer le rejet de la demande d'enregistrement de la marque Echo d'Angelus n°18 4 468 987.

Par mémoire transmis au greffe le 22 octobre 2019, le [Adresse 2] demande à la cour de :

Vu, notamment, les articles L.714-7 al. 1er, R.712-14, R.712-15 du code de la propriété intellectuelle,

Vu l'article 6-II de la décision n°2016-069 du Directeur Général de l'INPI,

- annuler partiellement la décision d'opposition du Directeur Général de l'INPI n°OPP 18-4104 du 28 mars 2019 en ce qu'elle a jugé l'opposition recevable au mépris des dispositions des articles précités,

A titre subsidiaire, si la décision de l'INPI n°OPP 18-4104 n'était pas annulée pour irrecevabilité de l'opposition :

- rejeter le recours formé par la société [Adresse 4] à l'encontre de la décision d'opposition du Directeur Général de l'INPI n°OPP 18-4104 du 28 mars 2019,

En conséquence,

- dire que la marque 'ECHO D'ANGELUS' n°18 4 468 987 peut accéder à l'enregistrement pour l'ensemble des produits et services qu'elle vise,

- condamner la société Lynch Bages à verser à la société [Adresse 2] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société [Adresse 4] aux entiers dépens.

Par courrier transmis au greffe le 14 octobre 2019, le directeur général de l'INPI a présenté ses observations, dans lesquelles il précise que :

Sur l'impression d'ensemble des signes :

- visuellement, même s'ils ont en commun la séquence ECHO D'(E), les signes ont une longueur et une physionomie différentes eu égard à leur séquence finale qui n'ont rien à avoir (LYNCH BAGES / ANGELUS) ;

- phonétiquement, les sonorités finales ne peuvent être confondues par le consommateur, même d'attention moyenne ;

- intellectuellement, l'INPI relève que l'expression ECHO D'ANGELUS fait référence au son produit par une cloche qui annonce aux chrétiens l'heure de la prière. Cette connotation religieuse est totalement absente de la marque antérieure ECHO DE LYNCH BAGES.

Sur l'absence de caractère dominant des termes ECHO D'(E) :

- le fait que la séquence ECHO soit placée en position d'attaque ne saurait lui conférer automatiquement un caractère prépondérant, d'autant que les termes auxquels elle est associée sont plus longs, en particulier dans la marque antérieure (LYNCH BAGES) ;

- le fait que les Châteaux Lynch Bages et Angelus soient connus dans le Bordelais pour leurs crus prestigieux, aurait selon l'INPI et contrairement à ce que prétend la société requérante, a pour effet d'exercer en priorité la fonction de la marque et permettrait au consommateur d'identifier l'origine commerciale des produits en cause et donc accroître la distinctivité des éléments LYNCH BAGES et ANGELUS, placés après la séquence ECHO D'(E).

Sur les autres facteurs invoqués :

- s'agissant de la renommée de la marque antérieure, l'INPI rappelle que cette circonstance ne constitue qu'un facteur d'aggravation du risque allégué, pour le cas où ce risque existe. Cette renommée ne dispense pas de rechercher s'il existe ou non un quelconque risque de confusion entre les deux signes en cause.

- même s'il convient de tenir compte de l'interdépendance des facteurs, cela ne dispense pas de démontrer un risque de confusion. Or, l'INPI s'est attaché à démontrer qu'il n'existe aucun risque que le consommateur attribue une origine commune aux signes en cause.

Par avis du 27 septembre 2019, le ministère public a requis la confirmation de la décision de l'INPI du 28 mars 2019, en ce qu'elle a rejeté l'opposition formée par le [Adresse 4].

L'affaire a été fixée à l'audience collégiale du 12 novembre 2019.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions écrites déposées en application de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité du recours incident présenté par la société Chateau Angelus tendant à l'annulation de la décision de monsieur le directeur de l'INPI

La société Chateau Angelus soulève dans son mémoire l'irrecevabilité de l'opposition formée par la société Chateau Lynch Bages sur le fondement des dispositions des articles R712-14 et R712-15 du code de la propriété intellectuelle et de l'article 6-II de la décision n°2016-069 du directeur de l'INPI qui imposent, sous peine d'irrecevabilité, les modalités selon lesquelles l'opposition doit être présentée. Elle fait valoir qu'il s'agit d'un moyen nouveau, certes invoqué initialement mais abandonné par la société Lynch Bages, ce que cette dernière ne conteste pas.

Il sera rappelé, ainsi que le soutient, à juste titre, l'INPI que tout recours contre une décision de l'INPI, doit être formé dans les conditions et délais prévus par les articles R.411-20 et 411-21 du code de la propriété intellectuelle, et que les contestations incidentes présentées à l'occasion d'un recours formé par l'autre partie sont irrecevables. Ainsi, le recours présenté contre une décision de l'INPI, qui n'est pas un recours de plein contentieux se trouve dépourvu de tout caractère dévolutif.

Le recours incident présenté par la société Chateau Angelus tendant à l'annulation de la décision du directeur de l'INPI sera déclaré irrecevable.

