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11/04/2019 | FRANCE | N°16/06569

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 11 avril 2019, 16/06569


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



--------------------------









ARRÊT DU : 11 AVRIL 2019



(Rédacteur : Madame Catherine MAILHES, Conseillère)



SÉCURITÉ SOCIALE



N° RG 16/06569 - N° Portalis DBVJ-V-B7A-JQJ7





















CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA GIRONDE



c/

Monsieur [Z] [O]



















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Nature de la décision : AU FOND







Notifié par LRAR le :



LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :



La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).



Certifié par le Greffier en Chef,



Grosse délivrée le ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 11 AVRIL 2019

(Rédacteur : Madame Catherine MAILHES, Conseillère)

SÉCURITÉ SOCIALE

N° RG 16/06569 - N° Portalis DBVJ-V-B7A-JQJ7

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA GIRONDE

c/

Monsieur [Z] [O]

Nature de la décision : AU FOND

Notifié par LRAR le :

LRAR non parvenue pour adresse actuelle inconnue à :

La possibilité reste ouverte à la partie intéressée de procéder par voie de signification (acte d'huissier).

Certifié par le Greffier en Chef,

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 octobre 2016 (R.G. n°20150738) par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de GIRONDE, suivant déclaration d'appel du 03 novembre 2016,

APPELANTE :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA GIRONDE, prise en la personne de son directeur domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 1]

représentée par Madame [H] [W], munie d'un pouvoir régulier

INTIMÉ :

Monsieur [Z] [O]

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Henri Michel GATA, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 20 février 2019 en audience publique, devant la Cour composée de :

Eric VEYSSIERE, président

Catherine MAILHES, conseillère

Emmanuelle LEBOUCHER, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Sylvaine DECHAMPS,

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

EXPOSE DU LITIGE

M. [O], exerçant la profession d'infirmier libéral, a fait l'objet d'un contrôle administratif par la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde (la caisse) sur la période du 1er janvier 2012 au 14 juin 2013.

Le 23 novembre 2014, la caisse a adressé à M. [O] une notification de reversement de prestations indues pour une somme de 227 296,17 euros au titre d'anomalies de facturation, la caisse reprochant à ce dernier d'avoir facturé et perçu le montant d'honoraires correspondant à des actes qu'il n'avait pas personnellement effectués, en infraction aux dispositions des articles R. 4312-43 et 45 du code de la santé publique, 5 de la nomenclature générale des actes professionnels et 5-2-6 de la convention nationale de 2007 destinée à régir les rapports entre les infirmiers libéraux et les organismes d'assurance-maladie.

Le 29 décembre 2014, M. [O] a saisi la commission de recours amiable de la caisse. Par décision du 10 mars 2015, la commission de recours amiable de la caisse a rejeté ce recours.

Le 20 avril 2015, M. [O] a saisi le tribunal des affaires de la sécurité sociale de la Gironde d'un recours contre cette décision.

Par jugement du 16 octobre 2016, le tribunal des affaires de la sécurité sociale de la Gironde a:

déclaré recevable le recours de M. [O] contre la décision de la commission de recours amiable de la caisse du 10 mars 2015,

jugé que l'action en répétition de l'indu de la caisse à l'encontre de M. [O] est fondée à hauteur de 9 743,93 euros,

condamné M. [O] au paiement de cette somme à la caisse outre les éventuels frais d'exécution de cette décision,

débouté la caisse du surplus de ses demandes.

Il a considéré que la caisse n'avait pas rapporté la preuve des paiements au titre des actes régulièrement prescrits, effectivement réalisés et dont la cotation n'excède pas celle qui est prévue à la nomenclature générale mais avait seulement rapporté la preuve des versements correspondant aux actes dont la facturation n'était pas conforme à la prescription ou à la NGAP.

Par déclaration au greffe du 3 novembre 2016, la caisse a régulièrement relevé appel du jugement.

