La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/12/2019 | FRANCE | N°16/02346

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 18 décembre 2019, 16/02346


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 18 DÉCEMBRE 2019



(Rédacteur : Madame Nathalie Pignon, présidente)



PRUD'HOMMES



N° RG 16/02346 - N° Portalis DBVJ-V-B7A-JFGR













Monsieur [I] [H]



c/



SCEA FAMILLE [C]

















Nature de la décision : AU FOND











<

br>
Notifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,





Grosse délivrée le :



à :





Décision déférée à la cour...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 18 DÉCEMBRE 2019

(Rédacteur : Madame Nathalie Pignon, présidente)

PRUD'HOMMES

N° RG 16/02346 - N° Portalis DBVJ-V-B7A-JFGR

Monsieur [I] [H]

c/

SCEA FAMILLE [C]

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par

voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 08 février 2016 (RG n° F 12/00291) par le conseil de prud'hommes - formation de départage de LIBOURNE, section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 07 avril 2016,

APPELANT :

Monsieur [I] [H], né le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 1]

([Localité 1]), de nationalité française, profession directeur, demeurant [Adresse 1],

représenté par Maître Jean-François FERRAND, avocat au barreau de BORDEAUX,

INTIMÉE :

SCEA Famille [C], siret n° 385 067 970, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social, [Adresse 2],

représentée par Maître Frédéric GODARD-AUGUSTE de l'AARPI DS AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX,

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 03 juin 2019 en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Nathalie Pignon, présidente

Madame Annie Cautres, conseillère

Madame Marie-Hélène Pichot, conseillère

Greffière lors des débats : Anne-Marie Lacour-Rivière

ARRÊT :

- contradictoire,

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

- prorogé au 18 décembre 2019 en raison de la charge de travail de la cour.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [I] [H] a été embauché en qualité de régisseur de la société civile château Figeac [C] propriétaire le 1er avril 1998.

La gestion de la propriété était effectuée par ses propriétaires, M. et Mme [C].

Suite à une modification juridique intervenue dans la situation juridique de l'employeur, un avenant à son contrat de travail a été signé par les parties le 29 avril 1992 prévoyant le transfert du contrat de travail du salarié au sein de la SCEA famille [C] dans les mêmes conditions que le contrat initial.

Le décès de M. [C] est survenu au cours de l'année 2010.

Par procès verbal du conseil d'administration du 16 novembre 2007, M. [H] a été nommé directeur général, pour une durée de cinq ans, de la structure patrimoniale holding de la famille [C] devenue ce même jour la SAS [C].

Au 1er février 2009, la rémunération de M. [H] a été portée à 14 000 euros.

Le conseil d'administration du 22 octobre 2012 a voté la révocation du mandat du directeur général.

Le 13 décembre 2012, M. [H] a saisi le conseil des prud'hommes de Libourne aux fins d'obtenir un rappel de salaire.

Le 6 février 2013, il a reçu une convocation à un entretien préalable à un licenciement conservatoire, et le 28 février 2013, la SCEA famille [C] a notifié à M. [H] son licenciement conservatoire.

Par jugement de départage en date du 8 février 2016, le conseil de prud'hommes a dit que la preuve de l'existence d'un contrat de travail entre M. [H] et la SCEA famille [C] n'était pas rapportée et a débouté M. [H] de l'ensemble de ses demandes. Il l'a également condamné aux dépens.

Par déclaration en date du 7 avril 2016, M. [H] a relevé appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières écritures en date du 27 novembre 2017, déposées au greffe, développées oralement à l'audience, M. [H] sollicite l'infirmation du jugement déféré, que soit reconnue sa qualité de salarié, que son licenciement soit dit dépourvu de cause réelle et sérieuse et que la SCEA famille [C] soit condamnée à lui verser les sommes suivantes :

- 4 224 euros au titre de rappel de salaire pour le mois de novembre 2012 (¿ mois) ;

- 9 050,27 euros au titre de rappel de salaire pour le mois décembre 2012 ;

- 9 050,27 euros au titre de rappel de salaire pour le mois de janvier 2013 ;

- 9 050,27 euros au titre de rappel de salaire pour le mois de février 2013 ;

- 90 510 euros au titre de l'indemnité compensatrice préavis ;

- 15 085 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés ;

- 50 000 euros au titre de la prime de récolte ;

- 2 770 euros au titre de la prime d'ancienneté :

- 181 020 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;

- 730 593,75 euros au titre des dommages et intérêts ;

- 116 895 euros au titre des dommages et intérêts eu égard au caractère particulièrement vexatoire du licenciement dont a été victime le requérant,

- 116.895,00 euros au titre des dommages et intérêts pour préjudice de carrière ;

- 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

M. [H] demande également qu'il soit ordonné à la SCEA famille [C] la remise d'une attestation pôle emploi et d'un certificat de travail conformes.

