La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/01/2019 | FRANCE | N°16/01658

France | France, Cour d'appel de Bordeaux, 2ème chambre civile, 17 janvier 2019, 16/01658


COUR D'APPEL DE BORDEAUX





DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE


--------------------------











ARRÊT DU : 17 JANVIER 2019





(Rédacteur : Monsieur Roland X..., Président)








N° RG 16/01658 - N° Portalis DBVJ-V-B7A-JDUV














SELARL KLM (E) ARCHITECTES


Compagnie d'assurances MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS








c/





Monsieur Y... Z...


Monsieur Jean Cl

aude A...


SCP LARTIGUES-RAYNAUD


SCI MELERIC


























Nature de la décision : AU FOND




















Grosse délivrée le :





aux avocats


Décision déférée à la cour : jugement rendu le 02 février 2016 (R.G. 11/09574) par le Tribunal de Grand...

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

--------------------------

ARRÊT DU : 17 JANVIER 2019

(Rédacteur : Monsieur Roland X..., Président)

N° RG 16/01658 - N° Portalis DBVJ-V-B7A-JDUV

SELARL KLM (E) ARCHITECTES

Compagnie d'assurances MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS

c/

Monsieur Y... Z...

Monsieur Jean Claude A...

SCP LARTIGUES-RAYNAUD

SCI MELERIC

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 02 février 2016 (R.G. 11/09574) par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 10 mars 2016

APPELANTES :

SELARL KLM (E) ARCHITECTES agissant poursuites et diligences de son

représentant légal domicilié [...]

Compagnie d'assurances MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié [...]

Représentées par Me David B... de la C... - MAZILLE, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉS :

Y... Z...

né le [...] à ARCACHON (33120)

de nationalité Française, demeurant [...]

Représenté par Me Fabrice D... de la SCP DGD, avocat au barreau de BORDEAUX

Jean Claude A...

né le [...] à MIOS (33380)

de nationalité Française

demeurant [...]

Représenté par Me Annie E... de la F... AVOCAT, avocat au barreau de BORDEAUX et assisté de Me Bertrand GABORIAU de la SELARL B.G.A., avocat au barreau de BORDEAUX

SCP LARTIGUES-RAYNAUD prise en la personne de son représentant légal domicilié [...]

Représentée par Me Pascale L... K..., avocat au barreau de BORDEAUX

et assistée de Me Céline M... substituant Me Jean-Michel G... de la SCP G... & Associés, avocat au barreau de MONTPELLIER

SCI MELERIC prise en la personne de son représentant légal domicilié [...]

Représentée par Me J... H... de la SELARL LEX URBA - J... H... - CYRIL PEREZ ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 03 décembre 2018 en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Roland X..., Président,

Madame Isabelle DELAQUYS, Conseiller,

Monsieur Gérard PITTI, Vice-Président placé,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Nathalie BELINGHERI

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

A..., propriétaire de deux parcelles situées [...] , a fait procéder à leur division en juillet 2007 par la SCP LARTIGUES-RAYNAUD et il a ensuite vendu deux des six nouvelles parcelles issues de cette division à la SCI MELERIC par acte du 31 mars 2008 et trois autres à M.Y... Z... par acte du 30 mai 2008.

Z... a fait édifier sur ses parcelles par la SELARL KLM E ARCHITECTES, assurée auprès de la MUTUELLES DES ARCHITECTES FRANCAIS (MAF), des constructions empiètant sur les parcelles acquises par la SCI MELERIC, selon le rapport déposé le 18 août 2011 par l'expert judiciaire désigné en référé le 21 janvier 2011.

Par jugement du 2 février 2016 auquel il est référé pour l'exposé détaillé des faits et de la procédure antérieure, statuant sur les demandes formées par la SCI MELERIC à l'encontre de MZ... et A... et sur les demandes en garanties formées contre la SELARL KLM E ARCHITECTES, la MAF et la SCP LARTIGUES-RAYNAUD, le tribunal de grande instance de BORDEAUX a:

- déclaré M. Z... recevable en son action en annulation de l'acte de vente passé entre A... et la SCI MELERIC,

- rejeté l'action en revendication de la parcelle cadastrée [...] [...] formée par Z...,

- rejeté la demande d'annulation de l'acte de vente passé le 31 mars 2008 entre M.

