La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/10/2019 | FRANCE | N°17/04331

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 03 octobre 2019, 17/04331


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



--------------------------







ARRÊT DU : 03 OCTOBRE 2019



(Rédacteur : Madame Emmanuelle Leboucher, conseillère)



PRUD'HOMMES



N° RG 17/04331 - N° Portalis DBVJ-V-B7B-J6AZ







Monsieur [B] [B]



Syndicat CGT GROUPAMA GAN 33





c/



SA GROUPAMA GAN VIE

















Nature de la décision : AU FOND


r>













Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 juin 2017 (R.G. n°F 09/01902) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BORDEAUX, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 17 juillet 2017,





APPEL...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 03 OCTOBRE 2019

(Rédacteur : Madame Emmanuelle Leboucher, conseillère)

PRUD'HOMMES

N° RG 17/04331 - N° Portalis DBVJ-V-B7B-J6AZ

Monsieur [B] [B]

Syndicat CGT GROUPAMA GAN 33

c/

SA GROUPAMA GAN VIE

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 juin 2017 (R.G. n°F 09/01902) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BORDEAUX, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 17 juillet 2017,

APPELANTS :

Monsieur [B] [B]

né le [Date naissance 1] 1952 à[Localité 1], de nationalité Française, demeurant [Adresse 1]

Syndicat CGT GROUPAMA GAN 33 agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 2]

assistés et représentés par Me Olivier MEYER de la SCP GUEDON - MEYER, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

SA GROUPAMA GAN VIE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 3]

assistée de Me Raphaël MONROUX de la SCP HARFANG AVOCATS, avocat au barreau de LIBOURNE

représentée par Me Raphaël BORDIER, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 03 juillet 2019 en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Eric Veyssière, président,

Madame Catherine Mailhes, conseillère,

Madame Emmanuelle Leboucher, conseillère,

qui en ont délibéré.

Greffière lors des débats : Sylvaine Déchamps,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

***

EXPOSE DU LITIGE

Selon un contrat de travail à durée indéterminée du 11 mars 1974, la société Groupama Assurances Vie, devenue Groupama Gan Vie, a engagé M. [B] en qualité d'aide gestionnaire.

A compter du 1er janvier 1976, M. [B] a été employé en qualité d'agent de maîtrise.

M. [B] a été élu délégué du personnel pour les périodes allant de février 1980 à novembre 1985 et de mars 2006 à mars 2009.

A compter du 1er janvier 1994, M. [B] a occupé la classe 3 de la convention collective du 27 mai 1992.

Le 22 juin 2009, M. [B] a saisi le conseil de prud'hommes de Bordeaux aux fins de :

voir prononcer son repositionnement à la classe 4 à compter du mois d'août 2013,

voir juger qu'à compter du mois d'août 2013 il devra percevoir un salaire brut moyen de base de 2 868,69 euros accompagné des augmentations générales postérieures,

voir juger qu'il a fait l'objet d'une discrimination syndicale depuis 1979,

voir condamner la société Groupama Gan Vie au paiement des sommes suivantes: -75 810 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier

y compris avec majoration pour perte des droits à la retraite,

- 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,

- 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens en ce compris les sommes prévues à l'article 10 du décret de tarifications des actes d'huissier.

Le syndicat CGT Groupama Gan 33 est intervenu à la cause.

Le 1er janvier 2016, M. [B] a pris sa retraite.

Par jugement de départage du 20 juin 2017, le conseil de prud'hommes de Bordeaux a :

rejeté la demande formulée par M. [B] tendant à voir juger qu'il a été victime de discrimination syndicale,

rejeté les demandes de dommages et intérêts, celles tendant à voir prononcer son repositionnement et en augmentation de salaire afférentes formulées par M. [B],

condamné M. [B] aux dépens.

Par déclaration du 17 juillet 2017, M. [B] et le syndicat CGT Groupama Gan 33 ont relevé appel du jugement.

