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19/12/2019 | FRANCE | N°18/06836

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 2ème chambre civile, 19 décembre 2019, 18/06836


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE



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ARRÊT DU : 19 DÉCEMBRE 2019



(Rédacteur : Monsieur LAVERGNE-CONTAL, Présidente)





N° RG 18/06836 - N° Portalis DBVJ-V-B7C-KZAM









L'AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT





c/



SAS CHARIER TP

























Nature de la décision : AU FOND



SUR RENVOI DE CASSA

TION



















Grosse délivrée le :



aux avocats

Décisions déférées à la Cour : sur renvoi de cassation d'un arrêt rendu le 26 septembre 2018 (Pourvoi N° N 17-11.441) par la Cour de Cassation sur un arrêt rendu le 28 octobre 2016 (RG 15/2380) par la de la Cour d'Appel de...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 19 DÉCEMBRE 2019

(Rédacteur : Monsieur LAVERGNE-CONTAL, Présidente)

N° RG 18/06836 - N° Portalis DBVJ-V-B7C-KZAM

L'AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT

c/

SAS CHARIER TP

Nature de la décision : AU FOND

SUR RENVOI DE CASSATION

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décisions déférées à la Cour : sur renvoi de cassation d'un arrêt rendu le 26 septembre 2018 (Pourvoi N° N 17-11.441) par la Cour de Cassation sur un arrêt rendu le 28 octobre 2016 (RG 15/2380) par la de la Cour d'Appel de POITIERS, 1ère chambre civile en suite d'un jugement rendu le 24 mars 2015 par le tribunal de grande instance de Poitiers (RG 12/3538) 1ère chambre civile, suivant déclaration de saisine en date du 21 décembre 2018

DEMANDEUR :

L'AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social sis [Adresse 2]

Représenté par Me FONROUGE loc Me Philippe LECONTE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX

DÉFENDERESSE :

SAS CHARIER TP prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social sis [Adresse 1]

Représentée par Me Laurène D'AMIENS de la SCP CLAIRE LE BARAZER & LAURÈNE D'AMIENS, avocat au barreau de BORDEAUX

et assistée de Me Jean-Christophe SIEBERT de la SELARL PALLIER BARDOUL & ASSOCIES, avocat au barreau de NANTES

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 22 octobre 2019 hors la présence du public, devant la Cour composée de :

Madame Marie Jeanne LAVERGNE-CONTAL, Président,

Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller,

Madame Isabelle DELAQUYS, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Florence CHANVRIT

Greffier lors du prononcé : Audrey COLLIN

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

FAITS ET PROCÉDURE

La direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement de Poitou-Charentes (la DREAL) a passé avec la Société nouvelle de travaux publics et de génie civil (la SNGC) un marché portant sur la réalisation d'un ouvrage routier.

Cette dernière a sous-traité l'exécution d'une partie de ces travaux à la société Charier TP.

La SNGC ayant été mise en redressement judiciaire, la société Charier a déclaré sa créance correspondant au prix de ces travaux, qui a été admise à titre privilégiée.

Puis, se prévalant du privilège de pluviôse an II, codifié à l'article L. 3253-22 du code du travail, elle a réclamé paiement de cette somme à la DREAL.

Cette dernière a refusé, au motif que cette société n'était pas enregistrée auprès d'elle en qualité de sous-traitant.

Par acte du 27 novembre et 6 décembre 2012, la société Charier se prévalant du privilège dit de Pluviôse An II, a assigné l'Agent judiciaire de l'Etat en paiement, la SNGC et les organes de la procédure collective étant appelés aux débats afin d'opposabilité du jugement.

Par un jugement en date du 24 mars 2015, le Tribunal de grande instance de Poitiers a :

- constaté le désistement de la société Charier Tp envers la SCP [W]-Leuret et Maître [W] es qualités de mandataire judiciaire à la procédure de redressement judiciaire de la SNGC puis de commissaire à l'exécution du plan de redressement par continuation.

- condamné l'Etat français pris en la personne de l'Agent judiciaire de l'Etat à payer à la société Charier sous-traitant non agréé de la SNGC dont la créance est privilégiée en application de l'article L3253-22 du code du travail la somme de 195.367,60 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 novembre 2012.

- condamné l'Etat français à payer à la société Charier TP la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- ordonné exécution provisoire

- dit que le jugement serait opposable à la SNGC in solidum bonis bénéficiant d'un plan de redressement par continuation.