A... et la SCI MELERIC,

- dit que la construction réalisée par Z... sur les parcelles [...], [...] et [...], [...] , empiète par surplomb et par la présence d'une canalisation

souterraine sur la parcelle [...] , propriété de la SCI MELERIC et n'est pas conforme aux

dispositions de l'article 678 du code civil,

- dit que la SCI MELERIC est responsable de cet empiétement à hauteur d'un quart et qu'elle

devra supporter à hauteur d'un quart les conséquences de cet empiétement,

- condamné Z... à supprimer cet empiétement par démolition des parties concernées du bâtiment et à rétablir la conformité avec l'article 678 du code civil, si besoin est, par occultation des vues,

- dit que ces condamnations devront être effectuées dans un délai de huit mois à compter de la signification du jugement sous astreinte de 100 € par jour de retard pendant deux mois,

- condamné Z... à payer à la SCI MELERIC une somme de 1.191€ en réparation de ses préjudices,

- débouté Z... de ses demandes à l'encontre de la SCP RAYNAUD,

- dit que A... a commis une faute engageant sa responsabilité contractuelle envers Z...,

- dit que la SELARL KLM E ARCHITECTES a commis une faute engageant sa responsabilité contractuelle envers Z...,

- condamné in solidum A... d'une part et la SELARL KLM E ARCHITECTES et la MAF d'autre part, à relever indemne Z... des condamnations prononcées à son encontre, en ce compris le coût de la démolition des parties du bâtiment concernées, à hauteur d'un tiers chacun, un tiers restant à la charge de Z..., ainsi qu'au coût des travaux destinés à faire cesser l'empiétement,

- condamné Z... à payer à la SELARL KLM E ARCHITECTES la somme de 3588 € TTC au titre du solde d'honoraires,

- condamné Z... à payer à la SCI MELERIC une somme de 2.500 € et à la SCP RAYNAUD celle de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum A..., la SELARL KLM E ARCHITECTES et la I... à relever indemne Z... des condamnations sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, dans les proportions ci-dessus précisées,

- rejeté la demande d'exécution provisoire,

- rejeté toute autre demande,

- condamné in solidum Z..., A... et la SELARL KLM E ARCHITECTES aux dépens comprenant les frais d'expertise.

La SELARL KLM E ARCHITECTES et la MAF ont formé appel partiel de la décision le 10 mars 2016.

A... a formé appel total le 17 mars 2016 et les affaires ont été jointes le 29 juin 2016.

Z... a formé appel incident et appel provoqué à l'égard de la SCP LARTIGUES-RAYNAUD. Il a par ailleurs soumis au conseiller de la mise en état une question prioritaire de constitutionnalité dont il s'est désisté, désistement constaté par ordonnance du 18 mai 2017.

La SELARL KLM E ARCHITECTES demande à la cour par dernières conclusions du 1er septembre 2016, de:

- Infirmer le jugement en ce qu'il a considéré que la société KLM E ARCHITECTES avait commis une faute engageant sa responsabilité contractuelle et l'ayant condamnée, avec la MAF, in solidum avec A..., à garantir et relever indemne M. Z... des condamnations prononcées à son encontre au profit de la SCI MELERIC.

- débouter Z... ou toutes autres parties de l'intégralité de leurs demandes dirigées contre la société KLM E ARCHITECTES et la MAF.

- condamner les parties succombantes à payer à la SELARL KLM E ARCHITECTES et à la MAF une indemnité de 5.000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens avec bénéfice de distraction.

A... demande à la cour, par dernières conclusions du 18 août 2018, de:

- dire A... recevable est bien fondé en son appel, en conséquence,

- réformer le jugement du 2 février 2016

- débouter Z... de l'intégralité de ses demandes à l'égard de A....

- dire la SELARL KLM E ARCHITECTURE, la MAF et la SCI MELERIC recevables mais mal fondées en leur appel, en conséquence ;

- débouter la SELARL KLM E ARCHITECTURE, la MAF et la SCI MELERIC de l'ensemble de leurs fins et prétentions.

- condamner Z... à payer à A... la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- condamner tout succombant à l'intégralité des dépens.

