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25/09/2019 | FRANCE | N°17/05857

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section a, 25 septembre 2019, 17/05857


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



--------------------------







ARRÊT DU : 25 SEPTEMBRE 2019



(Rédacteur : Madame Nathalie Pignon, présidente)



PRUD'HOMMES



N° RG 17/05857 - N° Portalis DBVJ-V-B7B-KCUL











SARL FINANCIÈRE K AND A



c/



Madame [Z] [V] veuve [B]

















Nature de la décision : AU FOND









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Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 septembre 2017 (R.G. n°F16/00089) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BERGERAC, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 18 octobre 2017,





APPELANTE :

SARL Financi...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

--------------------------

ARRÊT DU : 25 SEPTEMBRE 2019

(Rédacteur : Madame Nathalie Pignon, présidente)

PRUD'HOMMES

N° RG 17/05857 - N° Portalis DBVJ-V-B7B-KCUL

SARL FINANCIÈRE K AND A

c/

Madame [Z] [V] veuve [B]

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 20 septembre 2017 (R.G. n°F16/00089) par le Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BERGERAC, Section Commerce, suivant déclaration d'appel du 18 octobre 2017,

APPELANTE :

SARL Financière K AND A, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social [Adresse 4]

N° SIRET : 480 464 841

assistée de Me Annie TAILLARD de la SCP ANNIE TAILLARD AVOCAT, avocat au barreau de BORDEAUX

représentée par Me Sharon WILSON-DUTIN, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

Madame [Z] [V] veuve [B]

née le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 3] de nationalité Française, Profession : Responsable administratif (ve), demeurant [Adresse 2]

assistée et représentée par Me Virginie LEMAIRE, avocat au barreau de PERIGUEUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue 02 avril 2019 en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Nathalie Pignon, présidente

Madame Annie Cautres, conseillère

Madame Sylvie Heras de Pedro, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : A.-Marie Lacour-Rivière,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

- prorogé au 25 septembre 2019 en raison de la charge de travail de la cour.

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [Z] [V] épouse [B] a été embauchée par la SARL Financière K and A à compter du 14 décembre 2007 jusqu'au 6 avril 2008 suivant un contrat de travail à durée déterminée, en qualité de secrétaire.

La relation de travail s'est poursuivie dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 7 avril 2008.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 20 avril 2016, la salariée a été licenciée pour faute grave, en raison de la création d'une société en concurrence directe avec celle de l'employeur, offrant des prestations identiques à celles de l'entreprise, du démarchage des clients de la SARL Financière K and A et de l'utilisation du temps et du matériel de travail à des fins personnelles.

Le 4 juillet 2016, Madame [Z] [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Bergerac aux fins de contester son licenciement.

Par jugement de départage en date du 20 septembre 2017, le conseil de prud'hommes de Bergerac a :

- constaté l'absence de cause réelle et sérieuse au licenciement de Mme [Z] [V] épouse [B],

- condamné la SARL Financière K and A à payer à Mme [Z] [V] épouse [B] les sommes suivantes :

- 2.900 euros bruts au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 290 euros au titre de l'indemnité de congés payés afférente,

- 1.112,23 euros bruts au titre du rappel de salaire pour la période de mise à pied à titre conservatoire,

- 112,23 euros bruts au titre de l'indemnité de congés payés afférente,

- 2.452,75 euros bruts au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- débouté Mme [Z] [V] épouse [B] de sa demande de dommages-intérêts pour rupture vexatoire,

- condamné la SARL Financière K and A à remettre à Mme [Z] [V] épouse [B] dans un délai d'un mois à compter de la signification du présent jugement les documents de rupture du contrat de travail conformes au jugement,

- ordonné le remboursement par la SARL Financière K and A à l'ASSEDIC des indemnités chômages payées à Mme [Z] [V] épouse [B] du jour du licenciement au prononcé de la présente décision dans la limite de 6 mois d'indemnité,

- condamné la SARL Financière K and A à payer à Mme [Z] [V] épouse [B] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SARL Financière K and A aux entiers dépens.

