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02/05/2019 | FRANCE | N°17/02899

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 02 mai 2019, 17/02899


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



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ARRÊT DU : 02 MAI 2019



(Rédacteur : Madame Catherine MAILHES, Conseillère)



SÉCURITÉ SOCIALE



N° RG 17/02899 - N° Portalis DBVJ-V-B7B-J2QP





















CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA GIRONDE



c/



Madame [C] [V]







Nature de la décision : AU FOND
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Notifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,





Grosse délivrée le :



à :

...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 02 MAI 2019

(Rédacteur : Madame Catherine MAILHES, Conseillère)

SÉCURITÉ SOCIALE

N° RG 17/02899 - N° Portalis DBVJ-V-B7B-J2QP

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA GIRONDE

c/

Madame [C] [V]

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 avril 2017 (R.G. n°20162594) par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de GIRONDE, suivant déclaration d'appel du 11 mai 2017,

APPELANTE :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA GIRONDE,

agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social

[Adresse 1]

représentée par Me MAZEROLLE loco Me Sophie PARRENO, avocates au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

Madame [C] [V]

née le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 1]

de nationalité Française

Profession : Agent d'entretien spécialisé, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Françoise RICHARD, avocate au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 février 2019, en audience publique, devant Madame Catherine MAILHES, Conseillère chargée d'instruire l'affaire, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Eric VEYSSIERE, président

Madame Catherine MAILHES, conseillère

Madame Emmanuelle LEBOUCHER, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Florence CHANVRIT

Greffier lors du prononcé Sylvaine DECHAMPS

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE

La polyclinique [Établissement 1] employait Mme [V] en qualité d'agent de stérilisation.

Le 3 février 2016, la polyclinique [Établissement 1] a établi une déclaration pour un accident du travail, survenu le 31 octobre 2015, dans les termes suivants : 'entretien avec la direction - choc émotionnel'.

Le certificat médical initial, établi le 19 novembre 2015, mentionnait un 'syndrome réactionnel'.

Par décision du 8 avril 2016, la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde (la caisse) a refusé la prise en charge de l'accident au titre de la législation professionnelle, en l'absence de fait accidentel.

Le 26 avril 2016, Mme [V] a saisi la commission de recours amiable de la caisse aux fins de contestation de cette décision.

Par décision du 26 juillet 2016, la commission de recours amiable de la caisse a rejeté le recours.

Le 24 août 2016, Mme [V] a saisi le tribunal des affaires de la sécurité sociale de la Gironde d'un recours contre cette décision.

Par jugement du 7 avril 2017, le tribunal des affaires de la sécurité sociale de la Gironde a :

infirmé la décision de la commission de recours amiable de la caisse du 26 juillet 2016,

dit que l'accident dont Mme [V] a été victime le 31 octobre 2015 devra être pris en charge au titre de la législation professionnelle,

renvoyé Mme [V] devant la caisse pour la liquidation de ses droits,

condamné la caisse à verser à Mme [V] la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

rappelé que la procédure devant le tribunal des affaires de sécurité sociale est gratuite et sans frais, et ne donne donc pas lieu au recouvrement de dépens.

Par déclaration du 12 mai 2017, la caisse a régulièrement relevé appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions du 13 novembre 2017, la caisse sollicite de la cour qu'elle :

juge recevable sur la forme et bien fondé l'appel interjeté,

réforme le jugement entrepris,

rejette Mme [V] de l'ensemble de ses demandes.

Par ses dernières conclusions enregistrées le 29 décembre 2017, Mme [V] demande à la cour de :

confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

condamner la caisse à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées et oralement reprises.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la prise en charge au titre de la législation professionnelle

Le jugement entrepris a retenu que malgré le temps écoulé entre le fait accidentel, la première constatation médicale et la déclaration de l'employeur, il était établi que l'entretien du 31 octobre 2015 au cours duquel il avait été notifié à l'assurée son changement de service était en lien avec le syndrome dépressif réactionnel évoqué dans le certificat médical joint à la déclaration d'accident du travail, et que Mme [V] rapportait la preuve que le choc émotionnel dont elle a été victime à la suite de l'entretien du 31 octobre 2015 constituait un fait accidentel au sens de l'article L.411-1 du code de la sécurité sociale et devait être pris en charge au titre de la législation professionnelle.

Pour contester ce jugement, la caisse soutient que les faits survenus le 31 octobre 2015 ne peuvent être qualifiés d'accident du travail dès lors que Mme [V] ne rapporte pas la preuve d'un événement soudain, daté et précis et du caractère anormal du fait générateur, ajoutant que le tribunal n'a pas identifié un événement soudain à l'origine de la lésion.

Elle précise que si l'entretien s'est déroulé au temps et au lieu du travail, il ne caractérise pas un fait soudain puisqu'elle n'avait pas été reçue à l'improviste et qu'elle avait poursuivi sa journée de travail de manière classique. Elle estime qu'aucun fait générateur anormal en rupture avec le cours habituel des choses n'est susceptible d'être retenu puisque l'employeur n'avait fait qu'user de son pouvoir de direction et exercer ses prérogatives, comme l'aurait fait n'importe quel employeur et qu'il n'est pas justifié que le changement d'affectation de Mme [V] se soit produit de manière brutale, sa mutation n'entraînant aucune modification de sa rémunération ou de son coefficient. Elle ajoute que ce n'est que 20 jours après l'accident invoqué que Mme [V] a fait constater ses lésions et qu'elle n'a porté cet événement à la connaissance de l'employeur qu'un mois et demi après l'entretien, ne permettant pas de rattacher la lésion au travail.

