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07/01/2020 | FRANCE | N°17/05983

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 3ème chambre famille, 07 janvier 2020, 17/05983


COUR D'APPEL DE BORDEAUX





TROISIÈME CHAMBRE CIVILE





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ARRÊT DU : 07 JANVIER 2020





(Rédacteur : Françoise ROQUES, Conseiller)








N° RG 17/05983 - N° Portalis DBVJ-V-B7B-KDB4














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aux avocats


Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 septembre 2017 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Bordeaux (RG n° 13/00870) suivant déclaration d'appel du 25 octobre 2017





APPE...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

TROISIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 07 JANVIER 2020

(Rédacteur : Françoise ROQUES, Conseiller)

N° RG 17/05983 - N° Portalis DBVJ-V-B7B-KDB4

T... J...

F... L...

c/

A... L...

V... Q...

C... L...

Nature de la décision : AU FOND

28A

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 septembre 2017 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Bordeaux (RG n° 13/00870) suivant déclaration d'appel du 25 octobre 2017

APPELANTS :

T... J...

née le [...] à SAINT-PALAIS

de nationalité Française,

demeurant [...]

F... L...

né le [...] à BLAYE (Gironde)

de nationalité Française,

demeurant [...]

représentés par Maître Alexis GAUCHER-PIOLA, avocat au barreau de LIBOURNE

INTIMÉS :

A... L...

né le [...] à BLAYE (33)

de nationalité Française,

demeurant [...]

représenté par Maître Pierre FONROUGE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX

V... Q...,

demeurant [...]

C... L...,

né le [...] à BLAYE (33)

de nationalité Française,

demeurant [...]

représentés par Maître Anne-laure BRUN, avocat au barreau de LIBOURNE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 22 octobre 2019 hors la présence du public, devant la Cour composée de :

Président : Danièle PUYDEBAT

Conseiller: Marie-Dominique BOULARD-PAOLINI

Conseiller : Françoise ROQUES

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Odile TZVETAN

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 al. 2 du code de procédure civile.

********************

M. X... L... est décédé le 10 juillet 2007 laissant pour lui succéder son épouse Mme T... J... et ses trois fils, A... L... né en [...], C... L... né en [...] et placé sous tutelle en octobre 2011 et F... L... né en [...].

M.et Mme L..., qui étaient mariés sous le régime de la communauté de biens meubles et d'acquêts, avaient procédé aux donations suivantes :

- le 11 février 1997, donation par M. X... L... au profit de M. A... L... de la nue-propriété d'un immeuble lui appartenant situé à [...] ,

- le 1er février 2000, donation par les époux L... au profit de M. A... L..., de la pleine propriété de biens propres à M. X... L..., et de biens dépendant de la communauté constitués par diverses parcelles de vignes,

- le 30 mars 2001, donation par M. X... L... au profit de M. A... L... de l'usufruit d'un immeuble situé à Saint-Ciers-sur-Gironde (dont la nue propriété lui a été donnée par acte du 11 février 1997),

- le 19 mai 2004, donations au profit de M. C... L... et de M. F... L...,

- le 17 décembre 2005, don manuel de la somme de 60 000 euros au profit de M. F... L....

Par ailleurs, par acte en date du 24 mars 1995, le père de famille et ses fils A... et F... L... ont constitué une exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) dénommée [...], dont le capital était de 16 831 parts, soit 1683 100 francs, un bail rural authentique ayant été consenti par les époux L... à l'EARL.

Par acte du 13 août 1997, les époux L... ont cédé à A... L... 4 233 parts sociales et à F... L... 4 525 parts sociales. Puis, par acte en date du 31 décembre 1997, ils ont donné à leur fils A... la pleine propriété de 208 parts sociales de cette société et à leur fils F... celle de 3 416 parts.

Par acte du 1er février 2000, M. A... L... souhaitant se retirer de l'EARL, les associés ont procédé à une réduction du capital social en contrepartie de laquelle M. A... L... a perçu la valeur nette de ses parts, outre le remboursement de son compte courant d'associé.