Par déclaration en date du 18 octobre 2017, la SARL Financière K and A a relevé appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas discutées.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe de la Cour d'appel de Bordeaux le 12 mars 2009 la SARL Financière K and A demande à la cour de :

In limine litis :

- révoquer l'ordonnance de clôture au jour des plaidoiries

A titre principal :

- juger que le licenciement de Mme [Z] [V] épouse [B] pour faute a une cause réelle et sérieuse, et est donc fondé,

- ordonner le remboursement des sommes suivantes qu'elle a versées à Mme [Z] [V] épouse [B] :

- 2.900 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 290 euros bruts à titre de congés payés sur préavis

-1.122,30 euros bruts à titre de rappel de salaire pour la mise à pied conservatoire du 30/3/16 au 21/04/16

-112,23 euros bruts à titre de congés payés sur rappel de salaire

- 2.452,75 euros bruts à titre d'indemnité de licenciement

-10.000 euros au titre de dommages et intérêts,

- 2.000 euros versées à Mme [Z] [V] épouse [B] au titre des frais irrépétibles,

- condamner Mme [Z] [V] épouse [B] à lui verser les sommes suivantes :

- 8.000 euros eu titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- 8.000 euros au titre des frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- assortir les sommes que Mme [Z] [V] épouse [B] est condamnée à lui payer des intérêts aux taux légal, à compter de la date de la saisine du conseil de prud'hommes, soit le 4 juillet 2016,

- condamner Mme [Z] [V] épouse [B] aux entiers dépens et ce compris les frais d'exécution de la présente décision.

A l'appui de ses prétentions, la SARL Financière K and A fait valoir que la salariée avait pour employeur la SAS Simply Perigord et la SARL Financière K and A. Elle était donc tenue à l'égard de ces sociétés à une obligation de non-concurrence.

Elle soutient que la salariée a créé une société concurrente (SAS J et C) à la SAS Simply Perigord, a démarché, notamment pendant son temps de travail, ses clients et a utilisé son matériel de travail pour des fins personnelles.

Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe de la Cour d'appel de Bordeaux le 5 février 2019, Mme [Z] [V] épouse [B] conclut à la réformation du jugement en ce qu'il a fixé les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à la somme de 10.000 euros et l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire.

Aussi, statuant à nouveau, elle demande à la cour de :

- condamner la SARL Financière K and A à lui verser les sommes suivantes :

- 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en application de l'article L 1235-5 du Code du Travail

- 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement vexatoire

- 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile

et à supporter les entiers dépens, en ce compris les frais éventuels d'exécution.

Elle sollicite la confirmation du jugement entrepris pour le surplus.

A l'appui de ses prétentions, Mme [B] soutient, qu'elle n'était pas la salariée de la SAS Simply Perigord mais seulement de la SARL Financière K and A et qu'elle ne pouvait donc être licenciée pour la violation d'une obligation de non-concurrence à laquelle elle n'était pas tenue vis-à-vis de la SAS Simply Perigord.

Elle fait valoir, qu'en tout état de cause, la SAS J et C n'exerçait pas, lors de l'exécution de son contrat de travail, des prestations concurrentes à celles de la SAS Simply Perigord.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 28 février 2019.

MOTIFS

Sur la révocation de l'Ordonnance de clôture

Aux termes de l'article 784 du Code de procédure civile, l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue.

Aucune cause grave n'étant invoquée par les parties, la demande de révocation de l'ordonnance de clôture doit être rejetée.

Sur l'existence d'un contrat de travail avec la SAS Simply Perigord

Hors état de subordination, une société faisant partie d'un groupe peut être considérée comme un co-employeur, à l'égard du personnel employé par une autre, s'il existe entre elles, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant à un même groupe et de l'état de domination économique que cette appartenance peut engendrer, une confusion d'intérêts, d'activités et de direction, se manifestant par une immixtion dans la gestion économique et sociale de cette dernière.

Ainsi, l'existence d'un contrat de travail peut être reconnue entre un salarié et un employeur autre que celui que l'acte désigne lorsque la société visée donne, directement ou indirectement, des instructions au salarié.