Par arrêt du 5 juillet 2018, la cour a ordonné la réouverture des débats et enjoint à la caisse de produire le rapport d'enquête effectué par son agent assermenté et de présenter les sommes qu'elle réclame en distinguant par bloc en fonction du type d'irrégularité alléguée :

d'une part la facturation d'actes non personnellement exécutés, en indiquant chacun des actes irréguliers allégués comme elle 1'a fait dans le tableau présenté mais en outre en déterminant des totaux intermédiaires en bas de page et la somme totale réclamée au titre de la facturation des actes non personnellement exécutés,

d'autre part la facturation des actes non conformes à la prescription et à la NGAP en précisant spécifiquement pour chaque type de réclamation discutée le montant qu'elle sollicite, à savoir en détaillant les sommes réclamées au titre

- des actes non-prescrits au profit de l'assurée Mme [D], patiente âgée de 94 ans -mle 21903333063361/46, s'agissant de pansements lourds cotables AMI 4,

- des actes facturés au bénéfice de l'assuré M. [J], dont la caisse soutient qu'ils ont été facturés en nombre supérieur à celui prescrit,

- des séances facturées des séances soins infirmiers au profit de chacun de MM. [E], [F], [J] et de Mmes [I], [J] et [D] qui ne respectent pas la durée exigée par la deuxième partie de la NGAP-titre XVI- chapitre l- article 11-II,

en indiquant chacun des actes irréguliers allégués comme elle l'a fait mais également en déterminant la somme totale réclamée au titre de chacun des postes sus-visés et en indiquant en bas de chaque page des totaux intermédiaires ;

et a renvoyé l'affaire à l'audience du 20 février 2019.

Aux termes de ses dernières conclusions du 20 décembre 2018, la caisse demande à la cour :

d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a limité la condamnation de M. [O] à la somme de 9 743,93 euros,

de le confirmer dans ses autres dispositions,

de condamner M. [O] au paiement des sommes suivantes :

- 227 296,17 euros outre les intérêts de retard au taux légal ainsi que les éventuels frais d'exécution,

- 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ses dernières conclusions du 12 février 2019, M. [O] faisant appel incident sollicite de la cour qu'elle infirme le jugement déféré en ce qu'il l'a condamné au paiement de la somme de 9 743,93 euros et statuant à nouveau,

constate qu'il se reconnaît redevable à l'égard de la caisse de la somme de 513,98 euros, facturée à tort concernant le patient M. [J],

rejette le surplus des demandes formulées par la caisse,

condamne la caisse au paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens avec distraction au profit de Me Gata sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.

***

La caisse conteste le jugement en ce qu'il a rejeté sa réclamation en l'absence de preuve de la ventilation des sommes réclamées, s'en remettant à l'appréciation de la cour sur la recevabilité du recours, et en faisant valoir que :

- le tribunal des affaires de sécurité sociale a violé les dispositions de l'article 16 du code de procédure civile en ne demandant pas aux parties de présenter leurs observations sur le moyen qu'il soulevait d'office tiré de la combinaison des articles L.133-4 du code de la sécurité sociale, 1235 et 1376 du code civil portant sur la preuve des paiements indus réalisés par la caisse ;

- le tribunal des affaires de sécurité sociale a confirmé son argumentaire en considérant que M. [O] avait eu recours aux services de quatre confrères dans le cadre de contrats intitulés 'convention de remplacement' et qu'il avait lui même poursuivi son activité durant ces périodes de 'remplacement', en infraction aux dispositions des articles R.4312-43 et R.4312-45 du code de la santé publique et de l'article 5.2.3 de la convention nationale de 2007 ; les conditions de la collaboration n'étaient pas réunies puisque Mme [Q], MM. [S] et [Z] n'avaient pas de plaque professionnelle ni de feuille de soins à leur noms ou de carte professionnelle de santé (CPS), que les actes dispensés par les quatre infirmiers ont été facturés par M. [O] seul, ce qu'il a reconnu lors de son audition et que dans le cadre d'une collaboration, il n'y a pas de rétrocession d'honoraire, laquelle est le propre du remplacement, précisant qu'il n'y a pas de contrat de travail puisqu'il est prohibé entre infirmiers ; la condition liée à l'absence d'activité professionnelle par l'infirmier remplacé pendant toute la durée du remplacement n'est pas remplie, M. [O] ayant reconnu le 24 juillet 2013 avoir systématiquement travaillé en même temps que l'un de ses remplaçants comme les plannings de roulement du cabinet infirmier le prouvent ; cette pratique n'a pas été effectuée de bonne foi puisque M. [O] a continué à pratiquer de la sorte postérieurement à son engagement, à compter de septembre 2013, de présenter des feuilles de soin biffées mentionnant le nom du remplaçant effectuant les soins en ce qui concerne MM. [Z] et [S] et qu'ainsi il conservait pour son propre compte un pourcentage de 9% sur l'ensemble des soins facturés et a pu se constituer à son seul nom une clientèle élargie qu'il n'aurait jamais pu faire seul dans une zone sur-dotée.