Sur la comparaison des produits

La société Lynch Bages soutient que la demande d'enregistrement contestée désigne des produits identiques et similaires à ceux de la marque antérieure dont elle est titulaire.

La société Chateau Angelus soutient pour sa part que si certains des produits couverts par les signes en conflit sont identiques, ce n'est pas le cas de tous les produits.

Or, la demande de marque formée par la société Angelus porte sur les produits suivants : « Boissons alcoolisées (à l'exception des bières) ; cidres, digestifs (alcools et liqueurs) ; vins ; spiritueux, extraits ou essences alcooliques ». La marque antérieure invoquée par la société Lynch Bages vise les « vins » (classe 33).

C'est donc à juste titre que l'INPI a pu considérer que les « vins » de la demande d'enregistrement contestée se retrouvent à l'identique dans le libellé de la marque antérieure, et que l'ensemble de ces produits relèvent de la catégorie des boissons alcoolisées, de la sorte que ces produits présentent la même nature, fonction et destination et ce, indépendamment de leur teneur en alcool, et sont commercialisés, contrairement à ce que prétend la société Chateau Angelus dans des points de vente similaires (cavistes, magasins spécialisés dans la vente de boissons alcoolisées, rayons proches des grandes surfaces).

Sur la comparaison des signes

La société Lynch Bages reproche au directeur de l'INPI d'avoir écarté tout risque de confusion ou d'association entre les signes en cause. Elle fait valoir des ressemblances visuelles, phonétiques et conceptuelles.

La société Lynch Bages indique, notamment, que les deux marques sont des signes verbaux, sans typographie particulière et longs, débutant par la même architecture ECHO DE (D'), ce qui très caractéristique, suivi de l'évocation d'un grand château bordelais. La société opposante souligne également les ressemblances phonétiques, qui selon elle, sont significatives, les deux termes « LYNCH BAGES » et « ANGELUS » se caractérisant par la présence d'une séquence à la prononciation nasale (« YN » se prononçant « IN ») et de la consonne « G » à la consommation douce caractéristique « J », avec un même rythme. La société opposante considère également que le pouvoir évocateur des signes est exactement le même, puisqu'ils font tous deux référence à un écho, c'est-à-dire à la notion de réflexion du son, qui en l'occurrence, correspond au concept du second vin d'un château bordelais prestigieux.

Or, le signe critiqué ne constituant pas la reproduction identique de la marque première qui lui est opposée, il convient de rechercher s'il existe un risque de confusion en ces deux signes, lequel doit s'apprécier globalement en tenant compte des facteurs pertinents du cas d'espèce. A cet égard, cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur une impression d'ensemble produite par celles-ci en tenant compte de leurs éléments distinctifs dominants.

Au cas d'espèce, s'il est possible de considérer que les deux marques disposent d'une architecture commune, reposant, notamment sur un terme d'attaque identique (« ECHO DE ou ECHO D' »), faisant référence communément à la notion de réflexion du son, et évoquant l'idée du second vin du château bordelais auquel il s'attache, il n'apparaît pas pertinent pour des raisons identiques, d'admettre que ce terme d'attaque présente un caractère déterminant de nature à créer la confusion dans l'esprit du consommateur de référence, le terme « ECHO » fonctionnant ici comme un élément d'appel visant à inciter le consommateur à s'interroger sur le château auquel il se trouve lié par une préposition. Sur ce point, les marques en conflit amènent nécessairement la clientèle à constater que l'origine des deux vins n'est pas identique, puisque les deux châteaux en cause ne sont pas situés sur le même terroir viticole, [Adresse 4] étant un Grand Cru du Bordelais sis à [Localité 7], tandis que [Adresse 2], est un grand cru classé de [Localité 8], la notoriété s'attachant à chacun de ces vins étant de nature à renforcer la distinctivité des produits en cause.

Il résulte donc de ces considérations que nonobstant l'identité ou la similarité des produits, les signes en présence produisent une impression d'ensemble qui exclut tout risque de confusion, le consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé n'étant pas conduit à confondre, voire à associer les deux signes et à leur attribuer une origine commune.

Le recours formé par la société [Adresse 4] sera rejeté.

Sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

L'équité commande de condamner la société [Adresse 4] à payer à la société [Adresse 2] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il n'y a pas de dépens en cette matière.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

DECLARE IRRECEVABLE le recours incident présenté par la société [Adresse 2] ;

REJETTE le recours formé par la société [Adresse 4] à l'encontre de la décision du directeur général de l'Institut [5] n°OPP-18-4104 en date du 28 mars 2019 ;

CONDAMNE la société [Adresse 4] à payer à la société [Adresse 2] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

DIT n'y avoir lieu à dépens ;

DIT que le présent arrêt sera notifié par le greffe aux parties et au directeur général de l'Institut [5] par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception ;

Le présent arrêt a été signé par Madame Béatrice PATRIE, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre civile
Numéro d'arrêt : 19/02378
Date de la décision : 07/01/2020

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 1A, arrêt n°19/02378 : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-01-07;19.02378 ?
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