Par leurs dernières conclusions du 18 juin 2019, M. [B] et le syndicat Groupama Gan 33 sollicitent de la cour qu'elle infirme le jugement et, statuant à nouveau :

juge que M. [B] a fait l'objet d'une discrimination syndicale depuis 1979, jusqu'à décembre 2015,

condamne la société Groupama Gan Vie à payer à M. [B] sommes suivantes:

- 80 270 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier avec majoration pour perte des droits à la retraite en retenant le panel de six comparants extrait du panel proposé par la société Groupama Gan Vie,

- subsidiairement, 38 160 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier avec majoration pour perte des droits à la retraite en retenant le panel proposé par la société Groupama Gan Vie,

- 25 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral,

- 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

condamne la société Groupama Gan Vie à payer au syndicat CGT Groupama Gan 33 les sommes suivantes :

- 8 000 euros à titre de dommages et intérêts,

- 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

rejette les demandes formulées par la société Groupama Gan Vie,

juge qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans la décision à intervenir, l'exécution forcée devra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier, le montant des sommes retenues par l'huissier par application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret 96/1080 du 12 décembre 1996 devront être supportées par le débiteur en plus de l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

condamne la société Groupama Gan Vie au paiement des timbres fiscaux, aux dépens et frais éventuels d'exécution.

M. [B] affirme rapporter la preuve de très nombreux faits discriminatoires.

Sur le non-respect des accords collectifs, il indique que l'employeur a été condamné à plusieurs reprises par la présente cour et par la Cour de cassation pour discrimination syndicale.

Sur la non-application des dispositions des accords collectifs de 1990, 1992, 2007 et 2010, M. [B] expose qu'il n'a pas bénéficié de l'application des dispositions de l'accord ' trajectoires' du 23 avril 1990 prévoyant un entretien professionnel individuel annuel ; qu'en application de l'accord 'partenaires' du 3 février 1992 relatif à la carrière des salariés élus ou syndicaux et des salariés sans mandat qui a été applicable jusqu'en mars 2007, il a participé aux commissions du comité d'entreprise et a bénéficié d'heures de délégation du coordinateur sans être pourvu de mandat ; qu'il n'a pas bénéficié sur son mandat 2006 d'un contrat-carrière, ni d'une formation-métier, ni d'une analyse de la progression de sa carrière et de la rémunération par rapport à la moyenne des emplois et qualifications équivalents au sein de l'établissement.

Il indique que dans son témoignage Mme [O], responsable développement ressources humaines de la société GAN entre janvier 1995 et février 2009 puis responsable RH du site de [Localité 2] entre janvier 2000 et décembre 2003 ne dit pas que les entretiens étaient organisés ; que l'attestation de Mme [Q], sa supérieure hiérarchique de 1995 à 2001, puis de 2006 à 2012, qui certifie que les entretiens annuels 'n'étaient pas formalisés jusqu'en 2010, mais bien existants' doit être déclarée irrecevable ; que deux salariés attestent de l'absence d'entretien annuel ; qu'il ne peut lui être valablement reproché de ne pas avoir demandé à être reçu en début de son mandat et une fois par an par sa hiérarchie pour aménager son emploi dans le cadre de l'exercice de son mandat syndical ou professionnel.

Sur la non-évolution de sa carrière, M. [B] indique que sur le panel de onze salariés proposé par l'employeur, certains ne sont pas pertinents ; que six seulement peuvent être retenus car tous engagés en 1974 ayant un âge similaire et le même diplôme; que sur ces six comparants, il est le seul en classe 3, les autres étant soit classe 4, soit classe 5 ; qu'ils ont perçu 31 200 euros chacun en moyenne alors qu'il plafonne à 27 770 euros, soit une perte annuelle de 3 430 euros.

