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07/01/2020 | FRANCE | N°16/03459

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 3ème chambre famille, 07 janvier 2020, 16/03459


COUR D'APPEL DE BORDEAUX





TROISIÈME CHAMBRE CIVILE





--------------------------











ARRÊT DU : 07 JANVIER 2020





(Rédacteur : Françoise ROQUES, Conseiller)








N° RG 16/03459 - N° Portalis DBVJ-V-B7A-JH63














A... Y...





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R... I... G... T...



























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Nature de la décision : AU FOND











20J





Grosse délivrée le :





aux avocats


Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 mai 2016 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Bordeaux (cabinet 1 , RG n° 11/06105) suivant déclaration d'appel du 26 mai 2016








APPELANTE :





A... Y.....

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

TROISIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 07 JANVIER 2020

(Rédacteur : Françoise ROQUES, Conseiller)

N° RG 16/03459 - N° Portalis DBVJ-V-B7A-JH63

A... Y...

c/

R... I... G... T...

Nature de la décision : AU FOND

20J

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 mai 2016 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Bordeaux (cabinet 1 , RG n° 11/06105) suivant déclaration d'appel du 26 mai 2016

APPELANTE :

A... Y...

née le [...] à BORDEAUX (33000)

de nationalité Française

demeurant [...] Chez Mme N... - [...]

Représentée par Maître Véronique VOUIN de la SELARL VÉRONIQUE VOUIN, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉ :

R... I... S... T...

né le [...] à BORDEAUX (33200)

de nationalité Française

demeurant [...]

Représenté par Maître Hélène TERRIEN-CRETTE, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 19 novembre 2019 hors la présence du public, devant la Cour composée de :

Président : Françoise ROQUES

Conseiller: Gérard PITTI

Conseiller : Alain DESALBRES

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Odile TZVETAN

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 al. 2 du code de procédure civile.

Monsieur David et Madame Y... se sont mariés le [...] à Bordeaux (33), sans contrat de mariage préalable.

De cette union sont issus deux enfants :

- M..., née le [...] ,

- D..., née le [...] , toutes deux majeures et autonomes.

Par ordonnance de non conciliation en date du 10 novembre 2011, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Bordeaux a fixé la résidence séparée des époux et a statué sur les mesures provisoires, accordant à l'épouse une pension alimentaire au titre du devoir de secours de 1 000 €/mois au motif que l'importance des charges fixes de M.T... laisse supposer que sa situation financière réelle ne correspond pas à sa situation comptable et fiscale.

Cette ordonnance a été infirmée par arrêt de cette cour du 7 novembre 2012 disant n' y avoir lieu pour l'époux au paiement d'une pension alimentaire au titre du devoir de secours aux motifs principaux :

- que la situation de la propriété avait connu les dernières années un déficit,

- qu'il existait un endettement de 300 000 € en 2011,

- que l'époux et sa mère avaient vendu 7 immeubles depuis 1985 pour un prix global de 450 680 € pour renflouer la situation,

- et que dans le même temps, l'épouse logée par une tierce personne ne justifiait pas de sa situation de besoin.

Par jugement en date du 10 mai 2016, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Bordeaux a principalement :

- prononcé le divorce aux torts exclusifs de l'épouse sur le fondement de l'article 242 du code civil,

- ordonné la liquidation et le partage du régime matrimonial des époux,

- fixé la date des effets du divorce au 1er septembre 2010,

- dit que Mme Y... épouse T... reprendra l'usage de son nom patronymique,

- rejeté la demande de prestation compensatoire,

- rejeté la demande formée par M.T... au titre de l'article 266 du code civil,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté toute autre demande,

- condamné Mme Y... épouse T... aux entiers dépens, en ce compris les frais d'expertise.

Par déclaration au greffe en date du 26 mai 2016, Mme Y... épouse T... a interjeté appel de cette décision dans toutes ses dispositions.

Sur saisine de l'épouse demandant l'organisation d'une expertise comptable de la propriété du château [...] aux frais avancés de l'époux et selon ordonnance du 8 mars 2017, le conseiller de la mise en état de cette cour a rejeté cette demande en raison de la moindre pièce produite par l'épouse démontrant la participation de celle-ci à la valorisation de l'exploitation viticole, entreprise personnelle de son époux.

Sur saisine de l'époux et selon nouvelle ordonnance du 10 mai 2017, le conseiller de la mise en état a principalement déclaré les incidents de communication de pièces pour partie mal fondés, sauf à :

- ordonner à l'épouse de communiquer à M.T... ses avis d'imposition sur les revenus des années 2010 à 2016 inclus et une déclaration sur l'honneur actualisée,

- ordonner à l'époux de communiquer à Mme Y... l'acte de donation du 26 juin 1992.