M. [O] qui conteste tout abus de facturation au sens de l'article L.145-5-2 du code de la sécurité sociale, le seul préjudice qu'il reconnaît étant limité à la somme de 513,98 euros concernant le patient M. [J], fait valoir que :

- son recours devant le tribunal des affaires de sécurité sociale est recevable pour avoir été effectué le 29 décembre 2014 dans le délai de deux mois de la notification de la mise en demeure de reversement, correspondant au recours examiné par la commission de recours amiable ;

- le tribunal des affaires de sécurité sociale n'a pas violé les dispositions de l'article 16 du code de procédure civile, puisqu'il avait été soulevé en page 23 de ses conclusions devant le tribunal ;

- il a fait appel à des collaborateurs sans prendre la précaution d'établir des contrats dits de collaboration, intitulés convention de remplacement, mais qu'au regard du caractère ténu des différences entre la collaboration et le remplacement outre de l'objet même des conventions dites de remplacement qui est de lui permettre de mieux assurer les soins des patients et malades de façon à ce que ceux-ci bénéficient de soins consciencieux, éclairés et prudents grâce à un climat d'entraide mutuelle et une organisation du travail permettant une permanence et continuité des soins et de leur esprit au regard de la rétrocession des honoraires et de la mise à disposition des moyens du cabinet, l'ensemble des intervenants était persuadé de conclure des conventions soumises au régime du contrat de collaboration ; les règles du remplacement sont ignorées de la majorité des infirmiers libéraux titulaires ; il a toujours été persuadé de conclure un contrat soumis aux règles de la collaboration, sans volonté de fraude ni intention d'enfreindre les règles du contrat de remplacement ou les règles relatives à l'interdiction de contrat de travail entre infirmiers ; il dénie ainsi tout lien de subordination avec les infirmiers contractants, la notion de chef n'ayant aucune valeur juridique ; il conservait 9% des sommes facturées par les infirmiers intervenant au titre des rétrocessions d'honoraires, sans qu'il y ait le moindre paiement d'un salaire quel qu'il soit ;

- la caisse ne peut se contenter de simples allégations quant aux actes et frais annexes facturés par M. [O] et doit démontrer quels actes ont été accomplis par les remplaçants et procéder à une ventilation et en l'occurrence, tout en reconnaissant qu'il ne pouvait prétendre directement au remboursement des soins en provenance de la caisse, il estime que les actes n'étaient pas abusifs et que la caisse n'a subi aucun préjudice puisque l'ensemble des actes réalisés par les infirmiers collaborateurs devaient nécessairement être rémunérés par elle.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées et oralement reprises.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité du recours devant le tribunal des affaires de sécurité sociale

Il convient de constater que la caisse ne conteste pas le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré recevable le recours de M. [O] à l'encontre de la décision de la commission de recours amiable du 10 mars 2015 et a donc abandonné ce moyen. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur la facturation d'actes non personnellement exécutés

L'article L. 133-4 du code de la sécurité sociale prévoit que :

En cas d'inobservation des règles de tarification ou de facturation :

1° des actes, prestations et produits figurant sur la liste mentionnée aux articles L. 162-1-7, L.162-17, L.165-1, L.162-22-7 ou relevant des dispositions des articles L.162-22-1 et L.162-6...l'organisme de prise en charge recouvre l'indu auprès du professionnel ou de l'établissement à l'origine du non-respect de ces règles et ce, que le paiement ait été effectué à l'assuré, à un autre professionnel de santé ou à un établissement.