Aux termes de ses dernières écritures en date du 23 mai 2018, déposées au greffe, développées oralement à l'audience, la SCEA famille [C] sollicite la confirmation du jugement entrepris.

A titre principal, elle demande qu'il soit dit que M. [H] n'a pas la qualité de salarié et qu'il soit débouté de l'ensemble de ses demandes, à titre subsidiaire, qu'il soit dit que le licenciement de M. [H] repose sur une cause réelle et sérieuse et qu'il soit débouté de l'ensemble de ses demandes.

A titre infiniment subsidiaire, elle sollicite la limitation du montant de l'indemnité de préavis à la somme de 36 000 euros, le montant de l'indemnité de congés payés sur préavis à la somme de 3 600 euros ainsi que le montant de l'indemnité conventionnelle de licenciement à la somme de 34 000 euros et que M. [H] soit débouté de ses autres demandes.

En tout état de cause, la SCEA famille [C] sollicite la condamnation de M. [H] à lui verser la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'existence d'un contrat de travail

Il résulte de l'article L. 1221-1 du code du travail que le contrat de travail suppose un engagement à travailler pour le compte et sous la subordination d'autrui moyennant rémunération. Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité de l'employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

L'existence d'un contrat de travail dépend, non pas de la volonté manifestée par les parties à la convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité de celui qui revendique la qualité de salarié.

Le mandat social se définit comme le pouvoir de représentation, de direction et de gestion de la société vis-à-vis des tiers. Il est révocable à tout moment.

Les dirigeants sociaux exercent une mission, en dehors de tout lien de subordination, pour le compte de la société, au nom de laquelle ils sont habilités à agir par les associés qui les nomment.

Le cumul d'un mandat social et d'un contrat de travail n'est admis que si le contrat de travail correspond à un emploi effectif ; le contrat de travail suppose l'existence de fonctions techniques distinctes des fonctions résultant du mandat social qui doivent donner lieu au versement d'une rémunération distincte de celle éventuellement perçue au titre du mandat social et l'intéressé doit se trouver, dans l'exercice de ses fonctions techniques, dans un état de subordination juridique à l'égard de la société.

La charge de la preuve en matière de cumul d'un contrat de travail avec un mandat social obéit aux règles de droit commun fixées par l'article 1353 du code civil. Dès lors, il appartient à celui qui se prévaut d'un contrat de travail d'en établir l'existence.

Toutefois, en présence d'un contrat de travail apparent, c'est à celui qui en conteste l'existence d'en rapporter la preuve.

Lorsque celui qui prétend avoir été salarié exerçait un mandat social, la production d'un écrit ne suffit pas à créer une apparence de contrat de travail, et il appartient à l'intéressé de rapporter la preuve du lien de subordination dont il invoque l'existence parallèlement à son mandat social.

En l'espèce, M. [H] revendique la qualité de salarié de la SCEA famille [C] et le cumul de son contrat de travail avec le mandat social de directeur général dont atteste le procès verbal du conseil d'administration du 16 novembre 2007.

Il produit à cet effet l'avenant du 29 avril 1992 faisant état du transfert du contrat de travail de M. [H], régisseur depuis le 1er avril 1988 de la société civile château Figeac [C] propriétaire à la SCEA famille [C] ainsi que des bulletins de salaire.

La production d'un contrat écrit ne suffit pas à créer une telle apparence ; il appartient dès lors à M. [H] de rapporter la preuve de l'exercice effectif de tâches distinctes de son mandat de directeur général de la SAS [C] le plaçant dans un rapport de subordination vis-à-vis de la SCEA famille [C].

Comme souligné par M. [H], la convention collective des exploitations agricoles de la Gironde définit l'emploi de Directeur, statut cadre groupe 1, comme un "cadre dont la fonction est d'administrer l'exploitation selon les directives générales préalablement établies".

