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12/12/2019 | FRANCE | N°17/06690

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 12 décembre 2019, 17/06690


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



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ARRÊT DU : 12 DECEMBRE 2019



(Rédacteur : Madame Marie-Luce GRANDEMANGE, Présidente)



PRUD'HOMMES



N° RG 17/06690 - N° Portalis DBVJ-V-B7B-KFBV







SCP [J]





c/



Monsieur [R] [P]



Association C.G.E.A. DE BORDEAUX















Nature de la décision : AU FOND





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Grosse délivrée aux avocat le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 octobre 2017 (R.G. n°F14/02352) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BORDEAUX, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 04 décembre 2017,



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COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 12 DECEMBRE 2019

(Rédacteur : Madame Marie-Luce GRANDEMANGE, Présidente)

PRUD'HOMMES

N° RG 17/06690 - N° Portalis DBVJ-V-B7B-KFBV

SCP [J]

c/

Monsieur [R] [P]

Association C.G.E.A. DE BORDEAUX

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée aux avocat le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 octobre 2017 (R.G. n°F14/02352) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BORDEAUX, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 04 décembre 2017,

APPELANTES :

Selarl [H] [J], société mandataire judiciaire représentée par Maître [J], agissant en qualité de mandataire-liquidateur de la société BLANCHARD DIFFUSION PRESSE (Siren 478.081.417) domiciliée en cette qualité au siège social [Adresse 3]

assistée et représentée par Me Philippe DUPRAT de la SCP DAGG, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉ :

Monsieur [R] [P], né le [Date naissance 2] 1976 à [Localité 6]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

assisté et représenté par Me Pierre BURUCOA, avocat au barreau de BORDEAUX

INTERVENANTE :

UNEDIC délégation AGS - Centre de Gestion et d'Etude AGS ( C.G.E.A.) de BORDEAUX partie intervenante volontaire, prise en la personne de sa directrice nationale, Madame [W] [K], domiciliée en cette qualité au siège social, [Adresse 5]

assistée et représentée par Me Philippe DUPRAT de la SCP DAGG, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 30 octobre 2019 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Luce Grandemange, présidente,

Catherine Mailhes, conseillère,

Mme Emmanuelle Leboucher, conseillère,

qui en ont délibéré.

greffière lors des débats : Mme Sylvaine Déchamps,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Monsieur [R] [P] a été embauché par l'EURL Blanchard diffusion presse par contrat de travail à durée indéterminée en date du 27 mai 2011, à effet immédiat, en qualité de chef de dépôt, affecté au site situé à [Localité 4].

Le 8 mai 2014 Monsieur [P] a mis la société Blanchard diffusion presse en demeure

d'appliquer la convention collective nationale des entreprises de logistique de communication écrite directe du 19 novembre 1991.

Le 28 août 2014, Monsieur [P] a saisi le Conseil de Prud'hommes de Bordeaux en application de la convention collective nationale des entreprises de logistique de communication écrite directe du 19 novembre 1991 et en paiement de rappels de salaires conventionnels de diverses créances salariales et de dommages-intérêts divers.

Le 9 juin 2015 la société Blanchard diffusion presse convoquait Monsieur [P] à un entretien préalable à son éventuel licenciement le 17 juin 2015 et le mettait à pied à titre conservatoire. Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 20 juin 2015 l'EURL Blanchard diffusion presse notifiait à Monsieur [P] son licenciement pour faute grave.

