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17/01/2019 | FRANCE | N°17/01863

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, Chambre sociale section b, 17 janvier 2019, 17/01863


COUR D'APPEL DE BORDEAUX



CHAMBRE SOCIALE - SECTION B



--------------------------









ARRÊT DU : 17 JANVIER 2019



(Rédacteur : Madame Catherine MAILHES, Conseillère)



PRUD'HOMMES



N° RG 17/01863 - N° Portalis DBVJ-V-B7B-JX6V

















Monsieur Alain X...



c/

GIE LE GRENIER DU P...





















Nature de la décision : AU FOND
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Grosse délivrée le :



à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 février 2017 (R.G. n° 15/00019) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANGOULEME, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 24 mars 2017,







APPELANT :



Monsieur Alain ...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

CHAMBRE SOCIALE - SECTION B

--------------------------

ARRÊT DU : 17 JANVIER 2019

(Rédacteur : Madame Catherine MAILHES, Conseillère)

PRUD'HOMMES

N° RG 17/01863 - N° Portalis DBVJ-V-B7B-JX6V

Monsieur Alain X...

c/

GIE LE GRENIER DU P...

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

à :

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 27 février 2017 (R.G. n° 15/00019) par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ANGOULEME, Section Encadrement, suivant déclaration d'appel du 24 mars 2017,

APPELANT :

Monsieur Alain X...

Profession : Directeur Silo

né le [...] à AMBILLOU (37340)

de nationalité Française, demeurant [...]

représenté par Me Y..., avocat au barreau de la Charente et assisté de Me PAJOT, avocat au barreau de Bordeaux substituant Me Michel Z..., avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

GIE LE GRENIER DU P... A... en la personne de son représentant légal, demeurant en cette qualité audit siège

Rue Louis BREGUET LE FIEF DU P... - [...]

représenté par Me Jean Baptiste B..., avocat au Barreau de Bordeaux, substituant

Me Patrick C..., avocat au barreau de la Charente,

assisté de Me D..., avocat au Barreau de Bordeaux

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 21 novembre 2018 en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Eric VEYSSIERE, Président,

Madame Catherine MAILHES, Conseillère,

Madame Emmanuelle LEBOUCHER, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : S. Déchamps

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

Selon un contrat de travail à durée indéterminée du 1er août 1994, le groupement d'intérêt économique Le grenier du roy a engagé M. X... en qualité de responsable de silo avec un statut d'agent de maîtrise.

Par courrier du 31 octobre 1994, à l'issue de la période d'essai, M. X... a été confirmé dans son emploi en qualité de 'responsable du site de Châteaubernard' avec un statut de cadre.

Par avenant au contrat du travail du 3 janvier 2002, il a été convenu entre les parties que M. X... devait travailler dans le cadre d'une convention de forfait annuel en jours à hauteur de 217 jours travaillés par an pour une rémunération annuelle brute de 29 124 euros.

Par avenant au contrat de travail du 28 septembre 2009, la rémunération mensuelle brute de M. X... a été portée à 3 218,61 euros, dans le cadre du forfait de 218 jours par an, pour tenir compte de la journée de solidarité, et une prime annuelle lui était attribuée selon des modalités précises.

Selon procès-verbal du conseil d'administration du groupement d'intérêt économique Le grenier du roy du 24 avril 2014, il a été rappelé à M. X... son obligation d'établir un planning de travail individuel pour chaque salarié sur l'ensemble de l'année 2014.

Par courrier recommandé du 14 décembre 2014, M. X... a fait part au groupement d'intérêt économique Le grenier du roy de son analyse des conditions de travail et de divers griefs.

Par courrier du 28 novembre 2014, le groupement d'intérêt économique Le grenier du roy a rappelé à M. X... les consignes relatives à la gestion de ses congés payés et au suivi de son forfait en jours.

Le 14 janvier 2015, M. X... a saisi le conseil de prud'hommes d'Angoulême aux fins de :

voir juger nulle la convention de forfait en jours du 3 janvier 2002,

voir prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur,

voir condamner groupement d'intérêt économique Le grenier du roy au paiement des sommes suivantes :

- 45 616,40 euros à titre d'heures supplémentaires outre 4 561,64 euros au titre des congés payés afférents,

- 2 200 euros à titre de dommages et intérêts au titre des repos compensateurs non pris,

- 28 000 euros à titre de dommages et intérêts pour les congés payés non-pris du fait de l'employeur,

- 28 832 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

- 8 070 euros au titre de la prime d'activité 2015,

- 120 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,

- 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par courrier du 8 février 2016, le groupement d'intérêt économique Le grenier du roy a convoqué M. X... à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 18 février 2016.

Par courrier du 29 février 2016, le groupement d'intérêt économique Le grenier du roy a licencié M. X... pour motif réel et sérieux avec dispense d'exécution du préavis.

