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21/03/2019 | FRANCE | N°18/01521

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 2ème chambre civile, 21 mars 2019, 18/01521


COUR D'APPEL DE BORDEAUX





DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE





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ARRÊT DU : 21 MARS 2019





(Rédacteur : Monsieur Roland POTEE, Président)








N° RG 18/01521 - N° Portalis DBVJ-V-B7C-KKU7











SA ENEDIS








c/





Monsieur W... T...


























Nature

de la décision : AU FOND


























Grosse délivrée le :





Décision déférée à la cour : jugement rendu le 15 janvier 2016 (R.G. 15/00607) par le Tribunal de Grande Instance de LIBOURNE suivant déclaration d'appel du 01 mars 2016








APPELANTE :





SA ENEDIS, venant aux droits de la société ERDF, agissant en...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 21 MARS 2019

(Rédacteur : Monsieur Roland POTEE, Président)

N° RG 18/01521 - N° Portalis DBVJ-V-B7C-KKU7

SA ENEDIS

c/

Monsieur W... T...

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 15 janvier 2016 (R.G. 15/00607) par le Tribunal de Grande Instance de LIBOURNE suivant déclaration d'appel du 01 mars 2016

APPELANTE :

SA ENEDIS, venant aux droits de la société ERDF, agissant en la personne

de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [...] - [...] - [...]

Représentée par Me Myriam ROUSSEAU, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉ :

W... T...

né le [...] à LIBOURNE (33)

de nationalité Française

demeurant [...]

Représenté par Me Dominique LAPLAGNE, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 912 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 février 2019 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Roland POTEE, Président chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Roland POTEE, Président,

Madame Isabelle DELAQUYS, Conseiller,

Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Nathalie BELINGHERI

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Par jugement du 15 janvier 2016, auquel il est référé pour l'exposé du litige et de la procédure antérieure, statuant sur les demandes indemnitaires formées par M. T..., s'agissant de la perte de qualité de sa production viticole, à l'encontre de la société Electricité Réseau Distribution France (ERDF), le tribunal de grande instance de Libourne a :

- condamné la société ERDF à payer à M. T... la somme de 52.670,59 euros à titre de dommages et intérêts et la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

- ordonné l'exécution provisoire de cette décision.

La SA ERDF a relevé appel de cette décision le 1er mars 2016.

Par conclusions sur incident en date du 30 avril 2017, complétées le 6 juin 2017, M. T... a sollicité le rejet des conclusions et pièces notifiées par la société ERDF le 28 avril 2017 et subsidiairement, la radiation de l'affaire du rôle pour défaut d'exécution du jugement assorti de l'exécution provisoire.

Par une ordonnance en date du 13 septembre 2017, le conseiller de la mise en état a :

- Rejeté la demande de M. T... tendant à voir rejeter les conclusions et pièces déposées par la société Enedis venant aux droits de d'ERDF, le 28 avril 2017 ;

- Constaté que le jugement assorti en totalité de l'exécution provisoire n'a pas été intégralement exécuté par la société Enedis,

- Ordonné la radiation de l'affaire du rôle des dossiers en cours,

- Dit n'y avoir lieu en l'état à condamnation complémentaire au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Réservé les dépens ;

Le dossier a été remis au rôle le 19 mars 2018.

Par conclusions en date du 21 janvier 2019, la société Enedis demande à la cour de :

- Réformer le jugement déféré ;

- Débouter M. T... de toutes ses demandes

- Le condamner à lui payer la somme de 52.670,59 € perçue au titre de l'exécution provisoire du jugement et celle de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Par conclusions en date du 3 avril 2018, M. T... demande à la cour de :

- Confirmer le jugement déféré,

Statuant de nouveau,

- Constater les manquements fautifs de la société ERDF au titre de la fourniture d'électricité par le biais du contrat n° 76826693162, afférent au compteur professionnel de M. T..., viticulteur à [...] ;

- Constater que le défaut de fourniture d'électricité a occasionné une surfacturation, mais aussi des coupures d'électricité sur une période longue ayant endommagé irrémédiablement la qualité du vin conservé dans un cuvier ;

En conséquence,

- Condamner la société ERDF à payer à M. T... la somme de 52.670,59 € à titre de dommages et intérêts.