Par décision en date du 27 octobre 2017, le Conseil de Prud'hommes, sous la présidence du juge départiteur statuant seul, a dit que la convention collective nationale des entreprises de logistique de communication écrite directe du 19 novembre 1991 s'applique aux relations unissant Monsieur [P] et la société Blanchard diffusion presse, a déclaré irrecevables les demandes de rappels de salaires, d'heures supplémentaires et de majorations pour travail de dimanche et jours fériés portant sur des périodes antérieures au 28 août 2011, a dit que Monsieur [P] relève de la classification II C de la convention collective, a dit que le licenciement de Monsieur [P] est dépourvu de cause réelle sérieuse et a condamné la société Blanchard diffusion presse à lui payer les sommes suivantes :

- 20 865,60 euros à titre de rappel de salaires à compter du mois de septembre 2011 outre 2 086,56 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférents avec intérêts au taux légal à compter du 8 mai 2014,

- 490,13 euros au titre du rappel des heures supplémentaires à compter du mois de septembre 2011, outre 49,01 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente avec intérêts au taux légal à compter du 8 mai 2014,

- 17 527,10 euros au titre du rappel des dimanches et jours fériés à compter du mois de septembre 2011, outre 1 752,71 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférents avec intérêts au taux légal à compter du 8 mai 2014,

- 9 881,30 euros au titre du treizième mois outre 988,13 euros au titre des indemnités de congés payés y afférent avec intérêts au taux légal à compter du 8 mai 2014,

- 104,52 euros à titre de rappel de salaires au titre du 21 juillet 2014, outre, 10,45 euros au titre des congés payés afférents avec intérêts au taux légal à compter du 8 juin 2015,

- 104,10 euros à titre d'un jour de fractionnement au titre de l'année 2013 outre, 10,41 euros au titre des congés payés afférents à compter du 8 juin 2015,

- 5 402,90 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre, 540,03 euros au titre des congés payés afférents avec intérêts au taux légal à compter du ler septembre 2017,

- 2 755,47 euros au titre de l'indemnité de licenciement avec intérêts au taux légal à compter du 1er septembre 2017,

- 704,87 euros au titre du rappel de salaire pendant la période de mise à pied conservatoire, outre 70,49 euros au titre des congés payés afférents avec intérêts au taux légal à compter du 1er septembre 2017,

- 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

- 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il a rejeté ses demandes en dommages et intérêts au titre de la modification tardive des congés payés, de la non application de la convention collective, pour manquement à l'obligation de sécurité, pour licenciement irrégulier. Il a jugé que les intérêts seront capitalisés, ordonné à la société Blanchard diffusion pression la remise de bulletins de paie et documents de fin de contrat rectifiés pour la période de septembre 2011 à juin 2015, jugé n'y avoir lieu à astreinte, constaté l'exécution provisoire pour la remise des bulletins de paie et des documents de fin de contrat rectifiés et pour les condamnations au paiement de rappels de salaire et des indemnités de rupture dans la limite de 16 812,36 euros.

Le 4 décembre 2017, l'EURL Blanchard diffusion presse a interjeté appel partiel de cette décision.

Par jugement en date du 1er août 2018 le tribunal de commerce de Bordeaux a prononcé la liquidation judiciaire de l'EURL Blanchard diffusion presse et nommé la SELARL [H] [J] en qualité de mandataire liquidateur.

Dans ses dernières conclusions, transmises au greffe et notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 16 octobre 2019, auxquelles il est expressément fait référence, la société Blanchard diffusion presse, représentée par la SELARL [H] [J] en sa qualité de mandataire liquidateur, conclut à la réformation du jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté Monsieur [P] de ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour défaut d'application de la convention collective, pour manquement à l'obligation de sécurité, pour modification tardive des congés payés, et pour irrégularité de la procédure de licenciement.

Elle demande à la cour de dire que son activité n'entre pas dans le champ d'application de la convention collective des entreprises de logistique de communication écrite directe et que le licenciement de Monsieur [P] pour faute grave est bien fondé. Elle conclut donc à son débouté de ses demandes subséquentes et, subsidiairement, demande que la fixation de la créance de Monsieur [P] au passif de la société soit fixée aux sommes suivantes :

- 667,34 euros, ou encore plus subsidiairement 836,16 euros, à titre de rappel pendant la mise à pied conservatoire,

- 66,73 euros ou 83,61 euros au titre des congés payés afférents,

- 3640,08 € ou encore plus subsidiairement 4560,90 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 364 € ou 456,09 € au titre des congés payés sur préavis,

- 1520,02 € ou encore plus subsidiairement 2755,47 € à titre d'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement,

- 10'000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif.