- condamné l'Etat français aux dépens.

Par arrêt en date du 28 octobre 2016, la Cour d'appel de Poitiers a :

- confirmé le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné l'Etat français, pris en la personne de l'agent judiciaire de l'Etat :

- à payer à la société Charier TP, sous-traitant non agréé de la SOCIÉTÉ NOUVELLE DE TRAVAUX PUBLICS ET DE GÉNIE CIVIL. dont la créance est privilégiée par application de l'article L 3253-22 du Code du travail, la somme de 195.367,60 avec intérêts de retard au taux légal à compter du 27 novembre 2012.

- à payer à la société Charier TP la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

- rejeté la demande de l'Etat pris en la personne de l'AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- aux dépens.

Statuant de nouveau sur les points infirmés :

- débouté la société Charier TP de sa demande en paiement de la somme de condamner l'Etat français au paiement de le somme de 195 367,60 euros avec intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation.

- débouté la société Charier TP de sa demande d'indemnité pour frais irrépétibles exposés en première instance.

- condamné la société Charier TP aux dépens de première instance.

Y ajoutant :

Vu les articles 564 et suivants du code de procédure civile

- dit la demande de l'Etat français, pris en la personne de l'AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT tendant à la restitution des sommes versées à la société Charier TP au titre de l'exécution provisoire dont était assorti le jugement entrepris recevable.

-constaté que le présent arrêt infirmatif suffit à constituer le titre en vertu duquel la société Charier TP sera tenue de rembourser les sommes réglées par l'Etat en application de l'exécution provisoire dont était assorti le jugement entrepris

- rejeté les autres demandes plus amples ou contraires

- condamne la société Charier TP à payer à l'Etat français, pris en la personne de l'AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT la somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel.

- condamne la société Charier TP aux dépens d'appel.

La société Charier TP a formé un pourvoi à l'encontre de cette décision.

Par arrêt en date du 26 septembre 2018, la cour de cassation a cassé l'arrêt de la Cour d'appel de Poitiers mais seulement en ce qu'infirmant le jugement entrepris, il a débouté la société Charier TP de sa demande en paiement de la somme de 195 367,60 euros avec intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation, en ce qu'il a constaté les effets de cette infirmation, en ce qu'il a rejeté les autres demandes plus amples ou contraires et en ce qu'il a statué sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, en première instance comme en cause d'appel, et a renvoyé l'affaire devant la cour d'appel de Bordeaux ;

L'arrêt de la cour de cassation a en outre mis hors de cause, sur leur demande, la Société nouvelle de travaux publics et de génie civil et la SCP [D]-Jeannerot, prise en la personne de M. [D], en qualité de commissaire à l'exécution du plan de cette société, dont la présence devant la cour de renvoi n'était plus nécessaire à la solution du litige.

LA COUR

Vu la déclaration de saisine de la Cour d'appel de Bordeaux ;

Vu les conclusions de l'Agent judiciaire de l'état en date du 30 septembre 2019 aux termes desquelles il demande à la cour de :

- d'infirmer entièrement le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Poitiers le 24 mars 2015 ;

' statuant au fond, de rejeter l'intégralité des conclusions de la société Charier TP ;

' de condamner la société Charier TP à verser sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile une somme de 2.000 € ainsi qu'aux entiers dépens, en ce compris ceux de l'arrêt cassé ;

Vu les conclusions de la société Charier TP en date du 18 avril 2019 dans lesquelles elle demande à la cour de :

- confirmer le jugement du Tribunal de Grande Instance de POITIERS en date du 24 mars 2015 en ce qu'il a condamné l'Etat représenté par l'Agent Judiciaire de l'Etat, à payer à la société Charier TP, sous-traitant non agréé de la société Nouvelle de Travaux Publics et de Génie Civil sur le fondement de l'article L 3253-22 du Code du Travail, la somme de 195.367,60 € outre intérêts au taux légal à compter du 27 novembre 2012 outre 3.000,00 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi que les entiers dépens ;

Y additant,

- condamner l'Etat Français représenté par l'Agent Judiciaire de l'Etat au versement d'une indemnité de 6.000,00 € par application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