Z... demande à la cour, par dernières conclusions du 6 septembre 2016, de:

Infirmer la décision rendue et statuant à nouveau:

A titre principal

- constater que la SCI MELERIC est défaillante dans l'administration de la preuve de ses demandes

- débouter en conséquence la SCI MELERIC de l'ensemble de ses demandes indemnitaires

- constater que la demande de démolition sollicitée par la SCI MELERIC est infondée

- l'en débouter

- condamner la SCI MELERIC ou à défaut toutes parties succombantes à verser à M.

Z... une somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens.

A titre subsidiaire

- constater que la SCI MELERIC est défaillante dans l' administration de la preuve de ses demandes

- constater que la SCI MELERIC a commis un manquement cause exclusive de ses dommages

- débouter en conséquence la SCI MELERIC de l'ensemble de ses demandes indemnitaires

- condamner la SCI MELERIC à prendre en charge les coûts de démolition ainsi que des préjudices résultant de l'empiètement et pour lequel elle revendique la condamnation de Z...

Avant dire droit sur ce point

- désigner tel expert qu'il plaira avec pour mission :

' Déterminer les travaux nécessaires à la déconstruction partielle de la seule partie de l'ouvrage litigieux empiétant sur la propriété de la SCI MELERIC

' Déterminer le coût de ces travaux, TTC et HT

- condamner la SCI MELERIC ou à défaut toutes parties succombantes à verser à M.

Z... une somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens.

A titre très subsidiaire

- constater que la SCI MELERIC a commis une faute causale de son propre préjudice a minima à hauteur de 50%

- condamner en conséquence la SCI MELERIC à prendre en charge la moitié des coûts de démolition ainsi que des préjudices résultant de cet empiètement et pour lequel elle revendique la condamnation de Z...

Avant dire droit sur ce point:

- désigner tel expert qu'il plaira avec la même mission que ci dessus,

- condamner la SCI MELERIC ou à défaut toutes parties succombantes à verser à M.

Z... une somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens.

- débouter la SCI MELERIC de ses demandes indemnitaires complémentaires

- constater que A... a commis une faute qui engage sa responsabilité contractuelle à l'égard de Z...,

- constater que la SCP LARTIGUE RAYNAUD a commis une faute qui engage sa responsabilité délictuelle à l'égard de Z...,

- constater que la SELARL KLM E ARCHITECTES a commis une faute contractuelle à l'égard de Z... ou à tout le moins est susceptible de voir engager sa responsabilité sur le fondement de la garantie décennale.

- condamner en conséquence, in solidum, A..., la SCP LARTIGUE RAYNAUD, la SELARL KLM E ARCHITECTES et son assureur la MAF à garantir et relever indemne Z... de l'ensemble des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au profit de la SCI MELERIC ainsi qu'au coût des travaux destinés à faire cesser l'empiètement et ce notamment aux travaux de démolition de la partie du bâtiment concerné.

- condamner in solidum la SCI MELERIC, A..., la SCP LARTIGUE RAYNAUD, la SELARL KLM E ARCHITECTES et son assureur la MAF à verser à Z... une somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens.

La SCP LARTIGUES-RAYNAUD demande à la cour, par conclusions du 16 août 2016, de:

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Z... de ses demandes à l'encontre de la SCP RAYNAUD ;

- constater que la SCP RAYNAUD n'a commis aucune faute délictuelle ;

- débouter Z... de sa demande tendant à voir condamner la SCP RAYNAUD à le garantir et relever indemne de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au bénéfice de la SCI MELERIC ;

A titre subsidiaire :

- dire n'y avoir lieu à condamnation in solidum de la SCP RAYNAUD à garantir et relever la

SELARL KLM E ARCHITECTES et la MAF de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à leur encontre ;

En toutes hypothèses :

- condamner Z... à payer à la SCP RAYNAUD la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens.

La SCI MELERIC demande à la cour, par conclusions du 6 juillet 2016, de:

- la déclarer recevable et bien fondée dans ses demandes;

- infirmer le jugement en ce qu'il a considéré que la SCI MELERIC est responsable de l'empiétement objet de la procédure à hauteur d'un quart et qu'elle devra supporter à hauteur d'un quart les conséquences de cet empiétement ;

- réformer le jugement en ce qu'il a minoré l'indemnisation devant être allouée à la SCI MELERIC, en réparation de ses préjudices ;

- débouter Z... ou toutes autres parties de l'intégralité de leurs demandes dirigées contre la SCI MELERIC ;

- condamner les parties succombantes à payer à la SCI MELERIC la somme de 8.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens avec bénéfice de distraction.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 19 novembre 2018.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Z... ne maintient pas en appel son action en nullité de la vente et en revendication de la parcelle [...] acquise par la SCI MELERIC à usage de parking.