M. X..., actualisant ses demandes, a sollicité du conseil de prud'hommes d'Angoulême, à titre subsidiaire et s'il ne prononçait pas la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, qu'il juge son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamne le groupement d'intérêt économique Le grenier du roy au paiement de la somme de 120 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Par jugement du 27 février 2017, le conseil de prud'hommes d'Angoulême a :

jugé que la convention de forfait en jours datée du 3 janvier 2002 est valablement appliquée,

rejeté l'ensemble des demandes de M. X... afférentes à son annulation,

jugé que M. X... n'a pas été empêché de prendre ses congés par son employeur et rejeté sa demande de dommages et intérêts,

rejeté la demande de M. X... de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur,

jugé que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et rejeté ses demandes en réparation d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ,

rejeté la demande en paiement de la somme de 8 070 euros de M. X... au titre de la prime d'activité 2015,

rejeté la demande de M. X... fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

rejeté la demande reconventionnelle du groupement d'intérêt économique Le grenier du roy fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

condamné M. X... aux entiers dépens.

Par déclaration du 24 mars 2017, M. X... a régulièrement relevé appel du jugement.

Par ses dernières conclusions du 31 octobre 2018, M. X... sollicite de la cour qu'elle infirme le jugement déféré et, statuant à nouveau, à titre principal :

juge nul et de nul effet l'accord du 29 juillet 1998,

juge nulle et de nul effet, subsidiairement sans portée, la convention de forfait en jours de M. X...,

condamne le groupement d'intérêt économique Le grenier du roy au paiement de la somme de 45 616,40 euros à titre de paiement d'heures supplémentaires pour la période du mois de janvier 2010 à novembre 2014, outre 4 561,64 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférente avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes,

- à titre subsidiaire, si la cour estimait les demandes portant sur les années 2010 et 2011 prescrites, qu'elle condamne le groupement d'intérêt économique Le grenier du roy au paiement de la somme de 32 183,34 euros à titre de paiement d'heures supplémentaires outre 3 218,33 euros au titre des congés payés afférents avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes,

- à titre plus subsidiaire, condamne le groupement d'intérêt économique Le grenier du roy au paiement de la somme de 22 384,45 euros à titre de paiement d'heures supplémentaires outre 2 238,44 euros au titre des congés payés afférents,

- à titre encore plus subsidiaire, si la cour ne reconnaissait pas l'existence d'heures supplémentaires, condamne le groupement d'intérêt économique Le grenier du roy au paiement de la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudices moral subi du fait de conditions de travail attentatoire à sa santé,

condamne le groupement d'intérêt économique Le grenier du roy au paiement de la somme de 2 200 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de repos compensateurs non pris,

condamne le groupement d'intérêt économique Le grenier du roy au paiement de la somme de 18 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de l'absence de congés annuels du fait de l'employeur,

donne acte au groupement d'intérêt économique Le grenier du roy qu'il se reconnaît redevable de la somme de 168,32 euros au titre de la prime d'activité 2015 et le condamne, a minima, au paiement de cette somme,

condamne le groupement d'intérêt économique Le grenier du roy au paiement de la somme de 8 070 euros au titre de la prime d'activité de 2015,

condamne le groupement d'intérêt économique Le grenier du roy au paiement de la somme de 26 169,66 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L. 8221-5 du code du travail,

prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur et condamne le groupement d'intérêt économique Le grenier du roy au paiement de la somme de 120 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices moral et financier ayant résulté de cette rupture sans cause réelle et sérieuse.

A titre subsidiaire, M. X... demande à la cour de :

juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

condamner le groupement d'intérêt économique Le grenier du roy au paiement de la somme de 120 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de cette rupture.

En tout état de cause, M. X... sollicite :

la remise par l'employeur d'une attestation Pôle Emploi rectifiée dans le mois suivant l'arrêt,

la condamnation du groupement d'intérêt économique Le grenier du roy au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions du 17 novembre 2017, le groupement d'intérêt économique Le grenier du roy sollicite de la cour, à titre principal, qu'elle confirme le jugement déféré et rejette l'ensemble des demandes formulées par M. X....

A titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la cour jugerait nulle et non avenue la convention de forfait en jours du 3 janvier 2002, le groupement d'intérêt économique Le grenier du roy conclut :

au rejet de l'ensemble des demandes formulées par M. X...,

à ce que le montant des dommages et intérêts accordés à M. X... en réparation de son licenciement soient ramenés à de plus justes proportions.

A titre éminemment subsidiaire, le groupement d'intérêt économique Le grenier du roy demande à la cour de juger que le licenciement de M. X... repose sur une cause réelle et sérieuse et qu'elle :

rejette l'ensemble des demandes formulées à ce titre par ce dernier,

- si la cour considérait le licenciement dépourvu de motif réel et sérieuse, le groupement d'intérêt économique Le grenier du roy demande à la cour de ramener le montant des dommages et intérêts accordés à de plus justes proportions.

juge la prime d'ancienneté pour l'année 2015 correctement calculée et rejette les demandes de M. X... à ce titre.

