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02/05/2019 | FRANCE | N°17/03128

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 02 mai 2019, 17/03128


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



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ARRÊT DU : 02 MAI 2019



(Rédacteur : Madame Catherine MAILHES, Conseillère)



SÉCURITÉ SOCIALE



N° RG 17/03128 - N° Portalis DBVJ-V-B7B-J3AZ





















CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA GIRONDE



c/



Monsieur [L] [Z]













Nature de la

décision : AU FOND





Notifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,





Grosse délivrée le :



à...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 02 MAI 2019

(Rédacteur : Madame Catherine MAILHES, Conseillère)

SÉCURITÉ SOCIALE

N° RG 17/03128 - N° Portalis DBVJ-V-B7B-J3AZ

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA GIRONDE

c/

Monsieur [L] [Z]

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 04 mai 2017 (R.G. n°20162813) par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de GIRONDE, suivant déclaration d'appel du 22 mai 2017,

APPELANTE :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA GIRONDE,

agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 1]

représentée par Me MAZEROLLE loco Me Sophie PARRENO de la SELARL BARDET & ASSOCIES, avocats au barreau de BORDEAUX

INTIMÉ :

Monsieur [L] [Z]

né le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 1]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Pierre BURUCOA, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 février 2019, en audience publique, devant Madame Catherine MAILHES, Conseillère chargée d'instruire l'affaire, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Eric VEYSSIERE, président

Madame Catherine MAILHES, conseillère

Madame Emmanuelle LEBOUCHER, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Florence CHANVRIT

Greffier lors du prononcé : Sylvaine DECHAMPS

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE

La société Réseau de transport d'électricité employait M. [Z] en qualité de technicien contremaître.

Le 22 décembre 2015, la société Réseau de transport d'électricité a établi une déclaration dans les termes suivants pour un accident du travail survenu le 17 novembre 2015 : ' le salarié était en réunion - altercation - risque psychologique'.

Le certificat médical initial, établi le 17 novembre 2015, mentionnait un 'syndrome anxio-dépressif aigü'.

Par décision du 14 mars 2016, la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde (la caisse) a refusé la prise en charge de l'accident au titre de la législation professionnelle.

Le 17 mai 2016, M. [Z] a saisi la commission de recours amiable de la caisse aux fins de contestation de cette décision.

Par décision du 28 juillet 2016, la commission de recours amiable de la caisse a rejeté le recours.

Le 3 octobre 2016, M. [Z] a saisi le tribunal des affaires de la sécurité sociale de la Gironde d'un recours contre cette décision.

Par jugement du 4 mai 2017, le tribunal des affaires de la sécurité sociale de la Gironde a :

fait droit au recours formé par M. [Z] à l'encontre de la décision de la commission de recours amiable du 28 juillet 2016,

dit que l'accident dont M. [Z] a été victime le 17 novembre 2015 devra être pris en charge au titre de la législation professionnelle,

débouté M. [Z] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

dit n'y avoir lieu à statuer sur les dépens.

Par déclaration du 23 mai 2017, la caisse a régulièrement relevé appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions du 13 novembre 2017, la caisse sollicite de la cour qu'elle :

juge recevable sur la forme et bien fondé l'appel interjeté par la caisse,

réforme le jugement entrepris,

rejette M. [Z] de l'ensemble de ses demandes.

Par ses dernières conclusions remises au greffe de la cour le 17 janvier 2018, M. [Z] demande à la cour de :

déclarer la caisse recevable mais mal fondée en son appel principal,

déclarer M. [Z] recevable et bien fondé en son appel incident,

rejetter la caisse de son appel principal,

confirmer le jugement déféré en ce qu'il a fait droit au recours formé par M. [Z] à l'encontre de la décision de la commission de recours amiable du 28 juillet 2016 et dit que l'accident dont M. [Z] a été victime le 17 novembre 2015 devra être pris en charge au titre de la législation professionnelle,

réformer le jugement déféré pour le surplus et, statuant à nouveau, condamner la caisse à verser à M. [Z] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles de première instance,

condamner la caisse à verser à M. [Z] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel, outre les dépens éventuels.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées et oralement reprises.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de prise en charge au titre de la législation professionnelle