Dans ses dernières conclusions, transmises au greffe et notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 21 octobre 2019, auxquelles il est expressément fait référence, Monsieur [P], après avoir soulevé l'irrecevabilité des conclusions postérieures à la clôture, demande la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a dit la convention collective nationale des entreprises de logistique de communication écrite directe du 19 novembre 1991 applicable à la relation entre les parties, en ce qu'il a dit son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et en ce qui concerne le montant des rappels de salaires au titre d'un jour de fractionnement, au titre du 21 juillet 2014, et pendant la mise à pied conservatoire ainsi que des congés payés afférents, la capitalisation des intérêts et le montant de l'indemnité allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel. Il conclut à sa réformation pour le surplus et demande que soient fixées au passif de la liquidation judiciaire de la société Blanchard diffusion presse les créances suivantes :

- 60 051,29 euros bruts à titre de rappels de salaire conventionnel, ainsi que 6 005,13 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente, avec intérêts aux taux légal à compter du 8 mai 2014,

- 6 000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour privation injustifiée du statut collectif, avec intérêts aux taux légal à compter de l'arrêt,

- 5 000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité de résultat, avec intérêts aux taux légal à compter de l'arrêt,

- 765,78 euros bruts à titre de rappels de jours non rémunérés et jours de fractionnement, ainsi que la somme de 76,58 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférente, avec intérêts aux taux légal à compter du 8 juin 2015 ;

- 500,00 euros à titre de dommages-intérêts pour fixation tardive des dates de congés payés, avec intérêts aux taux légal à compter de l'arrêt,

- 6 087,34 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice préavis, ainsi que 608,73 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis afférente, avec intérêts aux taux légal à compter du 1er septembre 2017,

- 3 104,54 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, ou subsidiairement, 2 483,64 euros à titre d'indemnité légale de licenciement, avec intérêts aux taux légal à compter du 1er septembre 2017,

- 3 043,67 € à titre de dommages-intérêts pour procédure de licenciement irrégulière, avec intérêts aux taux légal à compter du 1er septembre 2017,

- 30 000,00 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif, avec intérêts aux taux légal à compter du 1er septembre 2017,

- 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

les intérêts courant jusqu'à l'ouverture de la liquidation judiciaire de la société Blanchard diffusion presse en date du 1er août 2018 avec capitalisation.

Il demande qu'il soit ordonné à la société [H] [J], ès qualité, de lui communiquer un certificat de travail, des bulletins de paie rectifiés mois par mois, un reçu pour solde de tout compte et une attestation Pôle emploi corrigés.

Aux termes de ses dernières conclusions, transmises au greffe et notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 22octobre 2019, auxquelles il est expressément fait référence, l'AGS-CGEA de Bordeaux demande à la cour de rabattre l'ordonnance de clôture à l'audience des plaidoiries, et d'infirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il a rejeté les demandes de dommages et intérêts formulées par M. [P] au titre du défaut d'application de la convention collective, du manquement à l'obligation de sécurité, de la modification tardive des congés payés et de l'irrégularité de la procédure de licenciement.

Subsidiairement, en cas d'admission de manquements préjudiciables, elle demande à la cour de fixer la créance de M. [P] au passif de la société Blanchard diffusion presse à la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts et pour tous préjudices confondus.

Elle conclut au rejet des demandes de M. [P] fondées sur l'application de la convention collective des entreprises de logistique et de communication écrite directe, et de sa demande en contestation de son licenciement.