Parmi les pièces versées aux débats, les éléments suivants sont fournis par M. [H] pour démontrer le lien de subordination :

- la répartition de son salaire entre la SCEA et la SAS a été établie par la gérante,

- les rémunérations qu'il perçoit figurent sur les déclarations du personnel de la SCEA.

La cour ne peut retenir les éléments manuscrits non datés fournis par M. [H], ni ceux qui ne mentionnent pas le destinataire de la note ou son rédacteur.

Toutefois le courrier de la gérante du 18 septembre 2012, adressé à M. et Mme [I] [H] indique : 'je vous ai fait part de ma décision de prendre en main le dossier de classement, je m'étonne de voir paraître dans plusieurs parutions des interviews d'[I] [H] critiquant ouvertement le classement. Or, vous n'êtes pas sans savoir que seule une action concertée, coordonnée, unique apportera une réelle valeur ajoutée".

"De même, je regrette que la lettre de demande de motivation ait été adressée par [I] le 13 septembre à l'INAO sans mon aval".

M. [H] ne démontre pas recevoir des directives générales préalablement établies, au contraire, dans les pièces versées aux débats par la société, on peut lire par exemple :

- "Plusieurs intervenants étaient prévus, sur la demande faite par [J] [C] à [I] [H]. [I] [H] n'a pas souhaité les inviter" (procès verbal du conseil d'administration du 12 avril 2012),

- "La présidente demande au directeur général les précisions suivantes : comment le marché bordelais accueille Figeac et sa nouvelle politique de prix ' Quels sont ses objectifs et prévisions à court terme ' Quels moyens sont prévus pour cela '

Le directeur général ne souhaite pas répondre sur ce point et précise qu'il ne fait pas de prévisions". (procès verbal du conseil d'administration du 6 octobre 2011),

- "La présidente constate que la prime du directeur a été décidée par lui même et versée à lui même pour la deuxième année consécutive sans tenir compte de sa remise en cause par la gérante et du conseil d'administration ."(procès verbal du conseil d'administration du 16 février 2012),

- Le rapport de gestion établi par la Présidente fait mention : "d'une désapprobation concernant la fixation du prix de vente sur le marché primeur du Figeac à 60 euros ; prix fixé par M. [H] sans concertation du conseil d'administration". (procès verbal des délibérations de l'assemblée générale mixte du 30 octobre 2012),

En outre, la SCEA famille [C] étant sous le contrôle de la SAS [C] au sein de laquelle il s'est vu confier le mandat de directeur général, il ne saurait être subordonné à lui- même.

En effet, le procès-verbal du conseil d'administration du 16 novembre 2007 l'ayant nommé directeur général prévoit qu'il "représentera la société à l'égard des tiers", et "est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société".

D'ailleurs, M. [H] ne justifie pas rendre des comptes sur son activité, son organisation ou ses absences.

Ainsi, il n'existe pas de fonctions techniques spécifiques réelles et distinctes l'une par rapport à l'autre, de sorte que les fonctions de directeur de la SCEA famille [C] n'ont pas de réalité effective.

De même, il résulte de l'ensemble de ces éléments, qu'il n'est justifié à aucun moment des instructions qui lui auraient été données pour l'exécution de son travail, ni de l'organisation de celui-ci par des décisions unilatérales de l'employeur, ni des modalités de contrôle exercées sur le respect par lui de directives et instructions.

Le lien de subordination n'étant pas caractérisé, la cour considère que la preuve de l'existence du cumul d'un mandat social et d'un contrat de travail n'est pas rapportée, et que M. [H] n'était pas lié à la SCEA famille [C] par un contrat de travail.

Le jugement du conseil de prud'hommes de Libourne sera en conséquence confirmé sur ce point.

M. [H] ne pouvant pas non plus se prévaloir d'un préjudice né d'un licenciement vexatoire du licenciement, ni d'un préjudice de carrière, le jugement sera également confirmé de ce chef et, partant, en toutes ses dispositions.

Sur la demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile

Il apparaît équitable en l'espèce de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Libourne du 8 février 2016 en toutes ses dispositions ;

Et y ajoutant,

Condamne Monsieur [I] [H] aux entiers dépens d'appel ;

Dit n'y avoir lieu à condamnation en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Signé par Madame Nathalie Pignon, présidente et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Anne-Marie Lacour-Rivière Nathalie Pignon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 16/02346
Date de la décision : 18/12/2019

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°16/02346 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-12-18;16.02346 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award