En tout état de cause, le groupement d'intérêt économique Le grenier du roy sollicite le rejet de la demande de M. X... fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et sollicite la somme de 3 000 euros sur ce fondement.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 novembre 2018.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, il y a lieu de se référer au jugement entrepris et aux conclusions déposées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'exécution du contrat de travail

1/Sur la convention de forfait en jours

Pour contester le jugement entrepris en ce qu'il a dit que la convention de forfait avait été valablement appliquée, M. X... reprend son moyen tiré de la nullité de la convention de forfait et de son absence d'effet en faisant valoir que :

* d'une part, l'accord collectif du 29 juillet 1998 constituant le support de la convention individuelle de forfait et la convention individuelle de forfait du 3 janvier 2002 sont nuls car les stipulations de l'accord collectif sont insuffisamment protectrices de la santé de M. X... et sont insuffisantes pour assurer la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires, en ce que l'article 13 de l'accord ne comporte que des indications très succinctes concernant le temps de travail journalier et hebdomadaire outre le repos, le contrôle de l'employeur de ces temps de travail et de repos et en ce qu'il n'y a pas même d'entretien annuel obligatoire pour examiner les conditions de travail ;

* d'autre part, l'employeur n'a pas respecté les stipulations de l'accord collectif en sorte que la convention de forfait jours est privée d'effet et que le salarié peut prétendre au paiement des heures supplémentaires : l'employeur n'a jamais rédigé de fiche de contrôle en 13 ans ni même établi de récapitulation annuelle ; le calendrier prévisionnel qu'il s'était engagé à établir en début de chaque année aux termes de l'avenant n'a été demandé pour la première fois qu'au second semestre 2014 soit après 12 ans alors même qu'il avait rempli ses propres obligations en remplissant la feuille de temps ; le bilan annuel de la charge de travail n'a jamais été effectué et le suivi des carrières des seniors imposé par l'accord du 30 novembre 2007 non plus.

Il argue de ce qu'il n'était pas directeur lors de la signature de la convention de forfait, s'agissant de fonctions qu'il occupe depuis le mois de janvier 2014 seulement et de ce qu'il n'est pas autonome et libre de prendre toutes les initiatives qu'il jugerait utile dès lors que le contrat stipule qu'il agit compte tenu des directives générales ou particulières qui lui sont donnée par les gérants.

Il soutient que l'employeur ne rapporte pas la preuve de l'existence des entretiens annuels allégués et subsidiairement qu'il a systématiquement dépassé le nombre de jours de travail prévu au forfait, en sorte que des heures supplémentaires lui sont dues à ce titre.

Le Gie Le Grenier du P... estime que :

- les accord sont de nature à protéger la santé et la sécurité du salarié en garantissant le respect des durées maximales de travail et des repos journaliers et hebdomadaires,

- M. X... a signé la convention individuelle de forfait qui s'impose à lui ; son application est régulière puisqu'il était responsable du site puis directeur et qu'il avait toute autonomie pour prendre les initiatives qu'il jugeait utiles dans l'intérêt de la société, l'avenant de 2002 précise qu'il dispose de cette autonomie dans l'organisation de son emploi du temps et dans l'exercice de ses fonctions et que sa durée de travail ne peut pas être prédéterminée ; il n'a d'ailleurs jamais fait part de difficultés jusqu'à l'année 2014 où il a fait état d'un certain nombre de divergences avec le conseil d'administration.

Il soutient par ailleurs que M. X... n'a pas produit de décompte du temps de travail selon le système d'auto-déclaration instauré par la convention et qu'il ne saurait se prévaloir de sa propre turpitude, valant également pour les éventuels dépassements du forfait de 218 jours pour les années 2010 à 2013, n'ayant jamais informé son employeur de ceux-ci.

Il conteste la valeur probante des attestations d'anciens salariés.

En application des dispositions des article L. 3121-39 et suivants du code du travail, applicables au litige, il est prévu que :

- 'La conclusion de conventions individuelles de forfait en heures ou en jours, sur l'année est prévue par accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut par une convention ou un accord de branche. Cet accord collectif préalable détermine les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait ainsi que la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi, et fixe les caractéristiques principales de ces conventions'

- 'Peuvent conclure une convention de forfait en jours sur l'année dans la limite de la durée annuelle de travail fixée par l'accord collectif prévu à l'article L. 3121-39 :

1° Les cadres qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés ;

2°Les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées.'

-' Un entretien annuel individuel est organisé par l'employeur, avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année. Il porte sur la charge de travail du salarié, l'organisation du temps dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale ainsi que sur la rémunération du salarié.'

Toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires.