Subsidiairement, sur ce dernier point, elle demande de fixer la créance de M. [P] au passif de la société Blanchard diffusion presse aux sommes suivantes :

- 121,33 euros à titre de rappel sur la mise à pied outre 12,13 euros au titre des congés payés afférents,

- 1 083,74 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 1 520,02 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif.

À titre subsidiaire, en cas d'application de la convention collective des entreprises de logistique et de communication écrite directe, elle conclut au rejet de la demande en reclassification au titre du coefficient IIB et des demandes pécuniaires subséquentes, et sollicite de fixer sa créance au passif de la société Blanchard presse diffusion aux sommes suivantes :

- 20 820,10 euros à titre de rappel de salaires à compter de septembre 2011 outre 2 082,01 euros au titre des congés payés afférents,

- 496,06 euros à titre de rappel incident pour les heures supplémentaires outre 49,60 euros au titre des congés payés afférents,

- subsidiairement, en cas de rappel depuis son embauche le 27 mai 2011 : 22 246,53 euros à titre de rappel de salaires à compter de mai 2011 outre 2 224,65 euros au titre des congés payés afférents, 561,58 euros à titre de rappel incident pour les heures supplémentaires outre 56,15 euros au titre des congés payés afférents,

- 7 081,37 euros à titre de rappel des dimanches et jours fériés outre 708,13 euros au titre des congés payés afférents,

- 8 827,83 euros à titre de prime conventionnelle de13ème mois outre 882,78 euros au titre des congés payés afférents,

- 104,52 euros à titre de rappel de salaire pour le 21 juillet 2014 outre10,45 euros au titre des congés payés afférents,

- 104,10 euros à titre de rappel d'un jour de fractionnement pour 2013 outre 10,41 euros au titre des congés payés afférents,

Subsidiairement, au titre de la rupture :

287,94 euros à titre de rappel sur la mise à pied outre 28,79 euros au titre des congés payés afférents,

1 822,64 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis (complément conventionnel),

2 755,47 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

En tout état de cause elle demande de lui déclarer l'arrêt opposable dans les limites légales de la garantie des créances salariales.

Le 30 octobre 2019 la cour, par mentions au dossier et au plumitif de l'audience, a constaté l'accord des parties pour voir révoquer l'ordonnance de clôture prononcée le 16 octobre 2019, a révoqué ladite ordonnance de clôture puis clôturé la procédure à la date du 30 octobre 2019 avant réouverture des débats.

MOTIVATION

* Sur l'application de la convention collective nationale des entreprises de logistique de communication écrite directe du 19 novembre 1991 :

Aux termes de l'article L. 2261-2 du code du travail :

'La convention collective applicable est celle dont relève l'activité principale exercée par l'employeur. En cas de pluralité d'activités rendant incertaine l'application de ce critère pour le rattachement d'une entreprise à un champ conventionnel, les conventions collectives et les accords professionnels peuvent, par des clauses réciproques et de nature identique, prévoir les conditions dans lesquelles l'entreprise détermine les conventions et accords qui lui sont applicables'.

L'application d'une convention collective est déterminée par l'activité réelle de l'entreprise, et non par les mentions contenues dans les statuts de la personne morale dont elle dépend ou par la seule référence à son identification auprès de l'INSEE qui n'a qu'une valeur indicative.

En l'espèce ni le contrat de travail ni les bulletins de salaire de M. [P] ne se réfèrent à une convention collective. La société Blanchard diffusion presse n'en appliquait aucune avant le 1 mars 2016 date à laquelle elle déclare avoir volontairement appliqué la convention collective du portage de presse en date du 26 juillet 2007, avant qu'elle ne soit étendue par arrêté du 3 juin 2016.

Il incombe au juge de rechercher au vu des pièces fournies de part et d'autre quelle est l'activité principale réelle de l'entreprise. Dans cette recherche, contrairement à ce qu'a pu considérer le premier juge, la description des tâches exécutées par le salarié n'a pas de caractère probant.