Mme [V] soutient qu'elle a été victime d'un accident du travail qui s'est manifesté par un choc émotionnel grave à la suite de sa déclassification, matérialisée par un changement d'affectation de service, passant d'un poste d'agent de stérilisation à un poste d'agent de service hospitalier et qu'en l'espèce, l'entretien du 31 octobre 2015 a le caractère soudain et brutal de l'accident du travail, indiquant qu'elle a été piégée car appelée au téléphone durant sa pause pour se voir notifier sans l'assistance d'un représentant du personnel, une rétrogradation professionnelle sans qu'elle soit justifiée par le moindre reproche, si ce n'est par le fait qu'elle n'était plus productive ni compétente depuis son cancer, à la suite duquel elle est remontée en larmes dans les vestiaires.

Aux termes de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale : 'Est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.".

L'accident du travail est caractérisé par la survenance d'un fait accidentel en relation avec le travail ayant provoqué une lésion et suppose l'existence d'un fait ou d'un ensemble de faits précis survenus soudainement, soit un événement daté et soudain, pouvant être déterminé et objectivé.

La lésion peut être physique mais également d'ordre psychique ou psychologique.

Lorsque les lésions sont constituées par un trouble psychologique, l'accident du travail ne peut être caractérisé que par la soudaineté de l'événement à l'origine de la lésion, la notion d'anormalité n'étant pas nécessaire à la caractérisation dudit fait puisque subjective et d'ordre moral mais également de nature à induire un caractère fautif non nécessaire.

Pour bénéficier de la présomption d'accident du travail telle que prévue par le texte, il appartient à celui qui s'en prévaut de prouver :

la matérialité du fait accidentel au temps et au lieu du travail, soit d'établir autrement que par ses seules affirmations les circonstances exactes de l'accident et son caractère professionnel, et,

l'apparition d'une lésion en relation avec ce fait accidentel, soit concernant la lésion psychique, prouver que l'arrêt de travail a été causé par une brusque altération psychique en relation avec les événements invoqués.

La notion de brusque altération induit l'existence d'une manifestation immédiate des signes d'une altération d'ordre psychologique.

Il est établi que le 31 octobre 2015, Mme [V] a été convoquée en entretien avec la directrice Mme [O] en présence de Mme [T] au cours duquel lui a été annoncé son changement de service et qu'il a été constaté par certains de ses collègues que dans l'après-midi elle était en plein désarroi et effondrée, en larmes et ne sachant que faire.

Pour autant, ce n'est que selon certificat médical du 19 décembre 2015, soit plus d'un mois et demi après cette annonce que le Dr [U] a constaté chez Mme [V] un syndrome dépressif réactionnel, en notant 'Pleurs++- avis médecin du travail hôpital ... (illisible) AT' , et l'a adressé à son confrère le Pr [I] en indiquant qu'elle présentait un état dépressif apparu dans les suites du changement de poste, outre en lui prescrivant un arrêt de travail.

Le Dr [U] a indiqué aux termes de son certificat du 18 janvier 2017 qu'il était possible qu'un état dépressif survienne à distance d'un choc émotionnel.

Néanmoins, Mme [V] n'apporte aucun élément probant concernant le caractère impromptu de l'entretien et la durée de celui-ci. Il est seulement constant qu'il lui a alors été annoncé son changement de service.

Or la décision de changement d'affectation de Mme [V] ne caractérise pas un événement soudain dès lors que s'il lui a été annoncé une première fois oralement, le 31 octobre 2015, il lui a été confirmé par écrit trois jours après par courrier du 2 novembre 2015 pour une mise en oeuvre un mois après, le 7 décembre 2015 avec un maintien de son salaire et de son coefficient.

D'ailleurs le 4 novembre 2015, Mme [V] a écrit au médecin du travail pour l'informer de ce changement de poste, en précisant qu'elle bénéficiait d'un poste aménagé à la suite de son cancer du 16 novembre 2011 et lui signifier que ce nouveau poste était incompatible avec son état de santé.

En outre, lors de la réunion extraordinaire du comité d'entreprise du 9 novembre 2015 ayant pour objet le projet de réorganisation des plannings ASH bloc et stérilisation, à laquelle Mme [V] était présente en sa qualité de déléguée du personnel, elle a évoqué sa situation personnelle et le fait que le poste qui lui était proposé ne semblait pas compatible avec ses problèmes de santé.

Aussi, le syndrome dépressif constaté le 19 décembre 2015 chez Mme [V] résulte d'un processus décisionnel auquel elle s'est vainement opposée, ne caractérisant pas un événement soudain et ne saurait en conséquence constituer un accident du travail et relever à ce titre de la législation professionnelle.

Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé et Mme [V] sera déboutée de ses demandes.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Mme [V] succombe en sorte qu'elle sera condamnée aux dépens de l'appel et déboutée de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et le jugement entrepris infirmé en ce qu'il a condamné la caisse au versement d'une somme à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

Déboute Mme [V] de l'intégralité de ses demandes,

Condamne Mme [V] aux dépens.

Signé par monsieur Eric Veyssière, président, et par madame Sylvaine Déchamps, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

S. Déchamps E. Veyssière


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 17/02899
Date de la décision : 02/05/2019

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4B, arrêt n°17/02899 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-05-02;17.02899 ?
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