Il en est de même en cas de facturation en vue du remboursement, par les organismes d'assurance maladie, d'un acte non effectué ou de prestations et produits non délivrés...

Selon les dispositions de l'article R.4312-43 du code de la santé publique le remplaçant d'un infirmer ou d'une infirmière est possible pour une durée correspondant à l'indisponibilité de l'infirmier ou de l'infirmière remplacé...Au delà d'une durée de vingt-quatre heures ou en cas de remplacement d'une durée inférieure à vingt-quatre heures mais répété, un contrat de remplacement doit être établi entre les deux parties.

En application de l'article R.4312-45 du même code, durant la période de remplacement, l'infirmier ou l'infirmière remplacé doit s'abstenir de toute activité professionnelle infirmière sous réserve des dispositions des article R.4312-6 et R.4312-22. L'infirmier ou l'infirmière remplacé doit en informer les organismes d'assurance maladie en leur indiquant le nom du remplaçant ainsi que la durée et les dates de son remplacement. Dans le cas où le remplaçant n'a pas de lieu de résidence professionnelle, l'infirmer remplacé indique également le numéro et la date de délivrance de l'autorisation préfectorale mentionnée à l'article R.4312-44.

Au titre de la Convention nationale destinée à régir les rapports entre les infirmières et infirmiers libéraux et les organismes d'assurance maladie il est prévu notamment que :

5.2.3 condition d'exercice des remplaçantes :

...Durant la période effective de son remplacement, l'infirmière remplacée s'interdit toute activité dans le cadre conventionnel à l'exception toutefois du suivi de formation conventionnelle.

Les caisses peuvent demander, en tant que de besoin, la communication de l'attestation de remplacement.

L'infirmière remplacée vérifie que l'infirmière remplaçante remplit bien les conditions nécessaires à l'exercice du remplacement dans le cadre de la présente convention. Aussi elle s'engage à porter à connaissance de sa remplaçante les dispositions de la présente convention et à l'informer des droits et obligations qui s'imposent à elle dans ce cadre.

L'infirmière remplaçante prend la situation conventionnelle de l'infirmière qu'elle remplace. En conséquence, l'infirmière remplaçante ne peut remplacer, dans le cadre conventionnel, une infirmière déconventionnée.

Les points c et d de l'article 5.2.2 sont également applicables aux remplaçantes...

5.2.6 Facturation des honoraires :

Lors de chaque acte, l'infirmière porte sur la feuille de soins ou le document de facturation toutes les indications prévues par la réglementation en vigueur.

Lorsqu'elle réalise des actes ou prestations remboursables par l'assurance maladie, l'infirmière est tenue de mentionner ces actes sur une feuille de soins ou tout autre support en tenant lieu...

Selon l'article 5 de la Nomenclature générale des actes professionnels, seuls peuvent être pris en charge ou remboursés par les caisses d'assurance maladie, sous réserve que les personnes qui les exécutent soient en règle vis-à-vis des dispositions législatives, réglementaires et disciplinaires concernant l'exercice de leur profession :

c) les actes effectués personnellement par un auxiliaire médical, sous réserve qu'ils aient fait l'objet d'une prescription médicale écrite qualitative et quantitative et qu'ils soient de sa compétence.