Par arrêt mixte en date du 27 mars 2018, cette cour a principalement confirmé le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a prononcé le divorce aux torts exclusifs de Mme Y... et a :

- prononcé le divorce des époux aux torts partagés,

- débouté Mme Y... de sa demande fondée sur l'article 266 du code civil,

- avant dire droit, ordonné une mesure d'expertise confiée à M.L..., lequel avait pour mission de visiter la propriété viticole exploitée par M. T..., et l'évaluer,

- ordonné à chacune des parties de consigner la somme de 1 500 euros au greffe de la Cour la cour à valoir sur les honoraires de l'expert,

- ordonné, dans le cadre de la mise en état, à Mme Y... de produire toutes pièces de nature à justifier la valeur des droits ou sommes reçues par donation,

- réservé les demandes relatives aux frais et dépens.

Concernant la demande de M.T... de voir censuré par le conseiller de la mise en état l'arrêt mixte précité et selon ordonnance du 14 novembre 2018, l'incident a été déclaré mal fondé.

Par ordonnance du 16 janvier 2019, le magistrat chargé du contrôle des expertises a constaté la caducité de la désignation de l'expert faute pour M.T... d'avoir consigné la provision, a ordonné la restitution de la somme de 1 500 euros détenue par le service de la régie, a ordonné la poursuite de l'instance et a condamné M. T... aux dépens de la procédure.

Aux termes de ses dernières conclusions du 11 octobre 2019, Mme Y... demande à la cour de :

- condamner M.T... à lui verser une prestation compensatoire sous la forme mixte d'un capital de 400 000 euros outre une rente à caractère viager de 1 000 euros mensuelle,

- condamner M. T... à lui verser une indemnité de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions du 4 novembre 2019, M.T... demande à la cour de :

- constater l'absence d'objet de la mesure d'expertise sur la disparité éventuelle des conditions de vie,

- déclarer en conséquence la demande de prestation formée par Mme Y... irrecevable et mal fondée,

- constater au visa des articles 270,271,272,274 et 275 du code civil que Mme Y... a résisté à la communication des pièces demandées tout au long de la procédure,

- dire en conséquence au vu des pièces qu'il a lui même communiquées et de l'absence de communication par son épouse des pièces demandées qu'il n' y a pas lieu à prestation compensatoire,

- dire qu'en tout état de cause, il n'y a pas lieu à prestation compensatoire et rejeter la demande de ce chef,

- condamner Mme Y... au paiement d'une somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Terrien, avocat.

En application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, la cour renvoie aux conclusions des parties pour l'exposé des moyens.

L'ordonnance de clôture est en date du 5 novembre 2019.

M.T... a déposé une note en délibéré le 13 décembre 2019.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la note en délibéré :

Aux termes des dispositions de l'article 445 du code de procédure civile, les parties ne peuvent déposer aucune note à l'appui de leurs observations, si ce n'est en vue de répondre aux arguments développés par le ministère public, ou à la demande du président dans les cas prévus aux articles 442 et 444 du même code.

En l'espèce, M.T... a été autorisé à préciser en cours de délibéré le nombre d'hectares de vignobles qu'il détient en pleine propriété.

Il y a lieu d'écarter des débats la note en délibéré du 13 décembre 2019 qui comporte 7 pages accompagnées de 14 nouvelles pièces de M.T..., cette communication intervenue postérieurement à l'ordonnance de clôture ne correspondant pas à la demande précise faite par la cour.

Sur la prestation compensatoire :

Pour débouter l'épouse de sa demande de prestation compensatoire, le premier juge a relevé qu'il n'était produit ni déclaration sur l'honneur, ni justification du patrimoine et des revenus de Mme Y..., laquelle avait seulement ponctuellement aidé son mari au sein de l'exploitation viticole dont il était propriétaire, de sorte qu'il y avait lieu de considérer que l'existence d'une disparité entre les ressources actuelles et prévisibles des époux au détriment de Mme Y... n'était pas rapportée.

Mme Y... fait valoir pour l'essentiel qu'elle a participé toute la vie commune à l'exploitation et au développement de la propriété viticole, bien propre de son époux dont elle ne recevra aucun fruit ni produit de sa vente alors qu'elle estime la valeur de cette propriété entre 1 800 000 à 2 500 000 euros. Elle ajoute qu'elle a sacrifié sa carrière professionnelle à son époux et à ses enfants et que ses recherches d'emploi suite à sa reconversion n'ont pas abouti.