- Débouter la société ERDF de toutes ses demandes, fins et conclusions.

A titre subsidiaire,

- Ordonner une expertise judiciaire en donnant notamment pour mission à l'expert de déterminer :

- la nature, l'importance et les conséquences des disfonctionnements des installations EDF et des compteurs EDF, acheminant et comptabilisant l'électricité électrique transmise et vendue à M. T..., [...], et ce depuis 2011;

- les responsabilités encourues en raison des dysfonctionnements et les préjudices subis.

En toute hypothèse,

- Condamner la société ERDF à payer à M. T... la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Laplagne, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 janvier 2019.

MOTIFS DE LA DÉCISION

M.T... réclame l'indemnisation des pertes viticoles subies du fait de l'interruption illégitime de la fourniture d'électricité par la société ERDF, devenue Enedis, à la suite des dysfonctionnements du compteur électrique desservant son chai qui avaient conduit M.T... à cesser le règlement de ses factures.

Selon lui, l'impossibilité qu'il a subie de commercialiser normalement sa production est en lien de causalité direct, certain et exclusif avec l'absence d'électricité qui n'a pas permis de traiter et de conserver le vin dans de parfaites dispositions.

Il demande ainsi l'indemnisation de la surfacturation d'électricité subie pour l'année 2011 estimée à 2.000 € et de la dégradation de sa production viticole qu'il estime à 50.670,59 euros sur la base d'un rapport d'expertise amiable établi par M.U....

La société Enedis considère injustifié le refus de M. T... de régler ses factures d'électricité après que le contrôle des équipements effectué à la demande de ce dernier en décembre 2011 a laissé apparaître qu'en dépit d'un bon fonctionnement général, un remplacement du compteur et du disjoncteur permettrait d'augmenter la puissance délivrée afin de l'adapter à ses besoins.

L'appelante, qui fait valoir qu'elle a spontanément décidé de rembourser à M. T... l'intégralité de ses consommations enregistrées entre le 17 novembre 2010 et le 22 février 2012 en conclut qu'elle était en droit de suspendre, à cette date, la fourniture d'électricité de l'intimé.

La société Enedis estime ensuite que M. T... n'est pas fondé à lui réclamer l'indemnisation d'un quelconque préjudice professionnel sur le fondement de la responsabilité contractuelle alors d'une part qu'il n'a pas signé avec elle d'abonnement professionnel, d'autre part qu'il ne prouve pas la réalité du lien de causalité avec le préjudice invoqué puisqu'il a maintenu l'apport d'électricité dans son chai par une connexion provisoire sur le compteur de l'habitation et enfin que la qualité du vin n'a pas pu être altérée par la coupure de quatre mois qui n'est pas intervenue dans une période de traitement du vin.

En tout état de cause, elle considère que la baisse du chiffre d'affaire de M. T... n'est pas la conséquence d'une absence d'électricité mais d'une diminution volontaire quantitative de sa production.

Sur la surfacturation

Le rapport d'expertise amiable établi par le cabinet O... le 22 mars 2016 établit que M.T... qui dispose d'un compteur électrique pour son chai et d'un autre pour son habitation, a estimé que le compteur du chai, changé en juin 2009 suite à un blocage, présentait un dysfonctionnement et a demandé en mars 2011 un contrôle du compteur qui n'a eu lieu qu'en décembre 2011.

Ce contrôle a permis de vérifier la conformité de l'enregistrement des consommations mais il a aussi relevé une non-conformité des IMAX et a préconisé le remplacement du compteur et du disjoncteur, l'expert expliquant que les intensités maximales enregistrées étaient supérieures de 10% au réglage du disjoncteur qui devait ainsi être remplacé pour l'adapter à la puissance demandée.