1/ Sur le moyen tiré de la violation de l'article 16 du code de procédure civile

Le tribunal des affaires de sécurité sociale a considéré qu'il résultait de la combinaison des articles L.133-4 du code de la sécurité sociale, 1235 et 136 du code civil, que l'inobservation des règles de facturation ne pouvait donner lieu à restitution des sommes versées que dans le cas où l'organisme établissait qu'il avait effectivement réalisé des paiements qu'il n'aurait pas dû faire et qu'en l'espèce cette preuve n'était pas rapportée en ce qui concerne les sommes versées au titre des actes régulièrement prescrits, effectivement réalisés et dont la cotation n'excède pas celle qui est prévue à la nomenclature générale, correspondant à défaut de preuve contraire aux versements que la caisse aurait dû effectuer en tout état de cause, après avoir constaté que la caisse qui réclamait le reversement de la somme de 227.296,17 euros , ne produisait aucun détail et ne précisait pas si cette somme représentait la totalité des honoraires versés à M. [O] ou seulement le montant de ceux qui correspondent aux actes qui n'ont pas été effectués personnellement par lui et aux actes surcôtés.

Aux termes du mémoire déposé devant le tribunal des affaires de sécurité sociale, M. [O] a reproché à la caisse de se contenter de simples allégations quant aux actes et frais annexes facturés par M. [O] et a soutenu que la caisse devait pour cela démontrer quels actes avaient été accomplis par les remplaçants et quels actes avaient été accomplis par lui-même et ainsi procéder à une ventilation, sans en tirer de conséquences au titre de l'indu mais uniquement pour voire constater que la caisse n'avait pas subi de préjudice, en sorte que le moyen tiré de l'absence de preuve de l'indu n'était pas soulevé.

Ce faisant le tribunal des affaires de sécurité sociale qui a statué sans demander aux parties de s'expliquer sur la preuve de l'indu au titre de l'imputation des actes à M. [O] ou à l'un ou l'autre de ses collaborateurs qu'il soulevait d'office a manqué aux dispositions de l'article 16 du code de procédure civile.

La conséquence de la violation de l'article 16 du code de procédure civile est en principe la nullité du jugement, ce que ne sollicite toutefois pas la caisse.

2/ Sur le fond

La caisse primaire d'assurance maladie ne fait aucunement valoir l'existence d'un contrat de travail et d'un salariat entre M. [O] et les infirmiers qui lui apportaient leur concours. Aussi les développements de M. [O] sur ce point sont inopérants.

Il est constant que les quatre infirmiers avec lesquels M. [O] a travaillé pendant la période du 1er janvier 2012 au 14 juin 2013, à savoir, Mme [Q], M. [S], M. [Z] et Mme [A], n'étaient alors pas titulaires de carte professionnelle de santé, n'étant ni conventionnés ni même connus de la caisse et que M. [O] a facturé sur l'ensemble de la période litigieuse avec sa propre carte CPS, tous les actes dispensés par les quatre infirmiers qui lui apportaient leur concours et a encaissé la totalité des honoraires correspondants avant de les reverser à ceux-ci, déduction faite d'un montant de 9%.

Dès lors que l'activité libérale d'infirmier prohibe le salariat et que M. [O] a déclaré à son nom les actes dispensés par les infirmiers qui lui apportaient leur concours avec sa propre carte professionnelle, il ne peut se prévaloir d'un contrat de collaboration et leur intervention ne pouvait se faire que dans le cadre d'un contrat de remplacement, peu important en l'occurrence, l'ignorance des règles s'y rapportant.

Il est constant et il ressort des plannings que M. [O] a systématiquement fait des actes et prestations d'infirmier pendant le temps d'activité de ses remplaçants. Cette pratique est contraire à l'interdiction de toute activité dans le cadre conventionnel prévu dans la convention nationale de 2007 sus-visée et des dispositions des articles R.4312-43 et R.4312-45 du code de la santé publique.

Ainsi M. [O] a tout à la fois, violé les dispositions de la convention nationale de 2007 et l'article 5 de la Nomenclature générale des actes professionnels prévoyant que seuls peuvent être pris en charge les actes effectués personnellement par l'auxiliaire médical, s'agissant pour cette dernière d'une règle de facturation.