SUR CE

L'Agent judiciaire de l'Etat fait valoir que si le bénéficiaire du privilège dit de Pluviôse devenu l'article L3253-22 du code du travail peut toujours solliciter le paiement par le maître de l'ouvrage, nonobstant l'existence d'une procédure collective, il n'en demeure pas moins qu'il faut tenir compte, d'une part, de l'adoption d'un plan de redressement prononcé par un jugement du 21 mars 2013 et, d'autre part, du fait que le paiement des sommes restant due à la société SNGC a été effectué par la DREAL entre les mains des organes de la procédure collective. En conséquence, il affirme que l'Etat ne peut se voir réclamer deux fois le paiement d'une même prestation et que les organes de la procédure auraient dû savoir qu'ils n'avaient pas à encaisser une telle somme.

La société Charrier soutient qu'elle remplissait les conditions pour pouvoir bénéficier du privilège dit de Pluviôse An II. Elle rappelle qu'elle a régulièrement fait opposition entre les mains de la DREAL d'abord par lettres recommandées puis par acte d'huissier. Elle constate que la DREAL a néanmoins solde le marché de l'entreprise SNGC postérieurement à cette opposition et qu'en conséquence, en effectuant ce paiement, elle l'a privé de ce privilège commettant ainsi une faute. Elle demande à la cour de condamner l'Etat représenté par l'Agent judiciaire de l'Etat à lui payer la somme de 195.367,60 euros au titre de son marché.

L'article L3253-22 du code du travail (privilège de Pluviôse An II) dispose que les sommes dues aux entrepreneurs de travaux publics ne peuvent être frappées de saisie-arrêt ni d'opposition au préjudice soit des salariés, soit des fournisseurs créanciers à raison de fournitures de matériaux de toute nature servant à la construction des ouvrages.

Il résulte de ce texte et de la jurisprudence de la cour de cassation qui ne sont plus contestés devant la cour par l'Agent judiciaire de l'Etat, que les fournisseurs et sous-traitants des entreprises titulaires d'un marché de travaux publics disposent d'un droit de paiement préférentiel des créances dont l'existence n'est pas subordonnée à un agrément qui n'a lieu d'être pris en considération qu'en cas de concours de privilèges.

En conséquence, la société Charrier a valablement invoqué le bénéfice du privilège de Pluviôse. Il convient d'ailleurs de relever que la société Charrier a déclaré sa créance à titre privilégié en invoquant les dispositions de l'article L 143-6 du code du travail devenu l'article L 3253-00 et que cette déclaration de créance a été admise à la procédure collective de la société SNGC à titre privilégiée par le juge commissaire.

Aucune disposition légale ou réglementaire ne vient préciser les conditions de mise en oeuvre de ce privilège. Il n'existe aucune obligation, contrairement aux dires de l'Agent judiciaire de l'Etat, pour le créancier privilégié de procéder par voie de mesure conservatoire ou exécutoire.

Il ressort des pièces du dossier que par actes d'huissier en date des 18 janvier et 1er février 2012, la société Charrier a formé opposition pour la somme de 195.367,60 euros ttc en invoquant le privilège de Pluviôse An II entre les mains de la DREAL de Poitou-Charentes et de la Direction régionale des Finances Publiques de la Région Poitou-Charentes. Cette opposition a produit ses effets dans les limites des sommes dont le Maître de l'ouvrage public demeurait redevable envers la société SNGC à raison des travaux et fournitures, cause du privilège.

Il n'est pas contesté par l'Agent judiciaire de l'Etat que malgré cette opposition régulièrement délivrée au comptable public, la DREAL a procédé au règlement des fonds qu'elle restait devoir entre les mains des organes de la procédure collective de la société SNGC.

De même, il importe peu que par la suite, un plan de continuation soit intervenu, la demande en paiement n'étant pas dirigée contre les organes de la procédure collective.

Il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné l'Agent Judiciaire de l'Etat au paiement de la somme de 195.367,60 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 novembre 2012.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Y ajoutant,

Condamne l'Etat Français représenté par l'Agent judiciaire de l'Etat à verser une somme complémentaire de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne l'Etat Français représenté par l'Agent judiciaire de l'Etat aux dépens d'appel.

La présente décision a été signée par madame Marie-Jeanne Lavergne-Contal, présidente, et madame Audrey Collin, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 18/06836
Date de la décision : 19/12/2019

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 1B, arrêt n°18/06836 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-12-19;18.06836 ?
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