En l'espèce, la salariée a signé un contrat de travail à durée indéterminée avec la SARL Financière K and A (la société K and A) et la SAS Simply Perigord le 7 avril 2008 (Simply Perigord). Le contrat signé avec Simply Perigord est cependant contesté et tous les documents relatifs à l'exécution du contrat de travail (bulletins de salaire, avenant, documents de fin de contrat) mentionnent la société K and A.

Toutefois, dans certaines situations particulières, et notamment au sein d'un groupe de sociétés, la jurisprudence admet qu'un salarié soit placé sous l'autorité ou la direction de plusieurs employeurs au titre d'un même contrat de travail.

Cette situation exceptionnelle de "coemploi" est caractérisée par, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre les sociétés appartenant au même groupe et de l'état de domination économique, le fait que cette appartenance engendre, une confusion d'intérêt, d'activité et de direction. Cette confusion résulte d'une imbrication du capital, de l'identité, de la similitude ou la connexité des activités et l'identité des dirigeants sociaux.

En l'espèce, la SARL K and A est la société mère de la SARL Simply Perigord, qui est sa seule filiale.

M. et Mme [W] détiennent chacun 50% du capital social de la société K and A, tandis que la société K and A détient 50% du capital de Simply Perigord, l'autre moitié de son capital social étant détenu par les époux [W] à hauteur de 25% chacun, de sorte que les époux [W] contrôlent seuls l'activité des deux sociétés.

Par ailleurs, les deux sociétés exercent leur activité dans les mêmes locaux, ont le même siège social, le nom commercial de la société K and A est « Simply Perigord », et il y a donc une confusion totale d'identité entre les sociétés. La salariée, elle-même, utilise le nom de « Simply Perigord » dans les mails qu'elle envoie aux clients.

La société K and A n'a pour activité que la gestion administrative, comptable, financière et commerciale de Simply Perigord. Elle n'a donc pas d'activité propre car l'existence de son activité dépend exclusivement de l'existence de l'activité de Simply Perigord.

La SARL Simply Perigord a pour objet social le "Négoce de produits immobiliers régionaux, locations saisonnières d'immeubles, entretien et surveillance de toutes propriétés, entretien de piscines, le négoce de matériel, produits et accessoires de piscine, maintenance, mise en service.

Mme [B], qui a été engagée en qualité de secrétaire par la société K and A, n'indique pas à la cour le contenu de ses missions, mais ne conteste pas avoir effectué les tâches suivantes, telles qu'énoncées par l'intimée :

-Visites régulières de l'intérieur et de l'extérieur des maisons/propriétés des clients de la SARL Simply Perigord dans le cadre des contrats d'entretien et de surveillance établis entre ces derniers,

- Conciergerie (remise de clés, mise en température selon la saison),

- Gestion de projets-liaison avec les divers artisans selon les besoins des propriétaires,

- Rédaction de rapports/compte rendu de l'état des propriétés et destinés aux propriétaires,

- Démarches administratives pour le compte des clients,

- Liaison avec les jardiniers et pisciniers chargés de l'entretien des jardins et piscines des clients de la SARL Simply Perigord.

Cette situation conduit à l'impossibilité de distinguer chacun des employeurs, les tâches confiées à Mme [B] ressortant de l'activité de la société Simply Perigord.

Les deux sociétés étant donc dans une confusion totale d'intérêt, d'activité et de direction, la salariée se trouvait dans une situation de « coemploi » et donc dans un lien de subordination avec Simply Perigord.

La discussion sur la validité du contrat de travail en date du 26 mars 2008 entre la société Simply Perigord (ainsi que la société K and A), et Mme [B] est indifférente à la solution du présent litige.

C'est donc à tort que le premier juge a déclaré l'absence de lien juridique entre la salariée et la société Simply Perigord, et la cour, infirmant la décision entreprise, juge que les sociétés K and A et Simply Perigord avaient la qualité de co-employeurs de Mme [B].

Sur le licenciement pour faute grave

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.

Un salarié ne peut se livrer à une activité concurrente à celle de son employeur pendant l'exécution de son contrat de travail, que cela soit à son profit ou au profit d'un tiers, sous peine d'être licencié pour faute grave.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier, doit en apporter la preuve.