Par acte en date du 27 juillet 2006, M.et Mme L... ont procédé à une nouvelle donation par préciput et hors part au profit de M. F... L... :

- de la nue-propriété pour y réunir l'usufruit au décès du survivant des donateurs de

3 220 parts sociales en nue-propriété leur appartenant dans l'EARL [...] ,

- de 22 609 parts sociales en pleine propriété leur appartenant dans l'EARL alors composée de 32 199 parts.

Après le décès du père de famille, et par acte en date du 29 décembre 2009, M. A... L... a fait assigner sa mère, Mme T... J..., et ses frères, F... L... et C... L... en partage judiciaire du régime matrimonial ayant existé entre les époux et de la succession du défunt.

Par jugement du 19 septembre 2011, le tribunal de grande instance de Bordeaux a ordonné le partage de la communauté et de la succession et désigné le président de la chambre des notaires de la Gironde aux fins de procéder à ces opérations, lequel a délégué Me I... R..., notaire à [...].

Un procès-verbal d'ouverture des opérations de liquidation de la communauté et de la succession a été dressé par Me R... le 21 novembre 2012.

Sur requête de M.A... L... en date du 7 janvier 2013, les parties ont été convoquées par le juge commis. Un procès-verbal de conciliation a été établi le 12 mars 2013 aux termes duquel M.P... a été désigné en qualité d'expert aux fins d'évaluer les immeubles et terres agricoles dépendant de la communauté ayant existé entre M. X... L... et Mme T... J... et de donner son avis sur la valeur de chacun des biens donnés et présents dans la succession, y compris des parts sociales de la société [...], tant à l'époque du décès de M. X... L... qu'au jour de l'expertise.

Le rapport d'expertise a été déposé le 10 février 2014.

Par acte du 11 décembre 2015, M. A... L... a fait assigner sa mère et ses deux frères aux fins notamment d'homologuer le rapport d'expertise.

Par acte du 17 juillet 2015, M. A... L... a fait assigner M. V... Q... en qualité de tuteur aux biens de M. C... L....

Par jugement du 26 septembre 2017, le tribunal de grande instance de Bordeaux a principalement

- homologué le rapport d'expertise judiciaire de M. P...,

- débouté M. A... L... de ses autres demandes,

- renvoyé les parties devant Maître I... R..., notaire délégué par le président de la chambre départementale des notaires, afin qu'il soit procédé aux opérations de liquidation et partage de la communauté ayant existé entre Mme T... J... et M.X... L... et de la succession de celui-ci,

- condamné M. A... L... à payer à Mme T... J... et M. F... L... d'une part et à M. C... L... représenté par M. V... Q..., agissant en qualité de mandataire judiciaire aux biens, une somme de 1 500 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné M. A... L... aux dépens.

Procédure d'appel

Par déclaration du 25 octobre 2017, Mme T... J... et M. F... L... ont, selon les termes de cette déclaration, relevé « appel partiel à l'encontre du chef du jugement homologuant le rapport d'expertise ». M. A... L... a formé appel incident.

Dans leurs dernières conclusions du 19 décembre 2018, Mme T... J... et M. F... L... demandent à la cour d'infirmer partiellement le jugement dont appel et de :

- dire prescrite la demande de réduction des libéralités,

- avant-dire droit, désigner tel expert qu'il plaira avec mission de fixer la valeur des parts sociales de l'EARL [...] à la date de l'arrêt à intervenir comme étant la date la plus proche du partage ainsi qu'au jour du décès selon leur valeur de base au jour des donations, et à titre subsidiaire, dire que la valeur comptable de la part de l'EARL ressort du bilan à 17,263 euros,

- débouter M.A... L... de l'ensemble de ses demandes, en ce compris ses demandes incidentes tendant à des attributions préférentielles forcées ainsi que ses demandes indemnitaires ou à titre de soulte,

- condamner M. A... L... à leur payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction, pour ceux d'appel, au profit de Maître Gaucher-Piola.