En l'occurrence, l'article 13 bis de l'accord collectif du 29 juillet 1998 (relatif à la convention collective nationale des entreprises de négoce et de l'industrie des produits du sol) étendu par arrêté du 20 janvier 1999, ajouté par avenant du 18 septembre 2000 étendu par arrêté du 10 mai 2011, modifié par avenant du 11 juillet 2001 étendu par arrêt du 10 avril 2002 prévoit que les entreprises pourront mettre en place le forfait annuel en jours en précisant :

- la catégorie de salariés pouvant être concernée, à savoir les cadres autonomes tels que définis à l'article 13.2-2, dont la durée de travail ne peut être prédéterminée du fait de la nature de leurs fonctions, des responsabilités qu'ils exercent et du degré d'autonomie dont ils disposent dans l'organisation de leur emploi du temps, ces conditions étant cumulatives;

- le nombre de jours travaillés et la durée du travail, à savoir que le nombre de jours travaillés ne pourra dépasser le plafonds de 217 jours... ; les cadres concernés ne sont pas soumis aux durées maximales quotidiennes et hebdomadaires de travail, comme aux autres dispositions du code du travail reposant sur un calcul en heures d'une durée de travail (contingent d'heures supplémentaires, repos compensateurs...) mais ils sont soumis aux repos obligatoires de 11 heures par jour et 35 heures par semaine ;

- les modalités de décompte, soit : un décompte des journées travaillées par auto-déclaration du salarié concerné ; les repos pourront être pris par journée ou par demi-journée et pourront également être affectés à un compte épargne temps... ;

- les conditions de contrôle en ce que l'employeur tiendra régulièrement à jour une fiche de contrôle basée sur les auto-déclarations des cadres concernés ; les auto-déclarations des salariés préciseront les jours travaillés et les jours de repos ; l'employeur peut sans préjudice de la disposition précédente, déterminer une plage horaire correspondant au repos quotidien ; une récapitulation annuelle du nombre de jours travaillés devra être établie par l'employeur... ;

Il reprend également les dispositions légales concernant le dépassement du plafond.

Ces dispositions qui mettent en place un système de contrôle par l'employeur des jours travaillés fondé sur la mise à jour régulière d'une fiche de contrôle basée sur les auto-déclarations du salarié avec le maintien des repos journaliers et hebdomadaires sont suffisamment protectrices de la santé et de la sécurité des salariés. Par conséquent, la demande tendant à déclarer nulle cet accord collectif sera rejetée.

L'avenant du 3 janvier 2002 signé entre les parties a mis en place une convention de forfait annuel de 217 jours, prévoyant l'établissement d'un calendrier prévisionnel en début d'année, d'un bilan de la charge de travail de M. X... une fois par an lors d'un entretien annuel avec le président du conseil d'administration outre l'établissement par M. X... d'un document récapitulant le nombre de jours ou de demi-journées travaillées ainsi que le nombre de jours de repos pris, visé par le président du conseil d'administration et destiné à vérifier le respect des dispositions légales et conventionnelles, adressé chaque mois civil.

Cette convention est conforme aux dispositions conventionnelles et légales et n'encourt pas la nullité revendiquée.

En revanche la mise en application a été défaillante puisque l'employeur ne justifie pas avoir effectué les entretiens annuels de contrôle, ni même avoir tenu à jour la fiche de contrôle basée sur les auto-déclarations du salarié, de 2002 à novembre 2014, sans qu'il puisse être fait le reproche au salarié de se prévaloir de sa propre turpitude. En effet, le contrôle incombant en dernier lieu à l'employeur, il entrait dans son pouvoir de direction d'exiger la transmission de cette auto-déclaration, en cas de non-respect de cette obligation par le salarié, étant précisé que le salarié justifie avoir rempli son obligation à compter de l'année 2010. Par ailleurs, l'embauche de salariés, l'un en 2007 au poste d'employé de silo, l'autre en 2009 au poste de conducteur de silo n'est pas de nature à établir la réalité de la tenue d'entretien dédiés au contrôle du forfait en jours.

Il s'ensuit que la convention de forfait en jours signée par M. X... est privée d'effet.

Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé en ce qu'il a dit que la convention de forfait en jours était valablement appliquée.

2/ Sur les heures supplémentaires

Au soutien de sa demande d'heures supplémentaires, M. X... indique apporter un décompte au jour le jour, semaine par semaine de ses journées de travail effectif et étayer sa demande par des éléments suffisamment précis permettant à l'employeur de répondre, ajoutant des témoignages de collègues. Il fait valoir en outre que l'employeur qui conteste les heures réclamées n'apporte aucune information précise et circonstanciée sur les horaires, que ce soit en période normale, en période de récolte ou sur ces horaires du silo en général.

Subsidiairement, il réclame les heures supplémentaires correspondant au dépassement du forfait jours et encore plus subsidiairement des dommages et intérêts, soutenant que l'employeur est resté sourd à toutes demandes de recrutement et les très nombreuses heures accomplies des années durant, lui ont fait courir des risques sur sa santé et ont brisé sa vie familiale.

Il s'oppose à la prescription du rappel de salaire concernant les années 2010 et 2011, par application des dispositions temporaires de la loi du 14 juin 2013, précisant que le point de départ de la prescription est celui de l'exigibilité de la créance et à compter de la date à laquelle le salarié a eu connaissance des éléments ouvrant droit à rémunération, et qu'en l'occurrence, les heures supplémentaires dues au titre du mois de janvier 2010 n'étaient pas prescrites lorsqu'il a saisi le conseil de prud'hommes le 13 janvier 2015.