Par ailleurs l'empiétement sur cette parcelle des constructions édifiées par Y...

Z..., tel que décrit par l'expert judiciaire n'est contesté par aucune des parties.

La responsabilité de Z... dans la réalisation de l'empiétement étant acquise, et compte tenu des demandes respectives des parties, la cour ne reste saisie que du contentieux portant sur la détermination de la responsabilité de la SCI MELERIC, sur les recours en garantie formés par Z... contre son vendeur, contre l'architecte et son assureur et contre le géomètre expert ainsi que sur les conséquences de l'empiétement en terme de réparation des préjudices en résultant.

Il sera noté que le recours en garantie contre A... évoqué par la SCI MELERIC dans le corps de ses dernières conclusions du 6 juillet 2016 n'est pas repris au dispositif de ces écritures de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce point par application des dispositions de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile.

Sur la responsabilité de la SCI MELERIC

La SCI MELERIC fait grief au premier juge de l'avoir jugée partiellement responsable de l'empiétement en ce qu'elle aurait connu, dès le 22 septembre 2009, date d'un premier constat d'huissier, l'existence d'un surplomb sur sa parcelle des constructions en cours d'édification et en ce qu'elle attendra plus d'une année pour assigner Z... le 4 octobre 2010 aux fins d'expertise, la construction se poursuivant pendant ce délai sans demande de suspension des travaux.

Z... estime pour sa part que la passivité fautive de la SCI MELERIC qui a eu connaissance de l'empiétement dès le début des travaux et ne l'en a pas informé, est à l'origine de l'entier dommage dont elle ne peut donc lui demander réparation.

C'est cependant à juste raison que la SCI MELERIC fait valoir que le constat d'huissier dressé le 22 septembre 2009 ne révèle aucun empiétement sur la parcelle [...] , des constructions en cours de réalisation, l'huissier requis constatant seulement que l'accès au chantier est clôturé par des barrières, que la parcelle [...] n'est pas identifiable et que les boîtes à lettre de la parcelle sont dégradées.

Ce constat faisait suite aux désagréments causés aux locataires de la SCI privés de l'accès aux place de parking et aux boîtes à lettres du fait du chantier en cours, l'expertise faisant état des courriers de protestation de ces locataires à la SCI.

Par ailleurs, les clichés joints au constat montrent que seul le gros oeuvre du premier niveau de la construction était en cours de réalisation si bien que l'empiétement par surplomb des premier et deuxième étages qui allait être constaté par l'expert judiciaire, n'était pas visible à ce stade, pas plus que l'empiétement par passage de canalisation EU/EP, aucune tranchée n'étant visible au sol.

Dans le cas contraire, on voit d'ailleurs mal ce qui aurait empêché la SCI MELERIC de le faire constater par le même huissier.

Il doit aussi être observé que contrairement à ce que prétend Z..., l'expert n'a pas 'fait valoir que la SCI MELERIC avait une part de responsabilité dans ces empiétements au motif qu'elle s'est rendu compte de ceux-ci en cours de travaux et qu'elle ne l'en a pas informé, contribuant ainsi à la réalisation de son dommage', cette observation ayant pour auteur Z... lui même, comme le cite le jugement en page 10.

Aucune pièce ne vient donc attester que la SCI MELERIC a eu dès le début du chantier, conscience de l'empiétement qui n'est apparu qu'après édification des niveaux supérieurs de la construction.

Il ne peut ainsi lui être fait le reproche d'avoir tardé à agir sans demander la suspension des travaux et le jugement qui a retenu sa responsabilité partielle sera en conséquence infirmé.

Sur les recours en garantie formés par Z...

A l'égard du vendeur M. A...