Dans ses dernières conclusions du 15 novembre 2018, M. A... L... demande à la cour de confirmer le jugement entrepris uniquement en ce qu'il a homologué le rapport d'expertise et de :

prononcer la liquidation et le partage de la communauté matrimoniale et de la succession de M. X... L...,

attribuer les vignes à M. F... L...,

attribuer l'appartement de Toulouse à M.C... L...,

condamner M. F... L... à l'indemniser à hauteur de 583 052 euros,

condamner M. F... L... à indemniser C... L... à hauteur de 379 869 euros,

condamner M. F... L... à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

condamner M. F... L... aux entiers dépens en ce compris les frais d'expertise.

Dans ses dernières conclusions du 4 octobre 2019, M. V... Q..., en qualité de tuteur de M. C... L..., demande à la cour de :

prendre acte qu'il s'en remet à l'appréciation souveraine de la cour,

prendre acte qu'il ne peut acquiescer à une proposition d'attribution de bien immobilier

dans son lot, sans le soumettre au juge des tutelles, une fois que l'ensemble des conditions du partage seront fixées judiciairement,

condamner la partie succombant à lui payer la somme de 1 500 euros sur le

fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie aux conclusions des parties pour l'exposé de leurs moyens.

L'ordonnance de clôture est datée du 8 octobre 2019.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'action en réduction

Pour la première fois en appel, les appelants soutiennent que l'action en réduction intentée par M.A... L... est prescrite car exercée plus de cinq ans après le décès de M. X... L... (intervenu le 10 juillet 2007) et plus de deux ans après la découverte de la prétendue atteinte à la réserve, découverte qui doit être fixée à la date du dépôt du rapport d'expertise, soit le 7 février 2014.

A cet effet, ils retiennent que l'assignation délivrée le 29 décembre 2009 par M. A... L... n'avait pas pour objet de demander la réduction des libéralités et que dans son assignation du 11 décembre 2015, M.A... L... n'avait pas expressément formulé une demande de réduction.

M. A... L... rétorque que son assignation délivrée le 11 décembre 2015 avait bien pour objet de mettre en exergue l'atteinte portée à sa réserve héréditaire et à celle de son frère C....

Selon l'article 921 du code civil la réduction des dispositions entre vifs ne pourra être demandée que par ceux au profit desquels la loi fait la réserve, par leurs héritiers ou ayants cause : les donataires, les légataires, ni les créanciers du défunt ne pourront demander cette réduction, ni en profiter.

Le délai de prescription de l'action en réduction est fixé à cinq ans à compter de l'ouverture de la succession, ou à deux ans à compter du jour où les héritiers ont eu connaissance de l'atteinte portée à leur réserve, sans jamais pouvoir excéder dix ans à compter du décès.

Et selon l'article 2241 alinéa 1er du code civil la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion.

Il y a lieu de rappeler qu' après le décès du père de famille, et par acte en date du 29 décembre 2009, M. A... L... a fait assigner sa mère et ses deux frères en partage judiciaire du régime matrimonial des époux et de la succession de son père.

Par acte du 11 décembre 2015, M.A... L... a fait assigner Mme T... J..., M. C... L... et M. F... L... aux fins notamment d'homologuer de rapport d'expertise déposé en février 2014 et de « statuer dans les conditions de la loi, sous les donations qui apparaissent occultent, ainsi que celles rapportables par préciput ou celles qui auront pu affecter la succession du de cujus et en tirer toutes conséquences de droit ».

Contrairement à ce que soutiennent les appelants, tant l'assignation du 29 décembre 2009 que celle du 11 décembre 2015 (laquelle était d'ailleurs inutile dans la mesure où il s'agissait d'une seule et même action en partage judiciaire qui n'était pas arrivée à son terme) éclairées par le procès-verbal de difficultés, traduisent effectivement la volonté de M.A... L... de voir procéder à la réduction de l'ensemble des libéralités excessives qui auraient été consenties par le défunt.

Aussi la prescription de l'action en réduction a été interrompue dès le 29 décembre 2009. En conséquence, Mme T... J... et M. F... L... seront déboutés de leur fin de non recevoir invoquée au stade de l'appel. Le jugement entrepris sera complété sur ce point.