Il conteste que l'évolution de carrière dépende 'd'une démarche volontaire individuelle du salarié'. M. [B] conteste l'affirmation de la société Groupama Gan Vie selon laquelle il y aurait au sein de l'établissement de [Localité 3] 64,54 % de l'effectif en classe 3 et que 49,63 % des salariés, qui auraient 35 à 39 ans d'ancienneté, seraient également cantonnés à la classe 3. Il ajoute qu'en tout état de cause, même en retenant l'intégralité du panel des onze comparants proposé par l'employeur, il est constaté un écart de rémunération annuel de 1 630,93 euros et mensuel de 135,91 euros.

Sur le défaut des entretiens annuels, des entretiens annuels en lien avec le mandat syndical et de l'entretien à mi-carrière à 45 ans exigés par les accords collectifs et la convention collective nationale, il indique à nouveau qu'il n'a pas bénéficié d'entretien d'évaluation annuel obligatoire avant 2010, ni d'entretien annuel dans le cadre de la conciliation entre son mandat et le contrat de travail, ni d'entretien annuel relatif à la formation professionnelle ; qu'il n'a jamais bénéficié d'un entretien de seconde partie de carrière exigé par un accord national interprofessionnel du 13 octobre 2005 relatif à l'emploi des seniors en vue de promouvoir leur maintien et leur retour à l'emploi et de son avenant du 9 mars 2009 ; que les mêmes dispositions figurent dans l'accord d'entreprise du 22 décembre 2010 et que la violation des dispositions conventionnelles sur les entretiens entraîne la reconnaissance de la discrimination syndicale.

Sur la discrimination relative à l'exercice du droit de grève, il affirme qu'il a été menacé de sanction par courrier du 5 avril 1979 ; que les mentions 'absence sans solde' ou ' absence non rémunérée' faisaient référence de manière expresse à la grève, ce qui constitue une atteinte à la liberté syndicale et à la vie privée du salarié.

Sur les nombreuses formations sans évolution de carrière, M. [B] soutient qu'il a effectué de nombreux stages et des formations alors qu'il a toujours plafonné depuis 1994 à la classe 3.

Sur les augmentations individuelles, les primes d'objectifs et les gratifications, il fait valoir que sur les six membres du panel, cinq ont reçu en 2010 une gratification supérieure à celle qu'il a perçue ; que le quantum des augmentations qu'il a touchées fait partie des plus basses ; qu'il en est de même pour les primes d'objectifs atteints à l'exception de l'année 1995 ; qu'il a bénéficié de 15 augmentations en 39 ans d'ancienneté alors que selon le bilan social, les moyennes sont d'une augmentation tous les deux ans.

Il expose que la société Groupama ne produit pas d'éléments objectifs pour expliquer l'absence de toute discrimination ; que le témoignage de sa supérieure hiérarchique critiquant la qualité de son travail est subjectif alors que les entretiens réalisés après 2010 sont satisfaisants ; qu'il verse deux témoignages de salariés confirmant ses compétences professionnelles. Il ajoute qu'il importe peu qu'un délégué syndical prétende avoir évolué normalement au sein de la société.

Il conclut sur ses demandes financières et le syndicat CGT dont il est délégué réclame des dommages et intérêts.

Aux termes de ses dernières conclusions du 28 novembre 2017, la société Groupama Gan Vie sollicite de la cour qu'elle :

confirme le jugement,

rejette l'ensemble des demandes formulées M. [B] et le syndicat CGT Groupama Gan 33,

condamne M. [B] et le syndicat CGT Groupama Gan 33 au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

La société Groupama Gan Vie expose que les activités syndicales de M. [B] peuvent être résumées à :

- une élection en tant que délégué du personnel sur la liste CFDT de février 1980 à novembre 1985 ;

- une candidature sur la liste CFDT aux élections du comité d'entreprise en 1998 auxquelles il n'a pas été élu ;

- une candidature sur la liste FO aux élections des délégués du personnel en 2004 auxquelles il n'a pas été élu ;

- un remplacement de 2 mois d'une titulaire représentante syndicale FO au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de [Localité 3] en 2005 ;

- une élection en tant que délégué du personnel suppléant de mars 2006 à mars 2009, ce qui ne constitue pas une activité syndicale particulièrement intense ; que de nombreux salariés exercent des fonctions syndicales tout en progressant professionnellement au sein de la société ; que certains d'entre bénéficient d'une rémunération supérieure à la sienne.