En l'espèce, la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est rédigée comme suit :

"Nous avons découvert le 16 mars 2016 que vous avez créé une société (J and C SAS -Arc en ciel nettoyage 24) qui est en concurrence directe avec la nôtre et qui offre des prestations identiques à celles de notre entreprise, notamment les activités suivantes :

- Nettoyage et entretien de maison (pour des particuliers)

- Nettoyage et traitement de sols de tous types

- Nettoyage de vitres/fenêtres

- Entretien de piscine hebdomadaire

- Nettoyage de plage de piscine

- Ouverture et fermeture annuelle de piscine

- Entretien de jardins et espaces extérieurs

- Conciergerie (remise de clés, surveillance, ménage, mise en température selon la saison, visites régulières des propriétés lors de l'absence des propriétaires)

- Gestion de projets-contacts avec les artisans selon les besoins des propriétaires

- Démarches administratives pour les clients propriétaires (paiement de factures,

contacts avec les administrations françaises, rédaction de courriers, etc.)

Créer une entreprise concurrente de celle de votre employeur constitue un premier

manquement grave à vos obligations professionnelles. Mais il est apparu aussi que vous

avez démarché des clients de notre entreprise.

Ceux-ci ont précisé qu'ils ont pris contact avec notre entreprise sollicitant des prestations

offertes par celle-ci. Ils nous ont indiqué que vous les avez dirigés vers votre propre entreprise (qui propose des prestations similaires aux nôtres) créant ainsi une grande confusion, dans la mesure où ils avaient l'impression que lesdites prestations étaient proposées par vous, notre salariée, dans le cadre de notre entreprise, comme d'habitude.

Cependant, bien au contraire, les prestations ont été effectuées par un salarié de votre

société et les sommes réglées par ces clients ont été encaissées au seul profit de votre

société.

Nous avons également découvert que vous preniez contact avec nos clients dans le cadre normal de votre travail au sein de notre entreprise ; et qu'au même moment vous

profitez de cette opportunité pour proposer des prestations offertes par votre entreprise

(et la nôtre) mais non sollicitées par des clients à ce moment-là.

De plus, vous avez distribué plusieurs dépliants publicitaires à [S] (ville où se

trouve le siège social de notre entreprise) et notamment chez un fleuriste, « Bug

Fleurs ». Ceux-ci ont été découverts par un salarié de notre entreprise.

Le site Web de votre entreprise, et l'annonce confirme la nature concurrentielle de votre

activité.

S'agissant des prestations proposées, les termes de votre annonce figurant sur Internet,

tendent à prêter confusion entre notre société et la vôtre.

Vos actes sont contraires aux obligations découlant de votre contrat de travail. »

Il résulte de la production de nombreuses attestations de clients et de factures que la société Simply Perigord offrait des services de réalisation de travaux, d'entretien des propriétés, des piscines ou des travaux de jardinage en plus du service de conciergerie.

Ces documents sont corroborés par le contrat de travail d'un salarié de Simply Perigord qui a été engagé en tant « qu'employé piscines, jardinage et entretien divers ».

La cour constate que Simply Perigord exerçait donc une activité de maintenance et de location de propriétés saisonnières mais que dans cette activité de maintenance, Simply Perigord incluait différents services notamment : l'entretien de la piscine, du jardin, un service de conciergerie et de visites mensuelles pour s'assurer de l'état des propriétés.

A l'appui de ses allégations de manquement à l'obligation de loyauté, la société financière K and A produit un procès-verbal de constat d'huissier du 25 mai 2016 relatant un examen du poste de travail informatique de la salariée. Il ressort de ce constat que le 23 novembre 2015 un RIB de la société "J&C" avait été enregistré dans l'ordinateur, que le 25 janvier 2016 la fiche technique de cette société avait également été enregistrée, qu'un devis avait été établi ce même jour par la même société à l'intention d'un client habituel de la société Simply Périgord.

Par ailleurs, se trouvaient également sur le disque dur de l'ordinateur divers documents de marketing pour la société "J&C" datés du 6 novembre 2015, ainsi qu'un devis.