Le salarié revendique l'application de la convention collective nationale des entreprises de logistique de communication écrite directe du 19 novembre 1991, qui a été étendue par arrêté du 28 avril 1992, dont l'article 1er relatif au champ d'application, est, tel qu'il a été modifié par avenant no 13 du 26 juin 2006, étendu par arrêté du 19 mars 2007, ainsi rédigé :

'La présente convention nationale a pour objet de régler sur le territoire métropolitain et les départements d'outre-mer les conditions générales de travail et les rapports entre les employeurs et les ouvriers, employés, agents de maîtrise, ingénieurs et cadres des entreprises dont l'activité principale est la logistique de la communication écrite directe fournissant aux entreprises l'une des prestations de services suivantes :

- gestion informatisée de fichiers et/ou édition des documents adressés ;

- conditionnement des documents de gestion, envois de journaux et périodiques aux abonnés, messages publicitaires adressés ou non adressés, groupage, routage de catalogues ;

- façonnage des documents fournis ;

- colisage et expédition.

'Ces activités sont essentiellement répertoriées, suivant la nomenclature d'activités française (NAF) : 74.8 G Routage ; 64.1 C Autres activités du courrier. Elles peuvent occasionnellement se trouver répertoriées aux codes : 72.3 Z Traitement des données ; 74.8 K Services annexes à la production'

Il n'est pas contesté que conformément à son extrait K bis la société Blanchard diffusion presse était dépositaire de presse du journal Sud-Ouest, dont l'éditeur est la société anonyme de presse et d'édition du sud-ouest dite SAPESO, étant observé que le contrat liant cet éditeur de presse et son dépositaire n'est pas versé aux débats. L'identification initiale de la société se faisait sous le code APE 74.8 G modifié en 2007 au profit du code NAF 511R, sans qu'aucune fraude ne soit établie, contrairement à ce qu'allègue le salarié.

L'analyse des éléments de preuve fournis doit permettre de vérifier si l'activité principale de l'EURL Blanchard diffusion presse était de fournir à la SAPESO les prestations sus-visées.

Il est établi que la société Blanchard diffusion presse recevait tous les matins de la SAPESO les journaux et magazines attachés par paquets précomptés, déjà colisés ; leur diffusion se faisait selon deux voies, après triage des paquets de journaux par les employés du dépôt.

Les vendeurs colporteurs de presse (ci-dessous VCP), mandataires commissionnés de la société Blanchard diffusion presse, venaient en prendre possession au dépôt où leur était remise une liste de route, établie par la SAPESO mais éditée par l'EURL Blanchard diffusion presse et susceptible de modification à la demande des VCP comme des pièces produites le démontrent. L'objet des contrats de commission liant l'EURL Blanchard diffusion presse et les VCP, au vu des exemplaires versés aux débats, est bien la diffusion et la vente des produits de presse aux abonnés particuliers par portage à domicile, et non par envoi et routage. Le fait que les tournées aient fait l'objet d'un géocodage par l'employeur n'a pas d'incidence sur la nature de l'activité de portage à domicile des VCP.

L'autre partie des journaux était livrée à des diffuseurs (buralistes, points-presse, hôtels) par camion, chargés par les employés du dépôt, conduits soit par ceux-ci, soit par des transporteurs extérieurs selon M. [P], non contredit sur ce point. L'EURL Blanchard diffusion presse, procédait directement à la facturation des diffuseurs, ainsi qu'elle en justifie par la production de contrats 'dépositaire Sud-Ouest/ Diffuseur'. Le dépositaire reprenait quotidiennement les invendus chez les diffuseurs, comptabilisés au dépôt ils étaient repris le lendemain par le camion de la SAPESO.

Tant les contrats conclus entre la société Blanchard diffusion presse et les VCP qu'avec les diffuseurs se réfèrent à l'obligation d'assurer la vente des journaux et publications fournis et les conventions conclues entre éditeur de presse et dépositaires de presse, versées aux débats par M. [P], prévoient que le dépositaire de presse à une obligation de développer le réseau commercial des diffuseurs et des vendeurs colporteurs de presse.