Pour contester le jugement entrepris qui a pris en charge au titre de la législation du travail le syndrome anxio-dépressif développé par M. [Z] en considérant que l'altercation survenue le 17 novembre 2015 revêtait un caractère soudain et anormal, la caisse fait valoir que le fait accidentel est un fait soudain, survenu à une date certaine qui ne relève pas d'une exécution normale du contrat de travail, que le caractère anormal du fait générateur doit être apprécié in concreto au regard de l'emploi occupé. Elle précise que les événements accidentels habituellement à l'origine des troubles psycho-sociaux ont pour caractéristique alternative, la rupture avec le cours habituel des choses, la brutalité de l'événement, son caractère imprévisible ou son caractère exceptionnel. Aussi elle soutient que le tribunal ne précise pas en quoi l'altercation du 17 novembre 2015 revêt un caractère soudain et anormal, s'agissant de la tenue d'une réunion au cours de laquelle l'échange entre M. [Z] et son supérieur a duré plusieurs minutes, ce dernier ayant interpellé M. [Z] sur son emportement soudain en lui demandant de ne pas l'insulter et M. [Z] qui a quitté la réunion a poursuivi sa journée de travail. La réunion datée et précise ne caractérise pas un événement soudain qui implique une situation imprévue, ce d'autant que le contexte de travail était déjà dégradé et que le tribunal a mis en exergue l'inscription dans le temps de cet incident, caractérisant davantage une maladie professionnelle qu'un accident du travail. Elle ajoute qu'il n'existe aucun fait générateur anormal en rupture avec le cours habituel des choses, précisant que c'est M. [Z] qui s'est emporté le premier, qu'il ne prouve pas que M. [T] lui a adressé des bras d'honneurs et relève également que ce n'est qu'un mois après l'incident, le 22 décembre 2015 que M. [Z] a porté cet événement à la connaissance de son employeur afin qu'il soit établi une déclaration d'accident du travail.

M. [Z] qui conclut à la confirmation du jugement soutient que la gravité ou l'anormalité ne sont pas des éléments caractérisant le fait accidentel et que la position de la caisse est contra legem. Il soutient que la lésion est survenue au temps et au lieu du travail en sorte que l'imputabilité au travail est présumée et que son brusque syndrome anxio-dépressif est la conséquence exclusive de la réunion d'équipe du 17 novembre 2015 et à ce titre, constitutif d'un accident du travail.

Aux termes de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale : 'Est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.".

L'accident du travail est caractérisé par la survenance d'un fait accidentel en relation avec le travail ayant provoqué une lésion et suppose l'existence d'un fait ou d'un ensemble de faits précis survenus soudainement, soit un événement daté et soudain, pouvant être déterminé et objectivé.

La lésion peut être physique mais également d'ordre psychique ou psychologique.

Lorsque les lésions sont constituées par un trouble psychologique, l'accident du travail ne peut être caractérisé que par la soudaineté de l'événement à l'origine de la lésion, la notion d'anormalité n'étant pas nécessaire à la caractérisation dudit fait puisque subjective et d'ordre moral mais également de nature à induire un caractère fautif non nécessaire.

Pour bénéficier de la présomption d'accident du travail telle que prévue par le texte, il appartient à celui qui s'en prévaut de prouver :

la matérialité du fait accidentel au temps et au lieu du travail, soit d'établir autrement que par ses seules affirmations les circonstances exactes de l'accident et son caractère professionnel, et

l'apparition d'une lésion en relation avec ce fait accidentel, soit concernant la lésion psychique, prouver que l'arrêt de travail a été causé par une brusque altération psychique en relation avec les événements invoqués.

La notion de brusque altération induit l'existence d'une manifestation immédiate des signes d'une altération d'ordre psychologique.

Le 17 novembre 2015, le médecin traitant de M. [Z], technicien contremaître au sein de la Société RTE, lui a prescrit un arrêt de travail pour un syndrome anxio-dépressif aigü.

Cet arrêt de travail a été effectué sur une feuille d'arrêt maladie.

Le 22 décembre 2015, l'employeur a établi une déclaration concernant un accident du travail survenu le 17 novembre 2015 à 10h15, sur le lieu habituel de travail à GMR Gascogne à [Localité 2], pendant l'horaire de travail de 7h45 à 12h00 et de 13h30 à 17h15, mentionnant au titre de l'activité du salarié :' le salarié était en réunion', au titre de la nature de l'accident : 'altercation' et au titre de la nature et du siège des lésions : ' risque psychologique', faisant état d'un témoin des faits, M.[U] outre que l'accident, inscrit au registre d'accidents du travail bénins le 17 novembre 2015 sous le numéro 15 a été connu de l'employeur le 22 décembre 2015 à 15h30.