Les débats d'appel ne permettent pas de remettre en cause l'exacte appréciation du premier juge qui, après avoir écarté à juste motifs la novation de l'acte sous seing privé du 8 novembre 2007, a constaté qu'en violation de ce compromis de vente prévoyant qu'une bande de terrain à usage de parking en façade de rue resterait propriété du vendeur, à déterminer d'un commun accord par les parties lors de la division cadastrale à réaliser par le géomètre, A... n'avait pas appelé l'acquéreur à la division cadastrale, manquant ainsi à ses engagements contractuels et à son devoir d'information sur la configuration de la chose vendue et créant une imprécision sur les parcelles acquises.

La responsabilité contractuelle du vendeur sera en conséquence confirmée.

A l'égard du géomètre-expert

C'est en vain que Z... recherche la garantie de la SCP LARTIGUE-RAYNAUD sur le fondement de la responsabilité délictuelle pour ne pas l'avoir convoqué aux opérations de division parcellaire et de bornage prévues au compromis de vente conclu avec A..., le géomètre étant dans l'ignorance de l'identité des acquéreurs des parcelles divisées, identité que seul le vendeur pouvait lui fournir aux fins de convocation.

Le jugement qui rejette la responsabilité du géomètre mérite donc également confirmation.

A l'égard de l'architecte et de son assureur

Il est acquis qu'en vertu de la mission complète de maîtrise d'oeuvre qui lui a été confiée par contrat du 29 février 2008, la société KLM E a déposé le 1er août 2008 un permis de construire pour la parcelle [...] , telle qu'elle apparaît à un plan de projet de division dressé en novembre 2007 alors que cette parcelle n'existait plus depuis le document d'arpentage dressé le 28 janvier 2008 et que l'acte authentique de vente dressé le 30 mai 2008 portait sur les nouvelles parcelles [...] [...] et [...].

Le terrain d'assiette du permis de construire ne correspondait donc pas aux parcelles acquises par Z... et l'expert a constaté que 'si le permis de construire avait été déposé correctement sur les bonnes parcelles [...] , [...] et [...], le projet de construction aurait été tout autre puisque l'implantation du bâtiment à

construire aurait dû être calculée en respectant le couloir de prospect, c'est-à-dire une marge d'isolement par rapport aux parcelles voisines [...], [...] et [...], ce qui n'est pas le cas actuellement.'

S'il est exact, comme le soutient l'architecte, que le maître d'ouvrage était contractuellement tenu de lui transmettre les documents dimensionnels topographiques précis relatifs aux bâtiments et au terrain existants, il est tout aussi vrai que le contrat se fonde sur le projet de division de novembre 2007 annexé à la convention et qui précise que les superficies et cotes ne seront définitives qu'après bornage.

Or, l'architecte ne prétend ni ne justifie avoir vérifié ces superficies et cotes avant le dépôt du permis de construire ce qui constitue un manquement à ses obligations professionnelles ayant concouru nécessairement à la réalisation du dommage puisque des vérifications élémentaires de ces éléments et la simple consultation de l'acte notarié de vente auraient permis d'identifier les parcelles objet du projet de construction et d'éviter l'empiètement.

En tout état de cause, l'erreur d'implantation d'un ouvrage entraînant sa démolition en tout ou partie constitue un désordre au sens de l'article 1792 du code civil engageant la responsabilité de plein droit de l'architecte à l'égard du maître d'ouvrage, même sans faute, de sorte que la société KLM E et son assureur doivent garantir intégralement Z... des condamnations prononcées contre lui au titre des préjudices de nature décennale résultant de l'erreur d'implantation ayant causé l'empiétement litigieux.

Cette circonstance ne remet pas en cause la créance de l'architecte au titre du solde de ses honoraires, les prestations prévues au contrat n'étant pas contestées par ailleurs en dehors de l'erreur d'implantation sanctionnée par la mise en jeu de la garantie décennale. Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu'il condamne le maître d'ouvrage au paiement de la somme due.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de retenir, par infirmation du jugement, la garantie in solidum par A... d'une part et de l'architecte avec son assureur d'autre part de toutes les condamnations prononcées à l'encontre de Z..., dans la proportion d'un tiers pour A... et des deux tiers pour la société KLM E et la MAF.

Sur les réparations

La SCI MELERIC demande dans le corps de ses dernières conclusions d'une part la confirmation du jugement en ce qu'il condamne Z... à supprimer l'empiétement par démolition des parties concernées du bâtiment et à rétablir la conformité avec l'article 678 du code civil et d'autre part l'octroi de diverses sommes en réparation de ses préjudices pour un total de 33.960,09 €.