Il apparaît donc que la société Blanchard diffusion presse a une activité commerciale. Or, l'expert comptable de la société Blanchard diffusion presse atteste que pour les périodes du 1/10/2013 au 30/09/2014 et du 1/10/2015 au 30/09/2016 le chiffre d'affaires réalisé avec les diffuseurs était respectivement de 4 007 409,40 € et de 3 743 980 € alors que celui réalisé par portage avec les VCP était de 4 353 059,70 € et de 4 168 840 €.

C'est à tort que le premier juge a considéré que l'appréciation de l'activité réelle de la société Blanchard diffusion presse suppose de ne pas tenir compte du chiffre d'affaires réalisé par des VCP au motif qu'ils ont un statut d'indépendants ; les VCP mandataires de la société Blanchard diffusion presse participent directement à son activité. En terme de chiffre d'affaires l'activité principale de la société Blanchard diffusion presse est bien le portage à domicile de publications et non le routage.

La société ne réalise pas pour le compte de la SAPESO de prestations de gestion informatisée de fichiers, de conditionnement des documents de gestion, d'envois de journaux et périodiques aux abonnés, de messages publicitaires adressés ou non adressés, de façonnage des documents fournis, de colisage et d'expédition. La circonstance que la société, comme nombre d'entreprises, quelle que soit leur activité, communique en interne ou avec ses partenaires par bannette ou encore par téléphone ou courriels ne permet pas de caractériser une activité de logistique.

Les opérations de tri des journaux précomptés et colisés, avant distribution aux VCP et chargement des camions devant livrer les diffuseurs , l'édition des feuilles de route qui leur sont destinées sont des activités secondaires et accessoires.

Dès lors, à l'aune de ces éléments il convient d'infirmer la décision entreprise et de dire que l'activité principale de la société Blanchard diffusion presse ne relève pas du champ d'application de la convention collective revendiquée mais de la convention collective du portage de presse qui régit les relations entre les entreprises ayant 'principalement une activité de diffusion, par portage à domicile, de publications quotidiennes et périodiques d'informations politiques générales et payantes' et leurs salariés.

Cette convention non étendue n'avait pas de caractère obligatoire, dès lors la relation de travail entre les parties était régie par le code du travail. Le moyen tiré du 'principe de faveur' n'a pas de pertinence dans ces conditions.

Il convient donc, en infirmant le jugement déféré, de débouter M. [P] de ses demandes en classification selon la convention collective nationale des entreprises de logistique de communication écrite directe, en paiement de rappels de salaires selon le minima conventionnel, d'heures supplémentaires, de majoration des heures travaillées les dimanches et jours fériés, de 13e mois, et de congés payés afférents.

En revanche le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de Monsieur [P] en paiement de dommages-intérêts pour non-application de la convention collective revendiquée.

* Sur le rappel de salaire pour la journée du 21 juillet 2014 :

Par application combinée des dispositions des articles L 1226-1 et D 1226-3 du code du travail, Monsieur [P] en arrêt maladie le 21 juillet 2014 en raison d'un accident du travail avait droit au paiement d'une indemnité complémentaire lui garantissant le paiement de 90 % de sa rémunération brute.

Or, si comme le soutient le salarié l'examen de son bulletin de paie du mois d'août 2014 fait apparaître une retenue d'un montant de 60,67 euros au titre de son absence pour accident du travail le 21 juillet la ligne suivante crédite à son compte la somme de 54,60 euros au titre de la garantie de salaire à hauteur de 90 %.

Il apparaît donc que Monsieur [P] a été rempli de ses droits au paiement de l'indemnité complémentaire susvisée. Infirmant le jugement entrepris il y a lieu de le débouter de ce chef.