M. [O] reproche à la caisse de se contenter de simples allégations quant aux actes et frais annexes facturés et soutient comme en première instance que la caisse devait pour cela démontrer quels actes avaient été accomplis par les remplaçants et quels actes avaient été accomplis par lui-même et ainsi procéder à une ventilation. Toutefois il n'en tire pas de conséquences au titre de l'indu mais uniquement au titre de l'absence de preuve d'un préjudice de la caisse, en dehors du fondement juridique invoqué, qui n'est pas l'abus d'honoraire.

En outre, il ressort du rapport d'enquête de la caisse que l'inspectrice assermentée a constaté que les paiements de la caisse s'élevaient à :

- sur l'année 2012, 248 627 euros au titre des actes infirmiers remboursés et 41 530 euros au titre des frais de déplacement pour un total de 290 157 euros, correspondant à 366 jours de travail sur l'année et 15 heures de séances d'actes par jour,

- sur le 1er semestre 2013, 161 428 euros au titre des actes remboursés et 26 295 euros au titre des frais de déplacement, pour un total de 189 173 euros,

alors que dans le même temps, la moyenne des honoraires d'acte inter-régime (actes plus frais de déplacement) des infirmiers girondins se montait en 2011 à 79 700 euros.

Au regard des plannings du cabinet et de ceux de M. [O] versés aux débats, outre du rapport d'enquête ci-dessus visé, des constatations de l'inspectrice qui y sont mentionnées, dont les auditions des patients au bénéfice desquels les actes ont été facturés, il est établi que les sommes réclamées telles qu'elles figurent dans les tableaux détaillant l'ensemble des facturations réclamées à M. [O] d'un montant de 152.186,00 euros sur la période du 1er janvier au 31 décembre 2012 et de 75.110,17 euros sur la période du 1er janvier au 14 juin 2013, lui laissant des revenus de 137 971 sur l'année 2012 et de 114.062,83 euros sur le premier semestre 2013, correspondent à des actes qui n'ont pas été effectués personnellement par M. [O].

Par ailleurs, les dispositions de l'article L. 145-5-2 du code de la sécurité sociale, relatives aux sanctions disciplinaires susceptibles d'être prononcées par l'ordre des infirmiers ne sont pas applicables en l'espèce.

Ce faisant, en application des dispositions de l'article L.133-4 du code de la sécurité sociale qui prévoit la restitution de l'indu par la seule inobservation des règles de tarification et de facturation et sans qu'il soit nécessaire de démontrer de la mauvaise foi du professionnel, la caisse est bien fondée à solliciter le remboursement des sommes perçues par M. [O] pour les actes qu'il n'a pas effectués personnellement, soit la somme totale de 227.296,17 euros.

Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu'il a limité l'indu à la somme de 9.743,93 euros et M. [O] condamné à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde la somme de 227.296,17 euros, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour outre les éventuels frais de signification liés à l'exécution de la décision.

Sur la facturation d'actes non conformes à la prescription et à la NGAP

Aucune somme n'est sollicitée au titre de la facturation d'actes non conformes à la prescription et à la NGAP, ce qui n'est pas contesté par l'intimé, en sorte que les développements de la caisse concernant des pratiques irrégulières pour 8 assurés sociaux, relevant de facturations abusives non conformes à la prescription et à la NGAP sont sans intérêt ni incidence sur le présent litige.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

M. [O] succombant sera débouté de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité ne commande pas de faire bénéficier la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde de ces mêmes dispositions. Elle sera en conséquence déboutée de sa demande d'indemnité à ce titre.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme le jugement entrepris,

Statuant à nouveau,

Condamne M. [O] à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde la somme de 227.296,17 euros au titre de l'indu de facturation pour la période du 1er janvier 2012 au 14 juin 2013, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour outre les éventuels frais de signification liés à l'exécution de la décision ;

Déboute les parties de toutes autres demandes.

Signé par monsieur Eric Veyssière, président, et par Sylvaine Déchamps, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

S. Déchamps E. Veyssière


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 16/06569
Date de la décision : 11/04/2019

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4B, arrêt n°16/06569 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-04-11;16.06569 ?
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