Elle prétend que M.T... a établi une fausse déclaration sur l'honneur notamment en ce qui concerne les opérations de donations réalisées à son bénéfice, et particulièrement la ravissante villa [...] située à 300 mètres de la plage d'une valeur qu'elle estime à 2 millions d'euros.

M.T... rétorque que la situation de Mme Y... est au moins égale sinon plus favorable à la sienne compte-tenu du patrimoine familial immobilier dont elle va hériter de son père et de sa tante, laquelle n'a pas d'enfant. Il soutient que l'intéressée dissimule le patrimoine familial immobilier dont elle a déjà pour partie hérité.

Il fait valoir que son épouse, femme au foyer, n'a pas sacrifié de carrière professionnelle, que l'exploitation viticole ne génère pas de revenus au regard de la crise viticole profonde et ancienne, que son outil de travail est très endetté et que la petite maison [...] dont il est nu-propriétaire avec ses frères a été estimée à hauteur de 350000 €.

Selon l'article 271 du Code civil, la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle ci dans un avenir prévisible.

Le juge prend en considération notamment :

- la durée du mariage,

- l'âge et l'état de santé des époux,

- leur qualification et leur situation professionnelles,

- les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux pendant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne,

- le patrimoine estimé ou prévisible des époux tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial,

- leurs droits existants et prévisibles,

- leur situation respective en matière de pension de retraite.

Ces divers critères seront examinés tour à tour au vu des justificatifs produits dès lors que l'arrêt de 2018 a admis le principe d'une prestation compensatoire, et peu importe à cet égard que l'expertise comptable n'ait pu être mise en oeuvre.

En l'espèce le mariage a duré 34 ans dont 27 années de vie commune.

Agée de 61 ans, Mme Y... ne fait pas état de problèmes de santé, excepté une baisse de vision de l'oeil gauche.

Agé de 62 ans, M.T... justifie de soins récents de chimiothérapie et rayons pour éliminer une tumeur localisée découverte en février 2019.

Mme T... n'a jamais exercé d'activité professionnelle en dehors de son investissement dans la propriété familiale.

Elle soutient qu'elle a consacré sa vie au développement de cette propriété viticole CHÂTEAU [...] et [...] à [...], bien propre de son mari, cependant qu'elle s'occupait aussi de la vie de famille.

Lors de son départ à Lyon en 2010, elle a acquis une formation et dispose d'un diplôme équivalent au CAP sans cependant avoir trouvé d'emploi. Elle est inscrite à Pôle emploi.

Elle établit par les pièces versées au dossier que pendant la vie commune, elle s'occupait du secrétariat comptable et du suivi des formalités douanières.

Ainsi Monsieur F..., receveur des douanes, en atteste , madame Q... indique dans son attestation que madame T... faisait le secrétariat, la comptabilité et madame C... indique qu'elle s'occupait du négoce des vins et qu'elle 'l'avait comme interlocutrice pour tout ce qui concernait les enlèvements et les expéditions, la paperasse administrative, les acquits et les paiements.'

Monsieur David relativise l'implication de son épouse dans la marche de son entreprise familiale en soutenant que l'intéressée aidait son mari, tout au plus pendant un mois et au moment des vendanges et que le volume des justificatifs produits est à mettre en relation avec le nombre d'années de vie commune.

Même si les attestations produites par Mme Y... sont peu circonstanciées et qu'il n'est pas sérieusement démenti qu'aucun personnel ne l'a remplacée après son départ, comme en atteste l'expert comptable, les pièces sus-visées établissent que l'épouse a participé régulièrement à la marche de l'entreprise.

Cette implication est d'ailleurs corroborée par son statut de conjoint de chef d'exploitation entre 1984 et 1998 et ensuite comme collaborateur de janvier 1999 à août 2010.

Si Mme Y... totalise 119 trimestres au 10 août 2017, il ressort de son relevé de situation individuelle qu'elle ne peut bénéficier d'une retraite à taux plein que si elle totalise 167 trimestres et, compte tenu du peu de points obtenus au cours de sa vie professionnelle, elle ne bénéficiera que d'une pension de retraite extrêmement limitée.

Par ailleurs, elle établit par de nombreuses attestations, son implication dans l'éducation des deux enfants du couple tant auprès des enseignants, que des animateurs de loisirs ou des médecins qui suivaient les deux enfants.

Monsieur T... est viticulteur et exploite la propriété familiale du château [...].