* Sur la demande de rappel de jours de fractionnement :

En application de l'article L3141-19 du code du travail, il est attribué au salarié deux jours ouvrables de congé supplémentaire lorsque le nombre de jours de congés pris en dehors de la période du 1er mai au 31 octobre de chaque année' est au moins égal à 6, et un seul lorsque ce nombre est compris entre 3 et 5 jours. Les jours de congé principal dus en plus de 24 jours ouvrables ne sont pas pris en compte pour l'ouverture du droit à ce supplément.'

Au regard des bulletins de paie du salarié, du tableau de décompte de ses jours de congés qu'il produit il apparaît qu'en 2012 et 2013 il a pris 18 jours de congé pendant la période du 1er mai au 31 octobre, pour chacune de ces deux années Il est donc en droit de prétendre en application de la règle susvisée à 2 jours de congé supplémentaire, en revanche en 2014 il a été en congés payés du lundi 19 mai au mercredi 4 juin et du lundi 29 septembre au vendredi 17 octobre inclus, il ne remplit donc pas les conditions pour bénéficier de jours de congé supplémentaire. En conséquence Monsieur [P] est en droit de prétendre au paiement d'une indemnité en compensation de ces 4 jours de congé supplémentaire soit la somme de 323,12 € bruts (4 x 7 x 11,54 euros), avec intérêts courant au taux légal à compter du 8 juin 2015 jusqu'à la date d'ouverture de la procédure collective le 1er août 2018. En revanche, il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande de congés payés sur des congés. Le jugement entrepris sera réformé sur ces points.

* Sur la demande en paiement de dommages-intérêts pour modification tardive des dates de congés payés :

Monsieur [P] ne produit aucune pièce à l'appui de ce chef de demande, ses bulletins de paie font simplement état de la date de prise des congés.

Toutefois, l'employeur reconnaît que suite à l'AVC dont a été victime Monsieur [V], salarié, le 3 décembre 2013, il a été amené à changer les dates de congés de l'ensemble du personnel, il n'est pas contredit sur ce point.

En tout état de cause, Monsieur [P] ne justifie d'aucun chef de préjudice. En conséquence il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté ce chef de demande.

* Sur la demande en paiement de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité :

Ainsi que l'a rappelé le premier juge, faute pour Monsieur [P] de justifier d'un préjudice distinct de celui déjà réparé dans le cadre de la législation relative à la prise en charge des accidents du travail dont il a été victime le 8 février 2012 et le 21 juillet 2014, il ne peut demander réparation complémentaire de ce chef.

Par ailleurs M. [P] procède par voie d'allégations lorsqu'il invoque des bousculades, moqueries dont on ignore au demeurant à quelles personnes il les impute.

Enfin, Monsieur [P] invoque la signature, par 6 salariés du dépôt de [Localité 4] dont il était le chef, d'un document daté du 22 juillet 2014 aux termes duquel ces salariés se plaignaient des absences répétées de Monsieur [P], de la dégradation de leurs conditions de travail en résultant et reprochaient à Monsieur [P] de ne pas tenir son rôle de chef de dépôt, un manque de tact, un comportement autoritaire envers eux allant jusqu'à l'altercation.

Monsieur [P] soutient que ce document a été rédigé par Monsieur Blanchard lui-même qui a ordonné aux salariés de le signer sous la menace d'un licenciement économique. Pour étayer ses dires il produit l'attestation de l'un des signataires, [D] [I]. Toutefois, ce dernier s'est rétracté par une nouvelle attestation invoquant 'des menaces de poursuite' de la part de Monsieur [P] pour obtenir la première attestation qu'il lui a dictée.

Les six signataires de cette pétition sont unanimes pour attester qu'ils ne l'ont pas signée sous la pression de l'employeur et qu'en aucun cas ce dernier ne les a menacés d'un licenciement.