M.T... ayant persisté dans son refus de paiement des factures, la fourniture d'électricité lui a été coupée le 22 février 2012, et non le 21 décembre 2011 comme indiqué par l'expert U..., et rétabli ensuite le 13 juin 2012 avec l'installation d'un nouveau compteur, après qu'ERDF ait accepté le 29 mai 2012, d'annuler les consommations enregistrées pendant la période de dysfonctionnement du 17 novembre 2010 au 22 février 2012.

C'est ainsi que selon facturation rectificative du 8 août 2012, ERDF annulait un montant de consommation de 4.870,58 €.

Il convient donc de constater, avec l'expert O..., que même si le dysfonctionnement du compteur du chai n'est pas certain, ERDF l'a néanmoins admis en annulant les consommations litigieuses pendant la période concernée.

Il en résulte que M.T... ne peut se voir reprocher d'avoir cessé ses règlements par application de l'exception d'inexécution qu'il invoque et qu'ERDF a fautivement cessé la fourniture d'électricité le 22 février 2012 alors qu'elle a admis le dysfonctionnement du compteur le 29 mai 2012 en décidant d'annuler les consommations de la période litigieuse.

Il en résulte aussi que M.T..., ayant déjà bénéficié de l'annulation des consommations contestées pour toute la période du 17 novembre 2010 au 22 février 2012, n'est pas fondé à obtenir une indemnité complémentaire au titre de la surfacturation subie en 2011.

Le jugement qui lui a alloué une indemnité de 2.000 € de ce chef sera donc réformé.

Sur le préjudice viticole

Le préjudice invoqué tient aux conséquences dommageables de l'absence de fourniture d'énergie électrique entre le 21 décembre 2011 et le 9 septembre 2012, pendant la période de traitement de la récolte de rosé 2010/2011.

Il est cependant rappelé en premier lieu que le rapport du cabinet O... et ses annexes, en particulier les facturations d'électricité, démontrent que la coupure du compteur du chai a été effective pendant trois mois et demi , du 22 février 2012 au 13 juin 2012 et sur une période qui ne correspond pas à celle du traitement de la récolte de rosé 2010/2011 qui s'est étalée de novembre 2010 à décembre 2011.

Il ressort aussi clairement du rapport ( pages 6 et 7 ) que M.T... qui dispose d'un autre compteur domestique pour son habitation située à la même adresse, a installé une ligne électrique raccordée à sa maison d'habitation, notamment pour alimenter sa pompe mobile qui a d'ailleurs subi des dommages peu après son branchement, les deux experts tombant d'accord pour attribuer ces dommages à un bris mécanique sans rapport avec le litige.

Dans ces conditions, M.T... ne démontre pas que les préjudices invoqués soient en relation de causalité directe et certaine avec une interruption de fourniture d'électricité alimentant son chai qu'il a pu compenser par un branchement sur le compteur de son habitation et au surplus, en dehors de la période de traitement de la récolte en cause.

Dès lors, sans qu'il soit besoin de recourir à une expertise ou d'examiner les évaluations de préjudices résultant du rapport de M.U... contesté par la société Enedis, M.T... doit être débouté de ses demandes à ce titre, par infirmation du jugement.

Cette infirmation rend de plein droit l'intimé redevable des sommes versées par l'appelante au titre de l'exécution provisoire du jugement infirmé, sans qu'il y ait lieu de prononcer une condamnation de ce chef.

L'équité ne commande pas l'octroi d'indemnités au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement déféré;

Statuant à nouveau;

Déboute M.T... de toutes ses demandes;

Dit n'y avoir lieu à indemnités au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

Condamne M.T... aux entiers dépens.

La présente décision a été signée par monsieur Roland Potée, président, et madame Nathalie Belingheri, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 18/01521
Date de la décision : 21/03/2019

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 1B, arrêt n°18/01521 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-03-21;18.01521 ?
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