L'estimation indicative globale du montant de sa retraite est, pour un départ à la retraite à l'âge de 62 ans de 956 euros et pour un départ à la retraite à 65 ans de 1 110 euros par mois, auxquels il faut ajouter la retraite complémentaire ARRCO, soit en moyenne 400 euros dans l'un et l'autre cas.

Il sera retenu en définitive que l'épouse justifie avoir consacré une partie de son temps à l'éducation des deux enfants ainsi qu'à une participation soutenue au sein de l'entreprise durant la période des vendanges et selon une organisation de vie choisie et assumée par le couple, sachant que les époux se sont séparés lorsque leurs filles avaient respectivement 17 ans et 20 ans.

patrimoine estimé ou prévisible des époux :

Les époux sont mariés sous le régime de la communauté de biens, et, selon le rapport déposé le 7 août 2015 par le notaire chargé de la liquidation, il n'existerait qu'un seul élément d'actif de la communauté, soit un bateau dont seul M.T... a indiqué la valeur vénale, soit 1000 euros.

Il n'y a pas passif commun.

L'exploitant a souscrit en 2011 un prêt professionnel auprès du CRÉDIT AGRICOLE et en 2012 un prêt personnel de 100 000 € auprès du CIC avec prise d'hypothèque sur les vignes.

Il assume des mensualités d'un montant respectif de 872,21 € et de 1 072,91 €.

patrimoine propre de chacun des époux :

Mme Y... est nue-propriétaire (en indivision avec son frère et ses deux soeurs) d'un immeuble sis au [...] (33) évalué en pleine propriété à 121 959 euros , son père, donateur se réservant l'usufruit, et d'un immeuble à [...] évalué en pleine propriété à 237 820 euros, son père le donateur se réservant l'usufruit, les droits de Mme A... Y... étant donc évalués à 35 977, 97 euros en 2003.

Ces droits indivis viennent en complément pour le même montant, de ceux reçus à la suite du décès de sa mère en 2001, soit pour la totalité de ses droits, 71 955 euros , la donation au dernier vivant de sa mère au profit de son père ayant pris la forme d'un usufruit sur le tout.

Il ne peut être pris en considération, contrairement à ce que soutient l'intimé, une éventuelle vocation successorale dans les biens madame N..., tante de Mme Y....

En revanche l'appelante n'a toujours pas fourni, même à hauteur d'appel et en dépit des injonctions du conseiller de la mise en état, la valeur actualisée des droits indivis qu'elle possède. Les évaluations immobilières de 2001 et 2003 ont nécessairement évolué à la hausse, s'agissant en particulier du secteur prisé de la métropole de Bordeaux pour l'immeuble du [...].

Selon une attestation notariée de janvier 2013, la mère de l'intimé a, courant mars 1982, fait donation, à titre de partage anticipé à ses trois enfants, de divers biens.

Il a été notamment attribué à M.T... la nue-propriété de plusieurs biens sis à Omet

(Gironde) consistant en une maison d'habitation, bâtiments et diverses parcelles d'une contenance totale de 48 ha, 47 a 97 ca et à [...], consistant en diverses parcelles en nature de vigne d'une contenance totale de 6 ha 98 a 87 ca.

Pour chaque enfant, le tiers de la masse à partager a été estimé, à l'époque, à

2 322 613 francs.

Par acte du 26 juin 1992, la mère de l'intimé a fait donation de ses droits en usufruit en avancement d'hoirie à son fils de près de 50 parcelles sur la commune de [...] et la commune [...].

Il résulte d'une attestation du notaire datée du 22 novembre 2011, que M.T... et sa mère ont vendu plusieurs biens, sis à Omet, entre 1985 et 2009, pour une valeur totale de plus 400 000 euros pour renflouer la situation déficitaire de l'exploitation.

Enfin, par acte en date du 3 mai 2016, madame H... a fait donation à ses trois enfants de la nue propriété sous réserve d'usufruit d'une maison à [...] . Cette dernière maison a été évaluée en juillet 2015 à

470 000 euros.

M.T... a déclaré sur l'honneur en 2013, confirmé en 2015, qu'il possédait 'environ' 15 hectares de Bordeaux rouge estimé par lui à 15 000 €/ l'hectare environ et 5 hectares de [...] estimé à 35 000 €/ l'hectare environ.

Il ne donne aucun renseignement récapitulatif sur la consistance actuelle exacte de son patrimoine, en nue propriété ou en pleine propriété, alors qu'il résulte des pièces produites que ce patrimoine a évolué entre 1982 et 2018.

droits existants et prévisibles

L'épouse perçoit le RSA et une allocation pour son logement de 206,52 euros.