Sur la demande principale de complément d'expertise

Le tribunal de grande instance a homologué le rapport d'expertise judiciaire en dépit de la contestation élevée par les défendeurs qui critiquaient les valorisations de l'expert. Les premiers juges ont estimé que ces derniers n'avaient en aucune manière indiqué les raisons de leur contestation et que si les défendeurs avaient sollicité un abattement de 30 % sur la valorisation de l'exploitation viticole en raison de l'existence d'un bail à ferme, l'expert avait précisément tenu compte d'un tel abattement pour les parcelles incluses dans le contrat de métayage à long terme.

Contestant l'analyse des premiers juges sur leur prétendue absence de critique concrète du rapport d'expertise et constatant notamment que le sapiteur avait évalué les parts sociales de l'EARL seulement en 2007 et en 2012, M. F... L... et Mme T... J... sollicitent un complément d'expertise au visa des articles 922 et 924-2 du code civil, faisant valoir aussi que l'évaluation des parts sociales en 2012 n'a aucune cohérence avec la valeur des parts sept ans plus tard et a fortiori avec la valeur des parts au jour du plus proche du partage.

Ils ont en définitive fait valoir qu'un complément d'expertise s'imposait en vue de :

- déterminer la valeur des parts au jour du décès dans leur état au jour de la donation afin d'évaluer la masse de calcul,

- déterminer la valeur des parts au jour du partage dans leur état au jour de la donation afin de calculer l'indemnité de réduction.

M. A... L... sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a homologué totalement le rapport d'expertise, affirmant que les appelants invoquent des arguments inopérants avec pour unique objectif de gagner du temps.

Selon l'article 922 du code civil la réduction se détermine en formant une masse de tous les biens existant au décès du donateur ou testateur.

Les biens dont il a été disposé par donation entre vifs sont fictivement réunis à cette masse, d'après leur état à l'époque de la donation et leur valeur à l'ouverture de la succession, après qu'en ont été déduites les dettes ou les charges les grevant. Si les biens ont été aliénés, il est tenu compte de leur valeur à l'époque de l'aliénation. S'il y a eu subrogation, il est tenu compte de la valeur des nouveaux biens au jour de l'ouverture de la succession, d'après leur état à l'époque de l'acquisition. Toutefois, si la dépréciation des nouveaux biens était, en raison de leur nature, inéluctable au jour de leur acquisition, il n'est pas tenu compte de la subrogation.

On calcule sur tous ces biens, eu égard à la qualité des héritiers qu'il laisse, quelle est la quotité dont le défunt a pu disposer ».

Et selon l'article 924-2 du code civil le montant de l'indemnité de réduction se calcule d'après la valeur des biens donnés ou légués à l'époque du partage ou de leur aliénation par le gratifié et en fonction de leur état au jour où la libéralité a pris effet. S'il y a eu subrogation, le calcul de l'indemnité de réduction tient compte de la valeur des nouveaux biens à l'époque du partage, d'après leur état à l'époque de l'acquisition. Toutefois, si la dépréciation des nouveaux biens était, en raison de leur nature, inéluctable au jour de leur acquisition, il n'est pas tenu compte de la subrogation .

La mesure d'expertise doit être la plus complète possible aux fins de permettre effectivement la mise en oeuvre des articles 922 et 924-2 du code civil selon lesquels

et par application combinée de ces deux textes, pour déterminer la masse de calcul, les biens dont il a été disposé par donation entre vifs sont fictivement réunis à cette masse, d'après leur état à l'époque de la donation.

Leur valeur à l'ouverture de la succession et l'indemnité de réduction se calculent d'après la valeur des biens donnés à l'époque du partage.

En l'espèce M.P... a déposé un rapport argumenté et rigoureux de 40 pages, valorisant d'une part les biens immobiliers appartenant à l'EARL, valorisant les biens immobiliers donnés aux trois enfants, valorisant l'appartement de Toulouse et les parcelles de communauté ou propres et d'autre part évaluant les parts de l'EARL [...] par l'entremise d'un sachant, le tout précédé d'un pré-rapport afin de susciter les observations des parties, auxquelles il a été répondu.