L'employeur a alors indiqué émettre des réserves par la mention 'voir courrier à venir'.

Cette déclaration a été accompagnée d'un certificat médical d' accident du travail datée du 17 novembre 2015 pour un syndrome anxio-dépressif aigü.

Il ressort des pièces versées aux débats que :

- le 17 novembre 2015, lors de la réunion portant sur l'organisation de l'atelier hydraulique qui avait débuté avant 9h, M. [Z] était arrivé une dizaine de minutes plus tard après avoir été contacté par son collègue M. [U],

- un conflit s'était alors manifesté entre M. [Z] et son responsable hiérarchique direct, M. [T], ayant débuté lorsque M. [Z] a reproché à son supérieur d'avoir transformé la note de l'atelier hydraulique qu'il connaît, en lui reprochant alors d'être un menteur,

- le ton est monté et la discussion s'est envenimée lorsque M. [Z] a de nouveau prétendu que la note avait été réécrite par M. [T], ce dernier soulignant que M. [Z] réalisait le travail de l'atelier en fonction de ses disponibilités et de son bon vouloir et non en fonction de la demande de son manager.

Il est également établi que M. [Z] a réagi le premier en traitant son supérieur de menteur et qu'il a quitté la réunion prématurément pour se rendre dans le bureau de Mme [K], assistante d'équipe, à la suite de quoi celle-ci a prévenu le directeur adjoint, le secrétaire du comité d'hygiène et de sécurité des conditions de travail qui lui a conseillé de noter l'incident dans le registre des accidents bénins, ce qui a été fait.

M. [J], présent lors de la réunion a indiqué que c'était pour lui une altercation comme il y en avait souvent eu ces derniers temps, peut-être celle de trop... la différence avec les autres, c'était la colère qu'il y avait entre M. [Z] et M. [T], des bras d'honneur de la part d'A.[T] envers [L]. [Z] et des ... (illisible) de [L]. [Z] envers A.[T].

Or à aucun moment de ses déclarations, M. [Z] n'a indiqué avoir constaté que M. [T] lui adressait des bras d'honneur, précisant qu'il avait dit à M. [T] qu'il était un menteur, que ce dernier lui avait rétorqué qu'il l'insultait, qu'il lui avait répondu que menteur n'est pas une insulte, que le ton avait continué à monter, que M. [T] s'était emporté et avait encore monté le ton en lui demandant de ne pas l'insulter, que s'il ne le croyait pas il allait chercher la note de 2009 à laquelle il avait participé.

En outre, d'autres témoins ont indiqué que la discussion s'était envenimée sans dépasser les limites raisonnables et que M. [Z] avait quitté la réunion en disant que l'on ne pourra pas s'entendre sur cette organisation. M. [Z] a d'ailleurs indiqué qu'il était sorti très énervé par tant de mensonge et d'inaction depuis tout ce temps.

Cet échange verbal certes houleux, s'est déroulé sur une période de 45 minutes environ et ne caractérise pas un fait soudain, aucun fait saillant n'en ressortant.

En outre, même si M. [Z] était au bord des larmes lorsqu'il s'est rendu dans le bureau de Mme [K], et que son médecin traitant a constaté le même jour un syndrome dépressif aïgu, le caractère brutal de l'altération des facultés mentales n'est pas établi dès lors que dans le registre des accidents bénin il avait été noté au titre de la nature des lésions : 'psychologie- déjà signalé à la médecine du travail' et que les éléments apportés font apparaître que M. [Z] avait connu des maladies professionnelles et ennuis de santé et qu'il s'était plaint auprès de son directeur d'un sentiment de manque de reconnaissance, le comportement de M. [T] envers le secrétaire du comité d'hygiène et de sécurité des conditions de travail, étant sans lien avec le présent litige.

Ce faisant le syndrome dépressif aïgu dont souffre M. [Z] ne résulte pas d'un accident du travail et ne peut être pris en charge au titre de la législation professionnelle à ce titre.

Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé et M. [Z] débouté de sa demande.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

M. [Z] succombant sera condamné aux dépens de l'appel et débouté de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

Dit que M. [Z] n'a pas été victime d'un accident du travail le 17 novembre 2015;

Déboute M. [Z] de ses demandes,

Condamne M. [Z] aux dépens de l'appel.

Signé par monsieur Eric Veyssière, président, et par madame Sylvaine Déchamps, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

S. Déchamps E. Veyssière


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 17/03128
Date de la décision : 02/05/2019

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4B, arrêt n°17/03128 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-05-02;17.03128 ?
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