Sur l'évolution professionnelle et salariale de M. [B], elle précise que le panel qu'elle propose comprend onze salariés recrutés en 1974 au niveau B, sur le site de [Localité 3] dans la filière assurances, c'est-à-dire des salariés exerçant des fonctions analogues, ayant globalement la même ancienneté, des diplômes équivalents, le même niveau dans la même filière professionnelle et qu'aucun décrochage, ni stagnation de M. [B] à compter de l'année 1980, date de son premier engagement syndical connu de la direction ne peut être noté.

Sur l'évolution de carrière de M. [B] au regard de ce panel, l'employeur fait valoir que le fait qu'il soit en classe 3 n'est pas anormal puisqu'au sein de l'établissement de [Localité 3] 64,54 % de l'effectif est en classe 3 et 49,63% des salariés ayant entre 35 et 39 ans d'ancienneté sont en classe 3 ; que si certains de ses collègues entrés la même année que lui au même niveau ont certes évolué plus vite et exercent aujourd'hui des postes de responsabilités plus élevées, cela ne suffit pas à établir que M. [B] a été discriminé en raison de son engagement syndical.

Il ajoute que M. [B] n'apporte aucun élément susceptible de laisser penser que l'évolution de carrière et de rémunération qui a été la sienne présenterait un lien avec son engagement syndical ; qu'il n'a connu aucun ralentissement de carrière coïncidant avec la période de son mandat de délégué du personnel entre 1980 et 1985; qu'il a perçu en 1986 une rémunération annuelle presque égale à celle du panel (12 807,72 euros/13 013,88 euros) et en 1990, sa rémunération annuelle était supérieure à la moyenne du panel (15 223,41 euros/14 584,96 euros), en 2009, sa rémunération annuelle était légèrement inférieure à celle du panel (27 413,78 euros /28 416,37 euros), comme cela avait été le cas en 2000 mais que sa rémunération est supérieure à celle de trois salariés qui occupent un poste en classe 3 ; qu'il a toujours bénéficié des mesures d'augmentations générales mais également d'augmentations individuelles et de gratifications et que le nombre d'heures de formation est normal comparé aux autres salariés du panel.

L'employeur soutient que si M. [B] n'a pas été promu, c'est en raison d'un niveau d'investissement et de performance faible en dépit des nombreuses formations dispensées et par une absence de velléité de sa part ; que ses supérieurs hiérarchiques ont mis en exergue son manque d'investissement dans son travail et des carences importantes dans la prise en charge des tâches qui lui incombent ; que le compte rendu de son entretien annuel d'évaluation pour l'année 2012 n'est pas "très élogieux" ; qu'il n'a formé aucune demande de promotion ni de formation particulière et qu'ainsi, la différence constatée dans son évolution salariale par rapport aux salariés du panel dont la rémunération est supérieure à la sienne s'explique par des raisons professionnelles objectives incontestables.

Sur les entretiens individuels prévus par des dispositions conventionnelles, la société conteste que M. [B] n'a pas bénéficié de l'application de ces différentes dispositions.

Sur les dispositions de l'accord 'trajectoires' du 23 avril 1990, il précise que les entretiens individuels ont été progressivement formalisés sur le site de [Localité 2] à partir de 2010 ; qu'aucun salarié du site n'a eu de compte rendu écrit de ces entretiens avant 2010 ; qu'il rencontrait néanmoins sa responsable hiérarchique une fois par an pour faire le point sur son activité professionnelle et que depuis 2010, il justifie de la tenue des entretiens de développement professionnel et d'un entretien d'évaluation professionnelle.