Le Gie Le Grenier du P... soutient que M. X... ne démontre pas avoir effectué les heures sollicitées, s'agissant d'un décompte unilatéral et imprécis, par semaine sans plus de précision, ne permettant pas à l'employeur d'exercer son contrôle. Il soulève également la prescription en ce qui concerne les heures effectuées au cours des années 2010 et 2011 et conteste aussi le décompte des heures supplémentaires dépassant le forfait en jours.

La convention individuelle de forfait en jours étant privée d'effet, il s'ensuit que le temps de travail de M. X... doit être décompté selon le droit commun, soit sur la durée légale de 35 heures décomptée sur la semaine civile.

La demande subsidiaire au titre du dépassement du forfait est devenue sans objet.

Sur la prescription

Selon les dispositions de l'article L.3245-1 issu des dispositions de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat est rompu, sur les sommes dues au titre des trois dernières années précédant la rupture du contrat.

Les dispositions issues de la loi sus-visée s'appliquent aux prescriptions en cours à compter du 16 juin 2013, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure qui était de cinq ans en l'espèce.

Par ailleurs, le point de départ de la prescription est celui de l'exigibilité de la créance.

M. X... a saisi le conseil de prud'hommes le 14 janvier 2015 d'une demande en paiement des heures supplémentaires à compter du mois de janvier 2010.

La créance de salaire est exigible à la fin du mois à raison de la mensualisation, en sorte que lors de la saisine du conseil de prud'hommes le 14 janvier 2015, la prescription des salaires de janvier 2010 et de l'intégralité des années 2010 et 2011 n'était pas encore acquise.

La demande de rappel de salaire à compter du mois de janvier 2010 est donc recevable.

Sur la preuve des heures supplémentaires

En application des dispositions de l'article L.3171-4 du code du travail, la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties. Si l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier des horaires effectivement réalisés par le salarié, il incombe à ce dernier qui demande le paiement d'heures supplémentaires de fournir préalablement des éléments de nature à étayer sa demande, suffisamment précis quant aux horaires effectivement réalisés pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments.

Il est admis que le salarié n'étaye pas sa demande lorsqu'il produit seulement un décompte récapitulatif établi mois par mois du nombre d'heures qu'il affirme avoir réalisé et un tableau ne laissant pas apparaître pour chaque jour précis, de chaque semaine précise, les horaires de travail accomplis.

Les tableaux hebdomadaires fournis par M. X... comportent certes les jours travaillés ou le nombre d'heures travaillées pendant la semaine mais ne mentionnent pas les horaires de travail accomplis pour chaque jour précis.

M. X... indique s'appuyer sur les horaires de M. E..., collègue de travail qui atteste que lorsqu'il arrivait au silo, M. X... était toujours présent et que pendant les périodes de forte activité, pour le blé en été et pour le maïs à l'automne, ils devaient répondre présents aux livreurs de 10 à 12 heures par jour, généralement de 7 heures à 19 heures pour réceptionner les marchandises du lundi au samedi voir le dimanche.

Pour autant, les horaires de M. E... produits aux débats ne sont pas précisés de manière journalière mais uniquement de manière hebdomadaire, ne permettant pas plus à l'employeur d'exercer son office en apportant ses propres éléments. En outre le bulletin de salaire de E... de juin 2014 lui versant un rappel au titre des heures supplémentaires de l'année 2014 ne mentionne pas le même nombre d'heures supplémentaires que celui indiqué dans le récapitulatif de l'année 2013, et l'attestation est générale et insuffisamment précise sur l'horaire de travail en contradiction même avec le nombre d'heures évoquées.

De même les attestations de MM. F..., G..., H... et de Mme I... ne font pas état d'horaires mais de considérations d'ordre général : il savait se rendre disponible, il était toujours là pour nous rendre service, insuffisamment précises pour permettre à l'employeur d'apporter ses propres éléments.

Aussi M. X... qui n'étaye pas sa demande par des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre sera débouté de sa demande d'heures supplémentaires et de repos compensateurs subséquente.

Le jugement entrepris sera confirmé à ce titre.

3/ Sur la demande subsidiaire de dommages et intérêts

Le rejet de la demande d'heures supplémentaires de M. X... conduit à le débouter de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral fondée sur le fait que les nombreuses heures supplémentaires qu'il indique avoir accomplies lui ont fait courir des risques pour sa santé et ont brisé sa vie famille, le régime de preuve des heures supplémentaires accomplies restant le même.

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté l'intéressé de cette demande.

4/ Sur la demande de dommages et intérêts pour congés annuels non pris

M. X... soutient qu'il n'a jamais pu prendre l'intégralité de ses congés payés annuels du fait de son employeur, qui a toujours refusé de lui mettre à disposition les moyens humains indispensables, lesquels se montent à 147,5 jours sur la période de 2002 à 2015 et que c'est à l'employeur qu'incombe la charge de la preuve qu'il a accompli les diligences nécessaires en ce domaine.