Dans ces circonstances, le Premier juge a pu considérer que la liberté d'expression des salariés, en l'occurrence pour informer l'employeur de leurs conditions dégradées de travail qu'ils imputaient à Monsieur [P], ne permet pas de caractériser un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité. Le jugement entrepris sera confirmé, par adoption de motifs, en ce qu'il a rejeté ce chef de demande.

* Sur la rupture du contrat de travail :

Il convient de se référer au jugement entrepris pour l'exposé des motifs de la lettre de licenciement.

Il résulte des attestations versées aux débats qu'après la signature de la pétition par six salariés du dépôt le 22 juillet 2014 M. [P] est allé en rencontrer trois, M. [I], M. [V] et M. [X] et les a 'menacés' d'engager des poursuites judiciaires à leur encontre s'ils ne se rétractaient pas, considérant que la pétition était un faux intellectuel. C'est dans ces conditions que M. [I], alors âgé de 21 ans, et qui affirme désormais avoir eu peur de représailles de la part de M. [P], a accepté de rédiger une attestation le 21 avril 2015, avant de revenir sur sa teneur dans une nouvelle attestation produite par l'employeur.

La matérialité de ces faits est établie. C'est à tort que le premier juge n'a pas retenu leur caractère fautif.

Il est constant, qu'en tant que chef de dépôt M. [P] était le supérieur hiérarchique de ces trois salariés qui lui étaient subordonnés. User de ce positionnement hiérarchique pour faire pression sur eux, en invoquant l'engagement de poursuites judiciaires à leur encontre pour faux, afin qu'ils se rétractent ou attestent en sa faveur, comme l'a fait le jeune [I], qui, dans un premier temps, a faussement prétendu que l'employeur avait menacé de les licencier économiquement, caractérise un abus de pouvoir et constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement.

La nature des faits reprochés, des pressions illégitimes sur trois de la dizaine de salariés que comptait le dépôt dont M. [P] était le chef, rendait impossible la poursuite de la relation de travail et imposait l'éviction immédiate du salarié de l'entreprise.

En conséquence, réformant le jugement entrepris il y a lieu de dire le licenciement de M. [P] fondé sur une faute grave et de le débouter de ses demandes subséquentes.

* Sur les autres demandes

M. [P] qui succombe conservera la charge de ses frais irrépétibles et sera condamné aux dépens de la procédure d'appel.

L'équité et les circonstances de la cause ne commandent pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a rejeté les demandes de M. [P] en paiement de dommages intérêts pour non application de la convention collective nationale des entreprises de logistique de communication écrite directe du 19 novembre 1991, pour modification tardive des dates de congés payés, pour manquement à l'obligation de sécurité, et en ce qui concerne le sort des dépens de première instance,

L'INFIRME pour le surplus,

et statuant de nouveau

DIT QUE la convention collective nationale des entreprises de logistique de communication écrite directe du 19 novembre 1991 ne s'applique pas,

DÉBOUTE M. [P] de ses demandes en paiement de rappels de salaires selon le minima conventionnels, d'heures supplémentaires, de majoration des heures travaillées des dimanches et jours fériés, de 13e mois, et de congés payés afférents,

DÉBOUTE M. [P] de sa demande en paiement d'un complément de salaire pour la journée du 21 juillet 2014,

CONDAMNE l'EURL Blanchard diffusion presse à verser à M. [P] la somme de 323,12 € bruts, avec intérêts courant au taux légal à compter du 8 juin 2015 jusqu'au 1er août 2018,

DIT QUE le licenciement pour faute grave de M. [P] est bien fondé,

DÉBOUTE M. [P] de ses demandes subséquentes,

Y ajoutant,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [P] aux dépens de la procédure d'appel.

Signé par Madame Marie-Luce Grandemange, présidente et par Sylvaine Déchamps, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Sylvaine Déchamps Marie-Luce Grandemange


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 17/06690
Date de la décision : 12/12/2019

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4B, arrêt n°17/06690 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-12-12;17.06690 ?
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