Sur les dispositions de l'accord 'partenaires', la société Groupama Gan Vie indique que chaque représentant du personnel est reçu, à sa demande, en début de mandat et une fois par an par sa hiérarchie et le responsable de service de gestion des ressources humaines auquel il est rattaché ; que M. [B] n'a pris aucune initiative et que cet accord a cessé d'être en vigueur en mars 2007, soit un an après le début du mandat de délégué du personnel.

L'employeur ajoute que, chaque année, les délégués syndicaux centraux sont reçus par le Directeur de l'établissement de [Localité 3] pour évoquer, s'il y a lieu, la situation des salariés investis de mandats représentatifs ou électifs et qu'aucune problématique particulière liée à la situation de M. [B] n'a jamais été évoquée.

Sur les dispositions de l'accord d'établissement portant sur l'exercice du droit syndical et le fonctionnement des instances représentatives du personnel de la société Groupama Gan Vie du 13 juillet 2010, il est établi qu'à cette date, M. [B] n'était plus investi d'aucun mandat représentatif, son mandat de délégué du personnel ayant pris fin en mars 2009.

Sur les dispositions de l'accord cadre relatif à l'organisation d'un dialogue social, régulé, responsable et relationnel du 30 mars 2007, l'employeur soutient qu'elle ne lui sont pas applicables.

Sur les dispositions conventionnelles relatives à l'entretien de seconde partie de carrière, il indique que M [B] n'était pas éligible en priorité au processus d'entretien de seconde partie de carrière compte de son âge.

Sur l'exercice du droit de grève, il précise que toute référence faite à la grève sur les bulletins de paie ayant eu cours jusqu'en 1988 a été totalement supprimée depuis et que le courrier du 5 avril 1979 ne constitue pas une menace mais un rappel des limites au droit de grève.

Il s'oppose aux demandes indemnitaires tant du salarié que du syndicat.

Par conclusions d'incident reçues par RPVA le 1er juillet 2019, la société Groupama Gan Vie demande le rejet des conclusions de M. [B] qui ont été signifiées le 18 juin 2019 indiquant que tardives, elles ne permettent pas le respect du principe du contradictoire.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 19 juin 2019.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées.

MOTIVATION

Sur les rejet des dernières conclusions de M. [B] :

Il n'y a pas lieu de rejeter ces conclusions, qui bien que signifiées la veille de l'ordonnance de clôture, ne développent pas de prétentions nouvelles.

Sur la discrimination :

L'article L 1132-1 du code du travail dans sa version applicable au litige dispose

qu'aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

L'article L 1132-4 du même code précise que toute disposition ou tout acte pris à l'égard d'un salarié en méconnaissance des dispositions du présent chapitre est nul.

L'article L 1134-1 du même code ajoute que lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Sur la non-application des dispositions des accords collectifs de 1990, 1992, 2007 et 2010, il n'est pas contesté que la société Groupama n'a pas mis en place la

formalisation des entretiens individuels tels que prévus en page 9 de l'accord 'trajectoires' du 23 avril 1990. Il ressort des pièces produites par les parties que cette formalisation a eu lieu à partir de 2010. Concernant l'accord 'partenaires' du 3 février 1992 relatif à la carrière des salariés élus ou syndicaux et des salariés sans mandat qui a été applicable jusqu'en mars 2007, M. [B] a participé aux commissions du comité d'entreprise et a bénéficié d'heures de délégation du coordinateur sans être pourvu de mandat et il est établi qu'entre mars 2006 et mars 2007, il n'a pas bénéficié du contrat-carrière, ni de la formation-métier. L'accord cadre relatif à l'organisation d'un dialogue social régulé, responsable et relationnel du 30 mars 2007 se substituant à l'accord 'partenaires' de 1992 énonce des principes généraux de non discrimination pour activités syndicales ou représentatives du personnel. L'accord d'établissement portant sur l'exercice du droit syndical et le fonctionnement des instances représentatives du personnel de Groupama Gan Vie du 13 juillet 2010 ne s'applique pas à M. [B], son mandat ayant pris fin en mars 2009.