Il échet de retenir, qu'excepté l'évaluation des parts sociales de la dite EARL, les autres points du rapport ne sont pas contestés par les appelants.

Il sera rappelé qu'en l'espèce et conformément à la mission qui lui a été confiée, M.D..., sapiteur, a donné son avis sur la valeur des parts de la société [...] EARL tant à l'époque du décès de X... L... survenu le 10 juillet 2007 qu'au jour de l'expertise.

Ce dernier n'avait pas à évaluer les biens dans leur état au jour des donations, notamment celle intervenue en 1997.

De plus Mme T... J... et M. F... L... limitent leur contestation à l'estimation de certaines composantes de l'EARL (bâtiments, droits de plantation, stocks de vins, matériels) en s'appuyant sur l' analyse succinte établie par un expert foncier agricole du 5 janvier 2018 et du rapport du CER, mais sans jamais démontrer un changement de l'état du bien imputable soit à l'activité du donataire soit à une modification du patrimoine social entre 1997 et aujourd'hui, quand bien même il a été procédé dans l'intervalle à une réduction du capital.

Comme par ailleurs la société, longtemps gérée par le père de famille, a poursuivi une activité selon les caractéristiques initiales ( exemple : pas de nouvelles plantations de vignes, les dernières plantations étant intervenues en 1995 avant la donation), il y a lieu de retenir que l'état des parts sociales n'a pas évolué entre l'année 1997, l'année 2006 et le jour du décès, et peu importe à cet égard que les bonifications ultérieures n'aient pas été déduites des valeurs finales, s'agissant d'une gestion normale de la société.

Par ailleurs, les appelants ne versent aucune pièce comptable de l'EARL permettant de justifier que la valeur des parts a évolué entre 2012 et la date du partage.

Il s'ensuit que la demande d'un complément d'expertise sera rejetée comme non justifiée.

Sur la demande subsidiaire de fixation de la valeur des parts de l'EARL en 2007 à la somme de 17,26 euros

Reprenant leur unique dire du 10 janvier 2014, Mme T... J... et M. F... L... contestent l'évaluation des bâtiments, du matériel et notamment des barriques, des stocks de vins et des plantations (annexe VII au rapport du sapiteur).

Ils estiment en définitive que la valeur de la part sociale doit être retenue, non pas selon l'évaluation prétendûment erronée du sapiteur, mais selon la valeur comptable au vu du bilan 2007 soit la somme de 17,26 € la part.

Il y a lieu de rappeler qu'une valeur comptable n'est pas en soi significative dès lors que cela reste une valeur théorique intégrant les amortissements et les immobilisations.

D'ailleurs lors de la dernière donation au profit de F... L..., l'expert comptable en charge de l'évaluation de la société (et consécutivement des parts sociales) a expliqué (pièce n°12 de l'intimé ) qu'il y avait lieu de prendre en compte certains biens pour leur valeur vénale et non pour leur valeur comptable, laquelle n'était pas significative (sic).

Le sapiteur a eu la même démarche en qu'il a estimé la valeur de la part de l'EARL indépendamment de la seule valeur comptable.

Le sapiteur établit ainsi la valeur de la part à 35,03 € en 2007 et à 48,59 € en 2012, ce qui est critiqué par les demandeurs au prétexte avancé qu'une augmentation selon eux de 140% de la valeur de la part en 10 ans est incohérente.

En préambule il s'impose d'observer que cette comparaison des appelants n'est pas pertinente compte tenu de l'évolution du capital et du nombre de parts de la société.

Il convient par ailleurs d'analyser les quelques critiques de fond relatives aux estimations du sapiteur.

S'agissant d'abord des bâtiments, le sapiteur a repris l'évaluation retenue par l'expert M. P..., refusant de prendre en compte la valeur comptable des immeubles, après déduction de l'amortissement.

L'affirmation par les appelants selon laquelle l'évaluation de l'expert serait supérieure au coût de la construction pour des bâtiments de grandes dimensions, qui a pour objectif de retenir une valeur après amortissement, n'est pas de nature à remettre en cause l'évaluation retenue par l'expert.