Toutefois, dans le dispositif de ses conclusions qui seul lie la cour, elle ne demande que l'infirmation du jugement en ce qu'il a minoré l'indemnisation devant lui être allouée en réparation de ses préjudices, sans chiffrer ses demandes.

Z... demande quant à lui la prise en charge totale ou partielle des coûts de démolition et des préjudices en résultant par la SCI MELERIC en raison de sa faute et avant dire droit, une expertise pour déterminer les travaux nécessaires à la déconstruction partielle de la seule partie de l'ouvrage empiétant sur la propriété de celle-ci.

Cette prise en charge par la SCI MELERIC doit être rejetée, la cour écartant sa responsabilité dans la survenance de l'empiétement.

La suppression de l'empiétement par démolition des parties de la construction concernée s'impose par ailleurs comme seule solution de nature à permettre la reconstitution de la parcelle et à mettre le bâtiment en conformité avec les dispositions de l'article 678 du code civil s'agissant du rétablissement des vues sur le fond de la SCI MELERIC.

Pour ce qui concerne la détermination des travaux nécessaires, cette question ne concerne que Z... qui n'est donc pas fondé à solliciter une expertise sur ce point.

S'agissant des préjudices complémentaires, le premier juge a fixé l'indemnisation des préjudices subis à la somme de 1191€ par d'exacts motifs que la cour fait siens, étant précisé qu'en l'absence de demande chiffrée au dispositif des conclusions de la SCI MELERIC, la cour ne peut aller au delà de cette somme, bien que celle ci ait été fixée après application du partage de responsabilité opposé à Z... et que la cour infirme.

Sur les demandes annexes

Il est équitable de mettre à la charge de Z... les indemnités fixées au dispositif au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, sous les conditions de garantie énoncées plus haut.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a dit que la SCI MELERIC est responsable de l'empiétement à hauteur d'un quart et qu'elle devra supporter à hauteur d'un quart les conséquences de cet empiétement,

Statuant à nouveau sur ce point;

Rejette toute responsabilité de la SCI MELERIC au titre de l'empiétement;

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a dit que la SELARL KLM E ARCHITECTES a commis une faute engageant sa responsabilité contractuelle envers Z...,

Statuant à nouveau sur ce point ;

Dit que la SELARL KLM E ARCHITECTES a engagé sa responsabilité décennale au titre des désordres résultant de l'erreur d'implantation de la construction ;

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a :

- condamné in solidum A... d'une part et la SELARL KLM E ARCHITECTES et la MAF d'autre part, à relever indemne Z... des condamnations prononcées à son encontre, en ce compris le coût de la démolition des parties du bâtiment concernées, à hauteur d'un tiers chacun, un tiers restant à la charge de Z..., ainsi qu'au coût des travaux destinés à faire cesser l'empiétement,

- condamné in solidum A..., la SELARL KLM E ARCHITECTES et la I... à relever indemne Z... des condamnations prononcées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, dans les proportions ci-dessus précisées,

Statuant à nouveau sur ce point;

Condamne in solidum A... d'une part et la SELARL KLM E ARCHITECTES et la MAF d'autre part, à relever indemne Z... des condamnations prononcées à son encontre, en ce compris le coût de la démolition des parties du bâtiment concernées et des condamnations prononcées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à hauteur d'un tiers pour A... et de deux tiers pour la SELARL KLM E ARCHITECTES et la MAF ,

Confirme le jugement pour le surplus et y ajoutant:

Rejette la demande d'expertise et les demandes plus amples des parties;

Dit que la condamnation aux dépens de première instance comprenant les frais d'expertise sera garantie au profit de Z... dans les conditions ci dessus précisées;

Condamne Z..., sous les mêmes garanties à payer à la SCI MELERIC une somme de 4.000 € et à la SCP RAYNAUD celle de 2.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum Z..., A... et de la SELARL KLM E ARCHITECTES, sous les mêmes conditions de garantie au profit de Z..., aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La présente décision a été signée par monsieur Roland X..., président, et madame Nathalie Belingheri, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 16/01658
Date de la décision : 17/01/2019

Références :

Cour d'appel de Bordeaux 1B, arrêt n°16/01658 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-01-17;16.01658 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award