Sur le défaut des entretiens annuels, outre l'accord 'trajectoires' de 1990, la convention collective de branche applicable fixe la tenue des entretiens annuels en lien avec le mandat syndical, l'accord national interprofessionnel du 13 octobre 2005 relatif à l'emploi des seniors en vue de promouvoir leur maintien et leur retour à l'emploi prévoit un entretien de seconde partie de carrière, l'accord relatif à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences du 22 décembre 2010 et l'accord en faveur de l'emploi des seniors au sein de Groupama Gan Vie du 22 décembre 2010 fixent l'organisation d'entretien à mi-carrière à 45 ans. M. [B] établit que la formalisation des entretiens annuels s'est effectuée seulement à compter de 2010 ; qu'il n'est pas établi que ces entretiens ont bien eu lieu et qu'il n'a pas non plus bénéficié des entretiens de mi-carrière prévus dans les différents accords.

Sur la non-évolution de sa carrière, M. [B] conteste le panel de onze salariés proposé par l'employeur estimant que ne peuvent être retenus que les six engagés en 1974 ayant un âge similaire et le même diplôme, à savoir le baccalauréat. Il affirme au regard de son panel que son appartenance syndicale a entraîné un ralentissement de sa carrière puisqu'il est resté le seul en classe 3, qu'un manque à gagner manifeste peut être constaté y compris en comparant avec les salariés retenus par l'employeur. De plus, il souligne que malgré les nombreuses formations qu'il a accomplies et dont il justifie, il n'a pas connu d'évolution de carrière stagnant en classe 3.

Sur la discrimination relative à l'exercice du droit de grève, le courrier du 5 avril 1979 par lequel l'employeur déplore une entrave à la liberté du travail mais ne prononce aucune sanction disciplinaire ne peut être assimilé à un courrier de menaces contrairement à ce qu'affirme M. [B]. De même, il ne peut être retenu que les mentions 'absence sans solde' ou ' absence non rémunérée' sur les bulletins de salaire faisaient référence de manière expresse à des jours de grève et que cela ne peut constituer une atteinte à la liberté syndicale et à la vie privée de M. [B].

Sur les augmentations individuelles, les primes d'objectifs et les gratifications, M. [B] affirme que la discrimination syndicale est établie compte tenu des gratifications qu'il a perçues inférieures à celles perçues par les membres du panel et qu'il a reçu moins d'augmentation et de primes d'objectifs que les autres.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, M. [B] justifie par l'absence d'entretien individuel pendant de nombreuses années, l'absence d'entretien de mi-carrière, une stagnation de sa carrière et une moindre gratification financière d'éléments laissant supposer l'existence d'une discrimination.

Concernant l'absence d'entretiens annuels, l'employeur qui affirme que les entretiens avaient bien lieu mais n'étaient pas formalisés par écrit ne le démontre pas. Pour la première période de 1980 à 1985 pendant laquelle M. [B] avait été élu délégué du personnel, les dispositions relatives aux entretiens n'étaient pas applicables. Sur la seconde période de 2006 à 2009 pendant laquelle il a été élu délégué du personnel suppléant, aucun salarié n'a bénéficié d'entretiens annuels avant 2010, ce qui ressort des attestations produites par M. [B] lui-même. Il s'en déduit que l'absence de réalisation d'entretiens annuels pour l'ensemble des salariés exclut l'existence d'une différence de traitement entre M. [B] et les autres salariés non détenteurs de mandats représentatifs. Ainsi, la société Groupama Assurance Vie démontre par des éléments objectifs, l'absence de matérialisation des entretiens d'évaluation pour l'ensemble des salariés, que l'absence d'entretiens annuels pour M. [B] est étrangère à toute discrimination.