Dans la messagerie utilisée par la salariée, l'huissier mandaté a imprimé un message en date du 8 février 2016 adressé par « [H] » (Madame [B]) à Monsieur [T] [L], client habituel de la société Simply Périgord lui transférant un relevé d'identité bancaire de la société "J&C". Ce client a confirmé par une attestation qu'il s'était entretenu avec Madame [B] de la réalisation d'un traitement du sol de sa cuisine, qu'elle lui avait dit que son employeur avait commencé à travailler avec une autre société qui proposait ce genre de service, et qu'il avait découvert avec surprise que la facture qui lui avait été présentée, était au nom de la société "J&C".

Le 3 juin 2015, la salariée a, en utilisant la messagerie de la société Simply Périgord, demandé à un autre client de rédiger un chèque de règlement d'une facture au nom de la société C. Antunes Cleaning pour une prestation de nettoyage.

En outre, Mme [G] a délivré une attestation ainsi rédigée : "le 16 mars 2016, j'avais pris un prospectus chez le fleuriste au Bugue (Bug'fleurs), qui était en libre-service à la caisse. Ce prospectus de la société Arc-en-ciel proposait des services de nettoyage, de conciergerie, et d'entretien piscine et jardin. J'étais à la recherche d'un emploi et j'envoyais beaucoup de candidatures spontanées. Voulant en savoir plus sur cette société afin de lui envoyer ma candidature, j'avais fait une recherche sur Internet et, à ma grande surprise, j'avais découvert que Madame [H] [B] était la gérante de la société.

J'avais connu Madame [B] lorsque la SARL K&A m'avait employée en qualité de technicienne de surface pour la saison 2015. C'est ainsi que je me suis rendue compte que Madame [B] proposait des services en concurrence avec la SARL K&A alors qu'elle faisait partie du personnel de cette société.'

Le constat d'huissier et les attestations produites démontrent que pendant l'exécution de son contrat de travail, la salariée a créé une société concurrente de son employeur, la SAS "J&C".

Ces pièces sont corroborées par une page « Facebook » de la société "J&C" datée du 22 janvier 2016 et d'un commentaire client daté du 18 octobre 2016 qui démontrent que cette société avait une activité identique de celle de Simply Perigord.

Il est également démontré que la salariée a démarché des clients de Simply Perigord pendant ses heures de travail et en entretenant la confusion avec la société "J&C".

Le fait de détourner la clientèle au profit d'une société concurrente est un manquement à l'obligation de loyauté rendant impossible le maintien de la salariée dans la société.

Les fautes reprochées à Mme [B] et démontrées par l'employeur sont d'une gravité telle qu'elles empêchaient la poursuite du contrat de travail, même pendant la durée limitée du préavis.

C'est donc à tort, que le premier juge a déclaré le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La décision déférée sera en conséquence infirmée en toutes ses dispositions, et la salariée déboutée de l'ensemble de ses prétentions.

Sur la demande de remboursement et les intérêts

Le présent arrêt constituant le titre exécutoire fondant la demande de restitution des sommes versées, il n'y a pas lieu d'en ordonner le remboursement, pas plus que de statuer sur les intérêts courant sur les sommes dues.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

L'exercice d'une action en justice de même que la défense à une telle action constitue en principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à l'octroi de dommages intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol.

La preuve d'un tel comportement n'étant pas rapportée en l'espèce, la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive sera rejetée.

Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Compte tenu de la décision intervenue, les dépens de première instance et d'appel seront laissés à la charge de Mme [B].

Il est équitable d'allouer à la SARL Financière K and A la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, que Mme [B] sera condamnée à lui payer.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement du conseil de prud'hommes de Périgueux en date du 20 septembre 2017 en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

Déboute Mme [Z] [B] de toutes ses demandes ;

Déboute la SARL Financière K and A de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Condamne Mme [Z] [B] à payer à la SARL Financière K and A la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne Mme [Z] [B] aux dépens de première instance et d'appel.

Signé par Madame Nathalie Pignon et par A.-Marie Lacour-Rivière, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

A.-Marie Lacour-Rivière Nathalie Pignon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section a
Numéro d'arrêt : 17/05857
Date de la décision : 25/09/2019

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4A, arrêt n°17/05857 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-09-25;17.05857 ?
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