S'agissant de M.T..., il résulte de l'attestation de l'expert comptable en date du 2 novembre 2017 que l'intéressé exploite une superficie totale de 31 ha 15 en AOC Bordeaux supérieur rouge et 6 ha AOC [...] Sauternes, que les résultats fiscaux ont été déficitaires ou nuls jusqu'à la sortie de la crise viticole en 2015 ( 6 ans sans revenus), que les derniers investissements sont anciens, les véhicules et tracteurs ne sont pas récents, que les dernières plantations datent de 2005 mais la situation financière n'a pas permis de renouveler 1 ha par an pour éviter le vieillissement. Selon cette attestation, la transmission de l'exploitation s'annonce difficile.

Au 31 juillet 2019, le même cabinet d'expertise-comptable fait mention d'une superficie exploitée de plus de 6 hectares en Sauternes et de plus de 31 hectares en Bordeaux supérieur rouge.

Si la récolte 2016 (correspondant à une année normale) a été commercialisée pour un chiffre d'affaires en 2017 de 354 370 € HT, le chiffre d'affaires 2018 est de - 76% du fait du gel sur les récoltes.

L'expert-comptable conclut que la baisse des rendements, le cours du vin ( perte de notoriété des appellations bordelaises et impact médiatique des produits phytosanitaires), la situation financière de l'exploitation dont l'encours de crédit est de 180 000 € (empêchant tout investissement) n'offrent aucune visibilité à l'exploitation.

Il y a lieu de retenir que M.T... n'est pas imposable.

Ce dernier souligne qu'il vit de l'aide familiale de sa mère qui lui laisse les revenus du fermage, soit 24 000 euros par an.

Par ailleurs, c'est lui seul qui a assumé intégralement les frais pour la scolarité de ses filles depuis 2010, soit 1 348 euros par mois jusqu'en février 2018.Il ne donne pas d'éléments sur ses charges en 2018. Il vit dans la maison du domaine de [...] à [...] et n'a pas de charges locatives.

Il ressort de l'étude de la situation de chacun des époux que la rupture du mariage crée une disparité dans leurs conditions de vie respectives, notamment en ce qui concerne les ressources dont chacune d'elle dispose actuellement (l'épouse en moyenne 600 euros par mois, les revenus de l'époux n'étant quant à eux pas définis, celui ci invoquant l'aide familiale de sa mère) ou dans l'avenir de façon prévisible en ce qui concerne leurs pensions de retraites.

Par ailleurs, si chacun des époux possède des biens propres, M. T... est, quant à lui, à la tête d'une importante propriété familiale dont il ne définit pas la valeur actuelle alors que Mme Y... est nue propriétaire de deux immeubles, en indivision avec ses trois frère et soeurs, immeubles dont son père s'est réservé l'usufruit et dont elle ne définit pas plus la valeur, étant rappelé qu'elle est demanderesse à la prestation.

Le mariage a duré 35 ans dont 27 années de vie commune, Mme Y... a participé ponctuellement à l'exploitation qui est un bien propre du mari et dont elle ne recevra effectivement aucun fruit ni produit de la vente.

Il convient, par conséquent, pour compenser la disparité née de la rupture du mariage, de condamner M.T... à payer à Mme Y... une prestation compensatoire sous la forme d'un capital de 80 000 euros, la demande de Mme T... sur l'allocation d'une rente viagère étant par ailleurs rejetée comme nullement fondée.

Le jugement sera donc infirmé de ce chef.

Sur les frais et dépens :

M.T... qui succombe supportera la charge des dépens d'appel et participera à hauteur de la somme de 3 000 euros aux frais engagés par son épouse pour faire valoir ses droits en justice.

PAR CES MOTIFS

La cour après rapport fait à l'audience ;

Ecarte la note en délibéré du 13 décembre 2019 et les pièces numérotées de 126 à 140 communiquées après l'ordonnance de clôture ;

Vu l'arrêt mixte en date du 27 mars 2018 ;

Infirme la décision déférée en ce qu'elle a débouté Mme Y... de sa demande de prestation compensatoire et statuant à nouveau sur ce point :

Condamne M.T... à payer à Mme Y... une prestation compensatoire sous forme d'un capital d'un montant de 80 000 euros ;

Rejette le surplus de la demande ;

Condamne M.T... à payer à Mme Y... une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. T... aux dépens d'appel.

L'arrêt a été signé par Françoise ROQUES, Présidente et par Odile TZVETAN, greffier auquel elle a remis la minute signée de la décision

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 3ème chambre famille
Numéro d'arrêt : 16/03459
Date de la décision : 07/01/2020

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 06, arrêt n°16/03459 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2020-01-07;16.03459 ?
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