Le Gie Le Grenier du P... s'oppose à cette demande en faisant valoir que M. X..., en sa qualité des responsable du silo puis de directeur du groupement, avait pour tâche de gérer le personnel et ainsi de s'assurer du respect des règles applicables en matière de congés payés autant à l'égard des salariés sous sa responsabilité que de lui-même, qu'il était libre de prendre ses congés, disposant d'une totale autonomie sur ce point.

Il soulève par ailleurs la prescription de la demande, arguant que le paiement des indemnités de congés payés est soumis aux règles applicables au paiement des salaires, soit à la prescription triennale et qu'il ne saurait détourner les règles de la prescription en sollicitant des dommages et intérêts pour congés payés perdus sur une période de 13ans.

Il est admis que le salarié est en droit de solliciter des dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la privation du congé et le moyen selon lequel une telle demande aurait pour but de contourner les règles applicables en matière de prescription est inopérant.

En effet eu égard à la finalité qu'assigne aux congés payés annuels la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 concernant certains aménagements du temps de travail, il appartient à l'employeur de prendre les mesures propres à assurer au salarié la possibilité d'exercer effectivement son droit à congés et en cas de contestation, de justifier qu'il a accompli à cette fin les diligences qui lui incombent légalement en ce domaine.

De même, le seul fait qu'un travailleur n'ait pas demandé à bénéficier de son congé annuel avant la fin de la relation de travail ne permet pas de le priver d'une indemnisation du congé non pris.

M. X... était certes responsable de silo au coefficient 470 puis directeur du Gie Le Grenier du P... au coefficient 600 et avait dès 1994 des fonctions de direction de l'ensemble du personnel de la société et mis à disposition.

En février 2014, l'employeur a reproché à M. X... de ne pas l'avoir informé d'un reliquat de 57 jours de congés payés et l'a mis en mesure de prendre 51 jours de congés pour la période 2013/2014 et 43 jours de congés pour la période 2014/2015.

Néanmoins, M. X... avait au mois de mai 2015 un reliquat non contesté de 147,5 jours de congés payés non sur l'intégralité de la période de 2002 à 2015.

En ne mettant pas en oeuvre les entretiens annuels de contrôle du nombre de jours travaillés de la convention de forfait en jours depuis sa signature en 2002, alors même que M. X... avait rempli ses fiches de jours de travail portant indication des jours de congés pris semaine par semaine pour les années 2010 à 2014, le Gie Le Grenier du P... ne n'est pas assuré que M. X... pouvait, en considération de l'organisation de l'entreprise, prendre ses congés payés, l'autonomie que le salarié pouvait avoir dans l'organisation de ceux-ci n'exonérant pas l'employeur de son obligation de contrôle.

Il ressort en outre des attestations concordantes de Mme J..., de M. E... et M. K..., salariés du Gie Le Grenier du P..., qui ne sont pas utilement remises en cause par les pièces adverses, que M. X... était placé dans l'impossibilité de prendre l'intégralité de ses congés payés avec le peu de moyen mis à sa disposition en personnel, qu'il a toujours privilégié le départ en congés des salariés qu'il avait sous ses ordres, donnant de la souplesse pour les autres alors que jusqu'à ce que M. E... soit désigné en qualité de directeur adjoint, en 2014, personne n'était capable d'assumer son poste.

S'agissant d'une demande de dommages et intérêts , la prescription quinquennale étant applicable au détriment de la prescription triennale, étant précisé que la prescription ne court qu'à compter de la réalisation du dommage correspondant à la rupture du contrat ou de la date à laquelle il est révélé à la victime, soit en février 2014 lors que l'employeur a exercé son contrôle sur les congés payés. Aussi la demande de dommages et intérêts pour congés payés non pris présentée en janvier 2015 n'est pas prescrite.

Le préjudice subi par M. X... à raison de l'absence de prise de congés annuels sera entièrement réparé par la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts que le Gie Le Grenier du P... sera condamné à lui verser.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande à ce titre.

5/ Sur la demande de rappel de prime d'activité 2015

M. X... réclame le solde de la prime d'activité 2015, en soutenant que l'employeur a violé l'usage consistant à partager la prime d'activité (calculée en fonction des résultat du silo) entre l'ensemble des membres de l'équipe du silo, puisqu'il l'a refusée à Mme I..., la quatrième arrivée et que ce faisant il devait revenir à l'accord initial d'un partage entre les trois autres salariés correspondant pour lui à 50% du montant calculé.

Selon l'avenant du 28 septembre 2009, M. X... bénéficie outre le salaire de base d'un salaire variable correspondant à 40% du montant total calculé comme suit :

0,09147 euros/T sur le total des entrées au silo,

1% sur le chiffre d'affaire séchage,

1% du montant de la valorisation des freintes, bonis et déchets.

Cette prime annuelle ne pourra être inférieure à 1/12ème du salaire annuel de base,.

Elle sera versée au plus tard le 30 septembre pour la partie égale au minimum cité ci-dessus et au plus tard le 30 novembre pour le solde.

Auparavant sa part était effectivement fixée à 50% mais cela résultait également d'un avenant au contrat de travail, lequel a été modifié par les dispositions précitées.