S'agissant ensuite des matériels, les appelants reprochent essentiellement à l'expert d'avoir valorisé des barriques de plus de quatre ans, qui seraient selon eux dépourvues de toute valeur vénale.

Or l'expert a relevé qu' « il est rarissime que des barriques achetées neuves, soient détruites au bout de 4 ans ». Ce dernier a donc justifié avoir réévalué à un taux moyen de 10,84 % l'ensemble du matériel, incluant les barriques, par rapport à la valeur comptable.

S'agissant des stocks de vin, prenant en compte les dires de Mme T... J... et M. F... L..., l'expert a réévalué à la baisse leur valeur entre le pré-rapport et de rapport définitif.

Aujourd'hui les appelants ne contestent pas qu'en 2007, des stocks importants de vins existaient mais estiment que ceux-ci étant en vrac dans le chai, ils n'avaient aucune valeur.

Se basant sur le chiffre d'affaire de la société, en prenant en compte le vin vendu en vrac et celui vendu en bouteille, l'expert a justifié son évaluation, laquelle est largement inférieure à celle des stocks au 31 juillet 2005 (pièce n° 12 A...), et que la comparaison avec la valeur moyenne des mercuriales, valeur proposée par les appelants, est insuffisante à remettre en cause.

S'agissant enfin des droits de plantations, M. D... a admis qu'une évaluation différente de la sienne, basée sur le coût des plantations puisse être retenue et avait invité le conseil de Mme T... J... et M. F... L... à lui faire une proposition. Ces derniers proposent aujourd'hui de retenir la valeur nette comptable des plantations (après amortissement), méthode qui pourrait être effectivement retenue dans la mesure où elle correspond à la méthode de calcul utilisée en mai 2006 par le CER de Gironde.

Cependant en l'absence de saisine de la cour en ce sens dans le dispositif des conclusions des demandeurs, lesquels se contentent de voir dire que la valeur comptable au bilan 2007 ressort à la somme de 17,263 € la part , il n' y a pas lieu de statuer sur la valeur de la part de l'EARL en 2007 et en 2012.

Sur la demande subsidiaire de prononcer la liquidation et le partage et l' attribution des lots

Comme l'ont justement rappelé les premiers juges, le jugement du 19 septembre 2011 rendu par le tribunal de grande instance de Bordeaux ayant déjà ordonné le partage de la communauté et de la succession de M. X... L..., il n'y a pas lieu de l'ordonner à nouveau.

Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.

Selon l'article 1375 du code de procédure civile le tribunal statue sur les points de désaccord.

Il homologue l'état liquidatif ou renvoie les parties devant le notaire pour établir l'acte constatant le partage.

En cas d'homologation, il ordonne s'il y a lieu le tirage au sort des lots par la même décision, soit devant le juge commis, soit devant le notaire commis ».

Outre qu'aucun état liquidatif n'est versé au débat, il n'appartient pas au juge de se prononcer sur la répartition des lots entre les cohéritiers.

Les lots devront être constitués à l'amiable ou à défaut, après homologation de l'état liquidatif, être répartis entre les héritiers par tirage au sort, sous réserve des éventuelles attributions préférentielles.

M. A... L... sera donc débouté de ses demandes d'attribution de lots.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Il n'y a pas lieu de revenir sur l'arbitrage retenu par le tribunal de grande instance concernant les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de partage.

Il n'y a pas lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, après rapport fait à l'audience,

Déboute Mme T... J... et M. F... L... de leur fin de non recevoir fondée sur la prescription de l'action en réduction,

Rejette leur demande au titre d'un complément d'expertise ;

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en appel ;

Dit que les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de partage.

L'arrêt a été signé par Danièle PUYDEBAT, Présidente et par Odile TZVETAN, greffier auquel elle a remis la minute signée de la décision

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre famille
Numéro d'arrêt : 17/05983
Date de la décision : 07/01/2020

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 06, arrêt n°17/05983 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-01-07;17.05983 ?
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