De plus concernant l'ensemble des dispositions relatives au maintien de l'emploi des seniors, comme l'indique l'employeur, M. [B] né en 1952 avait plus de 45 ans au moment de l'entrée en vigueur des accords relatifs à l'emploi des seniors et à la mise en place des entretiens de milieu de carrière et des entretiens de seconde partie de carrière. Il n'était donc pas en 2010 prioritaire puisqu'il avait atteint l'âge de 58 ans à cette date. Il ne peut en être déduit l'existence d'une discrimination syndicale de l'absence de bénéfice de ces dispositions.

Sur la stagnation de la carrière, il est constant que les salariés comparés dans un panel n'ont pas à être dans une situation identique mais dans une situation comparable.

En l'espèce, le panel présenté par l'employeur concerne onze salariés recrutés en 1974 avec un diplôme de niveau B lors de leur embauche. Ces salariés ont donc un niveau de recrutement équivalent. Il n'est dès lors pas justifié de retenir le panel de six salariés revendiqué par M. [B] au motif que ces six salariés avaient le baccalauréat au moment de leur embauche contrairement à celui de l'employeur où les salariés ont un diplôme équivalent. Ainsi, le panel présenté par l'employeur peut être retenu.

Il ressort de ce panel d'une part que cinq salariés outre M. [B] sont en classe 3 et d'autre part que sur les années 1986, 1990, 1995, 2000, 2005, 2009 et 2010, M. [B] n'a pas été le salarié ayant la rémunération la plus basse. Il en est de même concernant les augmentations individuelles et les gratifications. Force est en outre de constater que le panel présenté par M. [B] témoigne qu'en 2010, il n'a pas la gratification la plus basse et a obtenu une augmentation de 50 euros à l'instar de quatre de ses collègues. Ainsi, tant les éléments produits par M. [B] que ceux communiqués par l'employeur conduisent à considérer que la comparaison exclut une différence de traitement. Il convient par ailleurs d'ajouter que les évaluations ainsi que les attestations des supérieurs hiérarchiques de M. [B] ne font pas état de qualités professionnelles exceptionnelles justifiant l'évolution de carrière revendiquée. Sont produits aux débats, les comptes-rendus des entretiens annuels d'évaluation de 2013 et 2015 et des entretiens de développement professionnel de 2010, 2011 et 2013 dont il ressort un manque d'investissement et un manque de rigueur dans l'accomplissement des tâches ainsi que des compétences satisfaisantes ou seulement correctes. Ainsi, la société Groupama Gan Vie démontre à travers le panel que la stagnation de carrière invoquée par M. [B] est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

En conséquence, l'employeur démontre par des éléments objectifs que l'absence de formalisation des entretiens d'évaluation annuels avant 2010, l'absence du bénéfice des entretiens de milieu de carrière, la stagnation de carrière compte tenu de la comparaison avec onze salariés dans une situation équivalente et une rémunération sans décrochage de M. [B] ne sont pas en lien avec une discrimination de nature syndicale.

Le jugement du conseil de prud'hommes est confirmé en ce qu'il a débouté M. [B] et le syndicat CGT de leurs demandes.

Sur l'article 700 du code de procédure civile :

L'équité commande de ne pas prononcer de condamnation en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur les dépens :

M. [B] et le syndicat CGT, succombants, sont condamnés aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Bordeaux du 20 juin 2017,

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à condamnation en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne M. [B] [B] et le syndicat CGT Groupama Gan 33 aux dépens.

Signé par Monsieur Eric Veyssière, président et par Sylvaine Déchamps, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Sylvaine Déchamps Eric Veyssière


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 17/04331
Date de la décision : 03/10/2019

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4B, arrêt n°17/04331 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-10-03;17.04331 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award