La demande de M. X... tend à modifier les modalités de calcul de la prime variable définie au contrat, alors même que les éléments versés aux débats font apparaître que le pourcentage de répartition appliqué a toujours correspondu à celui indiqué au contrat, en sorte que c'est à tort qu'il se fonde sur l'existence d'un usage. Il sera donc débouté de sa demande de rappel de prime calculée sur la base de 50%.

Toutefois, le Gie Le Grenier du P... reconnaît lui devoir un reliquat à hauteur de 168,32 euros brut au titre du prorata du 13ème mois sur la prime d'activité 2015 et sera donc condamné au versement de cette somme.

Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé en ce qu'il a débouté M. X... de toute demande à ce titre.

Sur la rupture du contrat de travail

1/ Sur la demande de résiliation judiciaire du contrat aux torts de l'employeur.

M. X... reproche à l'employeur d'avoir manqué à ses deux obligations essentielles tenant d'une part à la santé et à la sécurité physique et morale de son salarié, en le faisant travailler au mépris des règles sur la durée du travail, sur la prise de congés et d'autre part à la rémunération, en ne le rémunérant pas à hauteur du travail accompli pendant de longues années. Il estime qu'il s'agit de manquements graves empêchant la poursuite du contrat de travail.

Sur le fondement de l'article 1184 du code civil et de l'article L.1231-1 du code du travail, le salarié peut saisir le conseil de prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire du contrat à raison des manquements de l'employeur aux obligations découlant du contrat de travail.

Les manquements doivent être suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail.

Si la résiliation judiciaire est prononcée, elle prend effet à la date de la décision judiciaire la prononçant, sauf si la rupture du contrat de travail est intervenue entre temps pour autre cause, auquel cas elle prend effet à la date de la rupture effective.

M. X... qui a été débouté de ses demandes d'heures supplémentaires, de repos compensateurs subséquents et de rappel de prime variable ne saurait prétendre ne pas avoir été rémunéré à hauteur du travail accompli.

Il ressort effectivement des fiches hebdomadaires établies par le salarié en application de la convention de forfait, comportant une contre-signature que M. X... ne bénéficiait pas systématiquement du repos hebdomadaire pendant la période de récolte d'automne. Il en a été ainsi en 2010, 2013 et en 2014, pour la période du 1er au 24 novembre 2014, au cours de laquelle il est apparu que M. X... n'avait pas pris de repos hebdomadaire à trois reprises. Toutefois ce manquement lié à l'absence de contrôle effectif de la durée du temps de travail avant l'année 2014 ne s'est réalisé que trois fois l'année.

En décembre 2014, il a été demandé à M. X... de s'expliquer sur les raisons pour lesquelles il n'avait pas appliqué les règles en matière de repos hebdomadaire courant novembre 2014.

C'est à partir de ce moment et à l'occasion de l'exercice par l'employeur d'un contrôle efficient du temps de travail de M. X..., en suite de la décision d'avril 2014 de faire valider les fiches navettes par M. L..., gérant, membre du conseil d'administration avant qu'elle soient envoyées au cabinet d'expertise comptable pour l'établissement des feuilles de paie, que le conflit s'est cristallisé entre M. X... et le conseil d'administration.

En effet, M. X... a, par courrier du 14 décembre 2014 indiqué qu'il avait toujours alerté le Gie Le Grenier du P... sur ses conditions de travail et de son impossibilité de prendre ses congés sans personnel supplémentaire, que la signature de la convention de forfait n'avait pas résolu la difficulté, arguant de ce que le problème de fond était un manque de personnel et en conséquence une charge de travail trop importante pour lui, que le conseil d'administration n'avait jamais adhéré à ses demandes en effectifs (2000, 2006, 2008), faisant alors état de ce qu'il avait été traité de fonctionnaire et de fainéant lorsqu'il avait abordé cette question pour la première fois, de ce que les relevés hebdomadaires étaient honnêtes et réels et de ce qu'il leur avait adressé de nombreux emails durant cette période du 1er au 24 novembre 2014 proposant des fermetures de silo, sans réponse si ce n'étaient des propos agressifs du type 'arrêtez de m'emmerder avec ces détails et ne ressortez pas votre mauvais caractère, qu'il était obligé d'ouvrir tous les jours de la semaine dans la période citée avec un manque de personnel, les trois séchoirs fonctionnant 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, il n'avait d'autre choix que d'être présent pour faire le travail, rappelant que lors de plusieurs réunions au siège social concernant l'organisation du temps de travail, le conseil d'administration s'accordait sur l'impossibilité d'effectuer cette campagne en respectant les dispositions légales, conventionnelles et réglementaires.

Ce faisant, c'est la mise en oeuvre du contrôle légitime de l'employeur qui n'a pas été supportée par le salarié.

Néanmoins, l'absence de mise en place du contrôle du forfait jours pendant plus de dix ans, rend imputable à l'employeur l'intégralité de non respect du repos hebdomadaire même sur l'année 2014, précédant l'introduction de l'instance en janvier 2015.

Le non-respect par l'employeur du repos hebdomadaire pendant une durée de l'ordre de dix années, même sur un maximum de trois fois l'an, associé au manquement de ce dernier à s'être assuré que son salarié était mis en mesure de prendre ses congés payés sur cette même période de dix années caractérise un manquement suffisamment grave de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.

En conséquence, la résiliation judiciaire du contrat de travail sera prononcée aux torts du Gie Le Grenier du P... à la date du licenciement intervenu le 29 février 2016.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande à ce titre et jugé que le licenciement de M. X... reposait sur une cause réelle et sérieuse.

2/ Sur les conséquences de la rupture du contrat de travail

Ce dernier qui âgé de près de 62 ans au moment de la rupture avec une ancienneté de plus de 21 ans dans une entreprise de moins de 11 salariés et un salaire mensuel brut de 4 405,22 euros subit un préjudice à raison de cette rupture qui sera entièrement indemnisé par la somme de 60.000 euros que le Gie Le Grenier du P... sera condamné à lui verser à titre de dommages et intérêts .

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande à ce titre.

3/ Sur le travail dissimulé

M. X... soutient que ses bulletins de salaire ne mentionnent pas la réalité des heures effectuées et que leur nombre et leur répétition témoignent de la volonté de dissimulation. Il invoque également une violation institutionnalisée du droit du travail par le Gie Le Grenier du P..., arguant de ce que direction demandait de falsifier les feuilles d'heures pour éviter les suites désagréables d'un contrôle Urssaf . Il avance ainsi qu'un récapitulatif confidentiel et officieux de ses heures de travail était établi en 1999 ainsi que des heures de travail de MM. M... et N..., de 1994 à 1999, en total décalage avec les relevés officiels.

Il résulte de l'article L. 8221-5 du code du travail que la dissimulation d'emploi salarié n'est caractérisée que si l'employeur, de manière intentionnelle, soit s'est soustrait à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10 relatif à la déclaration préalable à l'embauche, soit s'est soustrait à la formalité prévue à l'article L. 3243-2 relatif à la délivrance d'un bulletin de paie ou a mentionné sur le bulletin de paye un nombre d'heure de travail inférieur à celui réellement effectué.

En l'occurrence, M. X... a été débouté de sa demande d'heures supplémentaires en sorte qu'il ne saurait se prévaloir d'une minoration du nombre d'heures de travail par rapport à celui réellement effectué.

Par ailleurs, la confidentialité du récapitulatif des heures supplémentaires invoqué date de 1994 à 1999, soit antérieurement à la mise en place de la convention de forfait.

En outre, le témoignage de M. E... qui indique qu'au cours de l'année 2009 ou peut-être 2010, avant un contrôle Urssaf au cours d'une réunion en présence de Corinne J..., M. X... et lui-même, M. O... leur a demandé de falsifier les feuilles d'heures des semaines les plus chargées afin d'être en règle pour ce contrôle, qu'ils étaient sensés détruire les feuilles d'heures et en refaire d'autres conformes à la législation du travail mais que finalement ils n'ont pas procédé à leur destruction, n'est aucunement corroboré par l'attestation de Mme J..., en sorte qu'elle ne présente pas de valeur probante suffisante pour établir la réalité des faits relatés.

M. X... échoue donc à prouver l'existence d'une système de fraude institutionnalisé et sera débouté de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé.

Le jugement entrepris sera confirmé à ce titre.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Le Gie Le Grenier du P... succombant essentiellement sera condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel. Il sera donc débouté de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande de faire bénéficier M. X... de ces mêmes dispositions et de condamner en conséquence le Gie Le Grenier du P... à lui verser une indemnité de 1.500 euros à ce titre pour l'ensemble des deux instances.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. X... de ses demandes d'heures supplémentaires et indemnité de congés payés afférente, de dommages et intérêts pour repos compensateurs non pris, de dommages et intérêts pour préjudice moral, d'indemnité pour travail dissimulé, débouté le Gie Le Grenier du P... de sa demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;

Infirme le jugement entrepris sur le surplus,

Dit que la convention de forfait en jours signée par M. X... est privée d'effet;

Dit que le Gie Le Grenier du P... a manqué à son obligation de s'assurer que M. X... pouvait prendre ses congés payés annuels ;

Déclare recevable la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par l'impossibilité pour M. X... de prendre ses congés annuels ;

Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts du Gie Le Grenier du P... à compter du 29 février 2016 ;

Condamne le Gie Le Grenier du P... à verser à M. X... les sommes suivantes:

4 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi à raison de l'absence de prise de congés annuels,

168,32 euros brut sur la prime d'activité 2015,

60.000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,

1.500 euros d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne le Gie Le Grenier du P... aux entiers dépens d'appel et de première instance.

Signé par monsieur Eric Veyssière, président, et par madame Sylvaine Déchamps, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

S. Déchamps E. Veyssière


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : Chambre sociale section b
Numéro d'arrêt : 17/01863
Date de la décision : 17/01/2019

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 4B, arrêt n°17/01863 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-01-17;17.01863 ?
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